La phase de groupes des éliminatoires de la Coupe du Monde 2018 est arrivée à son terme. Alors que la Croatie et la Grèce devront passer par de périlleux barrages pour espérer décrocher leur qualification, Footballski revient sur le parcours des équipes d’ores et déjà assurées de ne pas être en Russie en juin prochain. Nous abordons maintenant le cas de la République de Moldavie, dont on n’attendait pas grand-chose initialement, mais qui a quand même réussi à nous décevoir. Retour sur un nouveau fiasco.

Les résultats

Pays de Galles – Moldavie : 4-0
Moldavie – Serbie : 0-3
Moldavie – Irlande : 1-3
Géorgie – Moldavie : 1-1
Autriche – Moldavie : 2-0
Moldavie – Géorgie : 2-2
Serbie – Moldavie : 3-0
Moldavie – Pays de Galles : 0-2
Irlande – Moldavie : 2-0
Moldavie – Autriche : 0-1

Groupe D :

1. Serbie – 21 points
2. Irlande – 19 pts
3. Pays de Galles – 17 pts
4. Autriche – 15 pts
5. Géorgie – 5 pts
6. Moldavie – 2 pts

Dès le tirage, les Moldaves savaient que cela allait être compliqué. Quatre équipes ayant participé à l’Euro 2016, dont le niveau homogène reste largement supérieur à celui de la Moldavie, et pas de « petit poucet » du genre Saint-Marin ou Gibraltar (même si le Liechtenstein s’est dressé comme un obstacle infranchissable lors de la dernière campagne éliminatoire), mais une Géorgie difficile à jouer. Pour autant, le retour d’Igor Dobrovolski à la tête de la sélection nationale avait suscité un certain enthousiasme et le retour de la victoire, certes en matchs amicaux contre le Kazakhstan en pleine période hivernale puis contre Andorre, mais cela faisait longtemps que les Tricolorii n’y avaient plus goûté. A l’aube de l’Euro 2016, les deux amicaux contre la Croatie et la Suisse au cours desquels la Moldavie ne s’est pas montrée ridicule confirmaient l’idée qu’elle était sur la bonne pente. Alors, la Fédé voit les choses en grand et organise un grand concert de Carla’s Dreams dans le stade du Zimbru, à Chișinău, en prélude du match Pays de Galles – Moldavie diffusé sur écran géant dans l’arène. Hop ! Eroina résonne encore dans les travées qu’Adrian Cascaval se fait avoir par Vokes, avant la sortie aux pâquerettes d’Ilie Cebanu et la passe en retrait vers Gareth Bale d’Ion Jardan. Dominée en long et en large, les erreurs individuelles coûtent déjà cher à la Moldavie lors de cette fessée 4-0 à Cardiff. La claque fait mal, mais on se dit que c’est un jour sans et que les deux matchs qui suivent seront de meilleure facture.

Contre la Serbie, tout d’abord, c’est le capitaine Epureanu qui se rend coupable d’une erreur défensive impardonnable dont Kostic profite avant qu’Ivanovic ne tue le match, suivi par une réalisation de Tadic, pour un score de 0-3. Le match contre l’Irlande, trois jours plus tard, annonce du mieux puisque la Zimbru Arena assiste à un but de la Moldavie, eh oui ! Bugaiov égalise juste avant la pause, mais McClean se dresse en héros d’un soir avec un doublé (1-3). S’en suit un déplacement à Tbilisi où la Moldavie se crispe, encaisse, mais égalise ensuite d’un superbe eurogoal de Gațcan avant de dominer le reste du match, sans parvenir à l’emporter (1-1). Comme d’habitude, il manque toujours ce petit quelque chose pour remporter les trois points. En mars, la Moldavie résiste bien en Autriche avant de chuter dans le dernier quart d’heure (2-0). La réception de la Géorgie représente alors l’occasion idéale d’enfin engranger une victoire en match officiel qui échappe aux Tricolorii depuis septembre 2013 ! Et ça part plutôt bien puisque la Moldavie mène 2-0 à la pause (marquer deux buts dans un match n’était plus arrivé depuis septembre 2013 non plus !) avant de se faire bêtement rejoindre en cinq minutes par la suite (2-2).

