En mai dernier, la présentation officielle de l’accord de coopération entre le Deportivo Alaves et le leader de la Druga liga (D2), le NK Rudes, avait de quoi surprendre. En effet, Rudes est le premier Club croate fonctionnant sur un partenariat stratégique avec un Club étranger. La poignée de main entre le président du NK Rudes, Ivan Knezevic, et le premier homme du groupe Baskonia-Alaves, Haritz Kerejeta, symbolise une nouveauté dans le football croate et à le mérite d’ouvrir une perspective de développement inédite.

« L’un de nos plus grands défis est l’internationalisation du Groupe. Cette coopération signée en novembre dernier entre Rudeš et Deportivo Alaves est une étape stratégique pour les deux équipes dans notre développement professionnel sportif. Rudeš est un club avec 60 ans d’histoire, avec lequel nous partageons des valeurs et nous voyons un grand potentiel de croissance. C’est  un grand plaisir de travailler avec Rudes et nous voulons que ce soit la première étape d’une série de succès. » [Communiqué du Deportivo Alaves]

Un accord gagnant/gagnant

L’histoire de ce projet, côté croate, a commencé avec les professeurs de la faculté de kinésiologie ayant travaillé avec le Club de basket-ball d’Alaves, le Baskonia. Les Espagnols ont alors réalisé qu’il pouvait être très rentable d’investir en Croatie afin d’obtenir des joueurs talentueux.

Cet accord de collaboration de nature sportive, financière, organisationnelle et administrative, valable pour les dix prochaines années et renouvelable à la fin de cette période, est clair. Il permet à Alaves de compter sur un partenaire stratégique dans les Balkans. En ligne de mire, les Basques visent l’arrivée dans leur club des talents de la région, via une sélection au NK Rudes qui formerait et polirait les talents bruts. L’accord prévoit d’ailleurs logiquement pour le Deportivo Alaves un droit préférentiel pour l’achat des joueurs du NK Rudes ainsi que la possibilité de faire signer des contrats directement avec les joueurs. Le finaliste de la dernière Copa del Rey et de la coupe UEFA 2000/01 a de grandes ambitions, passant donc par l’international et les Balkans. Pour l’anecdote, dans l’équipe de Liverpool de l’époque qui avait battu Alaves en finale de la coupe UEFA, figurait Igor Biscan, entraîneur de Rudes au moment de la signature du contrat et depuis parti monnayer ses compétences à L’Olimpija Ljubljana.

On ne connaît pas le détail du contrat au sujet de l’indemnisation du club croate pour la perte de ses pépites, mais nul doute que le NK Rudes profitera grandement de cet accord. Le Baskonia-Alaves, propriétaire du Deportivo Alaves, possède une vaste expérience dans la gestion sportive et partagera sa méthodologie avec son nouveau partenaire. Cette méthodologie en question comprend autant les ressources économiques (sur les questions de marketing, communication ou vente entre autres) que la performance sportive (travail sur la détection et le développement des jeunes joueurs talentueux des Balkans).

« Nous sommes ravis, c’est un jour historique pour le NK Rudes. La chose la plus importante dans tout cela est la garantie de la stabilité financière du club pour les dix prochaines années. Nous serons aidés pour l’organisation et la commercialisation. Ainsi, le but est d’attirer des sponsors afin d’avoir d’autres sources de revenus que ceux de la ville de Zagreb. Bien sûr, nous ne pouvons pas dévoiler l’aspect financier, mais il était important pour nous que les entraîneurs et le personnel puissent pouvoir travailler dans la stabilité, avec une rémunération régulière, » explique le président du NK Rudes.

Un matelas de sécurité pour Rudes

Évidemment, cela pose un plafond aux ambitions futures du club qui ne pourra pas être puissant en Europe ni même en Croatie si ses meilleurs joueurs partent. Mais cet accord n’est que du bénéfice pour Rudes. Rappelons que ce club évoluait en quatrième division jusqu’en 2003, en troisième jusqu’en 2009 et vient de monter en Prva liga pour la première fois de son histoire, l’année de ses 60 ans d’existence. Dans ce cas, il est compliqué d’avoir un modèle économique vertueux. Rudes n’est pas suffisamment ancré et populaire pour compter sur ses supporters (cf. Hajduk Split) ni pour attirer des sponsors ou des subventions considérables (cf. Dinamo Zagreb), ni pour attirer des investisseurs (cf. Rijeka, Osijek). Et ce ne sont pas les misérables droits TV de la Prva liga qui vont apporter le pain quotidien. En sachant que les infrastructures de ce petit club sont logiquement inadaptées pour la première division. Les matchs à domicile ne peuvent pas être joués sur le charmant, mais pas aux normes stade du NK Rudes. Exit l’atmosphère champêtre et familiale du stade doté de 1650 sièges, l’équipe est délocalisée à Kranjcevic, stade miteux accueillant les équipes de Zagreb et ses environs dans l’élite. Autant dire que sans cette aide providentielle d’Alaves, Rudes aurait été condamné au statut de souffre-douleur du championnat, un statut que connaissaient bien l’an dernier le RNK Split ou Cibalia. On pense aussi à Istra, dont les joueurs n’ont pas été payés depuis des mois, ne peuvent pas payer leur loyer et ont été aidés par le Dinamo Zagreb qui a levé des fonds pour leur donner à manger pour Noël…

>Et probablement, Rudes aurait subi le sort funeste d’autres équipes de Zagreb, passés par la Prva liga tels que Dubrava et bien d’autres… Son budget reste modeste, comparé aux ogres que sont le Dinamo, Rijeka, Hajduk et Osijek, mais sa structure financière est organisée et viable, laissant la place à une possible ascension progressive dans les échelons du football croate.


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Pour le moment, les résultats sportifs ne sont pas au rendez-vous. Alaves est relégable alors que Rudes est dernier, 5 points derrière Cibalia et Istra. Mais la deuxième partie de saison pourrait permettre au club croate de se sauver avec quelques recrues intéressantes et une stabilité que ne peuvent pas avoir Ciablia et Istra en raison de leurs déboires financiers. En attendant les beaux jours, le petit club de la partie ouest de Zagreb n’a pas changé pas ses habitudes et reste fidèle à sa tradition. La préparation d’avant saison s’est déroulée dans son petit stade. Pour les matchs préparatoires, le bus a emmené les joueurs et le staff dans la proche Slovénie, afin de pouvoir rentrer à la maison le soir. L’environnement quotidien n’a pas non plus grandement changé. Ce qui serait impensable pour de nombreux clubs professionnels est parfaitement normal pour le modeste NK Rudes. Son nouveau coach, Inaki Alonso, a pu s’en apercevoir en lisant le slogan du club « Totalno drukčiji od drugih » (différent des autres).

Les deux joueurs espagnols venant compléter l’effectif de Rudes, et tous les autres qui suivront ce chemin, auront tout le loisir de découvrir ce club qui veut grandir en restant fidèle à son identité, loin, très loin de celle du Dinamo Zagreb.

Damien F.


Image à la une : © Slavko Midzor/PIXSELL

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