La confusion entre Ultras et Hooligans est monnaie courante dans beaucoup de cercles médiatiques et énervent souvent les puristes, voir même les acteurs concernés. Il existe pourtant certains coins d’Europe de l’Est où les deux mouvements se marient parfaitement pour nous offrir un spectacle parfois géniale parfois désolant. Entre violence, racisme, histoire et passion sur fond de nationalisme, Footballski vous emmène au cœur du mouvement ultra à Kiev. Première partie à déguster :
Définition du mouvement Ultra
« Les ultras forment une catégorie spécifique de supporteurs dont le but est de soutenir de manière fanatique leur équipe. Ils s’organisent au sein d’associations pour soutenir activement leur équipe au moyen de slogans et d’animations visuelles. »
Définition du mouvement Hooligan
« Groupe d’individus qui se livrent à des actes de violence et de vandalisme, en particulier lors de manifestations sportives. »
La genèse de la violence
Bien que les débuts du mouvement ultra dans la ville alors soviétique de Kiev remontent à la fin des années 70, certains groupes de supporters vont commencer à s’organiser dès les années 50 afin de se mesurer aux fans des clubs moscovites. Plusieurs incidents entre supporters vont éclater en 1956 et en 1959 lors de derby face au Torpedo Moscou et au Dinamo Moscou. Des groupes de supporters qui vont prendre de l’ampleur rapidement à la suite du premier titre de Kiev en 1961. C’est à cette époque que les supporters du Dynamo vont se radicaliser et introduire la violence dans certains stades. Les forces de police seront à cette époque encore clémentes envers ces fans radicaux qui compteront dans leurs rangs de nombreux militaires, parfois des hauts gradés.
A cette période le Dynamo Kiev n’est pas seulement un club de foot mais un club omnisports. C’est à cette époque que l’équipe de hockey sur glace du Dynamo va accéder à la première division soviétique, une accession à l’élite qui va offrir aux supporters les plus violents un nouveau terrain de jeu, le Secteur 5 du Palet des Sports de Kiev. Une aubaine pour eux en raison des dispositifs policiers bien moins conséquents au hockey qu’au football. Les hauts dignitaires du régime communiste vont alors y voir une menace nationaliste et feront interdire dans les enceintes sportives les chants à la gloire de l’Ukraine ainsi que les drapeaux. Tout ceux qui ne se soumettront pas aux ordres seront arrêtés et punis avec de lourdes amendes. Certains fans recevront des menaces de mort chez eux, à leur travail et même à l’école de leurs enfants. La répression du régime soviétique va alors s’abattre de tout son poids sur les fans ukrainiens.
C’est alors que va s’organiser la résistance et apparaître ce qu’on appelle encore aujourd’hui la triade. Les fans du Dynamo Kiev vont s’allier avec ceux de Dnipropetrovsk et du Karpaty Lviv en opposition aux clubs russes et particulièrement ceux de Moscou. Une alliance et une amitié qui perdure encore aujourd’hui.
C’est en 1987 lors d’une rencontre à Kiev face au Spartak Moscou que va éclater une gigantesque bagarre entre supporters et qui va rapidement se propager sur le terrain, impliquant des joueurs mais aussi des membres des staffs des deux équipes. Les supporters moscovites seront escortés par la police jusqu’à la gare sous une pluie de projectiles.
Trois ans plus tard c’est à Moscou que les hooligans du Dynamo vont s’illustrer. Kiev y affronte le Lokomotiv au Stade Louzhniki en finale de Coupe d’URSS. La rencontre sera enlevée par les Ukrainiens sur le score sans appel de 6 à 1. La fête va se poursuivre dans le métro où de graves affrontements vont éclater entre supporters rivaux. Ce jour là, la quasi totalité des fans du Dynamo seront arrêtés par la police.
Deux ans après les derniers incidents, le Dynamo sera logiquement reversé dans le tout nouveau championnat d’Ukraine. L’occasion de mettre quelque peu de côté les rivalités ukraino-russes, mais aussi de se faire de nouveaux ennemis.
Spartak Moscou, l’ennemi historique
Le plus grand ennemi du Dynamo ne se trouve pas en Ukraine vous l’avez compris, non il se trouve à 880 kilomètres de la capitale ukrainienne, à Moscou. Une rivalité tout d’abord sportive qui puise sa source dans les années 70 lorsque le Dynamo et le Spartak évoluaient tous deux au sein du championnat soviétique. Le terme de derby est véritablement apparu à partir de la saison 1976 lorsque les moscovites furent battus par les ukrainiens en toute fin de saison, les condamnant à la relégation.
Le Spartak reviendra parmi l’élite dès la saison suivante et mènera une guerre sans merci au club ukrainien pour le titre suprême. L’année 1990 verra le Dynamo rafler son 13ème titre de champion, un de plus que le Spartak. Leurs 25 titres réunis en font les clubs les plus titrés de l’histoire du championnat soviétique.
Cette rivalité sur le terrain va très vite gagner les tribunes et conduira à faire grandir la haine respective entre les deux clans de supporters.
Interrogé par nos confrères de Russian Football News, pour Amir Khuslyutdinov, un membre actif du mouvement hooligan du Spartak depuis 1977, le conflit entre supporters aurait véritablement commencé en 1982 lorsque des fans moscovites aurait été pris à partie à Kiev. « Nous n’avons jamais oubliés cela. »
« A l’origine, nous étions amis avec le Dynamo, on allait les chercher à la gare pour les protéger des fans du CSKA. »
Les deux clubs seront finalement reversés dans leurs championnats nationaux respectifs aux débuts des années 90 après la chute de l’URSS.
