La Coupe du Monde c’est pour bientôt… et c’est déjà aujourd’hui ! Vous commencez à en entendre parler sur toutes les télévisions, dans tous les postes de radio, peut-être même votre boulanger a déjà ressorti les fanions aux couleurs des différentes équipes. Mais si le plus grand événement sportif mondial occupera un mois de l’année, se payant le luxe de concurrencer pour quelques semaines le Tour de France en terme d’engouement, une autre compétition se déroulera quelques jours avant le coup d’envoi du match d’ouverture Russie – Arabie Saoudite à Moscou. Toute la semaine nous vous faisons ainsi vivre cette compétition par une série d’articles, portraits et interviews.

Il s’agit bien entendu de la Coupe du Monde de la Conifa.

Aujourd’hui nous vous proposons un petit guide de la compétition. Quelles sont ces équipes participantes ? Quelle est leur histoire, leurs joueurs, leurs chances ? Un guide indispensable qui vous permettra de briller en toute circonstance et d’éclater vos amis au Trivial Poursuite.


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L’organisation

Pour rappel, la Conifa c’est une organisation créée en 2013, qui s’est donnée pour objectif de permettre à des sélections représentants des territoires, des peuples et des nations sans existence officielle, de jouer des matchs de football. Forte de sa cinquantaine de membres répartis désormais sur les quatre continents, la Conifa organise ainsi chaque année un tournoi international, avec par alternance un championnat d’Europe, comme l’an dernier dans la République Turque de Chypre Nord, et une Coupe du Monde, la dernière en date en Abkhazie en 2016.

Cette année c’est donc Londres qui accueille cet événement, sous la responsabilité de la fédération de Barawa. Représentant une ville portuaire du sud de la Somalie, la délégation de Barawa compte sur l’importante diaspora somalienne en Angleterre pour construire son équipe et mener à bien l’organisation de cette compétition. Le choix de Londres ne s’est d’ailleurs pas fait par hasard, car la ville d’adoption de cette communauté est également ville d’accueil de centaines de diasporas du monde d’entier, et bien entendu ville de football par excellence. Un lieu où le comité espère faire résonner sa devise « Freedom to play football / La liberté de jouer au football ».

Un fan abkhaze durant la Coupe du Monde 2016 | © Beslan Lagulaa / CONIFA

La compétition

Elle se déroule du 31 mai, avec un match d’ouverture entre Barawa et Tamouls, jusqu’au au 9 juin jour de la finale au Queen Elizabeth II Stadium de Enfield. Les stades accueillant la compétition se trouvent disséminés tout autour du Grand Londres. Bien entendu, pas question de Wembley, Emirates Stadium ou encore Craven Cottage. Si les organisateurs ont démarché pratiquement tous les clubs de la ville et étaient en bonne position pendant un long moment pour organiser la finale dans le stade de Charlton, les stades retenus sont au final de taille modeste.

Un choix plutôt judicieux au final, quand on considère que les organisateurs ont souhaité faire jouer un maximum de matchs à chaque équipe en programmant des matchs de classement jusqu’à la fin du tournoi, histoire de rentabiliser le voyage pour des sélections qui viennent parfois de très loin (Tuvalu, Matabeleland), en leur permettant de jouer au moins cinq matchs et d’être présentes pour la finale et la cérémonie de clôture. Hormis cela, le format de la compétition est assez classique. 16 équipes participent à ce tournoi, ce qui est le plus grand total pour une compétition de la Conifa. Elles sont placées dans quatre groupes, d’où sortent les deux premiers pour disputer les quarts de finale. Les autres équipes jouent le tournoi de consolation avec donc un classement intégral.

Les matchs sont accessibles en streaming gratuitement sur le site de la Conifa, ainsi que des extraits et résumés. Pour ceux qui souhaiteraient se payer un petit déplacement à Londres dans les prochains jours, tous les billets sont accessibles à la vente en ligne. Sur chaque billet acheté, une livre sterling sera ensuite reversée à l’équipe de votre choix, une manière de faire rentrer un peu d’argent pour des équipes qui bien souvent galèrent à boucler leur budget.

