Temps de lecture 8 minutesLe football dans les RSS : #50 La Lettonie – Depuis l’indépendance

À quelques mois de la Coupe du Monde, nous avons décidé de nous replonger dans l’histoire du football soviétique des différentes (quatorze, hors Russie) Républiques socialistes soviétiques d’Union Soviétique, avec quatorze semaines spéciales, toutes reprenant le même format. Cette semaine, nous parlons de la Lettonie. Épisode #50 : le football letton depuis l’indépendance, avec l’hégémonie du Skonto Riga en tête de gondole.

De 1991 à 2004, le Skonto Riga règne en maître incontesté sur le championnat letton. Il faut attendre 2005 pour que le titre quitte la capitale pour atterrir dans l’escarcelle du Liepaja Metalurgs. Depuis, Ventspils, Daugavpils, Liepaja et le nouveau venu le Spartaks Jurmala s’échangent les lauriers.

L’histoire du championnat de la Lettonie indépendante est malheureusement jalonnée de faillites, histoires de paris truqués, amateurisme… La position géographique et son adhésion à l’Union européenne font de la Lettonie une porte d’accès privilégiée pour nombre de nouveaux riches des pays de l’ancienne URSS, dont certains vont investir dans le football et participer à l’anarchie régnant au sein de la Virsliga.

L’indépendance

Une Ligue de la Baltique est organisée en 1990 avec une majorité de clubs lituaniens, un club estonien, un club russe et six clubs lettons : le RAF Jelgava, le Stroitel Daugavpils, le Torpedo Riga, le KKI Daugava Riga, le Pardaugava Riga et enfin le Metalurgs Liepaja. Notons que le grand club letton de l’époque, le Daugava Riga (voir l’article cdm) est absent de cette ligue indépendante.


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Le premier championnat letton est disputé en 1991 par vingt équipes (dont douze de Riga). Le Daugava Riga en faillite est remplacé par le Pardaugava Riga qui quitte le championnat de division 2 soviétique pour intégrer la compétition lettone. Grand favori, il ne finit que second derrière le Forums-Skonto Riga. Anciennement dénommé Daugava-LVFKI Riga puis « Forum », ensuite Forums Skonto, le club adopte définitivement, au terme de la saison, le nom de Skonto FC – ces changements de dénomination intervenant chaque fois en lien avec l’entreprise sponsorisant le club.

Organisé sur base d’une structure complexe, les vingt équipes sont ensuite scindées en deux groupes, l’un luttant pour le titre, l’autre pour la relégation. Skonto et Pardaugava sont suivis de l’Olimpija Liepaja, Celtnieks Daugavpils, VEF Riga, Gauja Valmiera, Varpa-Dilar Ilukste, Torpedo Riga, Starts Broceni, Strautmala. Des noms ne disant rien à l’amateur de football letton en 2018, signe de l’instabilité des clubs, la plupart ont aujourd’hui disparu…

La saison 1992 voit le nombre de participants réduit à douze et le Skonto terminer à égalité de points avec le RAF Jelgava. Un match de barrage est organisé et remporté par le Skonto (3-2).


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La période Skonto (1993-2004)

En 1993, le nombre d’équipes est réduit à dix. Le Skonto Riga commence alors à etre intouchable (17 victoires et une défaite), l’Olimpija Riga et le RAF Jelgava étant largement distancés. En 1994, on repasse à douze avec six équipes de Riga. Le format du championnat est constamment modifié, Skonto empile les titres et derrière, les clubs vont et viennent, la proportion de club basés à Riga a tendance cependant à diminuer, le Pardaugava Riga ne survit pas à la faillite de son sponsor et disparaît en 2005. La même année est marquée par la promotion du Venta Ventspils. Le club est relocalisé à Kuldiga et affiche l’ambition de devenir un concurrent du Skonto Riga. Le club ne fait pas les choses à moitié et outre le top des footballeurs lettons, il engage Oleg Luzhny comme entraîneur-joueur (ancien du Dynamo Kiev, Arsenal et comptant 52 sélections avec l’Ukraine), Aliaksandr Khatskevich (ancien du Dynamo Kiev et international biélorusse) et Valentins Lobanovs, international letton rapatrié d’Ukraine et du Metalug Zaporizhya. Rapidement, le club n’a plus d’argent et onze joueurs à aligner sur le terrain, il ne finit donc même pas la saison…

La saison 1996 illustre parfaitement cette instabilité: le FK Liepaja (qui avait absorbé le DAG Liepaja) devient en cours de saison le Baltika Liepaja, l’Olimpia Riga abandonne la compétition et est remplacé par le Lokomotiv Daugavpils, RAF Jelgava est abandonné par l’entreprise RAF, le propriétaire du club devient l’Université de Riga qui rebaptise le club FK Universitate Riga et le délocalise donc à Riga, le club abandonne finalement la D1 au bout de deux ans.