© fmf.md

La déception est grande, et la campagne de finir en eau de boudin. Le déplacement en Serbie était voué à l’échec et l’a été (3-0) tandis que la bravoure affichée contre le Pays de Galles, dans un stade plein, a fait plaisir à voir, mais n’a pas suffi (0-2). Les Tricolorii n’ont ensuite pas eu voix au chapitre à Dublin (2-0) avant d’opposer une nouvelle fois une vigoureuse résistance contre l’Autriche sans pour autant garder son but inviolé (0-1). Au niveau comptable, cette campagne qualificative est désastreuse avec une dernière place, 2 petits points, 4 buts marqués et 23 encaissés. Surtout, la série continue : la Moldavie n’a plus gagné en match officiel depuis 20 matchs, lorsqu’elle était aux portes du top 40 mondial – elle est aujourd’hui classée à la 167e place entre l’Indonésie et Porto Rico.

Les raisons de la non-qualification

D’emblée, précisons que la qualification représente, à l’aube de chaque campagne, un doux rêve pour la sélection moldave. L’objectif était de faire bonne figure et d’embêter l’un ou l’autre gros poisson, tout en faisait profiter les supporters et les caisses de la Fédération de la venue de Gareth Bale à Chisinau. Dans le jeu, la Moldavie a certes posé des problèmes à un moment ou à un autre aux favoris, comme lors des matchs contre l’Autriche ou de la réception du Pays de Galles, mais cela ne s’est jamais concrétisé au tableau d’affichage, car c’est une chose de savoir défendre, c’en est une autre de pouvoir attaquer. De manière générale, la Moldavie semblait toujours, sauf contre la Géorgie, se poser en victime consentante et accepter de recevoir des coups sans savoir s’il y aura la possibilité d’en rendre ni comment le faire. Quand les rôles défensifs sont rodés et que toute l’équipe preste à un même niveau élevé, ça peut passer sur un malentendu, mais quand il y a des moments de passage à vide et des erreurs individuelles que des coéquipiers voire même les leaders de l’équipe ne peuvent réparer, ça se paie cash. On se souvient de la passe en retrait de Jardan à Cardiff, celle d’Epureanu contre la Serbie ou le but encaissé après deux petites minutes contre l’Irlande, par exemple.

Lors des deux derniers matchs, les expulsions ridicules de Gațcan en Irlande et d’Artur Ionița contre l’Autriche sont symptomatiques de ce désarroi exprimé par le capitaine de Rostov en fin de campagne, quand on lui demandait de tirer un bilan sur ces deux dernières années : « Je pense que nous n’avons rien accompli. C’est l’une des plus faibles campagnes de la Moldavie« . Difficile de faire plus limpide. Alors que Dobrovolski avait réussi, lors de son premier passage en tant que sélectionneur, à tirer le meilleur de son groupe en insufflant un esprit de combativité et une force mentale impressionnante, on a l’impression qu’il n’a jamais réussi à le faire sous son second règne.

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A sa décharge, il n’a pu que rarement compter sur sa colonne vertébrale Epureanu-Gațcan-Ionița, trop fragile et qui n’a globalement pas été au niveau attendu durant toute cette campagne. Cependant, d’autres de ses choix posent question, à commencer par le poste de gardien : Cebanu, que l’on pensait perdu dans les méandres du Mordovia Saransk, a retrouvé sa place en équipe nationale dès qu’il a signé et joué au Zimbru, alors que Calancea est titulaire au Craiova depuis quelques temps et qu’un Radu Mîțu aurait mérité quelques minutes chez les A. Pas aidé par la retraite de Golovatenco et la blessure d’Armaș en défense, l’association Epureanu – Posmac en défense centrale semble prometteuse, mais comporte encore trop de carences, tandis qu’une ribambelle de joueurs ont été testés pour les accompagner dans les couloirs, ce qui n’aide pas à solidifier l’assise défensive. L’autre dossier qui pose question est celui de Vitalie Damașcan, banni de la sélection depuis qu’il a manqué un rendez-vous avant le match contre la Serbie, Dobrovolski ayant déclaré à l’époque que le joueur ne ferait pas partie de la sélection tant qu’il était à sa tête. Il a certes tenu parole, mais dans un contexte où la Moldavie a toutes les peines du monde à marquer des buts et où Damașcan les empile dans le championnat national, une meilleure gestion de ce dossier aurait certainement fait du bien et au joueur, et à l’équipe nationale.

Enfin, rappelons les maux récurrents du football moldave, dont les clubs, hormis le Sheriff voire parfois le Zimbru, ont des résultats médiocres au niveau européen et peinent à trouver un tant soit peu de stabilité et à former une réelle concurrence en championnat ; dont les équipes de jeunes n’en touchent pas une depuis quelques temps et prennent beaucoup trop de roustes de la part d’équipes qui devraient être de niveau similaire ; et dont la majorité des joueurs ont encore des carences en termes d’impact physique – les Moldaves se sont souvent fait bousculés, au sens propre, et ont régulièrement rendu les armes dans la dernière demi-heure.

