Après la Macédoine et le Kosovo, direction la Serbie pour le dernier pays du séjour. Pas mal de matchs au programme pour cette fin de séjour et surtout beaucoup de vieilles enceintes comme on aime. La Serbie, c’est un peu le pays que personne n’aime dans les Balkans et qui n’aime personne, mais ce sont surtout des ambiances et un engouement assez rares en Europe!

La promenade des Français à Nis

Première étape en Serbie, la ville de Nis. Pour rejoindre la Serbie il fallait la jouer malin. Impossible en effet de passer directement par le Kosovo! Nous nous rendons donc à Skopje, en Macédoine, pour une nuit afin de passer en toute « légalité » sur le territoire serbe. Manque de bol, le bus prévu à 10h n’existe plus. Il faut attendre 13h pour pouvoir nous rendre à Nis, et surtout croiser les doigts pour que le passage de frontière soit rapide pour arriver à l’heure à notre premier match serbe. Rien n’est facile puisque quelques jours auparavant, l’ambassade de Serbie a quitté la Macédoine pour cause de tensions politiques entre les deux camps. Résultat des courses: il nous faut plus de deux heures pour traverser les deux points de contrôle. C’est à toute berzingue qu’il nous faut donc rejoindre notre destination du soir. Nis, troisième plus grande ville de Serbie derrière Belgrade et Novi Sad, réputée pour son centre industriel, le plus important du pays.

© Footballski

On pouvait s’attendre à tomber sur une vieille ville yougoslave bloquée dans le passé, mais à notre grande surprise, c’est tout le contraire. Pour l’instant, notre première préoccupation est de rejoindre le Gradski Stadion, antre du Radnicki Nis qui accueille le Mladost Lucani pour un match en retard.Celui-ci étant à proximité de notre auberge, nous nous y rendons à pieds en traversant un grand parc donnant sur l’ancien complexe sportif qui, malgré son air abandonné, sert de centre d’entrainement pour le club local. Le Gradski Stadion est un beau stade en ovale avec sa vieille tribune latérale qui sert de tribune de presse et VIP. Bien rempli pour un match en pleine semaine, le stade est plaisant, tout comme la rencontre. Le retard accumulé à la frontière nous empêche d’assister au premier acte, mais nous permet au moins d’entrer gratuitement dans l’enceinte. Solide club du championnat yougoslave, avec même une demi-finale de Coupe UEFA à son actif en 1982, le Radnicki est largement dominateur sur le terrain et obtient rapidement un penalty en début de seconde période. 2-0 dès la reprise, le Mladost Lucani, qui lutte pour ne pas descendre, peine à développer son jeu. Le petit groupe ultra de Nis fait un peu de bruit et se fait surtout remarquer par une bagarre en fin de match avec un mec en pleine tribune. La fin de match est en la faveur du Mladost, qui va se réveiller et réduire le score. Trop tard, le Radnicki l’emporte logiquement dans cette rencontre et s’offre un petit tour d’honneur pour l’occasion. Le vendeur d’arachides oublie son job le temps d’un instant et félicite son équipe comme l’ensemble du stade. De notre côté, nous profitons de notre soirée pour découvrir la ville et particulièrement son charmant centre-ville dominé au loin par une citadelle. La rakia et le pljeskavica accompagnent une soirée qui se termine tôt en vue de notre départ matinal le lendemain pour Belgrade et une grande soirée européenne qui nous attend.


A lire : On a vécu le grand retour de l’Etoile Rouge en Europe


Vendredi, retour aux affaires courantes

Vendredi, grand soleil sur la capitale serbe. Après les émotions de la veille au stade Rajko Mitic, direction visite intensive de la ville avant le match du soir entre le Rad et Cukaricki. Passage obligé par la forteresse de Belgrade située dans le parc de Kalemegdan, sur les hauteurs de la ville. La vue sur la ville est imprenable, le sticker Footballski sur le panneau de pèlerinage des amoureux de foot à Belgrade est obligatoire! Entre un club de tennis et un terrain de basket aux couleurs du Partizan, nous tombons sur le Musée de la Guerre, qui montre les plus beaux missiles serbes et autres batterie de défense anti-aérienne. Parfait pour l’éducation des plus jeunes. L’heure tourne, la petite glace pour se rafraîchir fait un bien fou en cette chaleur et nous voici en route pour le stade du Rad. Heureusement pour nous, il existe un bus direct depuis le centre qui nous emmène dans ce quartier plutôt excentré de la ville. Pour tout vous dire, Rad ne nous faisait pas plus envie que ça. L’idée de passer un match avec un public majoritairement raciste n’avait rien de très attirant pour deux touristes français. Connu pour le gros problème de comportement de ses supporters (Everton Luiz, joueur du Partizan, avait quitté le terrain en larmes la saison dernière), le Rad est un club secondaire dans l’horizon du foot belgradois mais tente tant bien que mal d’exister.

