La série qui vous fait découvrir toutes les villes hôtes de la Coupe du Monde 2018 en Russie reprend, et place cette fois au quatrième épisode avec Kaliningrad l’Européenne, ville la plus occidentale de la Russie moderne.


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Les villes hôtes sont au nombre de onze, et j’ai eu la chance de visiter huit d’entre elles. Le hasard fait bien les choses ! Cela nous laisse également la possibilité de visiter les trois dernières avant l’année prochaine. Pour ce quatrième épisode – qui s’est fait trop longtemps attendre, comme le précédent – voici la plus occidentale des villes choisies pour 2018 : Kaliningrad, ou l’ancienne Königsberg.

Cathédrale de Königsberg © Adrien Laëthier

Un peu d’histoire

Si l’histoire de Kaliningrad ne commence qu’en 1945 après son annexion par l’URSS et avec sa nouvelle appellation liée à l’homme politique soviétique Mikhaïl Kalinin, la ville possède une histoire riche tirée de son époque prussienne lorsqu’elle s’appelait Königsberg.

C’est d’ailleurs l’ordre des Chevaliers teutoniques qui va créer la ville après avoir rasé un village païen qu’il avait pu occuper sur demande des souverains de Pologne et de Bohême. Stratégiquement placée, la ville va devenir au fur et à mesure de son développement la capitale de l’Ordre Teutonique, elle va également rejoindre la ligue hanséatique alors qu’elle fait partie à la fin du moyen-âge d’une Prusse-Orientale unifiée.

A l’approche du dix-huitième siècle, la Prusse devient un Royaume sous Frédéric Premier et Königsberg est choisie comme capitale. Malgré quelques guerres, c’est à cet époque que la ville connaît son apogée, tant d’un point de vue militaire que culturel, Emmanuel Kant, le philosophe, en est notamment originaire (et il est toujours possible aujourd’hui d’y voir sa tombe). Sa position stratégique va tout de même lui valoir de nombreux sièges, mais elle va également servir de base de repli stratégique, notamment pour les armées prussiennes battues par Napoléon.

Königsberg © Archiv Corps Masovia

A la fin du dix-neuvième siècle, la ville, avec sa province, intègre l’Empire allemand au sein duquel elle va rester un peu plus de sept décennies avant que son histoire moderne ne débute. Elle est un objectif majeur tout au long de la guerre pour les armées soviétiques et fut complètement détruite pendant la guerre par ces dernières appuyées par des bombardements britanniques et américains. Capitulant le 9 avril 1945, la ville est occupée par l’URSS qui la reçoit comme réparation de guerre, la renomme Kaliningrad, y chasse la quasi-totalité de la population allemande pour y installer une population hétéroclite venue de toute l’Union, mais à forte majorité russe.

Aujourd’hui la ville est une des rares à avoir conservé son nom soviétique (les habitants rejetant le retour à un nom étranger historique) et est très majoritairement peuplée de Russes. Elle représente toujours un point stratégique important pour l’État russe, car cet exclave est aujourd’hui totalement enclavé dans l’Union européenne, entre Pologne et Lituanie.

La culture

Le plus important de la visite culturelle de la ville, pour moi, reste de se balader dans la ville à la recherche des restes de l’époque prussienne. La ville abrite de nombreuses portes, vestiges de l’ancienne fortification de la ville qui avait été détruite par les Allemands car devenue inutile. Les portes sont au nombre de sept dont celle dite de « Friedland ». En plus de ces murs de briques, l’histoire a laissé de nombreux vestiges comme certains bâtiments du centre-ville dont vous apprécierez le contraste avec l’architecture soviétique.

Quand on vous parle de contraste © Adrien Laëthier

De l’architecture prussienne, on trouvera également certaines églises. Il reste nombre d’églises catholiques et protestantes même si certaines ne sont plus en fonctionnement, après le passage de l’Union Soviétique. La cathédrale est typique du style gothique du nord de l’Europe et date du quatorzième siècle. Détruite, elle a été totalement restaurée récemment et comme je le disais, vous y trouverez la tombe de Kant à côté ainsi qu’un musée qui lui est consacré.

Au niveau des musées, en plus de celui dédié à Emmanuel Kant, le plus intéressant reste celui de l’ambre vu que la région abrite la plupart des ressources d’ambre de la planète. On peut d’ailleurs en trouver beaucoup en se promenant sur les plages de la Baltique, au milieu des chercheurs d’ambres qui ne vous laisseront bien-sûr pas les plus beaux morceaux. Enfin, la porte de Friedland accueille elle-aussi un musée, dédié à l’histoire.

