Le succès des clubs croates en coupe d’Europe a mis en lumière la progression de ce football croate qui pourrait bientôt avoir 2 représentants en Ligue des Champions. Doit-on s’enflammer et viser plus haut ou se concentrer sur la pérennisation de la Prva Liga ?

Quatres clubs de football croate brillent en Europa League

Chaque été, la fièvre du football européen secoue la Croatie. La danse des petits papiers lors du tirage au sort à Nyon fait l’objet d’une attention maximale. Après ce tirage, nos clubs se préparent pour de longs vols jusqu’au Kazakhstan et aux Iles Féroé afin d’aller sur les lieux de batailles acharnées où se jouent une qualification, la célébrité, l’attention des médias, les primes et le coefficient délivrés par l’UEFA. Pendant l’été, les joueurs croates livrent leur match de la saison sur des terrains inconnus en ayant la sensation de faire partie de l’élite continentale. A la recherche de ce sentiment, bref mais si doux, que tout est possible tant que vous êtes encore en lice en Europe.

Cette année, le sentiment se prolonge un peu plus que d’habitude, et nous nous retrouvons à la fin du mois d’août avec 4 clubs croates toujours vivants, ce qui n’était jamais arrivé avant. Le Dinamo Zagreb a su se remettre d’une débâcle en Ligue des Champions pour quasiment s’assurer d’une qualification en phase de poules de l’Europa League, tandis que Rijeka, l’Hajduk Split et le RNK Split ont gardé leurs chances intactes avant les matchs retours. Pour la deuxième saison consécutive, nous avons de grandes chances de retrouver plus d’un représentant  de football croate pour disputer les joutes automnales.

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Les joueurs de Split ont réalisé un véritable exploit en se qualifiant

Le coefficient UEFA dans le viseur

L’amélioration du coefficient national a entraîné une vague d’enthousiasme et des spéculations sur le fait que le football croate pourrait avoir deux représentants en phase préliminaire de la Ligue des Champions. Tous les médias sont aux aguets pour apporter des commentaires et des prévisions motivés par des calculs plus ou moins précis.

Outre ces désirs et vœux de l’opinion publique, est-il raisonnable que le football croate dispose de deux équipes en compétition pour se qualifier en Ligue des Champions ? La dernière fois qu’une équipe croate a gagné un match d’une phase de groupe de compétition européenne remonte à 4 ans. Et 15 ans se sont écoulés depuis la dernière fois qu’un de ses clubs (Varteks) a passé Noël en Europe.

À première vue, il n’est pas irréel de penser que la Croatie pourrait prendre la place occupée par Chypre. Pourtant, il y a 3 ans, l’APOEL a passé un groupe de Ligue des Champions au nez et à la barbe du Shakhtar Donetsk et du Zenit Saint-Pétersbourg et a même éliminé Lyon au printemps. Deux ans, plus tôt, ce même club avait également fait bonne figure dans la même compétition. Rajoutons que durant les trois dernières saisons, quatre clubs chypriotes différents ont joué en phase de groupe de l’Europa League. Actuellement, 4 de leurs clubs sont encore en Europe (APOEL, AEL, Omonia et Apollon). Il est donc très peu probable que la Croatie passe devant. De plus, nous sommes en concurrence pour la 15ème place avec des pays tels que la Roumanie, l’Autriche ou Israël qui ont obtenu de meilleurs résultats en coupe d’Europe la saison dernière.

Les croates n’ont donc pas vraiment de raisons de fantasmer sur la possibilité de devenir une force majeure du football européen. D’autant plus que rien n’a vraiment changé hormis l’éclosion de Rijeka ces deux dernières années qui a fait monter la concurrence. Ce club, ainsi que l’Hajduk et le Dinamo sont à leur niveau à ce stade de la compétition et il aurait été très décevant de ne pas les trouver ici, compte tenu de la qualité de leurs adversaires précédents. La seule réelle surprise vient de la part du RNK Split qui a éliminé des adversaires pourtant supérieurs sur le papier, israéliens (Beer-Sheva), puis ukrainiens (Odessa).

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A Rijeka, la ferveur est totale

Trop de défaillances entravent la progression du football croate

Ces clubs ont leurs problèmes que nous avons déjà pu évoquer pour certains (Hajduk, Dinamo). Malgré cela, ils ont réussi à garder leur équipe de base, en leur apportant des renforts. Ceci n’est pas toujours possible car la plupart des clubs croates vivent dans une grande pauvreté suite à l’accumulation des dettes et à une mauvaise organisation. La fréquentation moyenne des stades la saison dernière était seulement de 3.193 personnes. En ce qui concerne les infrastructures dans le football croate, le seul club qui a entièrement rénové ou construit son stade lors du dernier quart de siècle est Istra. Peu de clubs ont pu mettre de l’argent dans les académies et certaines, très performantes auparavant, se sont dégradées (comme Osijek). La plupart des clubs capitalisent encore sur des structures du passé, toujours plus obsolètes. Sans compter l’économie des clubs qui est toujours contrôlée par des influences extérieures, et dominée par les transactions suspectes ou l’instabilité financière.

Pourtant, en Prva Liga, il y a toujours quelque chose à voir. Les jeunes joueurs talentueux fleurissent sans cesse quelles que soient les conditions et parfois des matchs de football de haute qualité viennent subtilement nous rappeler que le football dans les Balkans n’est pas mort en même temps que la Yougoslavie. En dépit des liens avec l’Eglise et les politiques, des médias non informés, du peu de « culture football » et du manque de public, la ligue  de football croate reste attractive à suivre.

Avons-nous réellement besoin de deux équipes  de football croate engagées dans l’élite européenne ? Au vu de la difficulté d’atteindre la 15ème position et de la garder, on peut se le demander. Il serait préférable de se consacrer dans un premier temps au développement de la ligue nationale. Les changements incessants des hautes instances et les aspirations irréalistes des dirigeants nous ont déjà fait perdre des clubs historiques ou à fort potentiel tels que Varaždin, Šibenik, Slavonski Brod, Karlovac ou Dubrovnik. Les résultats seraient plus simples avec une réelle stratégie de gouvernance. Par exemple, en Autriche, la ligue de football a concocté un plan de développement de la Bundesliga autrichienne jusqu’en 2020 avec trois types d’objectifs : sportif, économique et en terme d’infrastructures. Tiens, l’Autriche se trouve justement à côté de nous à l’indice UEFA…

Damien Goulagovitch

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