Veille de match. Le Ripensia Timișoara accueille le CS Afumați le lendemain, dans sa longue marche pour le maintien après un début de saison fracassant. Le président, Radu Ienovan, nous donne rendez-vous à l’hôtel qu’il tient, dans les faubourgs de Timișoara, à quelques pas de l’Arena Ciarda Roșie où se déroule la rencontre. Sur les coups de 18h30, les joueurs d’Afumați arrivent à l’hôtel où ils logent, après une dizaine d’heures de bus depuis leur petite ville proche de Bucarest. Un peu plus tard, Radu Ienovan nous reçoit, pour une longue discussion transpirant de passion et d’amour pour le Ripensia. Interview.

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Le Ripensia après sa victoire 3-2 contre Afumati |© facebook.com/RipensiaTimisoara/

NDLR : Cet entretien a été réalisé la veille de la 32e étape de Liga 2, lorsque le club devait encore assurer son maintien. S’il est désormais acquis, certains passages de l’entretien font référence à cette lutte contre la relégation.

Tout d’abord, pourriez-vous vous présenter brièvement, ainsi que le Ripensia Timișoara ?

Je suis l’un de ceux qui ont initié le processus de reconstruction du Ripensia, avec un groupe d’amis, en 2012. Nous avons fait les démarches juridiques afin de réenregistrer cette association d’un point de vue légal. Ce qui est intéressant, c’est qu’en constituant la documentation nécessaire, on s’est rendu compte que l’Association Ripensia n’a jamais été liquidée ou dissoute. Au moment où le nouveau régime politique est venu, en 1948, ils ont cessé leurs activités par manque de financements, mais aucune démarche légale n’a été réalisée pour dissoudre la structure juridique. En 2012, après ce processus de documentation, nous avons demandé au Tribunal du Timiș le réenregistrement de l’association sur base de la loi sur les associations et les fondations, en vigueur à ce moment-là, car de toute façon, cette loi d’après laquelle a été créé l’association durant l’entre deux-guerres n’était plus en vigueur et il fallait donc procéder à nouveau à l’enregistrement, c’était la démarche légale et normale à réaliser.

En parallèle, nous avons enregistré la marque auprès de l’OSIM (NDLR :  « Oficiul de Stat pentru Invenții si Mărci », l’Office d’Etat pour les inventions et les marques) et on a cherché à rassembler dans cette Association tous ceux qui avaient un lien, que ce soit formel – comme quand on a réussi à accueillir dans l’Association les descendants de certains footballeurs du Ripensia – ou que ce soit un peu moins formel, c’est-à-dire les personnes se sentant proches de la notoriété que le Ripensia a eue et continue d’avoir ici à Timișoara, mais pas seulement. Parce que, surtout après 1948, beaucoup de livres ont été écrit au sujet du Ripensia. D’autres écrits à cette époque se souvenaient du Ripensia et de ses joueurs. Ștefan Dobay lui-même a écrit un livre « Shooot, Gol ! ». Moi aussi j’ai connu le Ripensia comme ça. En fait, la première fois où j’ai entendu parler du Ripensia pour la première fois, c’était durant mon enfance. Mon village natal était celui d’un joueur du Ripensia, Grațian Sepi, et bien sûr j’ai entendu les histoires sur le Ripensia et sur Grațian Sepi durant mon enfance. Je suis né en 1966. Le club n’existait donc plus quand j’ai commencé à aimer le football à 5-6 ans, au début des années 70. Et pourtant j’ai entendu parler du Ripensia, et ceux qui l’évoquaient en parlaient au superlatif, comme quelque chose d’extraordinaire  d’un point de vue sportif. Bien sûr, après cela, j’ai essayé de découvrir, dans la littérature sportive, plus de choses à propos du Ripensia et de ses joueurs.

« Ceux qui évoquaient le Ripensia en parlait au superlatif, comme quelque chose d’extraordinaire » – Radu Ienovan, président du Ripensia.