Un temps typiquement balte sur les plages © Adrien Laëthier

Pour terminer avec la partie culturelle, comme toute ville de Russie, Kaliningrad abrite un théâtre ainsi qu’une salle de concert philharmonique, mais cela est à peu près tout car la ville n’est pas assez importante pour avoir son propre opéra par-exemple.

Mes impressions

L’impression laissée par Kaliningrad dépend grandement de ce qu’on y attend. Personnellement, j’y ai trouvé quelque chose de bien différent qu’attendu. Il faut prendre en compte que lorsque j’ai visité cette ville en mars 2012, ce n’était jamais que la cinquième ville importante russe que je visitais et ainsi, de par sa situation territoriale et son histoire, je m’attendais à voir une ville légèrement plus européenne que la réalité, mais surtout prête à recevoir des touristes.

La réalité est tout autre, même si cela a peut-être évolué en cinq années. Il ne faut pas oublier qu’avec ses 450 000 habitants, Kaliningrad est une ville très moyenne de Russie, voire même petite pour une capitale d’Oblast et la vie des gens ainsi que les divertissements qu’elle offre sont à hauteur de sa taille. Sa situation, à part pour quelques Allemands, n’en a jamais fait une ville très touristique comme on aurait pu l’espérer. Ainsi, j’ai trouvé une ville classique de province russe quand j’en attendais quelque chose de spécial.

Cela dit, et attention, cela ne veut rien dire de mauvais pour la ville. Si on aime visiter la Russie, on apprécie Kaliningrad et on sait également apprécier sa différence et son contraste entre la vieille ville de style baltique, ses immeubles délabrés de style soviétique et ses fortifications germaniques. La ville a beaucoup plus à offrir dans ses contrastes que dans son offre touristique. Enfin l’enclave permet de voit autant de vestiges de la guerre que d’autres choses rares telles ses plages où l’on peut ramasser l’ambre par poignées.

Vestiges de guerre près de l’un des fortins © Adrien Laëthier

Ainsi, si vous visitez Kaliningrad, il vaut mieux essayer de comprendre sa culture plutôt que de s’arrêter sur son accueil du visiteur plutôt froid et qui ne diffère en rien d’une ville située au milieu de la Russie. Peut-être cela a évolué, il serait bon pour moi d’y retourner pour vérifier cela et pour terminer ma découverte culturelle, car la ville a, chose sûre, beaucoup à dévoiler.

Le football

Durant son histoire pré-soviétique, la ville a connu deux clubs qui ont évolué dans les diverses divisions allemandes : le SVPS Königsberg ainsi que le VfB. C’est la deuxième cité qui a connu l’histoire la plus glorieuse, atteignant notamment dans les années 20 la demi-finale du championnat avant de tomber contre Hambourg. Il a ensuite longuement dominé la Gauliga de Prusse-Orientale dans les années 1940, avec cinq titres, sans toutefois parvenir à se rapprocher du titre national. Le club fut dissout, tout comme le SV Prussia-Samland à la fin de la guerre.

C’est seulement en 1954 que le football va renaître dans la ville, désormais appelée Kaliningrad, avec la création du club « Pischevik » qui conservera son nom pour quelques années avant de devenir définitivement le Baltika. Malgré de premières bonnes années qui voient le club gravir les échelons pour atteindre le troisième niveau soviétique, le club ne fait guère parler de lui en URSS et doit attendre les années 90 et les changements politiques pour se faire connaître.

Placé au troisième niveau russe en 1992, le Baltika va tout de suite monter au deuxième échelon (ancêtre de la FNL) sous le commandement d’un entraîneur renommé : Korney Shperling. Quatrième, troisième puis premier, c’est logiquement que l’équipe se retrouve à débuter en RPL début 1996 avec son attaquant vedette Sergey Bulatov. Une septième place à l’arrivée suivie d’une qualification en coupe Intertoto où le club va disputer les seuls matchs européens de son histoire en éliminant le Spartak Varna puis Trencin pour finalement tomber contre Vojvodina. S’ensuivirent une neuvième puis une quinzième place synonyme de relégation en championnat. La gloire du Baltika est passée…

L’équipe de Kaliningrad ne retrouve ainsi plus jamais l’élite et voit l’affluence de son stade baisser : de 17 000 pour son retour en FNL, elle passe déjà à 8 000 deux ans plus tard en 1999 avant d’atteindre 2 500 l’an passé en moyenne. Sur le terrain, le club souffre et n’est jamais très proche de la promotion. Pire encore, le Baltika retrouve deux fois la D2 groupe ouest, qu’il remporte en 2002 et en 2005. Les finances ne sont pas au beau fixe et en 2013 alors que le club se bat en haut du tableau, le gouverneur de la région déclare avoir demandé à l’équipe de ne pas finir plus haut que cinquième, car la région n’a pas les moyens d’entretenir le club en RPL.

