Nous voilà donc au Zimbru Stadion pour un match d’Europa League. L’été dernier, la pelouse a connu les exploits européens du club local, espérons donc qu’elle continue à porter chance à ses locataires d’un soir : le FC Saxan. Le petit club de Ceadîr-Lunga, situé dans le territoire autonome de Gagaouzie, a arraché sa qualification un peu par hasard. Promu en Divizia Naţională l’an dernier, ils ont réussi leur pari en faisant plus que se maintenir avec une belle 5e place au final. Avec la disparition du FC Tiraspol, ils ont maintenant la chance de goûter pour la première fois au parfum de la coupe d’Europe !
Les Gagaouzes forment un peuple turcophone chrétien et l’une des minorités composant la Moldavie. Avant même les soubresauts de 1991, la Gagaouzie proclamait ses envies d’autonomie, suite à l’autorisation du Roumain comme langue officielle et par la crainte d’une réunification future avec la Roumanie voisine. Cependant, en 1994, leur spécificité est reconnue avec la création du District Autonome de Gagaouzie (Unitatea Teritorială Autonomă Găgăuzia) qui a un droit d’auto-détermination au cas où la République de Moldavie décide de s’unir avec sa voisine. Trois langues officielles y sont reconnues : le roumain, le gagaouze et le russe – bien que la majorité des gens ne parlent pas la première.
Cette composante particulière de la Moldavie est représentée dans le football national, depuis 2010, par le FC Saxan qui a rapidement gravi les échelons puisqu’ils étaient encore en 3e division en 2011. Basé à Ceadîr-Lunga, la deuxième « ville » de l’UTA Gagauzia, ils s’en sortent bien mieux que le FC Gagauziya, de la capitale Comrat et qui est resté coincé en Divizia A depuis quelque temps jusqu’à cette année : ils ont enfin gagné le droit de descendre en 3e division cette saison en étant bon dernier du second échelon. En face, l’Apollon Limassol a l’expérience de la C3. Les Chypriotes avaient créé la sensation l’an passé en s’imposant 1-4 à Moscou, face au Lokomotiv – cependant, dans une poule difficile, ils avaient réalisé un bien maigre 3/18. L’équipe a cependant l’expérience de la Coupe d’Europe (ils avaient sorti Nice puis fait match nul avec la Lazio un an plus tôt) comparé aux Gagaouzes.
En arrivant au Zimbru Stadion, on a droit à une petite file aux guichets où la place varie entre 20 et 30 MDL avant la traditionnelle fouille. La Coupe d’Europe, c’est sans alcool ni tabac : tout le monde est prié de laisser son briquet à l’entrée – et mon pote s’exécute bon an mal an. Il reste une dizaine de minutes avant le coup d’envoi et on n’entend que les Chypriotes chanter pour le moment. Au coup de sifflet cependant, le mini-kop du Saxan se met timidement en marche pour encourager les « oranges » d’un soir. L’équipe, quant à elle, que Vlad Goian a disposé en 4-4-2 classique avec Bamba en meneur de jeu et Puntus qui tourne autour de Dao, démarre pied au plancher avec un corner provoqué par Puntus dès la première minute de jeu puis une phase litigieuse où le stade tout entier croyait au pénalty. Que nenni, l’arbitre adresse un carton jaune pour simulation au même Puntus, intenable en début de match.
Ensuite, on sent les hôtes crispés : ils défendent bien et parviennent à contrer les timides tentatives de l’Apollon. Ça joue principalement sur la technique et la vitesse de ses éléments offensifs, avec de longs ballons dans le dos d’une défense placée assez haut ; l’autre solution consiste à balancer le cuir sur la tête de Dao, peu efficace car esseulé face aux deux backs chypriotes. A la 18e, Limassol presse et emploie Chirinciuc sur coup-franc : le gardien gagaouze relâche la balle mais Elizio ne parvient pas à cadrer le deuxième essai. Après quelques timides « Tolka Saxan » et « Cea-dîr Lu-nga » du « kop » de Saxan, le speaker tente de rappeler aux spectateurs de supporter les hôtes : les « Saxan Gol » résonnent à chaque corner – il y en aura beaucoup, comme à la 25e quand Kone le reprend au premier poteau mais place dans le petit filet.
Le Saxan est en jambes et garde le contrôle du ballon après vingt premières minutes difficiles. On sent qu’ils prennent confiance, comme lorsque captain Popovici, après avoir dévissé son coup-franc aux 35 mètres, tente une frappe de mule puisque la balle lui revient dans les pieds quelques secondes plus tard : Vale n’a pu que dégager des poings. Deux minutes plus tard, néanmoins, c’est la douche froide : après un beau mouvement en triangle, Papoulis centre de la gauche vers la pointe Joao Pedro qui ouvre facilement le score pour l’Apollon. Sonné, le Saxan plie avec une parade de Chirinciuc deux minutes plus tard, mais n’abdique pas. Dao effectue une superbe retournée acrobatique qui passe à quelques centimètres du poteau gauche avant que Vale repousse difficilement un centre d’Arabadji. C’est la mi-temps et l’Apollon mène à l’expérience, car le Saxan ne démérite pas.
Les Chypriotes reviendront avec de meilleures intentions en poussant dès la reprise, comme lorsque Papoulis envoie la balle dans le petit filet à la 54e. C’est Puntus qui tente ensuite une frappe, trop molle pour inquiéter Vale, puis Bamba sur coup-franc à vingt mètres, facilement capté. La 63e minute voit l’entrée en jeu de Bogdanov, la dernière recrue du Saxan. Passé par l’Arsenal, le Dynamo et le Metalist, il a un bagage intéressant et va tout de suite orienter le jeu par la précision de son placement et de ses passes. A la 68e, le gardien chypriote s’effondre et se caresse le postérieur. On est pourtant sûr de ne pas avoir vu Gonzalo Jara dans le stade ou aux alentours. Trois minutes plus tard, il se couche encore, mais pour mettre fin à une belle combinaison entre Né, Bamba et Dao. Ce dernier s’en va gagner un coup franc très bien placé à l’aube de la 80e minute. Tiré en retrait, Bamba rate sa reprise, mais sur le centre de Né qui suit c’est Koné qui surgit pour placer sa tête juste à côté !
Ça pêche à la finition et comme souvent dans ces cas-là, la punition arrive sur contre-attaque : à la 88e, Gullon s’évade de sa défense centrale et combine avec Kolokoudias qui coulisse vers Papoulis. La défense du Saxan est aux abois et assiste au 0-2 que Chirinciuc aurait pu arrêter. Pour ne pas s’entasser dans le trolleybus du retour, une bonne partie des spectateurs a la bonne idée de quitter prématurément le stade. On en restera de toute façon là, le DJ déclenche un Kiesza en oubliant que le Saxan a un hymne officiel : il coupera la belle en plein milieu d’Hideaway pour offrir le rock dédié au club gagaouze aux quelques fidèles qui sont restés jusqu’au bout. Les supporters visiteurs, eux, ont encore de la voix pour féliciter les leurs, et pour cause : depuis le coup d’envoi, on ne les pas entendu, si ce n’est lors des deux buts.
En quittant le complexe du Zimbru, mon pote me signale un petit attroupement autour des portiques de sécurité déplacés à côté des toilettes après le début du match. C’est la foire aux briquets ! Chacun cherche son précieux, sans chercher à tout prix à dévaliser la boutique. Il trouve le sien et on dit au revoir aux soirées européennes au Zimbru Stadion. A l’année prochaine ?
Le résumé du match :
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PS : un ennui technique a empêché de prendre des photos par nous-mêmes.
Thomas Ghislain
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