Suite de notre entretien fleuve avec le président du Ripensia Timișoara, Radu Ienovan. Après avoir évoqué la saison actuelle et les idées en termes d’organisation, nous évoquons dans ce second chapitre la question du stade, de la riche histoire du club et de la région, ainsi que des projets d’avenir…


Lire la première partieOn a discuté avec Radu Ienovan, président du Ripensia Timisoara – partie 1


Vous avez un peu parlé du stade et de la base d’entraînement du Ripensia. Pour le moment vous jouez au stade Ciarda Roșie (NDLR : du côté sud-est de Timișoara), quels sont les projets du club pour le futur ?

On pense à un campus sportif où il y aurait un centre d’entraînement pour les équipes premières et pour les équipes de performances du club.

Ce campus existe-t-il déjà ?

Non, il n’existe que dans nos têtes pour le moment. Comme je vous l’ai dit, le but de cette société par actions est justement d’attirer des ressources et de construire cette base, y compris pour obtenir des ressources supplémentaires en le louant à des tiers. On ne pense pas ce campus uniquement pour les nécessités du Ripensia, c’est plutôt un projet plus large, ouvert à d’autres sports, pas seulement le football, ça peut être du mini-football, du tennis, peut-être aussi quelques salles, des hébergements, des lieux de récupération, une mini-clinique, etc.

On y réfléchit, le club bénéficiera d’une partie de ces installations, et pour le reste, il sera accessible à tous, y compris au public.

Avez-vous déjà un lieu en tête pour ce projet ?

Oui nous sommes en train de chercher un terrain aux abords de Timișoara. Mais vous vous rendez bien compte que c’est au-delà de notre portée de réfléchir à la construction d’un stade. On sait qu’un stade coûte beaucoup d’argent, du moins en Roumanie je ne sais pas qui pourrait se le permettre, pas même Monsieur Becali. Enfin, lui, il pourrait se le permettre, mais il a déjà l’Arena Națională ! (sourire) Enfin, vous voyez que les stades sont construits en général par le gouvernement ou les autorités locales… Donc il est impossible de penser que nous puissions récolter plusieurs millions d’euros pour construire un stade. On n’y pense pas, on réfléchit autrement.

Parlons un peu de l’histoire du Ripensia, si c’est possible. Pouvez-vous nous rappeler comment a été fondé le Ripensia, en 1928, puis dissous 30 ans plus tard ?

En 1928, le principal initiateur de la création du Ripensia était le Dr Cornel Lazăr, qui était une personnalité importante, autant dans la vie sociale que dans la vie sportive de la ville. Il a été vice-président du Chinezul Timișoara, qui a fait de grandes performances et a gagné les six premiers championnats après la formation de la Grande Roumanie. Le Chinezul, à cette période, vers 1926-1927, après avoir atteint l’apogée de ses performances sportives, a perdu une partie de ses joueurs qui ont préféré partir en Autriche et en Hongrie, parce que là-bas le professionnalisme était déjà en vigueur, ils y étaient mieux payés. Et les performances du Chinezul ont depuis laissé à désirer. Dans ce contexte, Cornel Lazăr a eu cette idée, il a quitté le Chinezul et a pris l’initiative de fonder un autre club et de le rendre professionnel. En Roumanie ce n’était pas encore le cas, et ça explique pourquoi jusqu’en 1932, le Ripensia n’a participé à aucune compétition et n’a fait que des tournées.


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En octobre 1928 a donc eu lieu la première réunion de ceux qui ont fondé par la suite le Ripensia. Je crois que le premier match amical s’est joué en 1929, et à partir de 1930, des joueurs sont arrivés, ils étaient payés, mais ils ne pouvaient jouer que des matchs amicaux parce qu’à ce moment-là, la loi roumaine dans le domaine du sport ne permettait pas à une équipe professionnelle de participer au championnat national, qui était amateur. Il y avait un vide juridique, en fait. Au final, après avoir fait du lobbying, cette disposition légale a été modifiée et ils ont pu participer, et remporter le championnat dès leur première participation. Au même moment, le Chinezul, même s’il était en première division, n’était déjà plus aussi fort.