En bref, c’est l’histoire récente du processus par lequel je me suis personnellement approché de ce nom et de cette équipe renommée du football roumain. Le Ripensia a été la plus grande marque du football roumain dans l’entre deux-guerres, c’est en tout cas mon avis d’après ce que j’ai lu. Je suis bien sûr subjectif, mais je le crois. Dans l’entre deux-guerres, c’était la plus grande marque. C’est intéressant de voir qu’a survécu, d’une façon miraculeuse, cette légende, ces histoires, et d’une certaine manière nous avons réussi à ramener de nouveau le Ripensia au premier plan. Cela est aussi dû au fait que bien qu’il ait disparu des compétitions, le club est resté dans l’esprit de beaucoup de gens, même si certains d’entre eux ne l’ont jamais vu jouer. Il y a eu aussi le fait que la majorité des joueurs du Ripensia sont restés vivre ici, à Timișoara. Même après 1990, il y a encore eu des interviews car certains parmi ses grands joueurs sont décédés plus tard.

Hier a eu lieu l’Assemblée générale ordinaire du club. Pouvez-vous nous offrir un résumé de ce qui a été discuté, notamment au niveau des résultats financiers ?

Pour la partie financière, c’est un peu difficile car théoriquement, nous devrions faire le budget sur une saison, mais il existe un décalage avec l’année financière. On en a discuté et on a analysé les résultats de 2017, qui comportaient une phase retour de Liga 3 et une phase aller de Liga 2. Ce qui est certain, c’est que les revenus ont augmenté de 25 % par rapport à l’année précédente, en 2016, lorsque nous avions une phase retour de Liga 4 et une phase aller de Liga 3. Vu qu’on est resté qu’une seule saison en Liga 3, la nécessité des ressources est beaucoup plus élevée au niveau de la Liga 2. Je me réjouis que nous ayons réussi, car dès le moment où une montée en Liga 2 se profilait, la crainte existait de ne pas réussir à assurer les ressources financières nécessaires pour participer au championnat jusqu’à son terme. Nous avons réussi à équilibrer le budget, il y a eu un petit déficit, qui représente environ 1-2 % des revenus, c’est-à-dire 15 000 lei environ (NDLR : environ 3 227 euros), dans la mesure où les revenus équivalent à plus d’un million de lei (NDLR : environ 215 000 euros).

Je suis convaincu que nous avons l’un des plus petits budgets de Liga 2. Malheureusement, bien qu’on ait fait toutes les démarches pour bénéficier de financements publics, nous n’avons pas réussi à les obtenir. Nos projets n’ont pas été retenus, tant au niveau du Conseil du Județ (NDLR : département) que du Conseil local de Timișoara. Ainsi, tout le financement des activités s’est fait depuis des sources privées, principalement les cotisations des membres associés, le sponsoring et les revenus de billetterie. C’est assez difficile de faire une augmentation de revenus de deux fois et demi. De toute façon, je considère qu’ils sont insuffisants, nous avons un grand nombre de personnes qui font du volontariat. Si je pouvais évaluer le travail de ces personnes et leur contribution, je dirait qu’il faudrait minimum 350 000/400 000 euros pour effectuer un championnat dans de bonnes conditions.

Et avez-vous des revenus des droits TV ?

L’an passé, on a reçu 10 000 euros de la télévision. Ce qui correspond à une première tranche pour la Liga 2, étant donné que nous n’avions aucun droit télé en Liga 3. Au total, cela fera entre 25 000 et 30 000 euros, donc on devrait encaisser entre 15 000 et 20 000 euros jusqu’à la fin du championnat. C’est la somme qui nous revient en tant que participant à la Liga 2.

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J’ai lu sur votre site que l’Assemblée générale a aussi discuté des résultats sportifs de cette saison ?

Oui, nous avons fait une analyse de ce que le club a pu réussir au niveau sportif, je considère que 2017 a été notre meilleure année de ce point de vue. Nous avons eu cette promotion, que je qualifierais d’inattendue, en Liga 2 dès notre première saison en Liga 3. Nous avons, en dehors de l’équipe première, onze autres équipes : de l’équipe réserve, qui est en général composée des U19, jusqu’aux U10 environ. Nous avons beaucoup développé nos équipes de jeunes. Notre intention est de développer une académie à proprement parler, avec deux sections distinctes, un côté où on met plus l’accent sur le divertissement, le « football de masse » comme on dit, pour les plus petits à commencer de 5-6 ans, et par après, disons vers 11-12 ans, un pôle dédié aux performances. C’est la projection que nous avons pour les prochaines années, afin d’avoir des groupes d’élite dès 12-13 ans, où il y aura une sélection et qui constituera par la suite la base de l’équipe première. Nous accorderons une très grande importance au processus de formation des enfants et des jeunes.

