Un Dinamo qui retrouve son rang, un autre Dinamo qui débarque en première division pour tout fracasser, une colonie espagnole, un vainqueur de coupe d’Europe, un nouveau stade somptueux, des coup-francs pleine lunette et un brésilien littéraire, c’était le championnat géorgien et la saison 2019 que vous n’avez probablement pas vue. Aperçu.
Le Dinamo Tbilissi, la recette espagnole
Enfin ! Après une deuxième place en 2017 et en 2018 et un championnat de transition 2016 raté, le Dinamo Tbilissi remporte de nouveau le championnat. Un soulagement pour le club historique géorgien qui a dû, comme les années précédentes, batailler jusqu’à la fin pour s’octroyer son 16e trophée. En effet, après le Torpedo Kutaisi, Samtredia et Saburtalo, c’est cette année le Dinamo Batumi qui a donné du fil à retordre aux joueurs de la capitale avec le champion sortant Saburtalo.
Le sacre du Dinamo Tbilissi s’est constitué sur un projet assez fou pourtant au premier abord. Tout d’abord l’arrivée d’un ancien de la maison, vainqueur de la coupe d’Europe comme joueur. Et non ce n’est pas Khaka Kaladze qui aura laissé son fauteuil de maire de Tbilissi mais Xisco Munoz. Le natif de Majorque a en effet vécu les plus belles heures du Valencia CF du début des années 2000 et remporté avec eux le doublé championnat-Coupe de l’UEFA en 2003.
Après de belles années au Betis Seville et à Levante, le Valencian d’adoption pose ensuite ses valises au Dinamo Tbilissi en 2011. En trois saisons et demi, le gaucher fait péter tous ses records et inscrits pas moins de 50 buts sous ses couleurs ainsi qu’une palanquée de passes décisives. Avec son nouveau club il garnit son palmarès de deux championnats, deux coupes et est élu meilleur joueur de la saison en 2013-2014.
Dès la fin de sa carrière de joueur (au Gimnastic Tarragone) en 2016, Xisco reste au bord des terrains en tant qu’adjoint au Gimnastic. Puis, le Dinamo Tbilissi l’hiver dernier, tout d’abord comme adjoint puis entraineur au côté d’un autre espagnol, Felix Vicente. Dans les valises de son staff, Xisco a donc amené 6 joueurs des divisions inférieures espagnoles, tant et si bien que le traditionnel camp d’entrainement en Turquie avait plutôt des accents des Iles Baléares !
Parmi ces joueurs, trois seront repartis au bout de quelques matchs en Espagne, question d’adaptation, mais les trois autres auront pleinement participé au titre des dinamoélis. C’est le cas du gardien José Perales, débarqué du FC Badalona, et de Victor Mongil, défenseur en provenance de l’Atlético Levante.
Parmi eux également un Français, en la personne de Abdel Jalil Medioub, qui après une série de galères en Espagne, au FC Grenade notamment, aura trouvé un point de chute favorable en Géorgie. Nous l’avions d’ailleurs interrogé sur son parcours chaotique et sa nouvelle vie géorgienne.
J’étais assez surpris du niveau technique de certaines equipes. Le haut de tableau équivaut au niveau National en France, voire même bas de tableau de Ligue 2. Ca joue bien au ballon, comme Saburtalo qui fait un beau parcours en Europe. Franchement, gagner un match en Géorgie, ce n’est pas facile, on a gagné pas mal de matchs 1-0 avec un but d’écart. Pourtant, on a pas mal de bons joueurs. On va dire que ça manque juste un peu de physique mais au Dinamo on a des très, très bons joueurs.
Extrait de l’interview de Abdel Medioub pour Footballski
Lire aussi : On a discuté avec Abdel Medioub, défenseur du Dinamo Tbilissi
Fort de ses « espagnols », capitalisant également sur un groupe jeune et talentueux comme on l’avait aperçu l’an dernier, le Dinamo Tbilissi a retrouvé un peu de ce qui faisait son identité : de la qualité technique, de la maitrise tactique. Le Dinamo a ainsi pu s’appuyer sur plusieurs joueurs qui auront confirmé cette saison tout le bien que l’on pensait d’eux.
Nika Ninua est devenu le patron du milieu de terrain, arborant désormais le brassard de capitaine et se trouvant un talent en matière de coup franc. Levan Shengelia, revenu de son expérience compliquée à Tubize, s’est retrouvé un talent et une classe. Après 24 matchs et 12 buts, il s’est fait débaucher en cours de saison par Konyaspor.
Enfin le meilleur buteur du club cette saison est Levan Kutalia. Après avoir écumé tout le championnat géorgien depuis plus d’une dizaine d’années voila que le trentenaire a claqué 20 buts en 33 matchs, le propulsant meilleur buteur du championnat. Voila qui valait bien son ticket pour rejoindre l’Irtysh Pavlodar.