Ce qui est important, c’est que le Ripensia a essayé de faire venir uniquement des joueurs locaux des autres équipes de la ville, mais aussi des joueurs qui ont joué au Chinezul et sont partis ensuite à l’étranger. Un noyau précieux de joueurs s’est créé et cela explique qu’ils ont rapidement gagné le championnat dès qu’ils sont entrés en compétition. Il y avait quelques joueurs de valeur reconnus dans le football roumain.

Mais comme on le sait, le Ripensia a joué au haut niveau de 1932 jusqu’en 1940, année du dernier championnat avant la guerre. En 1940, quand le championnat s’est interrompu, le Ripensia était en première division et avait terminé 2e ou 3e. A la reprise, en 1946, on ne l’a pas autorisé à y participer. On lui a permis de s’inscrire à un championnat régional seulement. Le club a été promu en deuxième division, où il a encore fonctionné pendant une saison, en 1947-1948.

En 1948, en tout cas c’est ce qui apparaît dans les documents que nous avons consulté, le Ripensia ne s’est plus inscrit à aucun championnat par manque de ressources financières. Il n’y avait plus d’argent pour maintenir une activité. D’autres équipes ont été créées et acceptées. Il y a eu une petite tentative de réanimer l’équipe, mais probablement qu’il y a eu une collision avec les « nouvelles valeurs » de cette époque. Dans un sens, c’est mieux car ce que signifie le Ripensia ne s’est pas altéré du coup. Parce que s’ils l’avaient repris, s’ils avaient changé le nom du club ou que sais-je…. En quelque sorte, je crois que c’est mieux que le Ripensia n’ait pas fonctionné, parce que ça ne pouvait de toute façon plus fonctionner avec l’identité que le club a eu. On sait que toute forme associative libre, comme l’était le Ripensia, était interdite sous le communisme. Les formes associatives étaient les syndicats ou d’autres organisations, le reste n’était pas permis par le régime.

Le premier Ripensia en 1928 | © facebook.com/RipensiaTimisoara/

Comme vous l’avez précisé auparavant, Timișoara est une ville, voire une région, particulière. Ici a été mis en service le premier tramway électrique d’Europe, les premières illuminations électriques de rue d’Europe, et le premier club professionnel de Roumanie… Est-ce un hasard ?

Je ne sais pas si c’est un hasard. Ce qui est certain, c’est que le Banat, et Timișoara en particulier, a été un espace ouvert, pour les personnes autant que pour les idées. Ceux qui sont venus et se sont installés dans cette région ont bénéficié d’une tolérance qui leur a permis de très bien s’intégrer. De ce que j’ai lu, il n’y a jamais eu d’hostilité envers les étrangers. Ils étaient les bienvenus et pouvaient s’intégrer dans la communauté. Timișoara a été très cosmopolite, le Banat aussi, très varié d’un point de vue ethnique et religieux. C’était, ou c’est encore, une caractéristique importante. Etant donné cette diversité, il n’existait pas d’affrontements, il y avait une harmonie entre les gens.

On dit même que chacun parlait deux voire trois langues. Voici une anecdote que nous a racontée l’historien Victor Neumann. Bon bien sûr il existait des mariages mixtes, et à ce moment quand tu avais un père roumain et une mère allemande, et qu’on te demandait « qui es-tu?« , tu répondais « [Je suis] Banatéen » ! Donc tu ne disais pas que tu étais moitié Roumain. Car cette moitié se mariait peut-être avec une Hongroise, donc les descendants, qu’est-ce qu’ils peuvent dire ? C’était trop, il fallait donner des explications, « regarde, je suis autant Hongrois, autant Allemand, autant Roumain« , etc. Il y avait beaucoup d’ethnies. Donc, comme je le disais, les gens étaient ouverts. Peut-être que cela explique que les idées circulaient plus facilement, étant donné ces migrations et cette circulation de gens, et cela a aidé à mettre en place [ces innovations], cela pourrait être une explication, peut-être que les historiens peuvent en dire plus. C’est ce que je ressens en tout cas.