Enfin, la Conifa a fait appel au site de paris anglais Paddy Power comme sponsor principal de la compétition, qui donne même son naming (Paddy Power Conifa World Cup), de quoi s’amuser à voir les cotes des différentes sélections et à parier qui de Tuvalu ou du Matabeleland finira bon dernier.

Les équipes

Groupe A

Barawa

Les organisateurs de cette Coupe du Monde disputeront leur premier tournoi officiel sous l’égide de la Conifa. Pourtant l’équipe de Barawa a déjà disputé une petite dizaine de matchs depuis sa création en 2016. Quand les autres profitaient des rives de la côté abkhaze lors de la dernière édition de la Coupe du Monde en 2016, ils disputaient ainsi une compétition nommé World Unity Cup, avec leurs confrères du monde anglophone tamouls Chagos. Grâce à une forte diaspora en Angleterre, Barawa devrait disposer d’un solide groupe de jeunes joueurs rompus aux exigences de la formation anglaise. On trouve ainsi deux joueurs venus des équipes de jeunes de Milwall et de QPR. Peut-être un des outsiders de la compétition.

Ile de Man

Une équipe très constante, habituée des compétitions de la Conifa. L’Ile de Man accueille d’ailleurs chaque année un tournoi entre équipes de la Conifa, dont les bénéfices sont reversés à l’équipe du Darfour. Après leur sixième place au championnat d’Europe à Chypre l’an dernier, les Mannois tenteront de faire encore mieux sur cette édition. Pour cela, ils peuvent s’appuyer sur un groupe d’expérience, qui commence à se connaitre et dont pratiquement tous les joueurs jouent actuellement à Man.

Cascadia

On arrive ici au cas d’une équipe basée sur un projet un peu différent des autres. La Cascadie fait référence à un territoire comprenant les états américains de l’Oregon et de Washington, ainsi que du côté canadien la Colombie Britannique. Plus qu’un mouvement politique, les partisans d’un territoire de Cascadie évoquent un « écosystème spécifique, une identité culturelle distincte » qu’ils souhaiteraient voir transmise par le football. Avec des villes comme Portland, Seattle ou Vancouver, il est assez logique de voir ce genre de projet émerger là où le football est également le plus populaire car assimilé à un sport de hipster dans des villes qui le sont très fortement. Quoiqu’il en soit, cette compétition est l’occasion de jouer leur premier match officiel. Avec un effectif composé d’un bon nombre de joueurs issus du système universitaire américain, il est assez difficile de se prononcer sur leurs chances de bien figurer.

Tamouls (Tamil Eelam)

Une des plus anciennes sélections participant à cette Coupe du Monde (créée en 2012), les Tamouls, peuple aspirant à l’autonomie au sein du Sri Lanka, seront un peu chez eux à Londres. En effet, une bonne partie du groupe tamoul joue dans les basses divisions anglaises. Mais en y regardant d’un peu plus près, trois Français sont également engagés sur les terrains londoniens. Mayooran Chelliah joue dans le club tamoul de Eelvar à Bonneuil, quand Prashanth Ragavan et Piraburaj Jayabalakrishnan portent respectivement les couleurs du Drancy United/CST 93 et du FC Bourget. Avec un groupe mixte entre jeunes et joueurs plus âgés, les Tamouls auront fort à faire pour sortir de ce groupe et disputer le tableau principal.

Groupe B

Abhazie

L’un des principaux favoris est encore de sortie. Deux ans après leur victoire à domicile, les Abkhazes, stoppés en demi-finales l’an passé au championnat d’Europe, ont soif de revanche et de victoires. Pour ce faire, les Abkhazes peuvent compter sur plusieurs joueurs ayant connu le haut niveau avec en premier lieu Anri Khagush, défenseur de l’Arsenal Tula en Russian Premier League. Pour coacher le tout, les Abkhazes disposent de Beslan Adzhinzal, directeur de la formation du Baltika Kaliningrad. Assurément l’un des épouvantails de la compétition.

République Turque de Chypre Nord

Ce groupe B est décidément le groupe de la mort de cette Coupe du Monde puisqu’on retrouve, aux côtés de l’Abkhazie, la République Turque de Chypre Nord, finaliste de son championnat d’Europe l’an dernier, perdu à domicile contre la Padanie. Néanmoins les Chypriotes devraient rencontrer un climat franchement moins favorable cette fois-ci. En effet, à l’annonce de leur venue pour la compétition, la communauté représentant les Chypriotes (grecs) au Royaume-Uni, qui est, ironie de l’histoire, assez implantée dans le quartier même où la RTCN doit jouer ses matchs, a solennellement demandé à l’organisation de retirer la participation à l’équipe. Demande évidemment refusée mais il ne faudra pas cette fois-ci espérer compter sur le public pour avancer dans le tableau.