En Liga 2, le Ripensia a commencé très fort durant l’été, mais le club est ensuite un peu retombé au classement. Quel bilan faites-vous sur le plan sportif ? Et quels étaient les objectifs en début de saison ?

L’objectif primordial était de faire toute la saison, et d’avoir un équilibre au point de vue financier, en Liga 2, c’est-à-dire de terminer la saison. Car le risque existait de commencer le championnat de Liga 2 mais de renoncer dans le courant de la saison, et cela équivaut à une rétrogradation en sixième division car selon le règlement, une équipe qui se retire est rétrogradée au dernier échelon de compétition du Județ.

C’était le premier objectif. Le second est le maintien en Liga 2. Et le troisième, dans cet ordre d’idée, était d’être promu. Il s’est avéré qu’on pensait que c’était un rêve, étant donné la limitation drastique de nos ressources et notre manque d’expérience, non seulement des joueurs mais dans l’ensemble du club. Parce qu’il y a une énorme différence maintenant. Je suis à la tête du club depuis le premier jour. Nous sommes passés de la Liga 6  la Liga 2, et je peux dire qu’il y a une très grande différence entre la Liga 2 et la Liga 3, à tous les points de vue. Nous n’étions pas très bien préparés, nous n’avions pas d’expérience pour gérer les différentes situations qu’on a rencontrées. Non seulement sur le plan sportif mais aussi sur le plan organisationnel. Surtout que nous nous situons à l’une des extrémités du pays, et que la majorité des équipes sont aux autres extrémités. Il y a 6-7 équipes à Bucarest ou dans les environs, il y en a aussi à Târgoviște, Pitești, Mioveni, etc.


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Nos déplacements les plus courts sont à Arad, Sibiu, voire Satu Mare. Nous ne nous sommes permis que deux déplacements en avion, à Miroslava (près de Iași), et à Suceava. A partir du moment où on se déplace en autocar, on perd quasiment deux jours pendant lesquels on ne peut pas s’entraîner. Les équipes qui sont dans cette région doivent se confronter à des facteurs qui mènent à une diminution de la fraîcheur, à un nombre moins important d’entraînements. Ce sont donc des déplacements très longs, et je ne me réfère pas forcément à l’aspect financier – bien qu’il soit important. Je parle simplement des aspects liés à l’organisation de nos trajets depuis notre ville, à l’extrême-ouest du pays.

Et c’est compliqué de planifier parce que nous savons quand nous jouons seulement 7 à 8 jours à l’avance, parce que les télévisions ne peuvent pas donner une grille horaire des matchs télévisés très à l’avance. Tu ne peux pas faire les réservations à temps, c’est comme ça. En avion, au plus tu réserves à l’avance, au mieux c’est. Il est vrai que nous sommes surpris au niveau organisationnel de certaines choses et problèmes que nous n’avions jamais rencontrés et nous ne savions pas comment les résoudre au mieux. Nous espérons rester en Liga 2 et bénéficier de ce qu’on a appris, ça serait le bénéfice principal pour les joueurs, le staff technique et nous aussi.

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J’ai lu que le Ripensia a changé d’entraîneur à deux reprises cette saison…

A trois reprises, oui.

Ah, à trois reprises alors. Qu’est-ce qui n’a pas marché avec les anciens entraîneurs ?

Deux d’entre eux ont démissionné. Le premier entraîneur, Monsieur Steop, était là pour deux promotions. Il a démissionné après douze journées, sans doute déçu des résultats obtenus après un début de saison extraordinaire. Ensuite est venu Monsieur Suciu, qui est dans l’encadrement du club depuis la refondation. Il a entraîné l’équipe dans les ligues inférieures, notamment pour la promotion en Liga 5, et il est toujours resté dans l’encadrement du club. Le problème est qu’il n’a pas obtenu sa licence A d’entraîneur, et on a dû prendre quelqu’un qui détient ce diplôme, demandé par la Fédération Roumaine de Rootball (FRF). Ainsi, nous en sommes maintenant au troisième entraîneur.

Bien sûr cette instabilité sur le banc a contribué, je pense, aux résultats que je qualifierais d’en-dessous des attentes. Mais d’un autre côté, on doit tenir compte du contexte et des problèmes de déplacement que j’ai évoqués, ainsi que de l’aspect de la préparation. Nous ne pouvions par exemple pas nous offrir un stage, ni en hiver ni en été, et nous nous sommes entraînés ici. De plus, nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir un large staff technique. Il est restreint à trois-quatre personnes. Cela porte préjudice, s’il y a trois-quatre personnes qui doivent entraîner un effectif de 23-24 joueurs, c’est assez compliqué.