Le Ripensia de l’entre-deux guerres représentait-il cette époque et cette région ?

Assurément, oui. Je pense que le Ripensia a repris les valeurs du Banat de l’entre-deux guerres, y compris l’équipe. Il existait même une certaine hostilité, surtout dans la région de Bucarest, j’ai lu quelques articles de journaux où on disait que le Ripensia était rempli de joueurs étrangers. A vrai dire, ils étaient d’autres ethnies mais ils étaient citoyens roumains. On peut même lire dans la presse de l’époque que Cornel Lazăr, qui lui était Roumain, a répondu que les joueurs étaient très appréciés, et que seule la valeur compte, pas que le fait d’avoir un nom allemand ou juif. Ce qui compte, c’est d’être un très bon footballeur, c’était le seul critère qu’il avait quand il faisait l’effectif. Parce qu’à cette époque, il y avait du nationalisme, surtout dans la période d’après-guerre, et il avait pas mal d’adeptes je dirais. Mais ici non, dans cette région, il n’y avait pas ça. Au contraire, ces différences culturelles, ethniques ou religieuses rapprochaient les gens.

« à ce moment quand tu avais un père roumain et une mère allemande, et qu’on te demandait « qui es-tu? », tu répondais « [Je suis] Banatéen » » – Radu Ienovan, président du Ripensia.

Comment expliquez-vous la popularité du Ripensia, après 65 ans d’inexistence ?

En réalité, le club n’a pas disparu. Il a disparu des compétitions sportives, mais il n’a pas complètement disparu. Il vivait dans les livres, il vivait dans les témoignages de ceux qui ont joué, de ceux qui les ont vus jouer… Je l’attribue au fait qu’il a eu une énorme notoriété à cette période, non seulement dans la région du Banat, mais aussi, par exemple, à Bucarest. Ioan Chirilă (grand journaliste et écrivain du sport roumain, NDLR) disait, même si je ne sais pas si c’était son avis ou celui de personnes qui ont vu le Ripensia jouer à l’époque, que l’équipe était autant appréciée à Bucarest que les équipes de Bucarest. En ce temps-là, il y avait l’Unirea Tricolor ou le Venus, et le Ripensia a joué beaucoup de matchs à Bucarest pour des raisons financières, y compris le célèbre 3-0 contre l’AC Milan, devant 30 000 spectateurs. Parce qu’à Timișoara, le maximum de spectateurs était de 3 000 ou 4 000, donc ils ne pouvaient pas jouer ces matchs à Timișoara. De toute façon, Bucarest était déjà beaucoup plus peuplée que Timișoara. Et je crois que ça explique en partie cela. Le Ripensia a joué beaucoup de matchs à Bucarest, et a transmis en quelque sorte, de génération en génération. Je crois que c’est une des raisons de sa grande notoriété.

Et comme je l’ai dit, l’une de nos appréhensions a été de ne pas porter atteinte, par ce que nous faisons, à cette notoriété très positive dont bénéficie le Ripensia en Roumanie.

© facebook.com/RipensiaTimisoara/

En moyenne, en Liga 2, combien de spectateurs avez-vous pour les matchs à domicile ?

Ca dépend, en moyenne environ 300-350 spectateurs. Malheureusement, la capacité du stade n’est pas énorme, à peu près 500-600 places. A Timișoara, les résultats sont très importants. Les amateurs de football souhaitent des résultats, les attentes sont là pour n’importe quelle équipe, et a fortiori la nôtre. Mais ces résultats sont liés au côté financier.

