Osijek prend l’habitude de faire la une des médias croates ces derniers temps, mais plus pour des histoires de déboires financiers et de salaires impayés comme autrefois. Entrée de capitaux hongrois, victoire en Europa League contre le PSV Eindhoven et nouveau stade, autant dire que le nouveau riche du championnat croate vise haut. Pourtant, beaucoup de supporters se plaignent de la saison actuelle. Alors, où veut aller le boss Mestrovic ?


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Après la fête, les doutes

Après une nouvelle défaite à domicile, contre Rudes, l’heure est aux doutes du côté d’Osijek. Ivan Mestrovic, président du conseil d’administration, décide alors d’organiser une conférence de presse pour marteler que le club n’est pas en crise. Et pour remémorer quelques souvenirs à ceux qui auraient oublié où était le club il y a 2 ans : « Nous avons réussi à nous débarrasser de tous les problèmes. Les salaires ne sont plus en retard, maintenant ils arrivent même avant l’heure. Dans le club, nous avons 200 employés et 500 enfants à l’école. Nous ne pouvons pas promettre d’engendrer un nouveau Davor Suker, mais nous pouvons promettre que nos enfants s’entraîneront dans de meilleures conditions que Suker. » Rappelons que l’actuel président de la fédération est natif d’Osijek, où il a débuté (40 buts en 91 matchs) et ne cache pas son amitié avec le président Mestrovic.

Car il y a 2 ans, le club était bel et bien au plus mal : infrastructures totalement obsolètes, crise financière, dettes à gogo et même plus de staff pour les équipes de jeunes. Depuis, Osijek est rentré dans le « Big Four » croate, et cela faisait belle lurette que l’on n’avait pas vu Osijek impliqué dans la lutte pour les places européennes. Voir même se faire remarquer sur cette scène européenne, comme lors de la qualification contre le PSV Eindhoven l’été dernier. Sauf que l’ascension était tellement fulgurante que tout le monde est déçu de la saison actuelle, jugée en régression par rapport à l’an dernier. Les 3 victoires lors des 11 derniers matchs de championnat ont définitivement éloigné Osijek des places du podium alors qu’il se faisait un objectif de l’accrocher.

Kohorta, Osijek
Malgré le marasme sportif, le groupe ultra Kohorta fête ses 30 ans de belle façon ! | Facebook / NK Osijek

Vision à long terme

Pas de quoi s’alarmer cependant selon Mestrovic, toujours lors de sa conférence de presse : « Je n’accepte aucune phrase disant que nous sommes dans une crise. Certains se concentrent uniquement sur le résultat de la première équipe, qui est, bien sûr, l’un des éléments les plus importants du fonctionnement du club, mais ce n’est pas le seul. »

Il n’y a pas si longtemps, une déclaration similaire a été faite par le président de l’Hajduk, Ivan Kos. Une déclaration provoquant un véritable tollé dans une ville où le supportérisme est bien plus puissant qu’à Osijek. Pourtant, il est difficile de ne pas donner raison aux deux présidents dans leur vision critique du supporter lambda, concentré exclusivement sur l’équipe fanion. Cette dernière est la seule chose qui compte pour lui, la seule chose qu’il voit, la seule diffusée à la télévision et c’est l’unique sujet dont il parle. Ce qui est compréhensible. Mais ce n’est pas pour autant que le président d’un club en totale construction doit évaluer la bonne avancée d’un projet uniquement par les résultats. Mestrovic voit plutôt le résultat comme le couronnement du fonctionnement de tout un club et une conséquence de la longévité de la vision.

