Séduisante à l’occasion du dernier Championnat d’Europe, la Hongrie n’arrive pas à retrouver le même niveau de jeu depuis le début des éliminatoires pour la Coupe du Monde 2018. Le départ à la retraite d’illustres anciens y est-il pour quelque chose ? Pourquoi les cadres ne parviennent-ils pas à répondre présents ? Sur quels joueurs issus de la nouvelle génération Bernd Storck peut-il tenter de s’appuyer pour redresser la barre ? Éléments de réponse.
En juin dernier, ils ont fait vibrer tout un pays, qui n’en attendait certainement pas autant de leur part. Une victoire forte en symbole face au voisin autrichien (2-0), un nul arraché au courage contre l’Islande (1-1), un mano a mano de haut vol avec le futur champion d’Europe portugais (3-3) et une élimination en huitièmes de finale, sans démériter, face à la Belgique (4-0). La Hongrie a vibré au rythme des performances réalisées par son équipe nationale dans les stades français. Tant et si bien qu’à l’issue de cet Euro abouti, les supporters magyars pouvaient légitimement espérer que les hommes de Bernd Storck allaient attaquer la campagne des éliminatoires à la Coupe du Monde 2018 tambours battants. Ils ont assez vite déchanté.
La lourde défaite à Lisbonne, fin mars, chez le champion d’Europe en titre (3-0) ne fait qu’entériner des débuts très difficiles. Après un nul laborieux aux Îles Féroé (0-0) et un revers à domicile contre la Suisse (2-3), la Hongrie, troisième de son groupe, compte déjà cinq points de retard sur le barragiste et huit unités sur le leader. Surtout, la magie de l’Euro semble s’être évaporée et le « Nemzeti 11 » balbutie son football depuis septembre. La faute à plusieurs facteurs que nous allons tenter de mettre en avant, poste par poste.
Succéder au roi Király, une mission délicate
La légende s’en est allée. Après dix-huit ans de bons et loyaux services dans les cages hongroises, Gábor Király, 41 ans et 108 sélections au compteur, a pris sa retraite internationale à l’occasion d’un match amical face à la Suède, le 15 novembre dernier (0-2). Sorti en cours de rencontre, le gardien au jogging gris a eu droit à une longue standing ovation de la part des supporters de la Groupama Aréna. Deux portiers étaient à la lutte pour lui succéder, Péter Gulácsi et Dénes Dibusz, tous deux âgés de 26 ans. Bernd Storck a finalement opté pour le premier cité, qui réalise une grosse saison du côté du Red Bull Leipzig. Un choix qu’il est pour l’instant difficile de remettre en cause, Gulácsi remplit son rôle avec beaucoup de sérieux. Dibusz, qui a souvent sauvé les meubles dans les buts de Ferencváros cette année, risque donc de devoir patienter un peu avant d’avoir véritablement sa chance en sélection nationale.
À la recherche de la stabilité perdue en défense
À vrai dire, ce n’est pas le poste de gardien qui pose problème. C’est en effet au niveau de la ligne défensive que le bât blesse. Parti à la retraite le même jour que Király, Roland Juhász (33 ans, 94 sélections) a laissé un grand vide en défense centrale. Un vide que Storck s’emploie à combler depuis le début des éliminatoires, sans avoir, pour l’instant, réussi à trouver la bonne formule. Le Dijonnais Ádám Lang a plus de mal sans son illustre aîné à ses côtés, alors que Richárd Guzmics, qui semblait tenir la corde pour une place de titulaire, a surpris son monde en rejoignant, en janvier 2017, le club chinois du Yanbian FC. Le sélectionneur l’a écarté de ses plans et a aligné une charnière centrale inédite au Portugal : l’expérimenté Tamás Kádár (plus à l’aise au poste de latéral gauche) et Paulo Vinícius, naturalisé hongrois quelques jours plus tôt seulement. Avec trois buts encaissés, difficile de dire que le rendu a été satisfaisant. Il serait malgré tout intéressant de revoir le joueur d’origine brésilienne, qui n’est pas étranger à la belle saison de Videoton. Enfin, rien n’est très clair non plus sur les côtés, mais des tendances se dégagent néanmoins. Monté en puissance tout au long de la saison au Havre, Barnabás Bese devrait finir, à terme, par prendre le meilleur sur Attila Fiola au poste de latéral droit.