« Pour nous, tout a un coût et il faut agir avec une grande précaution dans tout ce que nous faisons, sinon tu arrives à des situations où tu ne peux plus payer ou faire des déplacements » – Radu Ienovan, président du Ripensia.

Nous avons ces limitations financières. Je vous l’ai dit, ma principale responsabilité était de faire en sorte de ne pas mettre en péril le travail qu’on a réalisé ces six dernières années jusqu’à aujourd’hui et tous les résultats obtenus depuis, et de constamment équilibrer le budget. Nous sommes très attentifs à ce que nous dépensons, où nous dépensons, etc. Il faut constamment réduire les prérogatives qui se trouvent sur la liste des entraîneurs, parce qu’on ne peut pas faire ci, on ne peut pas faire ça. Bien entendu, chaque entraîneur souhaite les meilleures conditions, que ce soit au niveau de l’alimentation, de la préparation physique et mentale, des infrastructures, etc. Malheureusement, tout a un coût. Nous n’avons même pas de stade propre, nous n’avons pas notre propre terrain, nous le louons, nous l’entretenons. Nos coûts ne sont pas seulement liés aux équipes. Une part importante revient à l’infrastructure et tout ce que ça présuppose. Mettre à disposition une infrastructure à un niveau pas nécessairement confortable, mais je dirais acceptable pour un jeu de Liga 2 et les entraînements, c’est très difficile.

Pour nous, tout a un coût et il faut agir avec une grande précaution dans tout ce que nous faisons, sinon tu arrives à des situations où tu ne peux plus payer ou faire des déplacements. Chaque match à domicile rapporte 10 000 lei (environ 2 150 euros, NDLR). Ce n’est pas une petite somme pour nous. Et il est préférable d’encaisser la somme avant le match, pour pouvoir payer les arbitres, les observateurs, l’ambulance, la sécurité. Sinon, ça pose problème. Il y a 38 journées, pour la seule phase aller nous avons dépensé plus de 50 000 euros pour l’organisation, les déplacements, etc. pour un budget prévu d’environ 250 000 euros au total. Comme je l’ai dit, nous avons douze équipes : onze juniors et l’équipe première. Il y a de nombreux coûts également pour les équipes de jeunes.

En regadant un peu le calendrier, en dehors du déplacement à Călărași, c’est assez favorable pour le Ripensia pour le maintien ?

Oui, après le déplacement à Călărași, nous avons un match à Arad puis à l’ASU Politechnica et nous avons encore deux matchs à domicile, parce qu’on devait aussi jouer l’Olimpia Satu Mare (forfait général, NDLR) à domicile. Du coup, on a une période de pause d’environ dix jours. Nous espérons que ça ira, les joueurs souhaitent aussi se maintenir parce que comme je l’ai dit, c’est un autre niveau footballistique et d’exposition médiatique. Des 9-10 matchs de la phase retour, je crois que 6 ou 7 ont été transmis par une télévision nationale. Tandis que les matchs à domicile, comme demain, nous retransmettons nous-même tous les matchs de Liga 2 qui ne sont pas transmis par Digi ou Telekom, pour que n’importe qui, de n’importe où dans le monde, puisse les voir.

Pour les joueurs, cela fait monter la pression, mais je suis convaincu que chacun souhaite continuer à ce niveau, et non pas redescendre. C’est facile de descendre, mais je crois que beaucoup d’entre eux visent même plus haut, du coup si tu es relégué maintenant, c’est difficile de revenir.

Revenons, si vous le voulez bien, en 2012. Pourquoi le Ripensia s’est reformé et comment cela s’est-il déroulé ?

Il y a eu un moment, à Timișoara, où l’équipe qui jouait en Liga 1, le Poli, a été rétrogradée après avoir terminé deuxième du championnat (en 2010-2011, NDLR). La ville de Timișoara a alors perdu son unique représentant au premier échelon. L’idée de reconstruire le Ripensia existait déjà, mais cet événement a créé un déclic et on est passé de cette idée, qui pour certains était assez folle, à la réalisation. Au moment où on a pris cette décision, nous étions relativement nombreux. On a discuté, on a débattu, on a rassemblé une documentation extrêmement sérieuse sur tout ce qui se réfère à l’identité du club dans la période de l’entre-deux guerres. Et on a dit qu’il fallait le reconstruire, tout en partant des piliers qui avaient été placés à ce moment-là, c’est-à-dire de la forme juridique, respectivement une association, jusqu’au style de jeu, même si ça paraît peut-être un peu prétentieux à dire.

