Pour devenir un footballeur respecté et connu dans le monde, Milivoje Novakovic a dû passer par un parcours épineux. Le gamin de Ljubljana a appris les efforts et la patience. À deux reprises, il a recommencé, à partir de zéro. Il a travaillé dur et a persévéré avant de devenir celui que l’on connait tous sous le surnom de Novagol. Il fallait une fin. Après un dernier match et un dernier but contre Malte, le roi des buteurs slovènes vient de tirer sa révérence à 38 ans.
Si l’histoire de Milivoje Novakovic était adaptée à l’écran, elle serait très instructive. Pour les jeunes en particulier ; afin de leur montrer que tous les rêves peuvent être réalisés, à condition de ne pas abandonner au premier échec. L’exemple de Novakovic est tellement parlant qu’il est devenu un modèle pour tous ceux qui, en raison d’un manque de confiance de leur club, sont allés à l’étranger et ont tout recommencé. Cette histoire est pour tous ceux qui veulent imiter Milivoje Novakovic, le deuxième meilleur attaquant de l’histoire de la Slovénie.
De l’argent pour jouer
Enfant d’un quartier populaire de Ljubljana, où les fans de football sont légions, c’est tout naturellement que le jeune Milivoje fait ses gammes à l’Olimpija. Bon attaquant, il passe dans toutes les équipes de jeunes sans trop de difficultés. Mais celles-ci déboulent dans la période la plus délicate possible pour un joueur de football : lors de la transition de l’équipe junior à la catégorie senior. Bien qu’il se démarque parmi ses coéquipiers et qu’il est meilleur buteur chez les jeunes, il n’entre jamais dans les plans des coachs de l’équipe senior. À chaque fois, les mêmes remarques. Novakovic est classé dans la catégorie « peu prometteur », le genre de regen Football Manager à une ou deux étoiles de potentiel.
Le jeune Milivoje, qui est en parallèle étudiant en ingénierie électrique et diplômé de l’école secondaire, fait sa première rencontre avec le monde du football professionnel. Un monde fait d’obstacles qu’il trouve injustes. Ainsi, si le jeune homme ne veut pas quitter le club, ses parents doivent s’acquitter d’une certaine somme d’argent. « Le problème était l’argent. Il est difficile lorsque vous savez que vos parents n’ont pas assez d’argent pour la vie quotidienne. Ensuite, vous devez payer quelque chose si vous voulez jouer en équipe première. Des choses comme ça vous affectent au plus profond de vous. Certaines choses ne se pardonnent pas, » déclarait-il l’an dernier dans une interview accordée à Sportal en rappelant ce chapitre sombre de sa carrière, quand il était un jeune ambitieux attendant désespérément une invitation pour faire ses preuves dans l’équipe première.
Parce que ses parents ne peuvent se permettre de payer un montant aussi élevé, même en empruntant de l’argent, le jeune footballeur trouve enfin la liberté d’aller voir ailleurs. Plus tard, il expliqua à plusieurs reprises que personne ne devrait avoir ce genre de pratiques, même pas envers l’un de ses ennemis.
Déçu du club qu’il supportait étant jeune avec ses copains du quartier, dégoûté d’avoir été traité comme un moins que rien, Novakovic ne peut plus rester en Slovénie. Il décide alors d’aller voir en dehors des frontières afin d’oublier les déconvenues et repartir de zéro. Pour cela, direction l’Autriche, où il y mit les pieds il y a maintenant 20 ans, pour atterrir dans la ligue la plus basse. Pendant la saison 1999/2000, alors que Maribor crée la sensation en se qualifiant dans la phase de groupes de la Ligue des Champions, Novakovic, lui, signe son premier contrat écrit dans une nouvelle langue. Loin de son enfance.
Son premier club est Klopeinersee. Pour voir ce qu’il vaut, chaque année, Novakovic change de club et monte une à une les divisions. Cinq ans plus tard, après avoir pris la mesure du football autrichien et joué à Linz, il est tenté par l’offre séduisante de Lovech, en Bulgarie. Le Litex, qui avait été deux fois champion de Bulgarie quelques années auparavant, flaire le bon coup. Nova devient meilleur buteur du championnat bulgare et sa valeur augmente en flèche. Dans les compétitions européennes, le Litex Lovech gagne contre des clubs plus forts et, consécration, l’équipe nationale de Slovénie convoque Novakovic. Une revanche pour lui, le jeune « peu prometteur » du plus gros club du pays.
Sélection, amour et déception
Le sélectionneur Branko Oblak invite le buteur au début de l’année 2006 afin de disputer un tournoi amical à Chypre. Novakovic, ravi, est en train de réaliser son rêve. Sept ans après son départ à l’étranger et toutes les incertitudes allant avec, il enfile le fameux maillot vert et blanc. Un maillot dans lequel le joueur ne tarde pas à se faire remarquer, lors du troisième match de la compétition, contre Trinité-et-Tobago, petit pays des Caraïbes coaché par le célèbre Néerlandais Leo Beenhakker, qui se prépare à effectuer à la Coupe du monde 2006. Un match dans lequel le natif de Ljubljana offre un spectacle inoubliable grâce à un hat-trick enflammant les passions des fans qui ne pouvaient que rêver d’un tel attaquant dangereux et efficace. Véritable inconnu du public slovène, Novakovic se fait alors un nom et entame un compteur de buts pas prêt de s’arrêter en si bon chemin.
