Créé en 1928 et quadruple champion de Roumanie dans les années 1930 avant de disparaître des radars en 1948, le Ripensia Timișoara est l’un de ces clubs qui a disparu des compétitions pendant très longtemps, mais est resté dans les mémoires comme un souvenir vivace d’une équipe redoutable, composée de joueurs extraordinaires et qui a rendu fous de joie les amateurs de football de toute la Roumanie pendant une décennie. De retour à la compétition en 2012, le Ripensia a gravi les échelons et se trouve actuellement en deuxième division roumaine, à quelques pas de l’élite.
Liga 2, objectif accompli
« À la trêve, j’ai fait une analyse de nos adversaires et à ce moment, et j’ai dit qu’il y avait trois équipes qui ont joué au football, l’une d’entre elles était le Ripensia, les deux autres étant Chindia et l’Academia Clinceni. Ces trois équipes jouent un beau jeu, et aujourd’hui on n’a pas su riposter face à leur jeu de combinaisons (…) Les eurogoals, comme ceux qu’on a vus aujourd’hui, viennent d’équipes qui combinent et qui jouent. (…) Comme je l’ai dit, ces trois équipes jouent au football, ne refusent pas le jeu, ils construisent leur jeu depuis le gardien de but. Face au Ripensia, la préparation n’est pas du tout facile, car c’est une équipe qui s’ouvre, qui joue » déclarait Vasile Neagu, l’entraîneur du CS Afumaţi, après la défaite des siens au Stade Ciarda Roșie de Timișoara, contre le Ripensia Timișoara (2-1).
La politesse et les éloges sont certes de mise lorsque les invités du jour sont questionnés sur le jeu de son hôte, mais les chiffres sont plutôt parlants. Le Ripensia a terminé sa première saison en Liga 2 à la 11e place, avec 48 points en 38 matchs, soit à 7 points du premier relégable, tout comme à 3 points du top 10. Surtout, le Ripensia a marqué 72 fois, ce qui en fait la 3e attaque de l’élite derrière le promu Călărași et le Chindia, et ont encaissé 60 goals, soit la 7e plus mauvaise défense de la ligue. Certes, la victoire 16-0 lors de la première journée, contre un Foresta Suceava qui alignait des minots, a bien aidé pour soigner ces statistiques. La réalité est que le Ripensia joue pour marquer des buts, et non pour ne pas en prendre, preuve en est que le club n’a enregistré aucun 0-0 cette saison.
Après un départ canon, qui a vu le Ripensia engranger quatre victoires d’affilée puis deux matchs nuls durant l’été, le soufflet est quelque peu retombé et le club enregistre une série de 11 matchs sans victoire, ainsi qu’une défaite en Coupe contre le AS Voinţa Biled dès son entrée en lice. Le coach Remus Steop jette l’éponge après 12 journées, malgré qu’il soit l’artisan des montées en Liga 3 et en Liga 2. Il est alors remplacé par un cadre du club depuis sa renaissance, Radu Suciu, qui ne dispose pas de la licence pour entraîner et dont les résultats sont comme ci comme ça. À la trêve, Paul Codrea s’assoit sur le banc pour quatre matchs seulement, avant de voir Ciprian Urican, un théoricien du football qui donne des cours à la Fédération, prendre les rênes. Avec un relatif succès puisque le Ripensia termine la saison sur un bilan de cinq défaites et surtout cinq victoires, qui lui permettent d’assurer sa survie en Liga 2, alors que le club était encore en Liga 4 il y a deux saisons de cela.
Un premier exercice réussi donc, comme le soulignait Octavian Stancioiu, rédacteur en chef du Ripensia Sport Magazin et commentateur attitré des matchs du Ripensia, à la fin de l’ultime sortie de la saison contre Miroslava : « Maintenant que nous sommes à la fin du championnat, on peut se rendre compte de la dimension de cette saison pour le Ripensia. Un maintien acquis quasiment sans sourciller, ce qui est extraordinaire en considérant que le Ripensia disposait peut-être du plus petit budget en Liga 2 cette saison. Grâce au travail, à l’organisation, à la passion, à l’intelligence, le Ripensia a réussi ce que peu de gens croyaient ».
Cette passion dont parle Octavian Stancioiu, cette philosophie de jeu décrite par Vasile Neagu, elles ne viennent pas de nulle part. Elles ont une source, une histoire. Il faut remonter jusqu’aux soubassements du football professionnel roumain pour en trouver une trace. Car le Ripensia a cette particularité d’avoir été le premier club professionnel du pays, avant même que la Ligue de football ne se décide à faire passer le championnat du statut amateur à celui de professionnel. Et ce n’est peut-être pas un hasard que cela s’est passé à Timișoara, dans cette région du Banat si propice aux innovations et si riche dans sa composition ethnique.