Il est important de toute façon que la communauté soit à tes côtés. Malheureusement, il est justement difficile d’attirer le public au stade. Il y a du choix, il faut faire quelque chose qui sorte du commun pour faire venir un nombre significatif de spectateurs. Par exemple, à Timișoara, étant donné qu’il y a trois équipes dans les deux premières divisions, en tant qu’amateur de football, tu ne peux pas aller à tous les matchs en un week-end, tu ne peux pas aller voir l’ACS Poli, puis l’ASU puis venir au Ripensia. Alors, en quelque sorte, il faut choisir. Je ne dis pas que c’est une inflation, je pense que c’est stimulant, c’est bien. Bien sûr, l’absence d’un stade digne de notre époque, on est en 2018, avec tout ce que présupposent ces infrastructures pour un spectateur, cela fait que la présence est assez maigre. Les gens font des comparaisons, ils ont été à l’Arena Națională, à la Cluj Arena, à Craiova, ils vont voir des matchs à Munich, à Barcelone. Dès que tu fais des comparaisons…

Si tu n’as pas de point de comparaison, c’est probablement bien comme ça, s’asseoir sur un siège cassé, s’il pleut, bah il pleut et il faut un parapluie sinon tu ne vois plus rien, s’il y a du soleil, d’ailleurs on va sans doute un peu souffrir demain à cause de ça, c’est plaisant, mais à un moment donné s’il fait 30 degrés ou plus, c’est pas vraiment plaisant de rester deux heures au soleil. Le public a le droit d’avoir ces prétentions, ce confort pour un match de Liga 1 ou de Liga 2. Hélas, Timișoara ne peut pas offrir cela actuellement, il ne s’agit pas seulement du Ripensia mais aussi des autres équipes, il s’agit aussi des sports d’intérieur. Malheureusement, nous faisons avec ces infrastructures. La salle de sport a été construite en 1978, le stade Dan Păltinișanu en 1973, donc bon…

En parlant de ça, il y aura probablement trois clubs de Timișoara en Liga 2 la saison prochaine. N’est-ce pas trop, ou au contraire est-ce stimulant ?

Je ne sais pas, à l’heure actuelle, s’il y aura trois clubs… Je n’aime pas parler des autres clubs. J’espère que nous nous maintiendrons et toute rivalité, surtout locale, est bénéfique je pense, d’abord pour Timișoara et ses habitants, mais aussi pour chaque club. Il peut exister des échanges de joueurs entre nous, ce serait un moyen pour qu’un joueur qui ne se sent pas bien dans un certain environnement ait la possibilité d’en chercher un autre sans partir trop loin. Il y a beaucoup de bénéfices, selon moi, d’avoir plusieurs options.

Une caractéristique de ces trois équipes, c’est que nous avons des ressources très limitées, que ce soit l’ACS Poli, l’ASU Poli ou nous-mêmes. D’une certaine façon, ça explique en partie que nous n’avons pas de bonnes performances pour l’instant. En tout cas pas au niveau auquel Timișoara doit en avoir, de façon générale. Timișoara est peut-être le deuxième pôle économique de Roumanie, normalement il devrait aussi être le deuxième pôle sportif du pays. Parce que c’est normal que là où il y a des moyens, il existe des entreprises qui devraient avoir des responsabilités sociales, et le sport est l’une des composantes sociales. Mais ce n’est pas un problème d’environnement économique ou des clubs qui existent, c’est un problème de législation. La loi dans le domaine sportif, notamment la loi sur le sponsoring non seulement n’encourage pas, mais ne permet pas à un certain nombre d’entreprises, de faire du sponsoring, c’est-à-dire de développer cette composante de responsabilité sociale. Particulièrement en Roumanie, seule une entreprise qui fait du bénéfice peut le faire, et de manière limitée, il s’agit de 20 % des bénéfices, et ensuite il y a encore une limitation liée au chiffre d’affaires, donc si on corrobore les deux, l’idée est plutôt « comment faire pour trouver moins d’argent », et non faire venir plus d’argent, directement de la sphère économique dans le sport, et je ne parle pas seulement du football. Ça, c’est un problème.