J’ai également lu des choses sur ce style, sur le jeu que jouait le Ripensia, sur pourquoi il était tant aimé, non seulement à Timișoara mais aussi ailleurs. Car le Ripensia, en huit ans d’activité, a été quatre fois champion et a gagné deux coupes nationales, en plus de pratiquer un football généreux et spectaculaire, et on a souhaité garder cela car on en était conscient. Encore maintenant, ce n’est pas un secret, si les supporters et les spectateurs ne viennent pas au stade c’est aussi à cause du fait que, entre autres, on joue selon moi encore assez peu au football. Si ça joue trop fermé, il n’y a aucune satisfaction de regarder un match qui se termine par 0-0, même s’il y a des exceptions. Mais de notre côté, même dans ce championnat-ci, on a eu un 3-3, un 4-4, il y a eu des matchs spectaculaires, avec beaucoup de buts, et c’était notre intention d’avoir un jeu qui plaise à ceux qui le regardent. De ce que j’ai lu, c’est comme ça qu’était le Ripensia, au-delà des performances. De plus, le Ripensia de l’entre-deux guerres avait des valeurs sûres, de très bons sportifs. A mes yeux, l’un des plus grands était Dobay. Beaucoup de gens ne l’ont pas vu, mais d’après ce que j’ai lu, il était un buteur-né, qui a en plus participé à deux Coupes du Monde. Il  y a eu aussi Bindea, Ciolac, ce sont là quelques valeurs individuelles très importantes pour la Roumanie. Compte tenu du fait que le football, à cette période, était extrêmement développé en Autriche, en Hongrie, en Italie qui a gagné deux Coupes du Monde. Quelque part, le Ripensia était là, il a même rencontré l’AC Milan en Coupe d’Europe centrale, et l’a éliminé. Le football roumain de club était à un niveau relativement bon.


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Ce style de jeu, offensif, essayez-vous de l’enseigner dès le plus jeune âge, dans votre académie ?

Oui, en tout cas c’est l’objectif. La méthodologie est très importante, l’âge aussi. Car il y a des choses à apprendre à 6 ans, à 7 ans, comme à l’école, où on débute avec l’alphabet, etc. Bien sûr, les éléments de base, en ce qui concerne le football, ou l’éducation, sont appris au cours des premières années. Ensuite, dans les groupes de « performance », comme je l’expliquais précédemment, on essaie de transmettre que nous souhaitons les mêmes principes de jeu. L’idée est de nous alimenter de notre propre pépinière de joueurs, en général, mais pas à 100 % non plus. Je ne crois pas qu’il soit possible, pour le moment, d’avoir des performances avec seulement des joueurs du cru. Mais au moment où un jeune joueur passe de l’équipe junior à l’équipe première, il doit connaître les principes et la philosophie de jeu que toute l’équipe essaie d’appliquer. Mais on a encore beaucoup de boulot, on a beaucoup développé les équipes d’âge ces dernières années. Nous devons encore nous organiser au mieux, notre préoccupation était d’avoir des vestiaires décents, y compris pour les enfants, d’avoir de bons terrains où ils peuvent apprendre le jeu. Parce que comment peux-tu faire un exercice si dès le plus jeune âge le terrain n’est pas bon, avec des rebonds, comment lui enseigner de « passer en une touche » comme on dit, si le ballon n’arrive pas correctement. Nous avons encore pas mal de choses à mettre au point à ce niveau-là.

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On travaille aussi avec les parents, on essaie de leur faire comprendre qu’ils doivent avoir un comportement correct, autant par rapport à leur enfant que par rapport aux adversaires, car ils sont les plus importants, et les enfants ont besoin de leur soutien. Il ne faut pas de parents « toxiques » autour d’eux. Il y a beaucoup de choses à résoudre à ce niveau. Parce que les enfants sont très impressionnés par les parents, ils tiennent beaucoup compte de leur avis, peut-être que beaucoup d’entre eux jouent au football pour plaire à leurs parents. C’est donc mieux que les parents aident en réalité l’enfant, et ne lui transmettent pas d’énergie négative. Malheureusement, en général, on met l’accent sur la compétition depuis les plus petits, or il ne faut pas que ça soit comme ça. Ils doivent jouer, ils doivent découvrir le football.