De là, une nouvelle étape se profile. Cologne offre 1,5 million d’euros au club bulgare pour s’attacher les services du buteur slovène. Chez le Effzeh, Novakovic laisse une trace toute spéciale, devenant le chouchou des fans et meilleur buteur du club de la saison 2009/10 (16 buts). Avec Cologne, Novakovic joue quatre saisons de première ligue, faisant parler de lui dans tout le pays lors de la saison 2010-2011, lorsqu’il termine troisième meilleur buteur de Bundesliga avec 17 buts au compteur! Avec six passes décisives en plus, il rencontre un tel succès que les fans de Cologne lui dédient chants et chanson spéciale.
Novakovic n’est pas en reste avec l’équipe nationale. Rapide, technique, intelligent, très souvent, il se trouve au bon moment, au bon endroit. Il contribue à la qualification à la Coupe du Monde 2010, où il ne peut malheureusement pas faire oublier un certain Zlatko Zahovic et ses 3 buts lors de l’Euro 2000. Le football slovène brille dans le rythme d’une grande euphorie estivale, mais Nova se blesse gravement.
Contre l’avis du staff médical de Cologne, un Novakovic obstiné et mal remis de sa blessure revient rapidement en sélection. Mais sous la direction de Matjaz Kek (champion cette année avec Rijeka), la Slovénie réalise sa plus grosse contre performance en perdant à domicile contre l’Estonie lors des qualifications pour l’Euro 2012. La quatrième place finale devient un échec majeur poussant Kek au départ. Novakovic, lui, est terriblement frustré de ses performances et des réactions à son encontre, alors même qu’il était venu jouer avec une blessure.
Renaissance au pays du soleil levant
Bientôt, il devient trop cher pour Cologne, qui vient de descendre d’un étage et cherche des solutions pour s’assurer une viabilité financière. Les offres concrètes de grands clubs allemands n’arrivent pas. C’était écrit, Novakovic allait rester une idole à Cologne, pour toujours.
Un long voyage commence jusqu’au Japon, où Cologne l’envoie en prêt. Le pays des Samurai l’ensorcelle. Le Slovène tombe amoureux du pays, ainsi que de sa nourriture, lui permettant de maintenir un niveau élevé de préparation à près de 40 ans. Pendant ce temps, la Slovénie perd brièvement le contact avec lui. Comme partout où il est passé, Novakovic est l’un des meilleurs buteurs au pays du Soleil levant. Il attire même l’attention de certains de ses compatriotes qui le rejoignirent au pays, tel Zlatan Ljubljancic. Ses statistiques faisant toujours de lui le meilleur buteur slovène en activité, le nouvel entraîneur, Slavisa Stojanovic, voulut le rappeler. Le joueur ne daigna pas répondre à cette sollicitation, rappelant que, même en Allemagne, Novakovic avait décidé que, jusqu’à nouvel ordre, il oublierait l’équipe nationale.
La pause dura deux ans, jusqu’à l’appel de Srecko Katanec. En plein milieu des qualifications pour la Coupe du Monde 2014, Novakovic déboule dans une équipe bien mal placée. Grâce à ses performances et ses buts, la Slovénie réussit à se battre pour la qualification jusqu’à l’ultime journée. Deux ans plus tard, pour les qualifications à l’Euro 2016, c’est encore lui qui est l’un des éléments moteurs de la sélection à pourtant plus de 35 ans.
Quand il revient d’une blessure début 2016, Novakovic annonce qu’il est libre, de retour au pays, en quête d’un nouveau club. Cette décision eut beaucoup d’écho dans tout le pays. Son club d’origine, l’Olimpija, le contacta ; mais la boucle ne se boucla pas, l’attaquant n’étant pas satisfait de la façon de penser et d’agir du directeur sportif Ranko Stojić. La belle histoire d’amour avec son club d’enfance ne se réalisera jamais. Et c’est Maribor, via Zlatko Zahovic, qui en profite. Les fans de l’Olimpija le prennent mal. Le quartier où il a grandi à Ljubljana est décoré de tags d’insultes, et son bloc d’enfance est arrosé d’urine. Ce qui n’empêcha pas Novakovic de continuer à aller aux rassemblements de l’équipe nationale, droit dans ses bottes.
Novakovic porté en héros
L’histoire se termine bien. Novakovic inscrit 12 buts en 2016-2017, permettant à son équipe de remporter un titre national qu’il attendait depuis… 38 ans ! Bien qu’éclipsé par le fils Zahovic (17 buts), il est célébré par les fans de Maribor en se faisant porter dans le virage Sud. Il est même désigné dans le top 3 des joueurs de la saison, Dare Vršič remportant ce trophée individuel. Une situation qui ne changea rien à la décision d’un Novakovic qui avait annoncé avant la fin de la saison qu’il déciderait de la poursuite de sa carrière après son retour de vacances d’été. La décision aura finalement été prise un peu plus rapidement, la veille d’un match de qualification contre Malte, où il y inscrit un nouveau but crucial pour son équipe nationale.
Ses adieux sonnèrent comme un héros d’une histoire digne des films. Entrant en tant que remplaçant, il score le but du 2: 0, le 32e de sa carrière en sélection. Certes, il ne dépassera jamais un Zahovic (35 buts) qui avait plus de talent, mais la célébration de ses coéquipiers qui le portèrent en gloire montra à quel point l’avant-centre était reconnu. Avec son fils et sa femme qui marchant parmi les joueurs, il dit au revoir au public de Stozice, là où il avait si difficilement commencé dix-huit ans auparavant. C’est ainsi que le deuxième meilleur buteur de l’histoire de la sélection s’en est allé, la tête droite pleine de rêves accomplis.
Damien F.
Image à la une : Jure Makovec / AFP
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