Notre dispositif spécial Coupe du Monde se met en place et cette nouvelle série d’articles va vous accompagner de manière hebdomadaire jusqu’à l’ouverture de la compétition. Chaque semaine, nous faisons le lien entre un pays qualifié pour la compétition et le pays organisateur. Ce jeudi, nous évoquons Marco Urena, attaquant de la sélection costaricaine qui reviendra dans un pays qu’il connait bien pour y avoir passé quatre saisons au Kuban Karsnodar. Un souvenir dont le joueur de 27 ans se serait pourtant bien passé.


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Le 6 octobre 2016 la sélection costaricaine dispute son premier entrainement en Russie, avant d’affronter la Sbornaya lors d’un match amical à Krasnodar. Les médias locaux guettent bien évidemment Keylor Navas, le gardien superstar du Real Madrid. C’est pourtant un autre tico qui va prendre la lumière en cette matinée d’automne. En effet Marco Urena s’entretient pendant un long moment avec les journalistes russes, captivés par sa maitrise de la langue de Dostoïevski. La raison ? Urena a passé quatre saisons en Russie, à Krasnodar d’ailleurs, là où le Costa Rica s’impose trois jours plus tard pour l’inauguration du nouveau stade du FK Krasnodar. Si l’attaquant ne garde pas un souvenir impérissable de son passage dans le Nord-Caucase il en est au moins reparti en ayant appris une nouvelle langue.

« Le russe est très compliqué à apprendre pour les costaricains qui voudraient aller à la Coupe du Monde, les Russes sont des personnes difficiles à comprendre, ils ne sont pas habitués aux touristes. Mais moi j’ai appris la langue parce que je ne pouvais pas faire autrement, je ne sais même pas comment j’ai fait ni même quand je l’ai appris, mais apparemment je l’ai appris plutôt bien. » (laprensalibre.cr)

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Un joséfino chez les cosaques

Originaire des alentours de San José, capitale du Costa Rica, Marco Danilo Urena Porras n’a pas de temps à perdre. Âgé d’à peine 17 ans il dispute son premier match professionnel avec son club formateur Alajuelense, un des poids lourds du championnat costaricain. Sélectionné dans toutes les catégories de jeunes, il est un des joueurs les plus prometteurs du Costa Rica. Logiquement, il est donc appelé en sélection une première fois au début de l’année 2009 à tout juste 19 ans.  Vainqueur du tournoi d’hiver avec Alajuelense en 2010 il inscrit d’ailleurs treize buts en 2009-2010, et récidive lors de la saison suivante (18 buts en 21 matchs).

« Je suis enchanté que le directeur sportif ait réussi à faire aboutir les négociations pour Marco. C’est un jeune joueur, mais qui a déjà accumulé beaucoup d’expérience en jouant au niveau international. » – Dan Petrescu à ziare.com

Décisif lors de la Coupe d’Amérique Centrale en 2011 où les Ticos atteignent la finale, il attire ainsi l’attention de Dan Petrescu alors entraineur du Kuban Krasnodar et de ses dirigeants qui s’attachent ses services contre un chèque de 300 000€ à Alajuelense. Pour lui c’est un rêve qui se concrétise, celui de pouvoir évoluer en Europe, dans un club tout juste remonté de seconde division et qui a des ambitions, en ayant fait venir un certain Lacina Traoré depuis le CFR Cluj.

« Jouer en Europe est le rêve de tous les enfants de mon pays. J’ai de grandes attentes avec ma venue au Kuban. Nous avons une jeune équipe qui a faim de victoires et un entraîneur distingué avec une réputation dans le monde entier. » – Propos tenus sur le site du club, cités par propsport.ro

Voulu par Dan Petrescu qui voit en lui un énorme potentiel il doit cependant attendre le mois d’octobre avant de voir le technicien roumain lui accorder des apparitions de façon progressive. A l’arrivée Urena joue une vingtaine de matchs lors de cette deuxième partie de saison mais n’est crédité que d’une petite passe décisive. Le début des ennuis pour le jeune attaquant, qui se trouve le premier impacté par la démission de l’ancien international roumain au mois d’août 2012.

