C’est déjà la fin de saison et l’arrêt successif de toutes les compétitions nationales et internationales. Traditionnellement, c’est aussi le début des compétitions officielles de la CONIFA, que nous avons déjà largement eu l’occasion de vous faire découvrir sur ce site.

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La CONIFA, organisation créée en 2013, promeut en effet l’idée que le football peut se jouer via des clubs, des sélections nationales, mais également des équipes à l’identité plus large, représentant des peuples, des territoires, des nations ne bénéficiant pas de reconnaissance officielle, en tout cas dans le domaine du football. Après trois Coupes du Monde en Laponie (2014), en Abkhazie (2016) et récemment à Londres mais organisée par le Barawa (2018), et deux championnats d’Europe en Hongrie (2015) et à Chypre Nord (2017), voici qu’une nouvelle compétition débarque en Artsakh (ou Haut-Karabagh) pour animer vos premières soirées d’été.

Un événement à ne pas rater et que nous aurons d’ailleurs l’occasion de vous faire vivre dans les grandes largeurs car un de nos rédacteurs, à savoir Damien, sera présent sur place tout au long de la compétition. Fidèles à notre esprit de vous proposer une information de qualité au long cours, la couverture de cet événement ne se fera pas jour après jour, mais Damien nous partagera interviews, portraits et expérience au stade dès son retour en France.

L’organisation

Présentons déjà la sélection organisatrice de cette compétition. Après l’Abkhazie, c’est une autre sélection du Caucase qui organise une compétiton de la CONIFA : l’Artsakh, plus connu sous le nom de Haut-Karabagh du côté de nos latitudes. Le Haut-Karabagh ,vous avez justement dû en entendre parler en toile de fond de l’affaire Mkhitaryan, le joueur arménien ayant préféré ne pas se rendre à Bakou pour y jouer la finale de la Ligue Europa. C’est que le Haut-Karabagh est une région au statut aujourd’hui gelé.

Région de plaine montagneuse dont l’altitude moyenne est située à plus de 1 000 mètres, l’Artsakh est situé aux confins sud du Caucase, entre Arménie, Azerbaïdjan et Iran. Alors que le nom actuel (Artsakh) fait référence à une province antique du royaume d’Arménie, le terme Haut-Karabagh signifie d’ailleurs « jardin noir », en référence aux terres cultivables de cette région de plaine montagneuse. Faisant partie historiquement des différents royaumes d’Arménie, l’Artsakh est progressivement conquis par les Perses d’Iran, puis par l’Empire russe au début du XIXe siècle.

Cette statue monumentale nommée « Nous sommes nos montagnes » a été érigée en 1967, à 1km de Stepanakert, la capitale. Devenue le symbole de la République d’Artsakh, elle représente l’enracinement de ce peuple dans sa terre et ses montagnes.

Après la création de l’Union soviétique, elle est finalement rattachée à la République d’Azerbaïdjan. Lors de la dislocation de l’URSS, la République d’Artsakh, peuplée dans sa grande majorité d’Arméniens, déclare son autonomie en 1988, avant de rallier la toute nouvelle République d’Arménie. Cet état de fait et la guerre qui s’en suivra entre 1990 et 1994 entre Arménie et Azerbaïdjan donnera lieu à l’un des pires conflits qu’aura connu la fin de l’Union soviétique, à des catastrophes humanitaires et des massacres. A l’heure actuelle, l’Artsakh est contrôlé par l’Arménie mais a déclaré son indépendance. Une indépendance reconnue seulement par trois nations étant dans la même situation : l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud et la Transnistrie.

Fondée officiellement en 2012, la Fédération de football en Artsakh est rarement apparue dans des compétitions de la CONIFA. Cependant, l’Artsakh dispose de son propre championnat local depuis 2009. L’organisation d’un événement tel qu’un championnat d’Europe sera un coup de projecteur bienvenu pour une région qui n’est pratiquement jamais mise en valeur si ce n’est pour parler du conflit avec l’Azerbaïdjan.

La présence de sélections arméniennes peut d’ailleurs devenir un sujet de tensions au sein même de la CONIFA. On se rappelle ainsi qu’en 2017, l’Arménie Occidentale n’avait pas eu le droit de participer au championnat d’Europe à Chypre Nord. Peu après, la sélection de Nakhichetvan, une portion de territoire azéri enclavée entre l’Arménie et l’Iran, a annoncé se retirer de la Conifa en protestation à la présence d’une sélection d’Artsakh et d’une autre représentant l’Arménie Occidentale.

La compétition

Initialement prévue pour douze équipes, la compétition a subi quelques modifications au niveau de son format. Les organisateurs ont dû revoir leurs ambitions à la baisse et rester sur un format à huit équipes, soit le même nombre que lors du championnat organisé à Chypre Nord. Placées dans deux groupes de quatre, les différentes sélections s’affronteront chacune tour à tour. Ici, seules les deux premières places de chaque groupe seront qualificatives pour les demi-finales. Les troisièmes e quatrièmes se disputeront entre eux les places d’honneur.

