A moins d’un an de la Coupe du Monde, nous avons décidé de nous replonger dans l’histoire du football soviétique des différentes (quatorze, hors Russie) républiques socialistes soviétiques d’Union Soviétique, avec quatorze semaines spéciales, toutes reprenant le même format. Cette semaine, nous parlons du Kazakhstan. Épisode 2 : La Coupe Internationale des Syndicats de Chemin de Fer.
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Coupe Intertoto, coupe Mitropa, Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe de football, Coupe des villes de foires… ah que ces noms sentent le football d’antan, celui du siècle dernier, loin de tout « foot business ». C’était l’époque du football authentique, le foot de village… Au milieu de toutes ces coupes, on retrouve la Coupe Internationale des Syndicats de Chemin de Fer, qui comme son nom semble l’indiquer fleure bon le bloc socialiste… mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette compétition ne se limitait pas au bloc de l’est. Et elle continue d’exister en 2017.
La Coupe Internationale des Syndicats de Chemin de Fer (CISCF) a été créée à Salzburg (Autriche) en octobre 1946 par l’Union Internationale des Chemins de Fer (UICF), une association représentant au niveau mondial les entreprises ayant une activité dans le domaine du chemin de fer (avec la participation des syndicats de travailleurs des chemins de fer d’Autriche, Belgique, Tchécoslovaquie, Finlande, France, Hongrie et Italie). Concernant la CISCF, le premier élément intéressant de cette liste est la présence des pays « sociaux démocrates » et la présence de deux pays neutres : la Finlande et l’Autriche. Les pays fondateurs ont décidé d’organiser le 1er tournoi de football des cheminots à Budapest, en juillet 1947. Les joueurs y ont donc ouvert l’ère des rencontres sportives internationales.
Une poule pour les capitalistes, une autre pour les communistes
Cette liste s’est ouverte vers l’Est d’abord en 1956 avec l’ajout de la Bulgarie et de la Roumanie, puis en 1957 avec l’Allemagne de l’Est, la Pologne et l’URSS. Une stratégie pour s’imposer petit à petit que ne renieraient pas les adeptes de la tactique du salami. D’autres pays du bloc capitaliste ont également rejoint la compétition, cependant les relations internes n’étaient pas au beau fixe. Les compétitions ont dû être séparées en deux. D’un côté une poule pour le bloc capitaliste, de l’autre une poule pour le bloc socialiste. De plus, pour éviter les tensions, le conseil de direction était composé de 12 membres, six de chaque bloc. Belgique, Finlande, France, Pays-Bas, Italie, Allemagne de l’Ouest d’un côté, Tchécoslovaquie, Allemagne de l’Est, Pologne, URSS, Yougoslavie de l’autre. Cette répartition devait éviter une mainmise du bloc soviétique sur l’instance de direction.
La compétition a eu lieu de façon sporadique. Dans des documents d’archives, on retrouve ainsi la cinquième édition en 1961 avec notamment la première participation d’une équipe d’ URSS, le fameux Lokomotiv Moscou. Seize équipes ont été divisées en quatre sous-groupes. Le Royaume-Uni, la Belgique, la Hollande, la République Fédérale d’Allemagne composaient le premier, l’URSS, la Finlande, la Tchécoslovaquie, la RDA étaient dans le deuxième, la Hongrie, la France, la Pologne et l’Autriche se retrouvaient dans le troisième et la Turquie, la Roumanie, la Bulgarie et la Yougoslavie faisaient partie du quatrième. C’est d’ailleurs à ce moment que le format change. Les pays n’envoient dorénavant plus des sélections nationales mais envoient des clubs, c’est notamment l’occasion de retrouver toute la cohorte de club issue des associations de chemins de fer comme le Lokomotiv Moscou, le Lokomotiv Sofia, le Lokomitiv Kosice, le Rapid Bucarest, le Zeljeznicar Sarajevo, le Lech Poznan, le Kairat Alma-Ata, etc.