Timișoara la banatéenne
Quiconque a déjà visité Timișoara est sans doute tombé amoureux de la Piața Unirii et a siroté un café, un milkshake, un Daiquiri ou une Timișoreana sur l’une des nombreuses terrasses qui la bordent. Il faut dire que les abords de la place n’ont pas changé de fonction depuis que la ville a été reprise des Ottomans par les troupes d’Eugène de Savoie, en 1716. Là où les brasseries composaient la majorité des bâtisses de l’époque, les restaurants et les bars offrent aujourd’hui aux passants et aux touristes une halte bienvenue dans une vibrante quiétude. La Cathédrale catholique romane « Saint-Georges », terminée en 1774, fait face à la cathédrale orthodoxe serbe, qui avait sa première forme en bois dès 1745. Le Lycée Nikolaus Lenau, fondé en 1870, donnait au départ ses cours en allemand, tandis que la Casa Brück a été édifiée en 1910 par l’architecte en chef d’alors de la ville, le Hongrois László Székely. La Place de l’Union, dénommée ainsi depuis 1919, car les troupes roumaines s’y sont arrêtées lorsqu’elles sont entrées dans la ville, porte si bien son nom tant elle offre un condensé de la mixité et de la richesse ethnique de la ville. Eugène de Savoie ordonna même, la reconquête achevée, la construction d’une brasserie pour contenter la soif des troupes autrichiennes et remédier à la pénurie d’eau potable. En 1718, commence donc l’histoire de la délicieuse Timișoreana.
Roumains, Serbes, Hongrois, Souabes formaient ensemble le cœur de la population de la ville au 19e siècle. En 1930, la ville était à peu près composée d’un tiers de Roumains, d’un tiers d’Allemands et d’un tiers de Hongrois, tandis que les Serbes, les Juifs, les Roms, les Bulgares et les Slovaques formaient les minorités. Ce n’est que par après que les Roumains sont devenus largement majoritaires, surtout après l’émigration des Souabes et des Juifs après 1989. Gwénola Sebeaux explique la stratégie austro-hongroise après la victoire sur les Ottomans dans la région, ainsi que la venue des Souabes, dans son « Identités, migrations et mobilités transnationales : Europe (XIX-XXIe siècle » (2017) :
« L’objectif impérial (sous Marie-Thérèse, et plus tard sous Joseph II) est de faire du Banat un véritable creuset multiethnique et pluriculturel. Pour ce faire, on valorise les compétences spécifiques des populations d’origine (Serbes, Roumains, Bulgares et Hongrois), en encourageant leur retour après le reflux ottoman. Quant aux colons allemands, ils sont choisis pour leur savoir-faire dans les domaines militaire, artisanal ou agricole. De ce choix initial résultent deux caractéristiques du Banat : d’une part, la création progressive de colonies ethniques bien distinctes (soit totalement fermées, soit accolées aux villages autochtones, mais nettement différenciées en termes d’habitat) ; et d’autre part, la perception collective d’un particularisme « souabe », tant par les intéressés que par les co-ethnies. »
Les minorités serbes et allemandes (concentrées dans le quartier de la « Fabrique », première zone industrielle du pays) donnent une couleur inédite à cette ville du Banat, qui fut sous contrôle de l’Empire des Habsbourg d’abord puis des Hongrois à partir de 1860 jusqu’au premier conflit mondial. Chemin de fer, canalisation de la Bega (ce qui signifie accès au Danube), tramways à cheval puis électrique, téléphone, éclairage public, asphalte, le développement de la ville est en plein boom, mais connaît un coup d’arrêt avec la der’ des der’.
Lire aussi : Stefan Dobay, le « Cheval » du Ripensia Timisoara
Les prix explosent, les libertés se perdent, la militarisation générale s’opère, et les familles se rétrécissent, à l’image de celle de Stefan Dobay, dont le père est mort au combat (lien). Le 31 octobre 1918, c’est la ville entière qui sort dans la rue. Un Conseil National du Banat se forme, représentant les quatre groupes ethniques les plus importants, mais sous contrôle du gouvernement hongrois. La population roumaine, menée par le Dr. Aurel Cosma, forme alors son contre-pouvoir politique et militaire et se réclame de la Grande Roumanie. Quinze jours plus tard, en conséquence de l’armistice de Belgrade, l’armée hongroise est sommée de se retirer de la ville et du Banat, laissant l’opportunité à l’armée serbe de l’occuper. Mais peu après, la division du Banat s’opère, principalement entre sa partie serbe (rassemblement de Novi Sad) et sa partie roumaine (celui d’Alba Iulia, le 1er décembre 1918). Cela se confirme avec le Traité de Trianon en 1920, qui donne à la Roumanie la majorité de son territoire (près de 19.000 km²), au Royaume des Serbes, Croates et Slovènes sa partie occidentale tandis qu’un bout de terre est gardé par la Hongrie.