« Au cours des deux dernières années, nous sommes entrés dans le club et nous avons injecté 140 millions de kuna (près de 20 millions d’euros) ! », a déclaré Mestrovic. « Nous ne sommes pas en dessous des clubs avec un budget inférieur au nôtre, sinon nous pourrions nous demander si nous faisons les choses correctement. J’annonce que le club se battra pour les places européennes chaque année tant que je suis à la tête du NK Osijek ! »

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Scènes de liesse après la qualification face au PSV Eindhoven | Facebook / NK Osijek

Projet social et nouveau stade annoncés par Mestrovic

La vision de Mestrovic et ses compères est plutôt claire. Le système est basé sur la mise en valeur de joueurs talentueux du championnat croate comme Eros Grezda et Peter Bockaj (Lokomotiv), ainsi que la relance de joueurs talentueux dont la carrière s’est égarée, comme Haris Hajradinovic. Cependant, en plus de cet aspect qui ressemble fortement à l’histoire de Rijeka, il y a une autre facette dans le projet de Mestrovic :

« Le club de football d’Osijek est bien plus que des résultats et un classement, c’est un mouvement », a expliqué Meštrovic. « Nous allons investir 35 à 40 millions d’euros dans le camp d’entraînement et dans un nouveau stade. Nous avons 30 entraîneurs dans l’école de football. Si j’étais un opportuniste, pensez-vous que je ne pourrais pas remettre à plus tard la question du nouveau stade et l’augmentation significative de nos investissements dans l’équipe ? »

Tous les supporters d’Osijek peuvent en effet être fiers d’avoir un nouveau stade, étant donné le nombre de stades construits en Croatie sur les vingt dernières années (zéro). Il suffit de voir le Dinamo Zagreb jouer dans son stade complètement miteux et Rijeka s’embourber dans la reconstruction du sien… Mestrovic a voulu faire un stade ultra moderne et à dimension raisonnable, ce qui est tout à son honneur. La capacité devrait être supérieure à 10 000 places et surtout, ce sera le premier stade de football entièrement couvert en Croatie. Et tout l’artifice moderne sera bien présent : un espace commercial sera intégré et les matchs pourront être suivis depuis un lit, un sauna ou un jacuzzi. Quoi, vous ne vous imaginez pas dans un jacuzzi en train de siroter un cocktail devant un Osijek – Slaven Belupo ? Et bien vous avez tort.

« Nous allons investir 35 à 40 millions d’euros dans le centre d’entraînement et le nouveau stade », a déclaré le président Ivan Mestrovic lors de la présentation du projet, en ajoutant: « en raison de notre sensibilité sociale, nous ne quittons pas le stade actuel, que nous espérons voir accueillir les matches de notre équipe B (ndrl : qui devrait jouer en 2e division l’an prochain), ainsi que des équipes de jeunes. La capacité du nouveau stade devrait être de 12.000 places, ce qui me semble être un chiffre optimal pour nous qui tablons sur une affluence moyenne de 7000 à 8000 spectateurs (par rapport aux 3500 actuels). Un stade de 20 000 places aurait été bien pour les deux ou trois matches européens par an, mais je pense que 12 000 suffiront pour une meilleure ambiance. Nous voulons un stade plein d’émotions et de passion. « 

La vision est bien présente, mais se table uniquement sur les capitaux étrangers. Pour son nouveau stade, Mestrovic peut remercier le Premier ministre hongrois Viktor Orban, qui participe largement au financement du club et à la construction du stade, lui qui s’y connait plutôt bien en la matière. Autant dire qu’Osijek a particulièrement fêté la victoire d’Orban aux dernières élections, lequel est attendu l’été prochain pour assister à un match européen des bleu et blanc … Mais le club se retrouverait en grosse difficulté si l’homme fort du gouvernement hongrois venait à s’écrouler.

On n’en est certes pas encore là. Il est évident qu’Osijek a l’ambition de construire des infrastructures de qualité et de développer une équipe compétitive. Pour son projet, Mestrovic peut s’appuyer sur la tradition de l’école de football d’Osijek. Sportivement, financièrement, mais aussi pour connecter le club avec la communauté locale, ce qui représente l’un des projets lui tenant particulièrement à cœur. La gratuité de l’inscription à l’école et le programme de fidélisation Cashback étaient déjà de belles avancées en ce sens. Le prochain défi sera de concrétiser le projet d’académie pour que les enfants locaux restent, plutôt que de partir à l’école du Dinamo, par exemple. Le but de la direction est de prendre exemple sur le projet de l’Hajduk qui a érigé son Académie en pilier du projet.

On me dit de virer notre entraîneur Zoran Zekic, mais je l’apprécie beaucoup. Je veux qu’il soit notre Alex Ferguson ! Non, pas même Sir Alex, mais Guy Roux!

