La Coupe du Monde c’est pour bientôt…et ça a déjà commencé ! Vous commencez à en entendre parler sur toutes les télévisions, dans tous les postes de radio, peut-être même que votre boulanger a déjà ressorti les fanions aux couleurs des différentes équipes. Mais si le plus grand événement sportif mondial occupera un mois de l’année, se payant le luxe de concurrencer pour quelques semaines le Tour de France en terme d’engouement, une autre compétition se déroule quelques jours avant le coup d’envoi du match d’ouverture Russie – Arabie Saoudite à Moscou. Toute la semaine nous vous faisons ainsi vivre cette compétition par une série d’articles, portraits et interviews.

Il s’agit bien entendu de la Coupe du Monde de la Conifa.

Aujourd’hui, direction le Nord de l’Italie et la question padane à travers le cas Marius Stankevičius. De sa Lituanie natale, le défenseur de 36 ans, aujourd’hui joueur de Crema, a connu une belle carrière dans le football européen. Un football avec lequel une belle histoire a su se créer entre lui et cette Italie d’accueil, l’envoyant entre Brescia, Gênes et Rome. Au point que, depuis quelques semaines, voilà que Marius Stankevičius a décidé de déposer son maillot de la sélection lituanienne au placard pour revêtir celui de la sélection de Padanie le temps d’une Coupe du Monde.


Lire aussi : #5 Coupe du Monde de la Conifa – La riche histoire du Dinamo Sokhumi, ou comment jouer au football dans un pays qui n’existe plus


7 juin 2018. Les quelques centaines de spectateurs qui ont bravé les kilomètres pour rejoindre le War Memorial Sports Ground de Carshalton, un quartier résidentiel plutôt huppé du Sud-Ouest de Londres, sont acquis à la cause de Chypre Nord. Disons le, la communauté turco-chypriote est bien plus engagée par la cause de la reconnaissance de son statut d’État souverain. De quoi mobiliser et voir fleurir nombre de drapeaux aux quatre coins de la tribune, ainsi que des instruments et chants traditionnels distrayants les curieux.

Loin de cette émulation, les Padans, eux, restent loin de toute agitation. Loin de nous, seuls, dans le cliché du clan italien en point de repère.  Les échanges se font de loin, quelques mots lors d’une pause clopes ou quelques regards interposés au moment où la communauté nord-chypriote déroule quelques câbles et bricole une installation de fortune afin de retransmettre et commenter le match du jour sur une Web TV communautaire. Pour cause, ce 7 juin, Chypre du Nord et la Padanie se rencontrent pour une place en finale de la Coupe du Monde de la Conifa. Tant d’efforts qui ne se font pas ressentir sur le terrain.

La Padanie rend les coups, simplement, froidement, avant de s’effondrer et être défait trois buts à deux. Les Padans ne s’attardent pas su le pelouse et regagnent immédiatement le vestiaire. Parmi eux, Marius Stankevičius sort du lot. Tête blonde, le Lituanien à la carrière longue comme le bras est impassible sur et en dehors du terrain, se contentant de bloquer l’adversaire et de relancer à base de passes courtes. Simple, froid et expérimenté, tel l’ancien international lituanien et joueur européen qu’il fut.

Marius Stankevičius, entre Lituanie et Italie

Il est surement le joueur le plus connu de cette Coupe du Monde de la Conifa. Marius Stankevičius, Lituanien sur ses papelards, connaît le football européen et italien comme sa poche. Pour cause, le natif de Kaunas a joué pour certains des plus beaux clubs du pays, entre Brescia, la Sampdoria ou encore la Lazio. Le tout ponctué par quelques piges, ci-et-là, dans le reste de l’Europe, entre Espagne, Turquie et Allemagne. Si le CV est beau, il reste néanmoins surprenant, aux premiers regards, de voir le défenseur lituanien vêtir, le temps de quelques journées londoniennes, la tunique de la sélection padane. « Notre capitaine, Stefano Tignosini était à Brescia au moment de l’arrivée de Marius. Depuis, ils sont de bons amis et nous cherchions un défenseur, il lui a tout simplement téléphoné et, en cinq minutes, Marius a accepté la proposition. » nous explique Marco Gotta, Team Manager de la Fédération de Padanie. 

Il faut dire que Stankevičius est un renfort de poids pour une telle sélection. Défenseur central, le bonhomme a écumé les clubs et les postes, se trouvant toujours une petite place dans le onze titulaire, là où il le fallait, quand il le fallait. Un homme simple, discret, guerrier, solide sur lequel toute équipe peut compter. « C’est un joueur fort physiquement, avec une bonne frappe de balle, rapide malgré sa taille. » expliquait Monchi au moment de la signature du Lituanien au FC Seville. Mais si le soleil de l’Espagne est sympa pour quelques mois, c’est bien en Italie que l’homme fonde sa vie de famille. 