Depuis, Timișoara a donc lié son destin à la Roumanie, sans pour autant renier son caractère particulier. Le brassage ethnique est encore présent, les innovations aussi puisque c’est ici qu’a été créé le premier club professionnel du football roumain, à savoir le Ripensia.
Balade sur les bords de la Bega
Une petite balade dans Timișoara, qui sera par ailleurs Capitale européenne de la culture en 2021, nous offre en tout cas un moyen simple de voir l’empreinte du Ripensia dans le paysage urbain. En partant de la Cathédrale orthodoxe, à l’extrémité sud de la flamboyante Piața Victoriei, baladons-nous d’abord sur les bords de la Bega, qui nous offre un cadre bucolique certes éloigné de nos préoccupations, mais tellement reposant qu’il serait bête de ne pas en profiter. À l’un des bars qui jouxtent la digue, une première trace footballistique nous fait un clin d’œil, avec ces serveurs arborant le fameux t-shirt « Fără patroni » (« sans patrons ») de l’ASU Poli Timișoara. De l’autre côté de la Bega se trouve l’Université Ouest de Timișoara et son Stade Stiinta, antre actuel du club de Liga 2.
Après un petit détour par le magnifique parc des Roses, on traverse le canal et deux choix s’offrent alors à nous pour rejoindre le Stade Dan-Păltinișanu, véritable emblème footballistique de la ville. Soit la Strada Cluj, soit l’Aleea F.C. Ripensia. La décision est simple et limpide, le Ripensia est ce club qui a droit à sa propre rue en centre-ville. Au fur et à mesure que la verdure du campus universitaire s’estompe, le Dan Paltinisanu se concrétise devant nos yeux. Ses quatre pylônes sont déjà visibles de loin. On passe à côté d’un bâtiment tape-à-l’œil, dans la plus pure tradition du sport socialiste et qui abrite actuellement un club sportif culturiste ainsi qu’une statue parée d’or d’Arnold Schwarzenneger, entres autres, sur son parvis. Des logements s’en suivent alors jusqu’à arriver au Stade Dan-Păltinișanu, là où le Ripensia a joué deux derbies, face à l’ASU Poli et l’UTA Arad, cette saison.
Mais pas plus, car le Ripensia jouait avant cela au Stadion Electrica et loue maintenant l’Arena Ciarda Rosie, dans les faubourgs de la ville. Un quartier qui est plus récent que le club lui-même.
Le Chinezul est mort, vive le Ripensia !
La Divizia A avait déjà débuté depuis 1909, tandis que le Temesvári Kinizsi remportait la division du Sud du championnat hongrois par trois fois durant la guerre. Le Kinizsi, c’est le Chinezul Timișoara, son maillot blanc-violet et la légende qu’il va écrire quelques années plus tard. Pour sa dixième édition, le championnat roumain en 1920-1921 est le premier de l’ère de la Grande Roumanie, qui impose du coup un système de divisions régionales dont chaque vainqueur s’affronte pour le titre suprême de champion. Et dans un championnat dominé par les équipes de Bucarest et de Ploiesti jusqu’ici, le Dr. Cornel Lazăr, président du Chinezul, commence sa conquête en gagnant haut la main la finale face au Victoria Cluj-Napoca, 5-1.
En découle une hégémonie de six saisons pour un total de six titres pour le Chinezul jusqu’à la saison 1926-1927 – un record égalé par le Steaua Bucarest en 1998 seulement ! Dès lors, les soucis financiers commencent pour le Chinezul et s’aggravent lorsque le Dr. Lazăr s’en va… pour fonder un autre club : le Ripensia Timișoara. L’histoire est en marche.