Le Dinamo Tbilissi s’est par ailleurs offert un match européen de gala au troisième tour de l’Europa League. Après avoir facilement écarté Engordany et Qabala, voila que le tirage au sort leur a réservé le Feyenoord Rotterdam. Une froide défaite 4-0 à l’aller et un match nul 1-1 au retour qui ont contribué à entretenir la bonne dynamique du Dinamo.
Cette belle saison ne semble pour autant être qu’une parenthèse. Quelques semaines après le titre, Xisco a quitté son poste, afin d’avoir plus de temps et se consacrer à d’autres projets en famille. Les « espagnols » sont eux également partis, José Perales (élu meilleur gardien du championnat) est sans club, Mongil en Inde et Abdel Medioub avec la réserve des Girondins de Bordeaux. Pour conserver son titre le Dinamo a d’ailleurs fait appel à un de ses entraîneurs préférés, Khaka Kacharava, pour sa troisième expérience à la tête du Dinamo…
Batumi et Saburtalo complètent le podium
Batumi l’avait annoncé, Batumi l’a fait. Le club promu mais aux grandes ambitions échoue ainsi à quelques points du titre pour son retour dans l’élite. Fort d’un effectif qui n’avait rien à envier aux autres favoris, le Dinamo Batumi a toute l’année été l’équipe la plus enthousiaste à voir.
Portée par son buteur brésilien Flamarion, deuxième meilleur réalisateur avec 17 buts et élu meilleur joueur du championnat, le Dinamo Batumi a surtout profité d’un engouement populaire sans précédent. Contraints de jouer sur son camp d’entrainement, devant une tribune de 3000 places, les « pirates » ont pourtant bénéficié de la plus chaude ambiance du championnat.
Une délocalisation forcée qui annonce pourtant une des plus belles nouvelles du football géorgien puisque le Dinamo Batumi doit se faire livrer dans les prochains mois son nouveau stade. Un bijou de 20 000 places déjà bien entamé et qui accompagnera un projet plus global de développement. La nouvelle place forte du football géorgien est sans doute ici sur les bords de la mer Noire.
Lire aussi : Dinamo Batumi, l’exception culturelle géorgienne
On a peu parlé du champion sortant Saburtalo jusqu’ici. Ce serait oublier que le club de Tbilissi compte au final le même nombre de points que le Dinamo Batumi. Parti sur des bases très élevées on pensait que Saburtalo allait de nouveau écraser la concurrence. La campagne européenne de l’été aura finalement coûté cher en énergie et concentration sur le championnat.
Vainqueurs du Sheriff Tiraspol (3-0 ; 1-3) au 1er tour de qualification en Ligue des Champions, puis défaits par le Dinamo Zagreb (0-2 : 0-3) les rouge et blancs disputaient donc, pour la première campagne européenne de leur histoire, un 3ème tour préliminaire de qualification en Europa League. Une confrontation parfaitement abordée avec une victoire en Arménie sur le terrain de l’Ararat Armenia (2-1) avant une défaite qui fait tâche à domicile (0-2). Dommage car l’adversaire en barrage était la modeste (à ce niveau de compétition) équipe de Dudelange.
Réputé pour la qualité de sa formation, Saburtalo a également du composer avec beaucoup de mouvements lors du mercato. Le gardien espoir Lazare Kupatadze est allé se brûler les ailes à la Jeunesse d’Esch avant de faire demi tour en cours de saison. Le défenseur Giorgi Rekhviashvili a fait le même coup en partant à Levadiakos alors que l’arrière droit Nodar Iashvili s’est engagé au Dinamo Tbilissi.
Ils accrochent tout de même la troisième place et la coupe de Géorgie et peuvent remercier pour cela leur numéro 10 et nouvelle pépite Giorgi Kokhreidze. Le petit milieu de terrain excentré a régalé toute la saison avec sa vision du jeu et sa patte gauche. En finale de coupe de Géorgie c’est notamment lui qui expédie une merveille de coup franc dans la lucarne du Locomotive Tbilissi. Bref, l’aventure Saburtalo ne s’arrêtera pas de sitôt.
Lire aussi : Saburtalo, le nouveau tube géorgien ?
Le Locomotive européen et un ventre mou très mou
Au pied du podium, le Locomotive aurait surement signé avant cette saison pour terminer à cette place. Après une saison compliquée l’autre club de Tbilissi a pu se reprendre grâce à l’apport de quelques joueurs et notamment le retour de Irakli Sikharulidze. Révélation du championnat il y a deux ans le buteur est revenu de ses aventures slovaques et lettones. Avec 16 réalisations il a donc inscrit près d’un tiers des buts de son club. Quatrième et finaliste de la coupe le Locomotive récolte d’ailleurs le dernier ticket pour l’Europa League, le vainqueur de la coupe Saburtalo étant déjà qualifié.