D’un autre côté, le problème aussi est que la loi sur le sponsoring est générale. Elle ne fait pas de différence, disons que si tu es une association sans but lucratif, tu peux bénéficier de parrainage, quel que soit le domaine, le sport, la santé, l’éducation, l’aide sociale, etc. Je crois qu’on devrait savoir, qu’on devrait faire une projection de combien voulons-nous pour le sport, pour l’aide sociale, pour la santé, etc. Au bout du compte, c’est une plăcintă (NDLR : une plăcintă est une pâtisserie roumaine qui ressemble à une brioche, le plus souvent ronde) plus ou moins grande, et chacun demande sa part. Le besoin est là, pour l’éducation, et je dis aussi pour le sport parce que le sport signifie la santé et l’éducation, donc je ne pense pas qu’on puisse les séparer. Je ne sais pas ce qu’il faut faire, comment le faire, pour avoir une meilleure loi de sponsoring, ici c’est la clé. Parce que l’Etat ne peut pas s’en occuper, et surtout si tu es un club privé, je vous dis quel est le discours : « ah, tu es un club privé, débrouille-toi, tu es privé. On donne aux autres, on doit donner à nos clubs, aux clubs publics« , les dénommés « CSM » (Clubs sportifs municipaux, NDLR), « nous ne pouvons pas en plus donner aux clubs privés« . Alors d’où vient l’argent ? Il doit venir du secteur privé. C’est un cercle vicieux, puisque le secteur privé ne peut pas sponsosriser, ou seulement si l’entreprise a des bénéfices importants. Dans les affaires, tu peux avoir des bénéfices plus ou moins importants, d’une année à l’autre, c’est difficile de prévoir…

Vous êtes-vous fixé un délai pour atteindre la Liga 1 ?

Nous n’avons pas de délai. Tout d’abord, nous avons besoin de ressources. Dès que nous réussirons à nous consolider, d’un point de vue financier et organisationnel, alors nous pourrons réfléchir à un horizon temporel lié au retour en Liga 1. A l’heure actuelle, il est prématuré de prévoir un délai, en plus nous ne pouvons appuyer une pareille affirmation sur rien. Bien sûr, nous le souhaitons au plus vite. Mais si nous allons en Liga 1 sans être consolidé, comme vont la majorité des nouveaux promus, nous risquons, dès la première année, de retourner d’où nous venons.

Je pense comme ça: au moment où tu te prépares pour la Liga 1, tu dois être préparé à faire des résultats, c’est-à-dire être parmi les meilleures équipes. Si tu y vas, que tu te donnes du mal pour ne pas redescendre… Il est plus bénéfique à ce moment-là de rester  un peu et de travailler en Liga 2. Parce que si en Liga 2, on parle d’un budget confortable de, disons, environ 500 000 euros, en Liga 1, on parle plutôt de trois millions d’euros. Ok, beaucoup de gens disent que 1,4 millions viennent des droits TV. Oui, mais on sait pas comment cela sera dans le futur, car en 2019 ils vont renégocier ces droits. Mais tu dois arriver à trois millions pour avoir un budget assez confortable, même si ça ne garantit à personne d’éviter la relégation, ça permet de ne pas couper dans les stages, dans la récupération, dans la médication, d’avoir un staff de minimum 7-8 personnes dédié à l’équipe première, etc.

Le football est beaucoup plus que ce qui se voit. Déjà au niveau des résultats, il s’agit de beaucoup discipline qui a en retour un impact sur les résultats.

« Je pense comme ça: au moment où tu te prépares pour la Liga 1, tu dois être préparé à faire des résultats, c’est-à-dire être parmi les meilleures équipes. » – Radu Ienovan, président du Ripensia.

Le but pour la saison prochaine, c’est la consolidation ?

La consolidation, oui, en premier lieu d’un point de vue financier et organisationnel. Et bien sûr, sportif. Le niveau de la Liga 2 est tel qu’en ce moment, nous ne l’avons pas vraiment atteint, et à cause de ça nous faisons des efforts pour être là, nous faisons des sacrifices, par exemple au niveau du staff technique, au niveau de ceux qui nous soutiennent financièrement, ce n’est pas confortable. On peut faire ça pendant un an, mais si ça se perpétue… L’an prochain, il faudrait amener le club dans une zone de confort.