Lire aussi : Rudolf Bürger, l’enfant de Timisoara
Né en 1889 à Timișoara, le Dr. Cornel Lazăr est l’une des grandes figures du football roumain de l’entre-deux-guerres. Président du Chinezul durant ses heures de gloire, il y subit de plein fouet son déclin. Poursuivant certains membres de la direction du Chinezul accusés de détournements de fond, il tente de sauver coûte que coûte les Blanc et Violet, demandant le passage du championnat roumain au statut professionnel. Mais un vote de méfiance de la part de ses opposants au sein de la direction le pousse à démissionner, à l’été 1928. Pas mal de titulaires du club suivront la position de leur ex-président et refuseront de s’aligner pour les matchs officiels. Avec l’équipe réserve en championnat, le Chinezul ne fait plus peur à personne en Roumanie et n’arrive plus à retrouver sa gloire passée, malgré sa présence au sein de l’élite quelques années durant.
À l’époque, le Dr. Lazăr n’imagine qu’un avenir professionnel au football roumain, en premier lieu du fait que de plus en plus de joueurs quittent le championnat pour la Hongrie voisine qui a déjà adopté la tendance. Ainsi, le Dr. Lazăr préside la fondation du Ripensia Timișoara dès l’automne 1928, en tant que premier club professionnel de Roumanie. Six joueurs du Chinezul, parmi lesquels Bürger, le gardien Zombory ou Beke, se joignent au nouveau club.
Homme de lettres cultivé, ayant réalisé son doctorat en droit en Suisse, Lazăr avait une vision bien claire de ce qu’allait être le football et a tout fait pour placer sa ville, Timișoara, sur le devant de la scène. Il a par ailleurs également occupé la fonction de maire de la ville, pendant quelques mois en 1932, tout en étant président du Ripensia. Après la guerre, le Dr. Lazăr s’est retiré de toute activité liée au football à cause de problèmes de santé, et décède à 77 ans le 25 janvier 1966. Depuis 2000, une rue de Timișoara porte son nom.
Les années 1930, années fastes
Sous sa conduite, le Ripensia commence d’abord par des tournées européennes avant que le championnat roumain n’accède au professionnalisme. C’est le cas lors de la saison 1932-1933, où la ligue est composée de deux séries de sept équipes, le vainqueur de chacune d’entre elles s’affrontant en finale aller-retour. Avec 10 victoires sur 12 et un goal-average de +39, le Ripensia remporte sa division et affronte l’U Cluj en finale, pour une victoire 5-3 à l’aller et un match nul 0-0 au retour. Doit-on signaler l’auteur du hat-trick lors de cette première manche ? Ştefan Dobay, bien sûr, qui termine meilleur buteur avec seize buts au compteur.
La saison suivante, le Ripensia retrouve la finale du championnat, mais la perd cette fois-ci face au Venus Bucarest, sans pour autant finir l’année les mains vides, la première Coupe de Roumanie leur est dévolue après une victoire 5-0 face à l’U Cluj, lors de la finale disputée à Bucarest. Il s’agit en réalité d’une finale rejouée à la demande des joueurs transylvains, initialement battus 3-2 à Timișoara, le match ayant par la suite été annulé. « Pour nous, ça n’a pas vraiment d’importance où nous jouons, parce qu’en ce moment nous sommes la meilleure formation de Roumanie » avait alors déclaré le Dr. Lazăr à la presse.
Dès 1934-1935, le championnat change de nouveau de formule pour consister cette fois-ci en une série unique de douze équipes. Malgré deux défaites face au Chinezul cette saison-là, le Ripensia termine devant le CAO Oradea et le Venus Bucarest pour enlever son deuxième titre de champion, tout en échouant en finale de la Coupe face au CFR Bucarest. Les Jaune et Rouge conservent leur titre la saison suivante et réalisent le premier doublé de l’histoire du football roumain. Après avoir laissé le titre au Venus en 1937, le Ripensia gagne sa quatrième et dernière couronne en 1938.
1938, c’est également l’année durant laquelle le Dr. Cornel Lazăr quitte le club. Déjà contesté par ses propres joueurs un an plus tôt, au prix d’une grève qui dura quelques jours, son successeur est un autre membre fondateur du Ripensia, le Dr. Coriolan Băran. En 2000, une rue Dr. Cornel Lazăr est inaugurée à Timișoara.
Une renommée exceptionnelle
Le conflit mondial et les changements qui s’en suivent auront raison de la viabilité du projet ripensiste, qui tombe finalement à l’abandon en 1948. Mais sa légende ne fait que commencer. De par son aura, de par sa popularité à Timișoara et dans tout le pays, puisque l’équipe a joué pas mal de matchs à Bucarest même, de par ses performances face aux cylindrées européennes, comme cette victoire inoubliable face au FC Milan (futur AC Milan), 3-0, lors de la Coupe Mitropa 1938, de par la qualité de ses joueurs qui ont formé le noyau d’une équipe roumaine participant aux trois premières éditions de la Coupe du Monde. Et de par les légendes et les rumeurs qui circulent à propos du Ripensia et de ses joueurs. De nombreux livres sont écrits sur le Ripensia, ou évoquent le club avec une certaine nostalgie lorsqu’ils s’attardent sur l’histoire du football roumain.