© CONIFA

« Je suis honoré par tout ce que l’Italie m’a donné. Elle a changé ma vie, elle m’a fait grandir en tant qu’homme. Je me sens faire partie de cette nation puisque j’ai vécu la période la plus importante de ma vie ici. Évidemment, je suis très attaché et j’ai un profond respect pour mon pays, la Lituanie. » disait Marius en 2017, pour Zona Calcio, lors de sa signature dans le petit club de l’A.C. Crema 1908. Et c’est bien là le plus important pour Marius Stankevičius : jouer au football ; et en Italie, si possible. Malgré l’âge, l’homme souhaite encore offrir ses passes millimétrés et son expérience sur les terrains. Une position validée par les membres de la fédération de Padanie. « Notre entraîneur, Arturo Merlo, était ravi. Il cherchait un joueur capable d’évoluer à différents postes et de faire la différence. Marius est défenseur et ailier, ses compétences et son expérience vont augmenter le niveau global de l’équipe. Tout en gardant à l’esprit que la Padanie est composée d’excellents joueurs. » ajoute Marco Gotta. « Marius est très motivé et sait que tout le monde va le regarder, mais nous savons tous qu’il va être parfait sur le terrain. » 

Néanmoins, la présence d’un Lituanien au sein de la Padanie reste une curiosité pour beaucoup. Maco Gotta précise que « la Conifa n’a pas de règle à ce sujet. Donc nous avons suivi les règles de la FIFA qui rendent un joueur éligible pour une autre nation cinq ans après qu’il y soit arrivé. Marius vit en Italie depuis plus de quinze ans et, même quand il jouait à l’étranger, il a gardé un domicile ici, en Italie. Il se sent tout autant Padan que d’autres joueurs au sein de notre noyau. Nous avons également d’autres joueurs qui sont nés ailleurs, comme Ersid Pllumbaj (Albanie, NDLR). »

Coupe du Monde de la Conifa oblige, les rencontres entre les joueurs sont rares et la préparation reste minime. L’exemple de Marius est symbolique de cet autre football, celui où, un Lituanien amoureux de l’Italie rejoint pour la première fois sa nouvelle sélection un 25 mai, à Acqui Terme, quelques jours avant de partir pour Londres et la grande compétition. Si, sur le papier, ce n’est pas franchement le meilleur moyen de préparer une Coupe du Monde, cela n’est pas un problème pour Marco Gotta. « La colonne vertébrale de notre équipe est la même que celle qui a joué le championnat d’Europe en Chypre du Nord, l’année dernière, donc ils n’ont pas besoin de beaucoup de temps pour se réunir. Nous sommes prêts à viser haut. La dernière fois, en Abkhazie, nous n’avons pas eu assez de temps pour planifier l’ensemble de la compétition et nous avons échoué.  » Loupé pour eux avec cette défaite face à la Chypre du Nord. Le match d’une vie chez certains, un de plus chez d’autres, comme Marius, qui, s’il n’a pas jamais connu la grande gloire et une pluie de trophées – à l’exception de quelques coupes nationales – reste un joueur marquant de l’ère récente du football lituanien. Un football lituanien entre détresses et dépressions footballistiques, plaisirs éphémères et quelques sursauts d’orgueils. Une belle idée de ce que représente cette Coupe du Monde de la Conifa.

Quand la Padanie se veut grande

Suivre cette Coupe du Monde sur place est une véritable fête. Outre le football en lui-même, c’est surtout les moments de partages et de communion que l’on retiendra pendant longtemps. De ces belles rencontres faites le soir venu, entre deux arrêts de bus et une pause clope, le tout ponctué par un, deux, trois, quatre ou cinq verres de whisky échangés entre Arméniens, Abhkaziens, Cascadiens et quelques autres figures de la Conifa. Tout cela sans retrouver nos chers Padans. Si l’on ne connait pas les pratiques culturelles de cette région, il n’en demeure pas moins que, de ce que l’on peut voir, la Padanie est peut-être la sélection où les échanges sont les plus délicats, froids et impersonnels. Tout cela s’explique peut-être, finalement, par la « professionnalisation » de cette fédération, loin du charme désuet d’un football populaire. « Cette fois, nous avons commencé à travailler dès la fin de l’hiver, il y a deux mois, et nous avons ajouté de nouvelles personnes pour encadrer la sélection sur le terrain, mais également en dehors, nous explique Marco Gotta. Nous avons créé une structure entière avec un directeur des installations, Nicola Donadio, et un directeur des médias et commercial, Marco Marramao, qui nous aident beaucoup dans notre processus de réussite. Londres est un endroit motivant pour jouer au football et il serait bon de gagner cette Coupe du Monde là où le football a été créé. Chaque équipe devient plus forte année après année, ce sera une bataille, car tout le monde veut être celui qui a vaincu la Padanie. » Une Padanie confiante, assurée de ses forces et de ses richesses. Un discours venantfaire le lien avec ce qu’a longtemps été cette zone géographique dans les discours portés par les soutiens et politiques locaux.

© CONIFA

Pour cause, qui dit Conifa dit également questions politiques sous-jacentes, qu’on le veuille ou non. La sélection padane, elle, est une sélection riche, disposant de beaux sponsors, et peut se targuer d’avoir des joueurs évoluant dans de beaux clubs à l’échelle de laConifa. De belles perspectives longtemps portées par la Ligue du Nord et ses velléités sécessionnistes liées, notamment, à une économie régionale bien plus forte que dans le reste du pays.

La sélection padane ne souhaite pourtant pas porter officiellement ces idées régionalistes. « Nous ne voulons ni de l’indépendance, ni être reconnu par la FIFA. Il y a une équipe nationale italienne et c’est suffisant. Nous voulons juste donner une possibilité pour les joueurs amateurs de les faire jouer dans un contexte international en testant leurs compétences à un niveau supérieur. Nous ne voulons rien de plus. » valide Marco Gotta. Un discours que l’on retrouve finalement chez les joueurs eux-mêmes, en particulier avec cette participation de Marius Stankevičius. Lui, l’étranger, fier de porter ce maillot de la Padanie devenu aujourd’hui le sien. 

Pierre Vuillemot / Tous propos de Marco Gotta reccuillis par Viktor Lukovic pour Footballski

Contacté par nos soins, notre demande d’interview de Marius Stankevičius n’a pas donné suite


Image à la une : © CONIFA

Leave A Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.