Chikhura et le Torpedo Kutaisi auront eux traversé cette saison sans vraiment de coup d’éclat. Trop forts pour risquer la relégation, trop loin pour viser l’Europe Chikhura et Torpedo devront patienter pour vivre de nouveaux frissons. Chikhura car son meilleur buteur la saison précédente Giorgi Gabedava a fait le saut vers le Locomotive Tbilissi. Le Torpedo car des problèmes de financement ont émaillé la fin de saison et annoncent des périodes de vache maigre. Notons malgré tout le retour de Budu Zivzivadze qui en a profité pour inscrire 13 buts en une moitié de saison avant de repartir direction la Hongrie et Mezőkövesd.
Mentionnons également parmi ces équipes le Dila Gori qui s’est fait peur en fin de saison en finissant juste au dessus de la zone de relégation. Avec son goût pour les transferts « exotiques » (entre autre, 3 Brésiliens, 2 Togolais, 1 Kényan, 1 Jamaïcain, 1 Cap-Verdien) Dila n’a cette année encore pas trouvé la recette.
Le long calvaire du WIT. Rustavi et Sioni se plantent
On termine en bas du classement avec cette statistique toute simple qui résume la saison du WIT Georgia : 4 victoires, 15 buts marqués, le tout en 34 matchs de championnat. Le club de Mtskheta finit logiquement lanterne rouge et relégué.
On espérait un meilleur dénouement pour le FC Rustavi et le Sioni Bolnisi. Avant-derniers avec le même nombre de points les deux clubs avaient la possibilité de sauver leur place en première division avec un barrage face aux deuxième et troisième d’Erovnuli Liga 2. Mais Rustavi n’a rien su faire contre le FC Telavi (1-2 ; 0-1) alors que Sioni s’est effondré face à Samtredia (1-4 ; 0-0). Habitués de l’ascenseur Rustavi et Sioni repartent donc pour un tour à l’échelon inférieur.
LA MINUTE EROVNULI LIGA 2
Champion d’Erovnuli Liga 2, le Merani Tbilissi accède à l’élite. Nouveau nom du Norchi Dinamo, le Merani prend la suite d’un club historique de Géorgie puisque créé pour être l’équipe jeune du Dinamo Tbilissi en 1949 (Norchi signifiant « jeunesse »). Malgré tout l’équipe actuelle s’inscrit radicalement à l’opposée de sa tradition formatrice puisque l’âge moyen de la formation du Merani est de…31 ans (d’après transfermarkt).
Deuxième au classement Samtredia reviendra dans l’élite dès la saison prochaine. De bonne augure pour un club qui a fait n’importe quoi en matière de transfert ces deux dernières années et a semble-t-il trouvé un peu de stabilité. Enfin et c’est assez rare pour le noter, il y aura un club situé à l’est de Tbilissi en Erovnuli Liga l’an prochain, à savoir le FC Telavi. Le club kakhétien, principale région viticole du pays pourra donc faire résonner son formidable rap/hymne officieux sur les pelouses du pays.
Le XI de la saison
(selon les GFF awards)
Ils auraient pu y être : Arpang Daffé (Dinamo Tbilissi), Irakli Sikharulidze (Locomotive), Giorgi Gabedava (Locomotive), Alvin Fortes (Dila Gori) Giorgi Kutsia (Dinamo Tbilissi)…
Le joueur : Flamarion, buteur à suivre
S’il y avait bien un joueur à suivre durant ce championnat c’était bien le brésilien Jovino Flamarion, car il ne devrait plus fouler les pelouses géorgiennes pour bien longtemps désormais. Adroit devant le but, à l’aise des deux pieds il a été le principal poison des défenses adverses.
Pour se retrouver sur les bords de la mer Noire, Flamarion a eu un parcours assez atypique. Après avoir fait ses classes à Palmeiras, le Brésilien au nom littéraire s’envole pour le Monténégro et le FK Lovcen en deuxième division. Il y dispute quelques bouts de matchs avant de rejoindre le Dinamo Batumi, en seconde division. L’histoire d’amour peut alors commencer avec le club adjare malgré une relégation pour sa première saison. Puis en 2018, le buteur permet au projet du Dinamo Batumi de remontée de prendre forme.
Elu meilleur joueur du championnat, Flamarion démontre qu’il n’est pas venu pour rien en Géorgie. Puis cette saison la consécration avec cette deuxième place en championnat, un statut de star incontestée auprès du public de Batumi (« superjovi ») et un titre de meilleur joueur du championnat également. Des performances qui devraient donc lui ouvrir les portes de bien d’autres clubs.
Antoine Gautier