La septième compétition a elle eu lieu en 1968. L’URSS était alors représentée par le Kairat d’Alma-Ata (ancien nom d’Almaty). Les footballeurs kazakhs, ayant battu l’équipe allemande avec un score de 7-0 (à Alma-Ata) et de 4-2 (à Munich), ont atteint les demi-finales. La huitième coupe se joua en 1971. Comme lors de l’édition précédente, l’URSS était représentée par le Kairat Alma-Ata. L’équipe débuta le tournoi face au Lokomotive Kosice (4-1 à la maison, 1-0 à l’extérieur). Au tour d’après, les Kazakhs affrontèrent le Slavia Sofia perdant 1-3 à Alma-Ata avant de s’imposer grâce à trois contre-attaques, 0-3 en Bulgarie. Cette victoire leur ouvrit les portes de la finale face au Rapid Bucarest. Au match aller, les deux équipes firent un nul 1-1 en Roumanie. Un 0-0 suffisait dès lors pour les locaux afin d’être sacrés champions.
Le premier titre européen d’un club soviétique
Le match retour de la finale de la CISCF a commencé le 12 novembre 1971 à 19 heures. Le match a été suivi par 32 000 spectateurs dans le stade. Avant le match, le capitaine du Kairat, Sergei Rozhkov, a dit à ses joueurs : « Asseyez-vous sur la piste. Il y avait un moment de pause … Allons-y … ». Et l’équipe a couru d’une traite, ensemble, pour entrer sur le terrain.
Le retour, le 12 novembre 1971, allait devenir historique. Les joueurs du Kairat devenaient les premiers joueurs d’une équipe d’URSS à gagner un titre européen continental. Ce titre a été célébré en grandes pompes et tous les joueurs du XI de base ont reçu pour cette victoire le titre de maîtres des sports de l’URSS et une somme de 250 roubles, une fortune pour l’époque. Kuralbek Ordabaev, défenseur central aux côtés du capitaine Rozhkov ce soir-là, a joué plus de 200 matchs pour le Kairat et lors d’une interview pour le site sportsffa déclarait que ce match était son meilleur souvenir sous le maillot jaune et noir.
Cette première victoire pour un club soviétique lors d’une compétition internationale est un moment historique et unique du football soviétique et kazakh. Encore aujourd’hui, le titre en CISCF continue de faire partie de l’héritage et de l’histoire du Kairat, qui n’en est pas peu fier. Les plus anciens continuent d’en parler avec des yeux pétillants.
Aujourd’hui, cette coupe continue d’exister. Toujours organisée par l’UICF, la dernière édition s’est tenue à Sochi en 2015 et a vu la Biélorussie triompher devant la France et la Russie. L’équipe de Russie était notamment représentée par les cheminots de Sibérie de l’ Ouest. Les équipes sont actuellement en phase de qualification pour la coupe de 2019 qui aura lieu en France.
Edition | Année | Pays hôte | Champion |
1 | 1947 | Hongrie | Yougoslavie |
2 | 1951 | Belgique | Yougoslavie |
3 | 1955 | Allemagne de l’Ouest | Autriche |
4 | 1958 | Belgique | Yougoslavie |
5 | 1961 | Bulgarie | Bulgarie (Lokomotiv Sofia) |
6 | 1963 | URSS et Bulgarie | Bulgarie (Lokomotiv Sofia) |
7 | 1968 | Bulgarie | Roumanie (Rapid Bucuresti) |
8 | 1971 | Plusieurs pays | URSS (Kairat Alma-Ata) |
9 | 1974 | Plusieurs pays | URSS (Lokomotiv Moscou) |
10 | 1976 | Tchecoslovaquie | URSS (Lokomotiv Moscou) |
11 | 1979 | Allemagne de l’Est | URSS (Lokomotiv Moscou) |
12 | 1983 | Allemagne de l’Est | URSS (Lokomotiv Moscou) |
13 | 1987 | Bulgarie | URSS (Lokomotiv Moscou) |
14 | 1991 | Allemagne de l’Ouest | URSS |
15 | 1995 | Pays-Bas | Pays-Bas |
16 | 1999 | France | Slovaquie |
17 | 2003 | Bulgarie | Bulgarie |
18 | 2007 | République Tchèque | Russie ( RFSO Lokomotiv) |
19 | 2011 | France | France |
20 | 2015 | Russie | Biélorussie |
Lazar Van Parijs
Image à la une : sportsffa.kz
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