Ces légendes ont la vie longue, tant que la mémoire est là. Comme le décrit Stefan Dobay dans son livre autobiographique, il rencontra un jour un jeune fan de football qui ne l’avait pas reconnu et qui lui conta sa propre carrière, non sans reformulations et exagérations : « Monsieur, vous avez entendu parler de Dobay ? (…) Son tir a été le plus puissant qu’on ait jamais vu. Une fois, il a tiré tellement fort que la balle a transpercé les filets d’Il Dio – le grand gardien du Venus – et a ensuite atterri dans un peuplier, mettant à terre deux moineaux. Et une autre fois, il a tiré avec une telle vigueur qu’il a tué un gardien et a dû s’expliquer devant le tribunal ! » Après s’être esclaffé de rire suite aux derniers détails, Dobay déclina alors son identité et recadra les fables du jeune homme : « Il faut que tu saches que Dobay, avec son tir puissant, a couché au sol de nombreux défenseurs, a brisé des filets, mais n’a jamais tué un moineau, et encore moins un gardien ! »
Victor Neuman, docteur en Histoire à l’Université Ouest de Timișoara, interrogé dans le cadre du documentaire d’Octavian Țîcu « Variaţiuni pe un nume – Nicolae Simatoc« , estime pour sa part que « le Ripensia est un exemple extraordinaire. On ne peut expliquer comment c’est possible, l’existence d’une telle formation, avec une diversité de joueurs de provenances différentes et qui s’entendaient à merveille et qui pouvaient représenter d’une part Timișoara, d’autre part la Roumanie dans les compétitions internationales. Le Ripensia a donné des leçons de football, il n’est pas devenu par hasard la légende du football roumain ; autant pour la période d’entre-deux-guerres, autant il est resté jusqu’à aujourd’hui encore dans la mémoire de beaucoup. C’était une référence suprême de ce que signifiait le football de qualité ».
En 1948, le Ripensia n’est pas mort, mais seulement au repos. Un long repos, d’une soixantaine d’années. À Timișoara, le lieu de tous les possibles, l’idée de faire renaître le club traverse l’esprit de quelques Timisorénéens dans les années 2000. « Cette nostalgie, des performances et du spectacle sportif authentique nous ont fait rêver à la refondation de ce club » déclarait Radu Ienovan, président actuel du Ripensia. Pour la suite que l’on connaît.
Une renaissance en bonne voie
« À 5-6 ans quand j’ai commencé à aimer le football, j’ai entendu parler du Ripensia, et ceux qui l’évoquaient en parlaient au superlatif, comme quelque chose d’extraordinaire d’un point de vue sportif » nous indique Radu Ienovan. C’est en 2012 officiellement que lui et quelques proches du club ont concrétisé les démarches pour le faire renaître. En partant de la Liga 6, soit la sixième division et le plus bas échelon du football local, le Ripensia va gravir un à un les divisions, jusqu’à arriver en 2017 en Liga 2.
Une ascension fulgurante, pour un club boycotté par la ville et la région, qui doit compter sur ses ressources propres pour survivre. Le maintien acquis pour sa première saison en Liga 2 est bienvenu et permet au club de déjà réfléchir à l’avenir. Le mot d’ordre est consolidation, afin d’avoir les épaules assez solides pour envisager une promotion dans l’élite. Sans oublier de marquer des buts et des buts pour leurs supporters, bien entendu.
La saison prochaine, trois équipes de Timișoara vont garnir la Liga 2, puisqu’en plus du Ripensia et de l’ASU Politechnica, l’ACS Poli Timișoara est rétrogradé de Liga 1. Six derbies qui vont à coup sûr enflammer quelque peu la ville, qui aimerait de nouveau se targuer d’avoir un représentant digne de son rang en première division.
Et si ce rôle était dévolu au Ripensia ? Le chemin est encore long, mais les Jaune et Rouge ont l’histoire et un palmarès de quatre titres de champion à garnir. Dans le monde du football roumain où les clubs naissent et disparaissent à tire-larigot, le Ripensia aime à montrer que la passion peut surmonter tous les obstacles. Une longévité de 90 ans qui ne s’arrêtera pas de sitôt, car désormais la mémoire du Ripensia ne se trouve plus uniquement dans les livres, mais également sur le terrain.
Par Radu Caragiale
Image à la une : © Footballski.fr