Une seule constante jusqu’en 2004, le Skonto Riga remporte chaque année le championnat sous la conduite d’Aleksandr Starkovs et grâce au  financement du propriétaire du groupe « Skonto », Guntis Indriksons. Cependant, ce dernier devient en 2012 président de la Fédération et le règlement interdit de cumuler ce poste avec celui de président de club.  Le Skonto périclite jusqu’à disparaître en 2016. Il revit en D2 via le RTU FC/Skonto Academy.


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Les piliers

Depuis la fin de la domination du Skonto Riga sur le championnat, le football s’articule autour de quelques bastions et quelques nouvelles têtes. Il faut voir la situation plutôt par ville que par club, l’instabilité générale étant une particularité lettone qui fait que les clubs naissent et meurent aussi vite, et ce à la guise des investisseurs pas toujours scrupuleux qui injectent l’argent selon leurs envies.

Un autre fléau est celui de la corruption et des matchs arrangés, facilités par des salaires misérables et pas toujours payés à temps. Ainsi en 2015, le Daugava Riga, le Daugava Daugavpils et Gulbene sont exclus pour des problèmes de matchs arrangés et la Virsliga se retrouve, en quelques semaines, réduite de dix à sept participants ! Difficile d’être crédible dans des conditions pareilles, d’où le forcing de la Fédération pour rendre juridiquement répréhensible pénalement ce genre d’agissement. L’Etat letton suit le mouvement et en février 2016 fait passer une loi punissant le trucage de match. Il est également décidé de fixer définitivement le nombre de participants à huit ; réunir autant d’équipes, compétitives et saines, semble déjà un défi compliqué en Lettonie.

Si 2016 est calme, la saison 2017 voit resurgir les vieux démons, Le promu Babite est exclu le 22 juin 2017 après que le système de détection de paris frauduleux de l’UEFA a signalé que six de leurs matchs étaient suspicieux. L’équipe avait alors joué douze matchs, ponctués par dix défaites et deux nuls. Les résultats sont entièrement annulés et le club rayé de la carte.

L’épine dorsale du championnat est formée de sept clubs. Selon la forme du moment, tous sauf le Metta peuvent ambitionner de conquérir le titre (le promu ayant généralement les pires difficultés à se maintenir tant la différence de niveau entre D1 et  D2 est abyssale), mais nous allons également évoquer le cas particulier du FC Metta.

FK Ventspils

Fondé en 1997 suite à la fusion du FK Venta et du FK Nafta, le FK Ventspils devient rapidement une valeur sûre de la Virsliga et l’un des clubs les plus populaires. Le club remporte ainsi six titres entre 2006 et 2014. Il réalise surtout, lors de la saison 2009-2010, la plus belle épopée d’un club letton sur la scène européenne. Après avoir éliminé le F91 Dudelange et le BATE Borisov, Zurich empêche Ventspils d’accéder aux poules de la C1, mais le club est reversé dans la phase de groupes de la Ligue Europa, où il parvient à obtenir trois matchs nuls contre le Hertha Berlin, Heerenveen et le Sporting Portugal. Exploits malheureusement sans lendemain, l’année suivante le club est sorti directement par les Macédoniens de Teteks… Le club vient d’être repris par le sulfureux Adlan Shishanov, ancien président du Dacia Chisinau qu’il quitte donc du jour au lendemain pour venir en Lettonie, avec cinq joueurs du Dacia dans les bagages. Le natif de Grozny, qui au Dacia pouvait aussi être entraîneur selon ses envies, est présenté comme un mafieux notoire par la presse lettone…

Liepaja

Fondé en 1945, le club était nommé Zvejnieks Liepaja durant la majorité de la période soviétique et y servait de sorte d’équipe réserve du Daugava Riga, qui évoluait en D2. Après de multiples changements de noms, le club devient le FK Liepaja Metalurgs en 1997. Le club remporte le titre en 2005 et 2009 et forme de nombreux joueurs talentueux dont le plus connu est Maris Verpakovskis. En 2013, le sponsor du club se retire et le club disparaît. Un nouveau club est établi sous l’impulsion de Verpakovskis, qui en est le président et porte maintenant le nom de FK Liepaja/Mogo, Mogo Finance étant le sponsor principal du club. A l’image de Ventspils, le club est une des institutions du football letton et un candidat au titre.

