Temps de lecture 6 minutesCoupe du Monde 2018 – Russie : Alan Dzagoev, bijou ossète

Elle est là : la Coupe du Monde 2018. La votre … et la notre. Pour fêter cette compétition, chez nous, dans nos contrées russes, notre rédaction a décidé de faire les choses comme il faut en vous offrant différentes séries d’articles. Il est temps de passer à l’heure russe ! 

S’il y a bien un homme à surveiller dans l’équipe de Russie lors ce mondial 2018, c’est Alan Dzagoev. Fleuron et véritable fer de lance du CSKA Moscou avec son compère Golovin, l’Ossète de naissance souhaite briller cet été, pour l’honneur de sa famille et de son peuple.

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Une enfance dans une zone de conflit

L’Ossétie, région militaire, région stratégique, région d’immigration, zone de tensions. En plein Caucase, cette petite terre déchirée en un peuple du nord rattaché à la Russie et un du sud autonome, pseudo-indépendant pour les uns, géorgien pour les autres. Région régulièrement secouée par les conflits militaires, les attentats et la montée en puissance de l’islamisme radical, c’est dans ce contexte et sur cette terre instable qu’Alan Dzagoev, international russe et milieu du CSKA Moscou passe son enfance.

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Issu d’une famille d’immigrées géorgiens, Alan naît le 17 juin 1990 à Beslan, en Ossétie du Nord. Du bon côté de la frontière pourrait-on dire, sachant que l’Ossétie du Sud fait sécession avec la Géorgie deux ans plus tard et se referme sur elle-même. Dans un environnement délicat, avec une guérilla tchétchène se développant à quelques kilomètres de la province d’Alan, il tente tant bien que mal de grandir sous l’impulsion d’un père petit homme d’affaires et d’une mère s’occupant de ses enfants au quotidien. Peu intéressé par l’école, il se tourne très rapidement vers le football qui lui permet d’oublier les galères qui sèment le parcours de chaque Ossète. Dans la clairière de la forêt juste derrière son bloc où il habite, il tape dans un ballon de fortune jusqu’à la nuit tombante. Malgré une scolarité difficile, ses parents sont derrière lui et n’hésitent pas à transporter le petit Alan à droite à gauche pour qu’il puisse réaliser son rêve : jouer au football.

Sous l’impulsion de son frère aîné, Gelan, Alan Zagoshvili (son nom de naissance) rejoint très rapidement le club de sport de son école primaire, l’école 4 de la petite ville de Beslan. Son frère le motive pour qu’il le rejoigne à Vladikavkaz dans son équipe, l’Avtodor Yunost, une petite académie financée par l’Alania Vladikavkaz, le meilleur club de l’oblast. Les journées sont longues pour le jeune Alan, école toute la journée à Beslan suivi par un entraînement le soir à Vladikavkaz et de nombreux trajets en bus.

La vie d’Alan Dzagoev est à deux doigts de basculer le 1er septembre 2014, alors qu’il n’a que quatorze ans. Ce jour de septembre est un jour de grande commémoration et de fête en Russie, on y célèbre le « jour de la connaissance », une véritable fête populaire où les enfants des écoles se retrouvent avec leurs parents. Son père travaille ce jour-là et apprend à la télévision qu’une prise d’otage vient d’avoir lieu à Beslan, dans l’école numéro 4, celle d’Alan. Il décide de se rendre sur place immédiatement et apprend que la prise d’otage se situe finalement dans l’école numéro 1, à l’autre bout de la ville. Trente hommes et femmes retiennent plus de 1 300 personnes en otages et font pas moins de 334 victimes en trois jours de siège. La petite ville de Beslan est sous le choc, la famille Dzagoev l’est également. Plus jamais le père d’Alan ne le laissera prendre le bus, même lorsqu’il jouera au CSKA Moscou, c’est lui qui va tout faire pour assurer la sécurité de ses enfants dans une région plus que dangereuse.

Étalage de trophées pour le jeune ado | © stuki-druki.com

Le jeune Alan est également marqué par cet attentat, de nombreux compagnons de ballon ont disparu et dès qu’Alan revient en vacances dans la région, il passe par le mémorial rendant hommage aux victimes. Un terrible incident qui le rend encore plus fort. Mature malgré son jeune âge, doté d’une technique et d’une qualité de passe sans égale dans la région, le jeune ossète se fait repérer lors du tournoi « Ballon de cuir » par la prestigieuse académie de Konoplev, située à Togliatti. C’est la larme à l’œil que le jeune homme quitte le foyer familial, un foyer qu’il n’oubliera jamais puisqu’il y retourne chaque été pour y prendre du repos.