Tout cela a bien vite entamé l’optimisme sur lequel la Fédération a travaillé et compté au cours de la campagne, en témoigne la vente officielle de maillots, l’ouverture d’un fan shop, le renouvellement de son image de marque, un entraînement ouvert au public, un concert de Carla’s Dreams avant match, etc. Des efforts qui n’ont pu trouver écho sur le terrain et que la Fédération devra somme toute continuer pour garder un tant soit peu d’enthousiasme autour d’une équipe qui ne gagne plus. C’est indispensable pour repeupler un stade qui sonnait déjà un peu vide contre l’Autriche et être prêt à rebondir de manière optimale dès que la roue tournera de nouveau dans le bon sens. Les beaux jours viendront.


Lire aussi : La Moldavie à la recherche d’une réconciliation, mais surtout de victoire(s)


Les motifs d’espoir

« Les supporters ne seront jamais satisfaits avec ces résultats. Nous voulons, nous essayons de faire le maximum », ces paroles proviennent de l’une des seules satisfactions de cette campagne, à savoir Radu Gînsari, qui a récemment rejoint l’Hapoel Haifa et dont l’importance au sein du onze moldave a grandi au gré des matchs. Souvent placé en pointe, mais plutôt comme premier défenseur, il s’est avéré être l’un des seuls joueurs moldaves à trouver les filets, en match amical ou officiel, durant ces deux dernières années. On aimerait le voir plus souvent associé à d’autres joueurs offensifs et/ou à un vrai buteur à l’avenir.

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Avec Gînsari, le principal motif d’espoir est que la Moldavie possède in sine des joueurs de qualité. Gațcan continue à sortir de solides performances avec Rostov, Epureanu joue la Ligue Europa avec Basaksehir, Ionița est titulaire à Cagliari, Calancea au Craiova, Carp à Ufa, auxquels s’ajoutent l’intégration progressive de Cociuc dans le onze de base, les bonnes prestations de certains jeunes en fin de campagne (Rozgoniuc, Graur, Platica) ou encore le Sheriff new-look, non plus exclusivement basé sur des joueurs sud-américains et africains et où Racu, Anton, Bordian et Posmac s’épanouissent, sans oublier les jeunes V. Damașcan et Oancea. Certaines périodes de matchs étaient intéressantes, tandis que certains matchs amicaux, comme en Suisse et en Israël, sont les témoins que la Moldavie joue en dessous de son niveau en matchs officiels. La venue en équipe nationale de Damașcan constitue d’ailleurs sans doute la priorité pour les prochains matchs amicaux, afin de l’habituer le plus tôt possible à l’échelle internationale.

Ce rôle de locomotive du Sheriff, qui a retrouvé les poules de la Ligue Europa, est en soi une bonne chose, si les autres équipes peuvent suivre derrière. C’était le cas la saison dernière, ça l’est un peu moins au cours de celle-ci. Rajoutons que le passage à un calendrier printemps-automne, effectif dès mars 2018, semble être une bonne chose à moyen terme pour l’équipe nationale, et à long terme pour le championnat.

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Et maintenant ?

Enfin, l’un des principaux motifs d’espoir est peut-être le même que celui qui a gonflé l’optimisme à l’aube de la campagne, à savoir un changement de sélectionneur. Le contrat de Dobrovolski court jusqu’au 31 décembre 2017 et personne n’ose parier sur son renouvellement à l’heure actuelle. Selon le journaliste Sandu Grecu, les négociations semblent en tout cas avoir déjà débuté dans le chef de la Fédération qui a notamment invité Ruud Gullit dans la capitale. Les autres noms cités sont ceux d’Alexandru Spiridon, ancienne légende des années 1990 devenu adjoint de Lucescu durant ses années de gloire ; Roberto Bordin, l’actuel coach du Sheriff qui a ramené le club en Ligue Europa ; et Engin Firat, ayant officié à la tête ou en tant que membre du staff de nombreux clubs turcs.

Le premier chantier est donc celui du prochain sélectionneur, qui devra ensuite bâtir une équipe pour lutter efficacement dans le groupe D de la Ligue des Nations, qui rappelons-le est une occasion unique, pour un petit pays, de participer au prochain Euro 2020. Face à des équipes de niveau similaire, des Tricolorii bien préparés et au point tactiquement, physiquement et psychologiquement, ont clairement un rôle à jouer.

Thomas Ghislain


Image à la une : © fmf.md

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