Plus de rencontres donc plus de fights ? Non, les ultras du Spartak se forgent une alliance avec ceux du Metalist Kharkiv. L’occasion pour eux de se rendre en Ukraine et de se frotter aux hooligans de Kiev, comme la saison dernière où environ 35 hools du Spartak se sont joints à ceux du Metalist pour coincer ceux de Kiev au détour d’une rue. La vidéo a fait le tour de la toile.
Shakhtar Donetsk, l’ennemi sportif
Le Shakhtar Donetsk et ses supporters vont s’attirer les foudres des ultras du Dynamo en devenant le principal rival sportif, jusqu’à surpasser Kiev et les priver de titre depuis 5 ans maintenant. La rivalité sportive va s’étendre à la politique comme souvent, bien avant les événements qui secouent actuellement l’Est de l’Ukraine. Le club du Shakhtar se trouvant dans la région politiquement très proche du voisin russe, les supporters du Dynamo plus enclins eux au patriotisme ukrainien pur et dur, vont voir dans les ultras de Donetsk, des traîtres à la solde de la Russie. Une différence énorme sépare les deux clans, à Kiev les bannières et autres drapeaux sont écrits en ukrainien, à Donetsk, ils sont écrits en russe.
La saison passée, lors du classico ukrainien, le speaker de la Donbass Arena aura la très bonne idée de faire ses annonces pour le Shakhtar en russe et celles pour le Dynamo en ukrainien, histoire de rappeler à tout le monde les différences culturelles qui les opposent.
Les rencontres sont souvent chaudes bouillantes sur le terrain mais finalement plutôt calmes en dehors. Lors de la saison 2012 et la venue de la bande à Mircea Lucescu à Kiev, les dirigeants des groupes ultras du Dynamo et du Shakhtar vont conclure un pacte de non-agression physique et verbal.
Pour beaucoup d’entre eux, cette rivalité est largement accentuée par la presse et les politiques. Les deux clans tendent à prouver à tout le monde qu’ils sont ukrainiens avant tout. Avant d’être supporters de tel ou tel clubs.
Arsenal Kiev, l’ennemi politique
Contrairement au Shakhtar et au Spartak, la haine qui divise les supporters du Dynamo et de l’Arsenal n’est absolument pas sportive mais purement politique. Les deux clubs entretenaient d’ailleurs de très bonnes relations, ce qui permettait au petit poucet de se voir régulièrement prêter certains jeunes joueurs du Dynamo. En grandes difficultés financières, l’Arsenal a du déposer le bilan en plein milieu de la saison dernière, une situation qui avait amené la presse ukrainienne à encourager le président du Dynamo Igor Surkis à racheter le club. Un peu à la manière de Rinat Akhmetov, le big boss du Shakhtar qui collectionne les petits clubs en Ukraine pour en faire des équipes sœurs et donner du temps de jeu en première division à ses joueurs qui peinent à s’imposer dans le club du Donbass.
La rivalité va véritablement s’accentuer après le changement de nom du club qui passera du défunt CSKA Kiev à l’Arsenal Kiev. C’est à cette période que de nouveaux supporters vont faire leurs apparitions dans les rangs de l’Arsenal. Des supporters radicaux, estampillés extrême gauche. Une mouvance politique Antifa qui va évidemment déplaire au plus au point aux ultras du Dynamo. L’arrivée dans les stades de la capitale de ces ultras d’extrême gauche va alors déclencher une guerre sans merci avec leurs voisins.
Les fights vont se multiplier en marge des rencontres entre les deux clubs. Cette poignée de hooligans antifascistes, anticapitalistes et végétariens va se structurer et créer leur propre firm, le Hoods Hoods Klan.
« Nous n’étions pas fans de football à l’origine, nous étions antiracistes, mais il fallait une plateforme pour nos revendications. »
En 2010, une fight entre les deux groupes va faire un blessé grave, un supporter de l’Arsenal recevra un coup de couteau près du cœur.
« Nous avons dû arrêter , les nazis du Dynamo venaient avec des battes et des couteaux. »
Ces propos ont été recueillis quelques jours avant l’Euro 2012 par RFI.
Police, l’ennemi juré
La violence en Ukraine va atteindre des sommets fin 2007 avec un violent clash entre les ultras du Dynamo Kiev et les forces de l’ordre. Cette fois-ci il n’est pas question de bataille rangée entre deux firms hooligans sur un terrain vague mais bien d’un affrontement direct dans les travées d’un stade. Mai 2007 le Dynamo accueille le Shakhtar Donetsk en finale de Coupe d’Ukraine dans l’ancien Stade Olympique. Kiev remportera ce match 2 à 1 mais le spectacle sera ailleurs que sur le terrain. De violents affrontements avec la Police vont éclater en tribune. La milice sera envoyée pour rétablir l’ordre, ou plutôt pour en rajouter une couche. Armés de matraques et de boucliers anti-émeutes, les miliciens vont repousser les ultras de Kiev dans leurs derniers retranchements et le spectacle offert par les policiers ukrainiens devant les cameras sera tout simplement affligeant. Des coups totalement gratuits seront portés à des supporters à terre, l’apogée du spectacle sera diffusé en direct où un policier va prendre à partie une jeune fille de 13 ans toute seule au milieu de la tribune et tentant tant bien que mal de se protéger. Coups de matraque et coups de pieds, les images de ce policier vont faire le tour des télés et devenir le symbole des dérives policières dans le football ukrainien.
Rémy Garrel
Retrouvez ici les autres parties du dossier :
Photo à la une : © White-Blue.kiev.ua
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sur ce site l’Ukraine figure dans la catégorie « russie », c’est décevant
Bonjour Oleksandr, l’Ukraine ne figure pas dans la catégorie Russie, l’article est simplement listé dans les deux catégories qui sont distinctes. La catégorie Russie apparait en premier simplement cas elles sont dans l’ordre alphabétique.
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