Le petit homme débarque à Togliatti, dans une ville et une région beaucoup plus sûre que celle qui l’a vu naître. Pas désemparé par ce changement d’environnement, il travaille dur sur le terrain et obtient son premier contrat professionnel seulement un an plus tard, avec le Lada Togliatti, le plus grand club de la ville. Il impressionne en PFL (troisième division) et, à seize ans, il obtient une place de titulaire indiscutable dans le onze de départ. Les performances de Dzagoev ne passent pas inaperçues, obtient sa première convocation internationale avec les U17 de la Sbornaya et, dès sa deuxième sélection, claque un doublé contre la Géorgie. Ironie du sort, il inscrit une nouvelle fois un doublé l’année suivante contre cette même Géorgie, la terre de ses parents et de ses ancêtres.

Direction Moscou

Mais qui est donc ce jeune Ossète qui surpasse les défenses de PFL ? De nombreux clubs de l’élite s’intéressent au jeune prodige, dont le CSKA Moscou, un club très apprécié par le jeune Alan qui n’hésite donc pas un seul instant quand on lui propose de rejoindre l’équipe de l’armée dans la capitale.

Pour seulement 360 000 roubles, le CSKA vient de réaliser un très gros coup. Deux ans après sa victoire en coupe de l’UEFA, le club est en pleine restructuration et décide d’investir dans la jeunesse pour un futur glorieux. Dzagoev est bien évidemment au centre de toutes les attentions. Sa progression est fulgurante, fin avril il dispute son premier match dans l’élite, deux semaines plus tard il inscrit son premier but contre Khimki et rentre dans le cercle très restreint des joueurs ayant marqué un but en RPL avant 18 ans. Il gratte des minutes, joue en championnat, en coupe et même en compétition européenne où il dispute ses premières minutes en Coupe UEFA contre les Croates du Slaven Belupo. On parle même à l’époque d’un intérêt du Real Madrid pour le jeune Russe qui dispute tout de même trente matchs pour sa première saison sous les couleurs du CSKA Moscou.

© Dmitri Sadovnikov / soccer.ru / Wikimedia

Tout va très vite, peut être trop, pour le jeune Ossète qui dispute même sa première sélection avec les A contre l’Allemagne début 2009, où il est tout proche d’inscrire déjà son premier but international, mais voit sa frappe toucher le montant d’Adler.

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Une montée en puissance peut-être trop rapide pour un jeune homme qui a le sang chaud. Expulsé à de multiples reprises lors de sa carrière, Alan n’a pas sa langue dans sa poche et se voit même rétrogradé en équipe réserve en 2011 après avoir insulté son entraîneur, Slutsky, en finale de Coupe de Russie. Il récidive dans la provocation quelques années plus tard avec un chant agressif et insultant envers le Zenit Saint-Pétersbourg. Parfois même brutal, il manque de nombreux matchs au grand dam de son équipe, le meilleur exemple étant le crochet du droit contre Wilkshire du Dinamo Moscou, qui lui a valu treize matchs de suspension (il en a fait finalement cinq). Un comportement parfois à la limite du raisonnable, surtout quand Dzagoev est retrouvé totalement saoul au fond de l’avion du CSKA après une victoire en compétition européenne.

Mais si le jeune homme est parfois tête brûlé, il n’en demeure pas moins un vrai talent sur un terrain de football. Cette période de folie s’enchaîne pourtant par un gros coup de mou pour Alan. Le changement d’entraîneur au CSKA n’est pas en sa faveur et il se retrouve condamné à jouer avec les équipes de jeunes, jusqu’à l’arrivée de Slutsky sur le banc moscovite. Une arrivée qui le propulse sur le devant de la scène.

Alors le futur sélectionneur russe, il retrouve son meilleur niveau et devient un titulaire indiscutable au sein du CSKA. Pile au moment où le CSKA connaît un regain de forme avec de nombreux succès en coupe et championnat. Sur la scène européenne, il impressionne malgré les lacunes de son équipe et chaque été on retrouve des rumeurs l’envoyant en Angleterre du côté de Tottenham ou de Chelsea.

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Déclaré intransférable par son président, il fait le bonheur du CSKA Moscou et son jeu de passe, l’un des meilleurs de Russie, lui permet de remporter de nombreux trophées. Il s’impose aussi en sélection nationale et est un véritable cadre de la Sbornaya. Malgré une Coupe du Monde 2014 et un Euro 2016 ratés, il devrait se ressaisir pour le Mondial 2018, avant pourquoi pas de tenter l’expérience à l’étranger ? Une chose est sûre, l’Ossète va continuer à faire parler de lui.

Antoine Jarrige


Image à la une : © Ben STANSALL / AFP

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