Croyez-vous que, dans les dix prochaines années, le Ripensia va gagner son 5e titre de champion ?

(court silence) Je l’espère, j’espère que nous y arriverons. J’espère que nous gagnerons même si nous sommes conscients à quel point il faut encore travailler. Ce n’est pas impossible. Mais le plus important est que le Ripensia continue, peu importe le niveau. Evidemment, nous souhaitons tous y arriver, et avec cette pensée, on surmonte tous les obstacles qui ne sont pas peu nombreux dans le football roumain. Mais cette idée qui nous donne de la force et de l’énergie, est celle qu’un jour, nous serons de nouveau là-bas, dans l’élite, et nous nous battrons de nouveau pour le titre, pour gagner le championnat. Peut-être avec d’autres personnes, peut-être avec une autre génération. L’important est que nous, par ce que nous faisons, nous puissions assurer un avenir à ce club, et qu’il n’arrive plus jamais dans la situation de 1948, quand il a dû fermer ses portes. C’est ça la chose la plus importante selon moi. Nous savons d’où nous venons, mais seul Dieu sait où nous arriverons. J’espère qu’il nous donnera de la sagesse, que nous prendrons de bonnes décisions et que nous attirerons de notre côté des gens qui s’attacheront au club.

C’est important parce qu’une chose qui s’est perdue, je crois, c’est justement une identité spécifique, on parle au niveau des clubs, du football roumain, il faut avoir une identité en laquelle les gens se retrouvent. Que ce soit un club de Timișoara, de Bucarest, d’autres régions du pays, les gens doivent se retrouver dans ces clubs. Si ce n’est pas le cas, aujourd’hui nous sommes, demain nous n’existons plus. Ça me plaît de rêver aux deux-trois générations suivantes et j’aimerais voir, d’ici peu, trois générations venir au stade, le fils, le père et le grand-père. Et d’autre part avoir une transmission comme ça. Nous transmettons à nos enfants l’amour et l’attachement à un club, et à leur tour ils le transmettront aux leurs. Je crois qu’ici est la joie de faire partie d’une communauté, et la fierté de faire partie de cette communauté. Et ça, je crois qu’il faudrait le revaloriser, c’est important pour nous. Nous sommes des êtres sociaux, nous avons besoin de communiquer, de partager, autant la joie que la tristesse. Nous ne pouvons pas être des êtres isolés et vivre dans un espace très restreint.

© Daniela Surulescu / opiniatimisoarei.ro

Merci beaucoup pour cette interview, avez-vous quelque chose à ajouter ?

En particulier, j’espère que nous redécouvrirons ce plaisir de participer à une compétition, à un match de haut niveau. Aussi, je crois que par l’intermédiaire d’un club de football, en Roumanie, nous pouvons développer ce côté social en nous. Nous en avons tous besoin, il faut seulement réapprendre ces choses-là.

Je crois aussi que le football nous tient ancré dans la tradition. Bien qu’il y ait beaucoup d’éléments nouveaux, il nous tient néanmoins. Je crois qu’on a besoin d’histoire, de la connaître, de connaître notre passé et nos traditions, et les garder, réussir à les faire perdurer. Dans le football, beaucoup de choses n’ont pas changé. Depuis 1920 jusqu’à maintenant, les règles essentielles du football sont restées les mêmes, et la popularité du football s’est transmise. Ça, c’est superbe je trouve en ce qui concerne le football. Ça a été sans doute le sport le plus populaire durant l’entre-deux guerres, puis dans les années 1950. Cela signifie peut-être qu’il n’est pas apprécié comme il le devrait par la société.

Vous voyez maintenant, l’une des choses qui peut s’avérer négative, on parle du fait que le football est une industrie, et on parle aussi du football romantique. Si on prend ces deux extrêmes, c’est-à-dire le football industriel et le football romantique, j’ai l’impression qu’on perd quelque chose ici, quand on parle de ces sommes qui circulent et des différences colossales qui existent entre les clubs. Il y a quelques clubs globaux, puis les autres. Je pense que cette différence ne devrait pas exister. Je crois que nous perdons là quelque chose. C’est néanmoins bien que le football n’ait pas perdu de sa capacité d’attraction, de réunir les gens.