© Footballski

Un appel de Jelena Polic, vice-présidente du club, nous a finalement fait changer d’avis. La grande enceinte qu’est le King Peter Stadium ne sera ouverte que partiellement pour cette rencontre entre le Rad et Cukaricki. Seule la tribune basse et celle derrière le but seront ouvertes au public. Un public très particulier qui ne fait absolument aucun bruit. Une quarantaine d’ultras avec des drapeaux nazis dont la croix gammée est remplacée par le logo du Rad chantent de temps en temps mais ont l’air endormi. Les croix celtiques sont également de sortie, tout comme les bras tendus. A vraiment se demander ce que l’on fait là. Il faut dire que la performance sur le terrain est loin d’être réjouissante. Cukaricki domine tandis que le Rad est emprunté, au grand dam de Jelena Polic. Le Nigérian de Cukaricki régale avec sa technique mais contrairement à ce que nous pouvions attendre, peu de cris de singes s’échappent des tribunes. Malheureusement pour les locaux, la domination du Cukaricki se concrétise par un but en seconde période. Aucune réaction de la part du public, qui quitte tranquillement le stade au coup de sifflet final de l’arbitre. Une dernière barbe-à-papa et un dernier sac de pop-corn pris à la buvette et les supporters des Bleu ciel rentrent gentiment à la maison. Tout comme ces deux touristes français qui n’ont pas vécu le match le plus glorieux de leur voyage.

Un beau samedi de football belgradois

L’hésitation est de mise pour ce dernier jour à Belgrade. Plusieurs matchs de divisions inférieures s’offrent à nous, dont la possibilité de voir jouer le BASK, un des plus anciens clubs de la capitale, si ce n’est le plus vieux. Avec la perspective de deux matchs de Superliga, un dans l’après-midi, l’autre dans la soirée, cela nous promet une belle journée de football pour terminer ce voyage. Mais c’est finalement vers le GSP Polet Dorcol que nous nous tournons, attirés par une affiche aperçue sur un coin de mur près de notre auberge la veille en rentrant du match du Rad. Un affiche promettant un match à 11h du matin dans les alentours (et précisant qu’il y aurait de la bière, précision ô combien importante).

© Footballski

Nous voici donc de bon matin en route pour un stade qui n’apparaît sur une aucune cartographie. Et pour cause, le club est nommé d’après la régie des transports de Belgrade, GSP. C’est donc tout naturellement que nous nous retrouvons devant…le dépôt de bus et tramways de la ville, coincés près des docks. Les locaux semblent pourtant connaitre le coin et nous conseillent de continuer « un peu plus loin » pour trouver le stade. En réalité le stade du GSP se trouve bien plus loin, au pied des remparts de la forteresse du Kalemagdan ! Sacrée chasse au trésor pour le trouver, mais une fois arrivé quelle belle récompense de pouvoir profiter de la vue sur les contreforts de la forteresse d’un côté et le Danube de l’autre, tout en assistant à un beau match de troisième division. Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas restés concentrés à 100% sur le match. Certains remplaçants non plus d’ailleurs, un de ceux de l’équipe locale venant même à la mi-temps me demander si je peux aller lui chercher une bière. Malheureusement la tireuse à bière gratuite n’est pas encore en fonctionnement, protégée d’ailleurs par l’œil attentif de cinq policiers. Malgré le faible enjeu sportif, un petit public s’est quand même déplacé ce matin et l’unique vendeur ambulant doit multiplier les allées et venues au pas de course et sous une chaleur de plomb pour remplir sa glacière de bières fraîches. Au final peu de choses à voir sur le terrain (d’ailleurs pas grand monde n’a suivi le score visiblement), mais une bien belle découverte pour commencer la journée.

© Footballski
© Footballski

Après cette mise en bouche matinale et un petit cevapi pour se remettre d’aplomb (quoi d’autre ?) direction le nord-ouest de la capitale pour un nouveau changement de décor. Le bus passe d’abord par le quartier de Novi Beograd, probablement le type de quartier qui colle le plus à la représentation de l’architecture yougoslave : des quartiers séparés par « blocs » numérotés, chacun constitués de belles barres d’immeubles communistes. Malgré cette description, les Serbes ayant vécu dans ces ensembles construits dans les années 1950 sont très attachés à leur quartier et ne déménageraient au centre de Belgrade pour rien au monde. Pas même à Zemun, qui est, elle, un bel exemple de la présence austro-hongroise dans la région. En effet la municipalité de Zemun se trouvait à l’avant-poste méridional de l’empire d’Autriche-Hongrie durant plus de 200 ans, tandis que Belgrade, située quelques kilomètres plus loin, de l’autre côté du Danube, était sous domination ottomane. Devenue serbe en 1918, la ville n’a été officiellement intégrée dans la municipalité de Belgrade qu’en 1938. Le décor est donc particulièrement baroque, voire néo-classique, et rappelle dans une certaine mesure Ljubljana ou Zagreb. Mais sur les murs de la ville c’est pourtant un nom latin qui s’étale le plus souvent en lettres vertes à côté des trois lettres FKZ omniprésentes. Les Taurunum Boys, du nom romain de la ville, ont en effet décidé visiblement de repeindre une bonne partie du centre-ville, allons donc leur rendre visite !