Selon moi, il ne faudrait pas tenir compte du score jusqu’à 12-13 ans, il faudrait se focaliser sur autre chose pour eux. Ensuite, de toute façon, le côté compétitif existe en chacun d’entre nous et chez tous les enfants. Quand on prend deux frères par exemple… J’ai trois enfants, et je vois que même si j’essaie de leur apprendre de ne pas développer cette compétition entre eux, c’est le contraire qui se produit. Je leur dis que ce n’est pas bénéfique, mais voilà c’est inné chez eux, chez tout le monde. Cela nous plaît, cet esprit, cette sensation de confrontation avec les autres. On va essayer de faire en sorte de montrer ce qui est préférable, y compris dans le comportement des parents envers leur enfant, en ce qui concerne le football bien entendu.

Le Ripensia a été fondé sur le modèle « sans patron », si je ne me trompe pas ?


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Non, pas vraiment, ce n’est pas notre slogan on va dire.  Je vous ai raconté que nous sommes partis de ce qu’était le Ripensia, comme structure juridique. Et probablement que le football, à un certain niveau, sans investissement massif et sans beaucoup d’argent, à mon sens, est impossible. A l’heure actuelle, nous sommes à un moment charnière où nous débattons de l’idée de développer, en parallèle, une autre structure juridique, à côté de cette association, où nous avons cette composante d’investissements. En particulier, en ce qui concerne l’infrastructure, cela nous intéresse d’avoir notre propre base d’entraînement et ce n’est malheureusement possible que si on parvient à attirer des personnes disposées à investir dans cette structure. Et cette structure doit faire du profit, qui ira par la suite vers le club. Nous étudions les possibilités. On peut voir comment ça se passe au Bayern Munich. Ils ont en réalité deux structures : une association, comme le Bayern l’était depuis le début, et une S.A. (société par actions), fondée par l’association, dans laquelle elle avait initialement 100 % des actions avant d’en céder une partie. Actuellement, 30 % est détenu par Audi, Allianz et Adidas, par exemple.

Nous essayons donc de réfléchir à une structure appropriée, où l’on attire des hommes d’affaires et des investisseurs. Mais je le répète, cette structure aura pour rôle de mener des activités économiques et de produire une plus-value qui sera utilisée au bénéfice de l’association.

Donc c’est différent de, par exemple, l’ASU Politechnica ?

Bon, je ne sais pas exactement concernant les autres clubs. Dans notre cas, je crois qu’on a besoin d’hommes d’affaires. Je suis un homme d’affaire et il y en a d’autres dans l’association Ripensia, en tant que personnes physiques. Notre contribution n’est pas uniquement la cotisation annuelle, nous sponsorisons le club avec nos entreprises, nous soutenons financièrement le club aujourd’hui. Mais nous voulons attirer d’autres types d’investissements, des personnes juridiques ou physiques, qui ne vont pas venir dans une structure de type associatif. Nous sommes venus en premier lieu en tant que personne physique, ensuite en tant qu’hommes d’affaires, mais nous sommes tout d’abord des associés. Chaque membre a les mêmes droits et obligations, indifféremment de sa contribution. Mais pour parvenir à amener des sommes d’argent plus importantes, il faut développer ce côté de « business », qui ne peut pas se faire à l’intérieur de l’association. Il existe un modèle qui fonctionne bien, au Bayern, et cela ne va pas forcément être similaire, on va s’adapter, car nous n’avons en pratique pas d’autre solution.

Si nous voulons la Liga 1, si nous voulons plus qu’une présence éphémère en Liga 1, car après tout, le plus difficile n’est pas d’atteindre la Liga 1, c’est de s’y maintenir et d’y être performant. Et sans ressources financières importantes, on ne parle plus de dizaines de milliers d’euros, en Liga 1, pour avoir des résultats, on parle déjà en millions d’euros. On est très conscient de cela. Et là, ça fait déjà près d’un an qu’on réfléchit à cette structure, à cette société par actions, qui serait le support et le filet de sécurité pour le club.

« Quand on a pris la décision, avec un groupe de personnes, de reconstruire le Ripensia, il y a eu deux choses principales auxquelles nous avons tenu. Ne pas nuire à la notoriété positive de la marque Ripensia, et ne pas nous vulnérabiliser. » – Radu Ienovan, président du Ripensia.