© ripensia-sport-magazin.ro

Quand je vois certains salaires, certains revenus, je trouve ça indécent mais malheureusement, c’est le monde dans lequel on vit à l’heure actuelle. Il y a une polarisation, y compris dans le football, entre les clubs aux ressources immenses et les autres clubs. Par exemple en Espagne, il y a une différence énorme entre les clubs globaux et les autres de première division, au niveau du budget et des sommes. Il n’y a plus de surprises, c’est le Real ou Barcelone qui gagne. Bon, ok, de temps en temps un intrus apparaît, comme l’Atlético. C’est là que réside la beauté du football, dans son imprévisibilité. La probabilité de savoir le résultat est très petit. En rugby, au volley, au basket, les calculs s’avèrent vrais dans 90 % des cas. En football, ce n’est pas le cas. Ici, je crois que c’est la partie du football qui attire le plus, cette émotion que transmet ton équipe favorite.

Demain, que va-t-il se passer ? On a un match contre Afumați. C’est cet état de trac.

Ici je pense que c’est un problème au niveau mondial, pas nécessairement de Roumanie. La FIFA ou l’UEFA, avec la taxe de solidarité ou encore le fair play financier, ils se sont rendus compte qu’il y a un problème lié à ça. Il y a des puissances qu’il est sans doute compliqué de contre-attaquer. Il y a aussi des forces qui initialement n’étaient pas puissantes, et à un moment donné, quand elles deviennent très puissantes, tu ne sais plus quoi faire ni l’amener à l’état initial. L’inertie joue et c’est compliqué de les arrêter, voire impossible.

« On espère et on rêve » – Radu Ienovan, président du Ripensia

C’est beau, j’ai vu le football à ce niveau, depuis la Liga 6, j’ai été aux matchs et je me suis rapproché de nouveau du football. J’y ai joué à un moment, puis j’ai laissé tomber, j’ai étudié à l’université, j’ai commencé les affaires. Bien sûr, le football m’a toujours plu mais je m’en suis éloigné, et au moment où je m’en suis rapproché à nouveau, j’ai pu parcourir les étapes du plus petit échelon et j’espère arriver jusqu’à l’élite. C’est plaisant, je peux dire que c’est chouette de participer à un spectacle sportif, même en Liga 6, où les conditions sont ce qu’elles sont. Après tout, les sentiments et les émotions que te donne le football sont très agréables.

Bon, quand on était dans les ligues inférieures, on gagnait davantage, c’était encore plus agréable (rires). Mais maintenant, la joie quand on gagnes, elle est beaucoup plus intense. Avant, on se demandait combien de buts on qllqit șettre, maintenant on se demande si on va gagner ou pas. Ça a été comme un voyage, et chaque étape a offert sa part de satisfaction, et j’ai surtout pu voir comment le tout progresse, et comment ils progressent. Par exemple Adrian Popa, il est au club depuis le début, il a parcouru toutes ces étapes et c’est intéressant de voir qu’il a une très bonne évolution, y compris en Liga 2. Je suis convaincu que si on est promu en Liga 1, il ferait de bons matchs. Si on y arrive et qu’il reste au club, je crois que ça sera un cas unique au niveau mondial. Arriver dans l’élite, avec la même équipe, en partant de Liga 6. Aujourd’hui, il ne joue pas au Ripensia parce qu’il est favorisé, il y joue parce qu’il le mérite. Il mérite d’être titulaire, il est l’un des capitaines, et je crois qu’il ferait face. Le tout est qu’on y arrive. Ça pourrait être une belle histoire et une histoire unique dans le football mondial. Il est au club depuis six ans déjà. Mais on devrait se dépêcher, car il fête ses 30 ans cette année (rires). On espère et on rêve.

Par Thomas Ghislain


Image à la une : © facebook.com/RipensiaTimisoara/

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