La série qui vous fait découvrir toutes les villes hôtes de la Coupe du Monde 2018 en Russie reprend, et place cette fois au cinquième épisode avec Samara en bordure de la majestueuse Volga.


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Les villes hôtes sont au nombre de onze, et j’ai eu la chance de visiter huit d’entre elles. Le hasard fait bien les choses ! Pour ce cinquième épisode – qui s’est fait trop longtemps attendre, comme le précédent – voici les rives de la Volga pour découvrir Samara, ancienne Kuybishev.

Un peu d’histoire

Ville fondée en 1586, Samara a profité de sa position stratégique au carrefour des civilisations slaves et turques pour se développer rapidement. Port important sur la Volga, la ville jouait déjà un rôle important au XIXe siècle et sa population a très rapidement grandi pour une ville relativement orientale dans le monde russe de l’époque. En effet, le contrôle de Samara permettait de surveiller la route entre Kazan et Astrakhan et de renforcer la position russe dans ses guerres incessantes avec les peuples turcs de la région.

Sa position a ensuite été largement utilisée au vingtième siècle, tout d’abord comme centre de résistance à la révolution bolchévique car Samara a longtemps résisté après avoir été prise une première fois, mais ensuite et surtout durant la seconde guerre mondiale. La ville, alors fraîchement renommée en Kuybishev (en hommage au révolutionnaire soviétique Valerian Kuybishev), a servi de capitale de substitution à l’Union Soviétique au cas où Moscou tomberait sous le contrôle des Allemands. Une partie importante des industries d’armement y a d’ailleurs été déplacée à l’époque, faisant de Samara l’une des villes les plus peuplées d’URSS – d’ailleurs, elle est toujours aujourd’hui la sixième ville de Russie en termes de population.

Ici vécut l’écrivain Gorki | © Adrien Laëthier

Néanmoins, comme beaucoup de villes industrielles russes, elle s’est légèrement dépeuplée car Samara, qui a récupéré son nom en 1991, a raté le virage de la Perestroïka et nombre de ses usines ont fermé. Sa proximité toute relative avec Moscou (mais également avec Kazan) a facilité l’exode de sa population en quête de travail, et elle ne doit sa quasi-stabilité démographique qu’à l’arrivée massive de population en provenance de la voisine Togliatti (située à moins de 100 km) sinistrée par la chute des usines AvtoVAZ (Lada).

Aujourd’hui, Samara a conservé une allure soviétique plus importante que d’autres grandes villes russes mais a finalement amorcé son virage vers le vingt-et-unième siècle en modernisant certaines constructions et usines (notamment dans les produits dérivés du pétrole) ; néanmoins Samara reste une des villes de Russie où l’on dénombre le plus de constructions gelées et où les routes sont les plus mauvaises. Gageons que l’organisation de la Coupe du Monde aura le mérite d’améliorer ces différents points extrêmement dérangeants.

La culture

On ne peut pas dire que Samara se démarque par ses possibilités culturelles comme tout grand centre industriel soviétique puis russe, néanmoins l’importance de la ville au point de vue fédéral fait que la ville possède tous les types de théâtres et un nombre important de musées « classiques » pour une ville de plus d’un million d’habitants. Ainsi, la ville abrite son propre opéra ainsi qu’une salle philharmonique importante. Le théâtre dramatique « Gorki » est également un des plus grands du pays et reçoit des représentations de très bonne qualité.

Du côté des musées, le musée régional est un des plus anciens de Russie alors que le musée d’art abrite des toiles classiques russes renommées, notamment quelques-unes d’Ayvazovskiy. Cependant, les curieux préféreront s’aventurer dans le musée dédié à la famille de Lenine (celui-ci étant né à proximité de Samara), ou celui du Bunker de Staline. Frunze ou le poète soviétique Gorki ont également leur « maison-musée » dédié dans la ville.

L’entrée de la cathédrale du Sacré-Coeur | © Adrien Laëthier

Du côté des édifices religieux, on découvrira avec curiosité la présence de l’Église catholique du Sacré-Cœur en plein centre-ville, construite au début du siècle dans un style néogothique, alors que le plus esthétique des bâtiments orthodoxes reste celui de l’Intercession de la Mère de Dieu construit au dix-neuvième siècle et situé sur la rue de Lénine.

La fierté des locaux, elle, se trouve ailleurs. Elle réside dans la très longue plage sur la Volga, la plus longue plage d’Europe selon eux ou encore la place Kuybishev, impressionnante bien qu’assez peu esthétique, qui est elle aussi réputée pour être la plus grande du continent européen avec ses 174 000 m². Enfin, la rue piétonne Leningradskaya, sorte d’Arbat locale, vous permettra de voir des bâtiments pré-révolutionnaires et de déboucher sur le square dédié au chanteur Vladimir Vysotskiy.