© Footballski

Le stade du FK Zemun ne se situe pas très loin du centre-ville et parait en plutôt très bon état. Là aussi, la belle tradition yougoslave nous a laissé un anneau de près de 10 000 places, séparé du terrain par ce qui fut une piste d’athlétisme. Pour ce match de milieu de tableau, quelques 1 200 personnes se sont massées dans les tribunes à l’ombre. Habitants du quartier, familles au complet, l’ambiance est très bon enfant. Dans un des virages, exposés au soleil démentiel de ce samedi après-midi d’août, une bonne centaine d’ultras de Zemun (les Taurunum Boys donc), font ce qu’ils peuvent, peu aidés il est vrai par la distance séparant leur tribune du terrain. Du côté des visiteurs de Backa Palanka, seuls une quinzaine de supporters ont fait le déplacement mais préfèrent passer le match à bronzer sur leur terrasse. Pas un seul chant ne viendra d’eux du match. Le chant du match vient en revanche de la sono du stade, qui diffuse à la mi-temps un morceau composé par les supporters, probablement le seul hymne de supporters serbes qui soit chanté en ska.

© Footballski

Et sur le terrain ? Le promu Zemun imprime son rythme et profite de la vitesse de quelques-uns de ses joueurs offensifs mais n’est pas récompensé, à cause notamment du manque de technique des joueurs en question. Sur le bord du terrain, le coach du Backa Palanka préfère s’en amuser et réalise quelques jolis jongles avec ses mocassins en daim aux pieds. Le quatrième arbitre ne semble pas apprécier la démonstration technique et vient l’engueuler plusieurs fois, lui reprochant de ralentir le jeu, ce qui fait bien rire le public. Dans un match tendu comme celui-ci, il fallait un éclair de génie pour ouvrir le score. Cet éclair vient du Lituanien Lasickas, qui efface quatre joueurs avant de placer une frappe enroulée dans le petit filet adverse. Malheureusement pour les supporters des Bleu et Vert, l’engagement de Backa Palanka est récompensé à quelques minutes de la fin. Match nul 1-1, il n’y avait rien d’extraordinaire mais le meilleur est à venir.

© Footballski

Sur le trajet du retour, l’envie nous prend d’aller saluer le Danube pour cette dernière soirée belgradoise. Remontant les berges où déambule tout Belgrade en ce beau début de soirée nous arrivons au confluent avec la Save, puis redescendons vers Novi Beograd, là où les splavs se bercent doucement en attendant les fêtards qui viendront y finir leur nuit. Tant pis pour le match de Vozdovac qui commence dans une heure, il n’y a qu’à profiter de l’heure bleue, se remémorer ces 15 jours de découvertes exceptionnelles. Et se dire qu’en suivant le Danube qui coule sous nos yeux, il nous reste bien des choses à découvrir.


Antoine Gautier & Antoine Jarrige

Image à la Une © Footballski

4 Comments

  1. MOB 8 octobre 2017 at 0 h 15 min

    On vous a mal renseigné, vous auriez pu passer directement du Kosovo à la Serbie, inutile de passer par un pays limitrophe (Macédoine ou Monténégro). Pour cela, il faut présenter le passeport FR à la frontière kosovare (sortie) et la carte d’identité FR à la frontière serbe (entrée).

    Reply
    1. Antoine Gautier 9 octobre 2017 at 22 h 58 min

      Ca aurait été possible si on était passé au Kosovo depuis la Serbie. Là on avait un tampon kosovare sur notre passeport indiquant qu’on était passé par un poste d’une frontière non contrôlée par Belgrade (Macédoine-Kosovo). En ce moment les serbes demandent quasi systématiquement aux européens une deuxième pièce d’identité à la frontière Serbie-Kosovo, donc ils auraient vu qu’on est passé par une frontière « illégale » au regard du droit serbe. D’autre Français ont tenté le passage Kosovo-Serbie en étant arrivé depuis le Monténégro au Kosovo, ils ont attendu 12h à la frontière…

      Reply
  2. Gavrilo princip 8 octobre 2017 at 10 h 25 min

    Merci pour vos articles sur les balkans , mais faut arreter avec votre propagande occidentale, de toujours rabaisser ce beaux pays qu est la serbie , le seul pays europeen qui a garde ces valeurs et ses traditions malgre malgre se qu il ont vecu 30 dernieres annees.Cordialement

    Reply
  3. didier 8 mai 2019 at 15 h 38 min

    « Pour tout vous dire, Rad ne nous faisait pas plus envie que ça. L’idée de passer un match avec un public majoritairement raciste n’avait rien de très attirant pour deux touristes français »

    Le travail journalistique s’arrête donc à partir du moment ou un club est plus raciste qu’un autre ? Je vous rappelle que quand vous allez en Pologne , Croatie , Russie etc etc etc , 90% des Ultras sont racistes . On fait quoi alors ? Pas de reportage ?

    Reply

Leave A Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.