Tibet

Le petit poucet de la compétition viendra à Londres essentiellement pour participer. Et pour cause, aucun des joueurs de l’effectif tibétain n’est rattaché à aucun club. Néanmoins, la sélection tibétaine peut se targuer d’être l’une des seules de la Conifa à avoir un statut plus ou moins officiel, puisqu’elle émane de la Tibetan National Sports Association, donc du gouvernement tibétain en exil, et pourra compter sur un de ses plus célèbres soutien à savoir le Dalaï-Lama en personne.

Transcarpatie

La Transcarpatie ou Karpatalya est une des deux équipes représentant les minorités hongroises engagées dans cette Coupe du Monde. Ici, la Transcarpatie fait référence à la minorité hongroise présente dans le sud-ouest de l’Ukraine (dans l’oblast de Zakarpattya). Remplaçant au pied levé l’équipe du Felvidek (hongrois de Slovaquie), les Transcarpates peuvent compter sur un gardien évoluant en première division roumaine, à Sepsi, mais aussi de deux jeunes du MTK Budapest et d’un milieu de terrain expérimenté de Balmazujvaros (Première division hongroise).

Finale Panjab-Abkhazie lors de la Coupe du Monde 2016 | © Beslan Logulaa / CONIFA

Groupe C

Padanie

L’autre grand favori de la compétition nous vient d’Italie. Représentant une région qui regrouperait tout le Nord de l’Italie, de la Ligurie à la Vénétie en passant par la Lombardie et le Piémont, la Padanie (dont le nom vient de la plaine du Pô) est certainement la sélection de la Conifa qui bénéficie du meilleur bassin de population et de la meilleure situation économique. Et autant dire que la fédération de Padanie a encore mis un maximum de chances de son côté avec un groupe ayant pour lui l’expérience des Séries C et D et des précédentes compétitions de la Conifa, en premier lieu le championnat d’Europe qu’ils ont remporté l’an dernier. Mais la grande attraction de l’équipe sera sans aucun doute Marius Stankevicius, 65 capes avec la sélection lituanienne, qui défend les couleurs de Padanie grâce à ses 6 saisons passées à Brescia. On aura d’ailleurs l’occasion de vous présenter le joueur plus en détail les prochains jours, restez à l’affût !

Pays Sicule

Les autres Hongrois de la compétition sont à chercher du côté de la Roumanie. Tiens, vous vous étiez déjà demandé pourquoi László Bölöni portait un nom aussi hongrois pour une légende du sport roumain ? Eh bien c’est parce que le bonhomme est originaire de Târgu Mureș, un des foyers du Pays Sicule, une région située au coeur de la Transylvanie. Habitués réguliers des compétitions de la Conifa; les Sicules ont fait appel à quelques invités de prestige pour ce tournoi. En l’occurrence, Lóránd Fülöp, milieu de terrain du FC Botoșani, et István Sándor Fülöp (homonyme du coach de la Transcarpatie) de Sepsi.


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Tuvalu

L’autre petit poucet nous vient de loin, de très très loin même. Entre Vanuatu, Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna, se situe ce minuscule archipel de neuf atoll et 11 000 habitants, dont la reine Elizabeth II est encore officiellement la monarque, bien que le pays ait aussi un Premier ministre. Si à l’occasion de cette Coupe du Monde les Tuvalu jouent leurs premiers matchs officiels au sein de la Conifa, ils disposent cependant d’une équipe nationale depuis bien plus longtemps, qui joue régulièrement les compétitions du Pacifique et a ainsi affronté à de nombreuses reprises la Nouvelle-Calédonie ou Tahiti. Reste à savoir comment les Îliens ont digéré le trajet jusqu’à la « capitale de l’Empire » et sauront faire honneur à la couronne.