Rendez-nous László Kleinheisler !
Au milieu de terrain, deux points distincts doivent être évoqués. Tout d’abord, la paire Zoltán Gera – Ádám Nagy, située devant la défense, assure plutôt bien le travail qui est le sien. Le vétéran Gera, du haut de ses 37 ans et 96 sélections, apporte toute son expérience, même s’il n’est pas éternel et qu’il faudra songer, tôt ou tard, à lui trouver un remplaçant. Nagy, de seize ans son cadet, fait valoir sa fraîcheur et sa belle qualité de passe. Le jeune Budapestois rend des copies plus que satisfaisantes à Bologne et confirme tout le bien que l’on pouvait penser de lui.
Il semble en revanche difficile d’en dire autant de László Kleinheisler. Le milieu de poche (1,70m) avait été l’une des grandes révélations de l’Euro côté hongrois. Mais il s’est complètement éteint depuis. Transparent depuis le début des éliminatoires, cantonné au banc des remplaçants à Darmstadt, bon dernier de Bundesliga, Kleinheisler a rejoint Ferencváros lors du mercato hivernal, avec l’espoir de se relancer. S’il ne parvient pas à retrouver son niveau de l’été 2016, d’autres pourraient prendre sa place, comme par exemple Dávid Holman. L’ancien joueur du Lech Poznań illumine régulièrement la morne saison de Debrecen par ses prouesses techniques et sa vision du jeu. À 24 ans, il ne compte aucune sélection, mais a été convoqué par Bernd Storck pour le match face au Portugal. De quoi laisser penser que le baptême du feu est pour bientôt…
La confirmation Szalai, le mystère Dzsudzsák
Depuis le commencement de la campagne de Russie, la Hongrie a inscrit huit buts, dont la moitié face à la modeste Andorre (4-0). Cette statistique, qui n’est pas catastrophique en soi, traduit cependant bien les lacunes offensives du « Nemzeti 11 ». Ádám Szalai se démène sur le front de l’attaque magyare et confirme qu’il est devenu un joueur clé de cette équipe, comme nous vous l’expliquions dans un article publié il y a quelques semaines sur notre site. Parti à Chicago pour goûter aux délices de la MLS, Nemanja Nikolić n’a pas été appelé lors du dernier rassemblement et rien n’indique qu’il aura à nouveau la confiance du sélectionneur. Márton Eppel, meilleur buteur d’OTP Bank Liga avec le Honvéd (douze réalisations), pourrait être une alternative à Szalai en pointe, au même titre que le toujours fiable Tamás Priskin.
Sur l’aile gauche, Ádám Gyurcsó a indéniablement marqué des points lors de ses dernières sorties, alors qu’à droite Balázs Dzsudzsák pose question. Le capitaine hongrois, dont le pied gauche a fait quelques dégâts en France (un doublé face au Portugal) est certes un joueur techniquement au-dessus de la moyenne et capable de faire des différences dans les grands rendez-vous. Mais ses choix de carrière laissent sceptiques. À Al-Wahda, l’ancien ailier du PSV Eindhoven joue à sa main, se fait plaisir et marque de jolis buts en Ligue des champions d’Asie. Il n’en demeure pas moins que le rythme et l’impact physique de ces matchs disputés aux Émirats arabes unis sont à des années-lumière des standards européens. À Lisbonne, Dzsudzsák n’a absolument pas pesé dans les débats, alors que c’était précisément à lui de tirer son équipe vers le haut. Une réaction est attendue de sa part, et de celle de tous ses coéquipiers, dès le prochain match de ces éliminatoires (en Andorre, le 9 juin). Car, désormais, la Hongrie n’a plus le droit à l’erreur.
Raphaël Brosse
Image à la une : © EMMANUEL DUNAND / AFP
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