La fameuse plage le long de la Volga | © Adrien Laëthier

Mes impressions

Ayant vécu à Chelyabinsk, j’ai toujours eu un faible pour les grandes villes n’ayant pas pris rapidement le virage de la modernisation. Ainsi Samara est restée très soviétique et son inorganisation totale m’a positivement marqué alors que la ville n’a honnêtement pas grand-chose à apporter à ses visiteurs, si ce n’est cette plage interminable et une Volga immensément large. Ce qui reste de cette ville, c’est tout de même une sensation de bordel (excusez-moi) permanent, entre bâtiments non-terminés et autres constructions anarchiquement construites, car la ville n’avait pas de plan d’urbanisme dans les années 1990. Le tout est à ajouter aux embouteillages permanents car la ville n’est principalement accessible que par une seule entrée, celle-ci se trouvant à l’opposée du centre-ville.

La ville étant construite tout en longueur et avec des avenues relativement étroites pour l’Union Soviétique, vous comprenez rapidement le temps que l’on peut perdre en transport, et ce malgré l’existence d’un métro qui ne facilite pas la vie des touristes car l’unique ligne a plutôt été conçue pour relier les foyers de population à leur travail plus que pour amener les curieux dans le centre historique.

En dehors de ces considérations, Samara demeure l’une des plus grandes villes de la « vraie Russie ». Peuplée à plus de 90% de Slaves, elle reste l’un des meilleurs moyens de part sa situation géographique relativement occidentale pour découvrir la vie moyenne des Russes dans une grande ville et de ce fait, elle peut avoir une grande importance culturelle si vous cherchez à vraiment découvrir le pays.

Qui a parlé d’un problème de plan d’urbanisation ? | © Adrien Laëthier

Le football

Le principal club de la ville, le Krylia Sovetov (Ailes soviétiques en VO) a été fondé en 1942 par l’aviation russe (d’où son nom), avec pour but de faire une équipe composée d’anciens joueurs moscovites ayant été déplacés à Samara à cause de la guerre qui battait son plein à l’époque. Néanmoins, ce club qui a joué son premier match dans l’élite soviétique dès 1946 a bien failli disparaître très rapidement. En effet, l’organisation « Krylia Sovetov », qui comptait également un club à Moscou présente dans l’élite soviétique, a décidé qu’il n’était pas viable de garder deux clubs et a organisé un match aller-retour entre ses deux équipes pour décider laquelle survivrait. C’est, comme vous vous en doutez, le club de Kuybishev qui a remporté cette confrontation en s’imposant 1-0 à l’aller avant que Petr Burmirstov inscrive son club dans l’histoire en égalisant à Moscou pour un score final de 1-1.

La suite de l’histoire du Krylia, c’est une présence quasi ininterrompue dans l’élite jusqu’en 1980 et quatre titres au deuxième échelon lors de leurs quelques descentes. Malgré cela, le club restera relativement anonyme avec rien de mieux qu’une quatrième place obtenue en 1951 alors que les différentes légendes du club tels Aryapov, Kupriyanov, Valiyev ou Kazakov n’ont quasiment jamais vu les couleurs de l’équipe nationale. Le point d’orgue reste sans doute les finale de coupe perdues 1-0, d’abord contre le Dinamo Moscou (le Krylya était alors devenu le Zenit Kuybishev pendant six mois) en 1953 et ensuite contre le Dynamo Kiev en 1964. La chute, elle, va s’amorcer en 1980 avec une première relégation au troisième échelon, où le club va passer le plus clair de la dernière décennie de l’histoire de l’Union Soviétique avant de connaître sa renaissance.

En effet, la Russie doit composer son championnat en 1992, le Krylya Sovetov fait partie des équipes retenues pour la première édition et elle obtiendra son maintien. Longtemps le seul club de province a n’avoir jamais été relégué, cette série s’est interrompue en 2014. Pendant ces deux décennies, le club a erré en milieu de classement, mais la saison 2004 reste la plus remarquable avec une troisième place finale assortie d’une finale de Coupe de nouveau perdue sur le score de 1-0, cette fois contre le Terek Grozny. Deux ans auparavant, Samara avait découvert l’Europe par le biais de la défunte Coupe Intertoto (éliminant Dinaburg avant de chuter contre Willem II au but à l’extérieur). Les vraies coupes d’Europe, le Krylia les a vu deux fois, tout d’abord en 2006 en Coupe UEFA, éliminant le BATE avant de chuter de nouveau contre un club néerlandais au but à l’extérieur, AZ Alkmaar, malgré une victoire 5-3 à l’aller. Ensuite en 2009, en se faisant éliminer de la Ligue Europa dès sont entrée en lice par les modestes Irlandais de St. Patrick United, une nouvelle fois au but à l’extérieur. Depuis cette déconvenue, le Krylya Sovetov ne s’est plus approché de la coupe d’Europe et évolue cette saison en FNL, après une deuxième relégation en quatre ans.