Malgré le beau projet, Osijek vit une saison mouvementée. Beaucoup de choses se sont passées, des trois victoires contre le Dinamo à la crise de résultats. Beaucoup de facteurs peuvent en être la cause, de la tragédie de Boban (le frère du joueur d’Osijek Gabrijel Boban est mort en jouant un match de 3e division croate en mars) aux blessures d’éléments importants, en passant par toutes les histoires sur le départ du coach Zekic. Après la période de stabilisation, l’enjeu d’Osijek va être de réussir à choisir la direction dans laquelle il va développer le projet. Une autre similarité avec le modèle de Rijeka, lui aussi à un tournant cette année comme nous vous l’expliquions (les deux projets passent par l’introduction de capitaux étrangers via un local de confiance – Damir Miskovic à Rijeka -).

Mestrovic a un but, c’est qu’Osijek soit européen et se batte pour les titres. Sa méthode peut se comparer à celle pratiquée par Rijeka, mais aussi à celle choisie par Hajduk. Il est fort à parier que la stratégie est une sorte de combinaison de celle développée par l’Hajduk et celle par Rijeka. Le choix des hommes va aussi devoir être tranché. Mestrovic est très proche de Zoran Zekic, mais est-il la bonne solution ? Lors de notre bilan de la trêve, nous remarquions que l’équipe avait du mal contre les petites équipes, quand il fallait construire. Le bilan en mai est le même. Les 3 seules victoires en 2018 ont été obtenues contre Rijeka, le Dinamo Zagreb et Istra, club en faillite. Contre les équipes les plus fortes, comme contre le PSV en Europa League, Osijek est bien plus à son aise. Cependant, contre une équipe qui ne laisse aucun espace, alors les idées disparaissent.

L’équipe de Zekic joue un football laid et rudimentaire. Les phases offensives se concentrent presque exclusivement sur les côtés, les liants sont réduits à néant, et il n’y a pratiquement pas de jeu dans les intervalles. Le nombre de buts marqués par Osijek est plus proche de celui de l’Inter et du Lokomotiv que de celui de l’Hajduk, de Rijeka ou du Dinamo. Pire, en neuf matchs avec Istria, Cibalia et Rudes – nous parlons des trois derniers du classement – Zekic a empoché deux maigres victoires (sur 11 matchs !).

Et pourtant, Mestrovic ne compte pas faire de concession : « Il est plus difficile de faire un stade et un centre d’entraînement que de remporter le titre de champion. Nous avons de grands projets, mais nous y allons étape par étape. Je ne suis pas un président de club typique en Croatie. On me dit de virer notre entraîneur Zoran Zekic, mais je l’apprécie beaucoup. Je veux qu’il soit notre Alex Ferguson ! Non, pas même Sir Alex, mais Guy Roux ! Pour nous entraîner pendant plus de 40 ans. Pourquoi devrais-je changer d’entraîneur après deux ou trois mauvais résultats ?! Il a fait de grandes choses pour Osijek. »

Malgré toutes les critiques qui peuvent s’abattre sur Zekic, il est fort à parier qu’il sera toujours là l’an prochain, notamment si Mestrovic suit l’exemple de Miskovic (son homologue de Rijeka) qui a gardé Matjaz Kek même en pleine tempête et lui a fait confiance jusqu’au succès que l’on connaît. Peu de monde pense que Zekic est l’homme de la situation pour emmener le club vers les sommets, et personne ne pense qu’il puisse atteindre le niveau de Kek, mais c’est à Mestrovic de décider, et là où il est attendu.

Tout comme sa tâche est de déterminer la direction du développement stratégique du projet : continuera-t-il à construire une équipe façon Rijeka, en sachant que l’effectif tourne beaucoup d’une année sur l’autre, ou privilégiera-t-il l’approche de l’Hajduk, avec la patience nécessaire envers un projet tourné sur l’académie ?

Damien F.

1 Comment

  1. Czerny 11 mai 2018 at 13 h 30 min

    C’est bien joli tout ça, un beau projet, des ambitions ,le tout dans un championnat dont TOUTES les journées sont truquées.C’est sur ça qu’il faudrait écrire.

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