« Pura vida » et vie en Russie, quelques dissonances

Sans le soutien de Petrescu la carrière caucasienne d’Urena prend un tour cauchemardesque. Le nouvel entraineur Yuri Krasnozhan le met en réserve, comme tous les autres entraineurs qui se suivront. Le Kuban bat alors de l’aile, son propriétaire, impacté par la guerre qui se déclare dans le sud-est de l’Ukraine subit d’importante pertes financières et cherche à vendre le club. Une floppée d’entraineurs se succèderont à ce moment sur le banc (Kuchuk, Osinkin, Munteanu), sans plus d’effet pour Marco Urena, toujours cantonné à la réserve, à quelques apparitions en coupe, et parfois sur le banc de l’équipe première.


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Oublié en club il est également en danger en sélection où il n’est plus appelé depuis plus de deux ans désormais, à cause de relations en plus houleuses avec le sélectionneur Jorge Pinto. Pour l’ancien espoir qui a alors 23 ans il faut absolument chercher à rebondir, surtout dans l’optique de la Coupe du Monde au Brésil en 2014. Des offres du Betis Seville et du Rayo Vallecano lui donnent espoir de s’échapper de son traquenard mais le club a un autre plan pour lui. Totalement mis à l’écart du groupe les dirigeants cherchent alors à le faire craquer pour qu’il s’en aille de lui même et abandonne son salaire, comme il le déclara ensuite à Radio Monumental. Envoyé avec l’équipe réserve par le club, il se retrouve ainsi complètement isolé, le club n’acceptant même plus de laver ses vêtements d’entraînements :

« Dans nos contrats, ils nous disaient où il fallait qu’on s’entraîne et ils voulaient m’envoyer avec l’équipe réserve, à 400km. J’y suis allé mais je ne me sentais pas en sécurité, heureusement ma femme m’a rejoint là-bas. Je me suis entraîné dix jours dans un camp militaire avec des enfants. La nourriture était terrible, je ne mangeais plus que des oranges et des pommes. Pendant dix jours je n’ai donc rien mangé, j’ai énormément souffert, et cette peur me poursuit encore aujourd’hui.

Ils m’ont fait ça pendant deux semaines, j’étais tout prêt d’abandonner, mais heureusement un agent m’a conseillé parce que j’aurais pu me faire sanctionner. Ils m’ont demandé de quitter ma chambre d’hôtel, et j’ai dû me la payer tout seul. Il y avait un préparateur physique qui m’a pris en charge, qui voulait que je sois prêt pour me préparer au mondial. Quand ils s’en sont rendu compte, ils m’ont dit que personne ne m’approcherait plus, qu’il serait interdit de travailler avec moi. » – cité dans evarrdoherrera.com

Déstabilisé par la vie en Russie, Marco Urena confia plus tard aux médias de son pays que c’est avant tout la personnalité des Russes, en particulier ceux qu’il a rencontré dans le milieu du football (on suppose donc ses coéquipiers), qu’il a eu le plus de mal à aborder.

« Ils me demandaient comment ça se faisait que j’ai pu être appelé en sélection nationale alors qu’avec eux je ne jouais pas une minute, ils m’ont mis à l’écart. Je m’entraînais à part, je respectais les horaires, j’allais aux causeries mais ils me sortaient de la pièce. Le Russe dans le football est un fils de pute de première catégorie, un des plus dégoûtants. » – cité dans diez.hn

Marco Urena aura tenu bon. Ayant été appelé pour quelques matchs en début d’année il se retrouve finalement dans le groupe de la tri pour la Coupe du Monde 2014. Loin de ses problèmes russes l’attaquant reprend ses droits et retrouve la joie du terrain entrant en jeu à la fin de chaque match de poule. C’est d’ailleurs lui qui inscrit le troisième but pour la victoire inaugurale des partenaires de Bryan Ruiz face à l’Uruguay. En quart de finale face aux Pays-Bas il joue ensuite plus d’une mi-temps.

De retour en Russie les dirigeants du Kuban change quelque peu d’avis sur leur ancien souffre-douleur et lui autorisent alors à partir en prêt au FC Midtjylland au Danemark, qui l’acquirent définitivement six mois après. Après un passage à Brondby il se rapproche enfin de son pays natal, en rejoignant San José (Earthquakes) tout d’abord puis désormais le Los Angeles Galaxy. A 27 ans aujourd’hui, Urena a été un des artisans de la qualification des Ticos pour le mondial russe, en marquant notamment contre le Mexique et les Etats-Unis. Avec des matchs programmés à Saint Pétersbourg (Brésil), Samara (Serbie) et Nijni-Novgorod (Suisse), le Costaricain aura tout le loisir de faire profiter de son russe, les journalistes et les supporters, tout en restant assez loin de Krasnodar. Très loin.


Antoine Gautier

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