Nos premiers jours dans ce nouveau voyage balkanique se déroulent en Croatie, du côté de Split. Infortune du calendrier, nous n’aurons pas l’occasion de voir jouer le Hajduk Split, monstre sacré de Dalmatie, de Croatie, et plus largement d’ex-Yougoslavie. Pour trouver notre premier sujet, direction l’arrière-pays dalmate, à quinze minutes à peine de Split, et la petite ville de Dugopolje, dotée du stade le plus moderne du pays. Un projet un peu fou sur le papier que nous sommes allés voir de plus près.


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Pour ce premier article, il ne nous aura pas été nécessaire de faire des heures de bus ni de nous lever aux aurores pour avaler des centaines de kilomètres. Non, notre destination se situe à quelques minutes de Split, derrière la chaîne de montagnes depuis laquelle la cité fondée par l’Empereur Dioclétien domine la mer Adriatique. Split, son palais, ses rues où il fait bon flâner, et son Hajduk chéri. Les fresques aux couleurs du club dalmate que l’on trouve partout dans la ville ne laissent pas de doute, le Hajduk Split est partout ici. Et plus loin encore dans son fief du Poljud, un ovni architecturale posé au bord de la mer où se sont écrites certaines des plus belles pages du football croate. Un club omniprésent dans une large région, et qui ne laisse donc pas beaucoup de place aux autres.

Un formidable outil de connexion

Nous voici donc dans la zone industrielle Podi de Dugopolje, une zone industrielle comme les autres, à ceci près qu’on y trouve également un stade de football. Et pour nous faire visiter et nous expliquer les grandes lignes de cette curiosité, rendez-vous est donné avec Tomislav Balic, directeur du tourisme pour le comité de Split-Dalmatie, originaire de Dugopolje et accessoirement parfaitement francophone. La visite du stade est formelle, le NK Dugopolje dispose d’un formidable outil de 5 200 places pour son équipe en deuxième division nationale croate. La pelouse est en bon état et les tribunes couvertes sont aux dernières normes UEFA. L’intégration économique du stade a d’ailleurs été pensée, puisqu’une des tribunes accueille les locaux du club dans ses étages, au-dessus de plusieurs commerces : cafés, coiffeur, centre de radiologie. Problème, les 3 500 habitants de Dugopolje sont loin de se presser dans l’enceinte. La cause est assez simple à trouver pour Tomislav Balic.

« En championnat on tourne à 200, 300 spectateurs de moyenne ici. C’est difficile de les attirer, ici tout le monde supporte d’abord le Hajduk.« 

Fondé en 1952 le NK Dugopolje n’a en effet jamais connu le plus haut niveau, que ce soit à l’époque yougoslave comme depuis l’indépendance du pays. D’ailleurs en espérait-on autant pour une petite bourgade de 3 500 habitants ? C’est donc une curiosité que le conseil municipal de Dugopolje ait annoncé la création de ce stade de 5 200 places, mais aussi d’un centre aquatique doté d’une piscine olympique, et d’un centre de tennis doté d’une douzaine de terrains.

Il faut alors regarder la situation de cette ville. Située sur les hauteurs de Split, Dugopolje se situe à la jonction de l’autoroute reliant Zagreb, Split et Dubrovnik, et de celle reliant Split à Sinj, sachant également que l’aéroport de Split se situe à 28 km. Des conditions idéales pour faire de cette petite ville un havre économique, symbolisée par cette zone industrielle dans laquelle nous sommes arrivés, et qui peut se targuer d’être une des plus actives de Croatie. Aujourd’hui, et avec le développement du tourisme de masse à Split même et aux alentours, Dugopolje mise également sur sa position dans l’arrière-pays, et cherche à se positionner comme base de départ pour des touristes en recherche de tranquillité et de nature, en témoignent les nombreux sentiers de randonnée proposés au départ de la ville.

NK Dugopolje, objectif devenir le Guingamp de Croatie

Forte de ces activités économiques, la ville dispose donc de nombreux revenus, et au plus haut de son activité, dispose d’un budget énorme pour une si petite ville. D’où la décision de lancer ces investissements sportifs. En 2009, c’est en grande pompe qu’est inauguré le Stadion Hrvatski Vitezovi, à l’occasion d’un match amical contre le Hajduk Split. L’année suivante, le club remporte sa poule de 3.HNL et est donc promu en deuxième division. Deux ans plus tard, en 2012, le NK Dugopolje est même sacré champion de cette deuxième division. On pense alors le prochain concurrent du Hajduk en Dalmatie tout trouvé. Seul problème, si le stade est déjà prêt pour le plus haut niveau, le club ne se développe pas aussi vite, et la mairie, qui finance entièrement le club, n’est plus en capacité de faire les investissements qui permettraient au club de participer à la 1.HNL. Le NK Dugopolje reste donc bloqué en deuxième division, où il se trouve toujours aujourd’hui. 

« Aujourd’hui le budget du club est de 400 000€, intégralement financé par la mairie. Le stade est là, il va continuer à être entretenu, mais pour la suite on n’est pas sûr de pouvoir terminer notre troisième terrain d’entrainement.« 

Et pour cause, le NK Dugopolje est un bon club formateur, dont l’équipe U19 a d’ailleurs été sacrée championne et promue dans la ligue nationale cette année. Pour autant, toutes les catégories de club doivent jongler entre deux terrains d’entrainement. Un rythme compliqué à tenir. Mais le principal problème du club se trouve pour l’instant ailleurs, avec des assistances faméliques.


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On l’a dit, la population de Dugopolje elle-même ne suffirait pas à remplir le stade. Et pour l’instant, aucun signe ne vient annoncer que Dugopolje pourrait être le Guingamp du football croate. 200 à 300 spectateurs de moyenne. « Surtout les familles et les anciens joueurs du club en fait. » Avec quelques pics d’affluence quand la réserve du Hajduk vient jouer et qu’une partie de la fameuse Torcida fait le déplacement. Quelques matchs européens ont bien été organisés, notamment ceux du Hajduk, quand le Poljud était en travaux. Domzale, Fulham ou encore le Torino ont ainsi eu l’honneur de fouler cette pelouse atypique. L’engouement ne prend néanmoins pas plus que ça, et du côté de Dugopolje on continue à regarder vers Split. « Même les journalistes locaux, il faut leur rappeler qu’on est là pour qu’ils parlent de nous. Regardez un journal local de Dalmatie, tous les jours il y a au moins trois ou quatre pages sur l’actualité du Hajduk, nous si on est chanceux on aura une demi-page de résumé le lendemain de notre match. »

Paradoxalement, l’évolution pourrait venir de l’extérieur, par le biais des touristes qui viennent chaque année plus nombreux échapper un peu à la chaleur et à la bouillonnante activité de Split. Un nouveau centre touristique est ainsi en construction à côté du stade, alors que cette année Dugopolje espère dépasser les 50 000 visiteurs. « Il y a beaucoup de touristes, notamment asiatiques, quand ils voient le stade ici la première chose qu’ils nous demandent c’est ‘Fan shop ?.’ Pour l’instant on n’en a pas. Mais pourquoi pas s’appuyer là dessus ? »

Antoine Gautier & Antoine Jarrige à Dugopolje.


Tous propos recueillis pour Footballski.fr. Nous remercions chaleureusement Tomislav Balic et le NK Dugopolje pour leur accueil et le temps consacré.

Image à la Une © Antoine Gautier

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