De plus, il est très important de trouver d’autres sources de financement, dans la mesure où je ne pense pas que la loi de sponsoring roumaine sera amendée prochainement, ou que nous pourrions bénéficier de ressources financières publiques. On sait qu’il y a des directives européennes qui assimilent à peu près toute somme d’argent, provenant des caisses publiques vers un club professionnel, comme aide d’Etat. Il existe donc le risque immense d’avoir accès à ces sommes d’argent, et après un certain temps, de devoir les rembourser. Alors, surtout si les sommes sont importantes… Nous ne voulons pas tomber dans ce piège. Nous essayons de connaître la législation, non seulement roumaine, mais aussi européenne, parce qu’à tout moment, une procédure d’infraction peut être enclenchée. Au moment où en Roumanie, dans le domaine du sport, on ne respecte pas les lois européennes, il y a le risque d’une procédure d’infraction. Et des rumeurs circulent que cette procédure d’infraction, en ce qui concerne le domaine sportif, sera enclenchée. Donc nous ne voulons pas nous rendre vulnérables.

Quand on a pris la décision, avec un groupe de personnes, de reconstruire le Ripensia, il y a eu deux choses principales auxquelles nous avons tenu. Ne pas nuire à la notoriété positive de la marque Ripensia, et ne pas nous vulnérabiliser. Or la partie financière peut créer de grandes vulnérabilités, notamment sur le plan sportif, parce qu’ici le règlement est très clair : tout club nouvellement créé doit démarrer de la dernière catégorie de compétition du Județ ou de la municipalité, donc si la Liga 6 est la dernière, il faut repartir de là. Nous faisons partie des quelques clubs qui ont fait ça. Ceux qui sont partis d’une division supérieure, se prévalant de certaines décisions d’organismes de football régionaux (les AJF pour « Asociatia Județeană de fotbal »), eux sont vulnérables. A tout moment peut naître une situation dans laquelle un adversaire ouvre la boîte de Pandore.

© facebook.com/RipensiaTimisoara/

Je vous donne un exemple, je ne veux pas parler d’autres clubs. Supposons que le Ripensia soit en Liga 2, que nous y restions l’an prochain et que nous luttions pour la promotion en Liga 1. Si l’un de nos adversaires, qui veut aussi monter en Liga 1, commence à regarder quels sont les problèmes du Ripensia. « Ah, en telle année il a changé de nom, en telle année il a changé de forme juridique, », et bien c’est suffisant pour avoir un procès. Après tout, il existe aussi le TAS, le Tribunal d’Arbitrage Sportif, et je crois qu’au moment où tu accumules ces vulnérabilités, tu ne peux pas être tranquille, en plus de mettre en péril le travail réalisé depuis des années.

Ce sont nos préoccupations. N’accumuler aucune sorte de vulnérabilité, tant sur le plan sportif que financier, respecter la loi et les règlements sportifs, c’est essentiel pour la continuité et la santé du club. Regardez ce qu’il se passe, il y a tellement d’exemples en Roumanie, des clubs qui arrivent en situation d’insolvabilité, qui font faillite, et bon, ils sont refondés comme on dit, ou recréés, plus ou moins en accord avec la loi et les règlements sportifs. Je crois qu’il faut être très scrupuleux. Un club puissant ne signifie pas forcément Liga 1, cela signifie avoir une identité, être en bonne santé financière, avoir une bonne organisation, et ne pas avoir ce genre de vulnérabilités. Et être sur le long terme. Nous avons des exemples, des champions d’Europe qui sont en troisième division en Angleterre, Nottingham Forest. Toute organisation passe, avec des hauts et des bas, mais l’important c’est de garder ses fans, etc. Si tu joues devant une moyenne de 10 000 supporters en Liga 1, mais qu’elle tombe à 2 000 si tu descends en Liga 2, cela ne me semble pas normal. C’est que le club n’est pas puissant. Un grand club a le soutien de sa communauté indifféremment des résultats, car il n’existe aucune équipe qui gagne tout le temps, il y a des moments forts et d’autres moments moins bons. Il faut l’accepter. S’il y a une chose à apprendre du sport, c’est apprendre comment perdre, et que faire ensuite. C’est une leçon importante, selon moi, que t’apprend le sport. Faire face à l’échec au moment où tu perds.

A suivre très bientôt…

Par Thomas Ghislain


Image à la une : © facebook.com/RipensiaTimisoara/

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