Spartaks Jurmala

Vainqueur des deux dernières éditons de la Virsliga, le club de la petite ville balnéaire à la mode est fondé en 2007 et présidé par Spartaks Melkumjans, qui serait un homme de paille pour l’agent de joueur italo-russe Marco Trabucchi, qui posséderait le club via un fonds d’investissement allemand. Le club ne communiquant pas au sujet de son organisation et de son financement, les supputations vont bon train sur ce qu’il y a derrière le club en réalité… Ainsi, le Spartaks a transféré jeune Sergei Eremenko du FC Bâle au mercato d’hiver pour le prêter directement au Spartak Moscou sans que personne ne comprenne rien à cette transaction…

© Facebook / Spartaks Jurmala

Jelgava

Changeant de nom au gré de ses propriétaires, le club est nommé Automobilists dans les années 1970, Metalists en 1977, RAF en 88 pour la société Riga Autobus Fabrika. Le club disparaît en 1996 après avoir été déplacé à Riga. En 2001, un nouveau RAF Jelgava revoit le jour, mais fusionne en 2004 avec le Viola Jelgava pour devenir le FK Jelgava qui remonte en D1 en 2010. Depuis, le club est plutôt stable sans faire d’étincelles.

Daugavpils

Fondé en 1944, le Ditton Daugavpils est renommé en 2006 Daugava Daugavpils par son nouveau propriétaire, le russe Igor Malishkov, mais rapidement des problèmes financiers apparaissent et le club fusionne en 2009 avec l’autre club de la ville, le Dinaburg, dont il adopte le nom. Le club est relégué en fin de saison pour des suspicions de matchs truqués. La Fédération propose de donner une place à un club de la ville, car il s’agit d’une des plus importantes de Lettonie (la deuxième en nombre d’habitants, majoritairement russophones) et le club repart donc en  Virsliga, abandonnant le nom de Dinaburg sali par le scandale. Retour victorieux, le club remporte le titre en 2012. Mais en 2013, rechute, le club est impliqué dans un nouveau scandale de match truqué contre Elsborg en C1 (une défaite 7-1 avec sept buts en seconde mi-temps). Le club évolue actuellement en seconde division.


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Le Riga FC

Orpheline du Skonto,  la capitale est maintenant représentée par trois clubs, à commencer par l’ancien FC Caramba/Dinamo Riga né de la fusion des deux clubs formant son nom en 2014. Promu en 2015, il opte pour un nom un peu moins exotique. Le club se montre ambitieux avec le sponsoring de la société Marine Service Group.

Rigas Futbola Skola

Convié en 2016 à participer à la Virsliga suite à la relégation administrative du FC Skonto Riga et du refus du FK Valmiera d’accéder à l’élite du football letton pour des raisons budgétaires, le RFS bénéficie du soutien de la municipalité de Riga et dit-on de son maire, Nils Uzakovs (russophone), qui serait supporter du club.

FS Metta/Latvijas U

Le club a la particularité d’avoir l’un des centres de formation les plus importants de Lettonie. Créé il y à tune dizaine d’années dans le cadre d’un partenariat avec la Latvijas Universitate, le club travaille avec les écoles et l’université où les meilleurs joueurs sont boursiers, un peu à l’image du sport universitaire US. Un concept complètement innovant en Lettonie. Le club n’investit pas dans des transferts et des gros salaires, préférant suivre sa philosophie de formation, ce qui pour l’instant ne porte pas encore ses fruits sur le terrain, la lutte contre la relégation étant son seul horizon pour le moment.

Autre singularité, le letton est utilisé comme langue de communication au sein du club, à la grande différence des autres clubs qui utilisent le russe. Dainis Kazakevic, directeur sportif à la Fédération, déclarait à So Foot : «  il y a vingt, trente ans, le basket, le hockey sur glace, avaient beaucoup de joueurs ou d’entraîneurs lettons, mais le football était la chasse gardée des Russes, d’autant plus à RigaMais de plus en plus, on voit que les gens reconnaissent certaines faiblesses au modèle russe, que certaines choses n’étaient pas faites de la meilleure des manières. Le FS Metta a été innovant dans plein de secteurs et je crois qu’ils ont bien montré l’exemple, que ce soit envers la Fédération et envers les autres clubs, qui commencent à suivre le mouvement. Le football letton est depuis cinq ans concentré sur la formation. Avant, tout cela était très chaotique. Avant, un Russe débarquait, mettait plein d’argent dans une équipe pour qu’elle joue en élite lettone pour finalement retirer ses billes et les remettre dans le hockey sur glace. Ça, on n’en veut plus parce que ça ne contribue pas au développement durable du football letton. Maintenant, on veut voir des clubs, pas des équipes. »

Le chemin est néanmoins encore long pour le football letton, en recherche de stabilité et de crédibilité. On espère une saison 2018 un peu plus calme en dehors du terrain et enfin quelques résultats sur le front européen, où la Lettonie n’arrive plus à briller depuis longtemps. L’Euro 2004 est très loin, en témoigne la défaite de l’équipe nationale à Gibraltar ce week-end, qui illustre à elle seule le marasme ambiant.

Viktor Lukovic


Image à la une : © KELD NAVNTOFT / SCANPIX / AFP

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