Matabeleland

La belle histoire de cette Coupe du Monde nous vient sûrement déjà du Matabeleland, une région de l’Ouest du Zimbabwe peuplée d’une ethnie minoritaire dans le reste du pays, massacrée dans les années 1980 et aujourd’hui marginalisée par le gouvernement en place. C’est peu dire qu’habituellement, les habitants du Matabeleland ont assez peu la tête au football, qui est pourtant le sport favori. Pour faire venir cette équipe à Londres, la Conifa leur a ainsi dépêché un entraîneur, Justin Walley, connu pour avoir mis sur pied une équipe en Lettonie, le FC Riga United, et qui a donc consacré ses derniers mois à entraîner et préparer physiquement cette équipe au Zimbabwe. En parallèle à cela, une campagne de financement participatif a été mis en place pour permettre d’acheter les billets d’avion, ainsi qu’un concours de design de maillot pour dessiner le maillot porté par les joueurs à la Coupe du Monde d’une part, et permettre de vendre des modèles de maillots uniques au bénéfice de l’équipe. Sur la brèche jusqu’au dernier jour au niveau financier, les joueurs ont finalement tous pu partir pour Londres. Qu’importe le résultat, désormais l’objectif est déjà clairement accompli pour eux.

Avouez quand même que ça claque ? | © D.R.

Groupe D

Panjab

Finalistes de la dernière Coupe du Monde en Abkhazie, perdue au bout de la nuit aux tirs au but face au pays organisateur, le Panjab est depuis plusieurs années désormais leader au classement international de la Conifa. Vous l’aurez compris, l’équipe du Panjab (région à la frontière de l’Inde et du Pakistan) est également un solide favori à la victoire finale dans ce tournoi, grâce notamment à une base de joueurs évoluant un peu partout en Angleterre.

United Koreans in Japan

Si la Padanie a un ancien international lituanien, l’équipe des Coréens unis du Japon peut se targuer d’aligner un entraîneur/joueur qui a joué contre le Brésil et le Portugal en Coupe du Monde. En effet, Yong Hak An a porté le maillot de la Corée du Nord avant de revenir s’installer au Japon. Un cas finalement pas si rare car cette équipe, aussi appelé « Zainishi Koreans » soit « les Coréens restés au Japon« , fait référence aux Coréens ayant fui la guerre de Corée (1950-1953) en s’installant au Japon, et sont ensuite restés au Japon, en ayant pourtant perdu la nationalité japonaise. On estime qu’ils sont environ 500 000 dans ce cas au Japon, où ils vivent entre eux, étudiant dans des écoles spécifiques. Compte tenu de leur situation particulière, plusieurs de ces joueurs ont ainsi été appelé à jouer pour la Corée du Nord sans avoir forcément de liens familiaux là-bas.

Arménie Occidentale

Créée en 2015, la sélection d’Arménie Occidentale avait atteint les quarts de finale lors de la dernière Coupe du Monde en Abkhazie. Avec un effectif venu une nouvelle fois des quatre coins de l’Europe, dont de nombreux Français et plusieurs joueurs de clubs professionnels arméniens (Gandzasar, Alashkert, Ararat), ils peuvent viser un bon résultat et anticipent pourquoi pas une revanche en quart de finale contre la République Turque de Chypre Nord, qui leur avait refusé la participation au championnat d’Europe dans le contexte de tension avec la Turquie. Nous vous proposerons d’ailleurs très bientôt une interview du capitaine de la sélection et joueur de l’UGA Ardziv, Jules Tepelian.

Kabylie

Pour un territoire dont on entend autant parler en France, la Kabylie est en réalité l’un des plus jeunes membres de la Conifa, et a validé sa qualification pour cette Coupe du Monde à peine trois mois après son admission. Malheureusement, il est difficile de passer outre le contexte local et en raison de la tension avec le gouvernement algérien, la fédération kabyle n’a pas dévoilé sa liste de joueurs avant son départ à Londres pour éviter les risques de représailles. Pour une région qui a donné tant de talents au football, on espère que la première expérience internationale sera concluante.

Nos pronostics

Le vainqueur : Panjab

La finale : Panjab vs. Abkhazie (un remake de 2016)

La surprise : Barawa (demi-finaliste)

La lanterne rouge : Tuvalu

Par Antoine Gautier


Image à la une : © Cascadia / CONIFA

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