La compétition s’ouvrira le 1er juin avec une cérémonie d’ouverture dans le stade fraîchement rénové de Stepanakert. Le lendemain, le match d’ouverture entre les voisins d’Abkhazie et de Chameria lancera la compétition, qui se finira le 9 juin lors de la finale, toujours à Stepanakert, la capitale.

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Tous les matchs se dérouleront dans trois villes : Stepanakert, Martakert et Martuni donc, toutes ces villes ayant bénéficié de travaux de reconstruction de leurs stades assez conséquents de la part du ministère des Sports d’Artsakh. Des conditions idéales, on l’espère, pour assister à un engouement populaire tel qu’on l’a connu à Londres l’an dernier ou en Abkhazie il y a trois ans.

Les équipes

Groupe A

Artsakh

Les organisateurs de la compétition souhaiteront imiter leurs voisins caucasiens d’Abkhazie en remportant leur première grande compétition sur leur sol. Dans un groupe à leur portée, ils devraient sortir des poules et pourquoi pas affronter leurs camarades de l’Arménie Occidentale en demi-finales.

Laponie

La Laponie bénéficie d’un supporter de poids, en l’occurence l’ancien arbitre norvégien Per Anders Blind, le président de la Conifa. Mais à part cela, le niveau de cette équipe de Laponie, représentant les peuples autochtones du nord de la Scandinavie, d’où est originaire Blind, n’a plus participé à une compétition de la CONIFA depuis la Coupe du Monde en Abkhazie en 2016. Difficile de jauger aujourd’hui ses forces.

Abkhazie

Au sein de la CONIFA, l’Abkhazie fait partie de ces équipes présentées comme favorites à chaque compétition. Représentant cette région sécessionniste de la Géorgie sur le bord de la mer Caspienne, l’Abkhazie peut compter sur l’appui de joueurs locaux de très bonnes qualités, renforcés par l’apport de joueurs d’expérience des ligues inférieures russes. Un des principaux favoris donc, même si les Abkhazes ont déçu en Coupe du Monde l’an dernier, en ne franchissant pas l’obstacle des poules (en étant devancés par les deux finalistes).

Chameria

La Chameria (ou Camëria) est une région située au entre le sud de l’Albanie et le Nord-Ouest de la Grèce, au bord de la mer Ionienne, constituée d’une ancienne population d’ethnie albanaise appelée Chams, chassés de Grèce après la Seconde Guerre mondiale. Bien que la Chameria soit un des membres les plus récents de la Conifa en ayant été intégré en 2018, la sélection cham prend cette compétition très au sérieux et a organisé de nombreux matchs de préparation face à des clubs professionnels kosovars.

Groupe B

Padanie

La Padanie, soit une région située dans le nord de l’Italie, autour de la plaine du Pô, est probablement une des régions les plus riches parmi les membres de la Conifa. Sa sélection est, comme chaque année, composée de joueurs rompus aux exercices de la Serie C et D, et comptera même une petite star en la personne d’Enock Balotelli, frère de l’attaquant de Marseille. Toujours placée dans le dernier carré des tournois de la CONIFA et championne d’Europe en titre, la Padanie est assurément l’épouvantail de la compétition.

Pays Sicule

Minorité hongroise de Roumanie, principalement basée autour de la ville de Târgu Mureș dont Laszló Bölöni est l’un des principaux représentants, le Pays Sicule est une des composantes des sélections de minorités hongroises à travers la Conifa. Constituée d’une grande majorité de joueurs de l’AFK Csíkszereda en Liga III roumaine et quelques joueurs des divisions inférieures hongroises, la sélection sicule avait atteint les demi-finales de la Coupe du Monde l’an dernier.

Arménie Occidentale

Une deuxième sélection sera certainement soutenue par le peuple d’Artsakh lors de cette compétition et ce sera bien évidemment l’Arménie Occidentale. Rappelant la présence historique d’Arméniens à l’est de la Turquie, l’Arménie Occidentale accueille dans ses rangs une grande partie de joueurs issus de la diaspora arménienne en France et en Belgique notamment.

Ossétie du Sud

Comme l’Abhkazie, l’Ossétie du sud est une province ayant fait sécession de la Géorgie suite à l’effondrement du bloc soviétique mais sans reconnaissance internationale depuis. Mais contrairement à l’Abkhazie, les Ossètes comptent généralement sur des équipes locales de moins bon niveau et ont rarement fait de grandes performances lors des compétitions de la CONIFA.

Nos pronostics

Le vainqueur : Pays Sicule

La finale : Pays Sicule vs. Artsakh

La surprise : Chameria (demi-finaliste)

La lanterne rouge : Ossétie du Sud

Antoine Gautier

1 Comment

  1. Sylvestre 31 mai 2019 at 20 h 02 min

    Super intéressant ! Une forme de militantisme en faveur du monde d’en-bas ! Bravo !

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