Résultat, le club finit cinquième et puis dix-septième et relégué en 2016 après avoir été sauvé de justesse en 2015 sur le terrain. Cette fois, ce n’est pas sur le terrain que le Baltika est sauvé, mais grâce aux forfaits conjugué du Desna et du Volga. Cette saison, le club était bien longtemps dernier, mais tente tout pour se maintenir avec son nouvel entraîneur Cherevchenko et un recrutement cohérent cet hiver. Le Baltika est désormais avant-dernier de FNL, reste sur une bonne série, mais cela sera-t-il suffisant pour maintenir le club en FNL à un an de la coupe du Monde qui va voir l’érection d’un stade moderne dans la ville pour remplacer le vieux Baltika Stadion inauguré en 1892.

Les autres sports

Kaliningrad n’est pas la ville la plus diversifiée au niveau sportif en Russie, elle s’est principalement centrée sur le football et a même tenté de faire vivre plusieurs clubs en même temps à une certaine époque.

Néanmoins, l’équipe de rugby locale « Vest-Zvezda » a connu son heure de gloire dans les années 90 en remportant la coupe comme le championnat avant de laisser à la ville de Krasnoïarsk le soin de dominer ce sport encore confidentiel en Russie. Autre sport à avoir connu l’élite nationale, le volley-ball avec l’équipe du Dinamo-Yantar qui a fréquenté la Superligue pendant quatre saisons avec une sixième place en point d’orgue avant de connaître la relégation puis la disparition pure et simple en 2013.

Certains sportifs sont également nés dans la ville comme le tennisman Aleksander Volkov, qui a un temps fait partie du Top-15 mondial, ou encore quelques lutteurs et spécialistes d’autres sports de force.

Alors, est-on prêt ?

Bien entendu mes impressions datent d’il y a quelques années, mais je pense que la ville semble prête d’autant qu’elle ne va pas accueillir les plus gros matchs de la compétition. Son parc hôtelier a été augmenté récemment et elle contient plus d’auberges de jeunesse que les villes similaires en Russie. Néanmoins, l’offre de divertissement peut paraître un peu juste pour accueillir autant de fans même si selon les locaux, elle a bien évolué.

Les infrastructures comme les routes, ne sont pas non plus les meilleures de Russie, mais la ville est principalement joignable par train et par avion. Son aéroport qui était d’ailleurs très soviétique en 2012 était déjà en travaux à l’époque et aujourd’hui Khrabrovo est un petit aéroport de province moderne qui a la capacité d’accueil nécessaire pour la compétition. Un investissement utile, qui plus est, car de par son isolement, un aéroport digne de ce nom était nécessaire à Kaliningrad.

L’arena en construction © Igor Zarembo/Sputnik via AFP Photos

Le stade, lui, comme beaucoup d’autres en Russie, a rencontré des problèmes, que ce soit d’ordre juridique ou de construction. Récemment, certaines constructions de guerre ont été retrouvées lors de la creuse pour les fondations. Néanmoins, et malgré le retard, le stade devrait être livré à la fin de cette année. Prévu pour faire 45.000 places, il en fera finalement 35.000, ce qui est largement suffisant pour le club local qui ne le remplira pas. On est d’ailleurs à la recherche d’idées pour ensuite rentabiliser le stade après la compétition. Il va sans dire qu’une relégation du Baltika serait catastrophique de ce point de vue là.

On peut dire que la ville est prête, même si on ne peut pas la comparer à des villes comme Moscou et Saint-Pétersbourg. Néanmoins Kaliningrad a fait beaucoup d’efforts pour pouvoir organiser cette compétition, qui est une fierté pour ses habitants, car même malgré son histoire et sa situation, Kaliningrad n’attire que peu les lumières et est bien souvent oubliée des événements internationaux, voire oubliée des esprits.

Les anciennes fortifications de la ville © Adrien Laëthier

J’espère vous avoir donné envie de visiter Kaliningrad et sa région enclavée en Europe. On se retrouve dans quelques semaines pour découvrir une ville bien différente : Samara. 

Adrien Laëthier


Image à la une : © Adrien Laëthier / Footballski

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