Le Krylya Sovetov à l’entraînement (2015) | © Adrien Laëthier

La ville de Samara a également brièvement connu un autre club, le Yunit, fondé en 2005 au niveau amateur et évoluant dans le stade Volga. L’équipe réussit alors à monter directement en D2 zone Oural-Povolzhe, mais sa dernière saison en 2008 sera catastrophique avec 30 défaites en 34 matchs et de grosses déconvenues financières qui vont pousser le club à disparaître définitivement.

Les autres sports

Au niveau des sports collectifs, Samara n’est pas présent dans les différentes élites russes et ne possède ainsi pas de club de hockey sur glace en KHL. Le club local, le CSK VVS Samara évolue en VHL. Seul le basket a, dans les années récentes, décemment représenté la ville avec la victoire en Eurochallenge du club de Krasnie Krylia, cependant l’équipe a été récemment reléguée de la ligue VTB et évolue désormais dans la Superligue russe qui est aujourd’hui le deuxième échelon national. C’est ainsi la section de beach-football du Krylia-Sovetov qui se démarque avec une victoire en coupe de Russie en 2010.

La ville a vu naître de nombreux sportifs de haut-niveau parmi lesquels Aleksander Anyukov, Artur Yusupov, les frères cyclistes Efimkin, l’ancien gardien de but NHL du Colorado Avalanche Semyon Varlamov et de nombreux autres sportifs parmi lesquels des gymnastes, nageurs, cyclistes ou encore maîtres d’échecs.

Alors, est-on prêt ?

Comme évoqué dans mes impressions, difficile à première vue de considérer Samara comme une ville prête mais la cité n’a pas pour prétention de se transformer, seulement d’offrir une bonne image aux touristes et supporters qui vont s’y rendre en nombre. Cependant, la ville accueillera six matchs dans la compétition, avec notamment un quart de finale et les infrastructures y sont donc primordiales.

Pour pallier le problème de bouchons, le nouveau stade est construit très loin du centre-ville, près des artères permettant d’accéder à la ville, tandis que le parc hôtelier est en plein renforcement. Ce dernier ne manquait pas tant de places mais surtout de qualité, avec encore assez peu d’hôtels aux standards internationaux et ce malgré l’augmentation des investissements étrangers lors de la dernière décennie. Du côté des auberges de jeunesse, la situation était plutôt mauvais lors de ma visite en 2015, mais gageons que, comme dans les autres villes hôtes de cette Coupe du Monde, de nombreux établissements vont ouvrir pour cette occasion.

Si les routes ne sont pas très bonnes, l’aéroport est quant à lui flambant neuf, à tel point qu’en 2015 il n’était pas encore fonctionnel et laissait l’impression d’être une maquette. Nul doute que cet outil sera utilisé à fond en 2018. Le fait qu’il se trouve très loin de la ville (à mi-chemin vers Togliatti) est compensé par la situation de la Cosmos Arena elle-même.

L’aéroport Kurumoch, flambant neuf | © Adrien Laëthier

La Cosmos Arena, elle, stade de 45 000 places, n’est pas encore prête car la construction a pris du retard, et ne sera pas inauguré avant 2018. Les retards sont notamment dus aux changement dans le projet initial. Située dans le nord de la ville, accessible via les différents moyen de transports, elle était initialement prévue sur une île au sud de la ville, jugée ensuite trop isolée des infrastructures existantes. Le club local, le Krylia, qui espère une remontée immédiate dans l’élite, l’occupera ensuite en délaissant son vieux stade Metallurg.

Ainsi, difficile de commenter l’aptitude de la ville à organiser l’évènement car, mis à part l’aéroport, rien ne laisse transparaître qu’un évènement planétaire sera organisé dans la ville dans moins d’un an. Cependant, s’agissant d’une des plus grandes villes du pays, on peut imaginer que même si tout se terminera au dernier moment, l’organisation à Samara sera une réussite. La ville et sa population accueillante, en tout cas, sont prêts à recevoir les visiteurs pendant cette période et ce malgré les interminables embouteillages.

J’espère vous avoir donné envie de visiter Samara et son charme très soviétique. On se retrouve dans quelques semaines pour découvrir une ville en plein développement : Kazan. 

Adrien Laëthier


Image à la une : © Adrien Laëthier / Footballski

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