Lorsque l’on cherche des motifs de croire en l’avenir du côté de la sélection de Russie, il faut forcément s’intéresser aux joueurs qui vont pouvoir être les leaders techniques de cette équipe dans le futur proche. Que ce soit pour l’Euro 2016 ou la Coupe du monde 2018, quand l’équipe sera arrivée à maturité. Dans cette optique, un nom revient souvent, celui d’Oleg Shatov. Intéressons-nous donc au parcours de cet ailier.

Oleg, enfant de l’Oural.

Comme son coéquipier Igor Smolnikov, Oleg est né dans l’Oural et plus précisément dans l’Oblast de Sverdlovsk. A Nizhnyi Tagil (comme Maksim Kanunnikov), peut-être la seule ville en Russie à attirer plus de quolibets et de stéréotypes douteux (mais faux) que Chelyabinsk. Sportivement, nous sommes dans une région de Hockey sur glace, où le football se retrouve en seconde position en concurrence avec des sports comme le basket ou le volley. La faute aux équipes locales ayant de très bons résultats comme, par exemple, l’Uralochka, multiple champion de Russie de volley féminin, qui est désormais basée à Nizhnyi Tagil. Dans ces conditions, il est bien plus difficile de percer dans le football qu’un gamin moscovite qui intégrerait tout de suite l’académie du Spartak. Une situation qui s’avéra utile pour Shatov et qui lui permit de lancer sa carrière de football. Pendant que les brillants espoirs des clubs moscovites se brûlent les ailes et tardent à confirmer les qualités que l’on entrevoit souvent chez eux en équipes de jeunes, Shatov, lui, a eu le temps de s’intégrer progressivement dans le monde du football.

La reluisante Nizhnyi Tagil | © Wild Child
La reluisante Nizhnyi Tagil | © Wild Child

Bien loin des prestigieuses académies moscovites, Shatov débuta à l’âge de treize ans dans une équipe relativement atypique, à savoir le VIZ-Sinara Ekaterinburg, équipe de mini-football (comprenez Futsal) qui devint plusieurs fois championne de Russie. C’est sous ce maillot du Sinara que l’Ural, alors engluée en FNL, repéra le jeune homme et l’acquit sous forme de prêt. C’est bien à onze contre onze que le jeune Oleg s’imposa dès l’âge de dix-huit ans comme un pilier des Orange de l’Oural, ce qui n’est pas un mince exploit quand on sait que l’antichambre de l’élite russe est fréquentée quasi exclusivement par des joueurs expérimentés. Le joueur fut également de la partie lors de la demi-finale de coupe de Russie perdue contre l’Amkar. Mieux, dès sa troisième saison complète, il fut désigné meilleur joueur de l’équipe et partit rejoindre l’équipe de Russie espoirs en compagnie de son ami depuis porté disparu, le gardien de but Anton Zabolotnyi.

C’est aussi à l’Oural que celui qui avait comme idole Zinedine Zidane, au point de se repasser les cassettes de la Coupe du Monde 1998 en boucle, a pris en maturité en se retrouvant seul dès 16 ans. Ses déclarations lors de ses premières années s’en ressentaient : « Si jamais tu es en retard à l’entraînement, même en cas d’embouteillages, tu payes l’amende, c’est normal ». Sous son leadership, les joueurs eux-mêmes avaient décidé de mettre en place un système d’amende. Preuve s’il en fallait de la maturité du jeune homme qui n’idolâtre plus le Français car « il faut travailler sur soi et ne pas essayer de copier quelqu’un ».

Shatov, ailier au zénith.

Pressenti au CSKA Moscou où il joua même un match amical avec les jeunes, c’est finalement l’Anzhi Makhachkala et les dollars de Suleiman Karimov qui attirèrent le prodige en cours de la saison. Si aujourd’hui on trouverait ce choix ridicule, le projet fou de l’Anzhi est certainement ce qui permit à Shatov de devenir ce qu’il est aujourd’hui. Sur les bords de la Caspienne, l’ailier joue beaucoup, se construit, là où le conservatisme d’un homme comme Slutsky l’aurait certainement condamné à rester sur le banc pendant des années dans l’ombre des stars confirmées du CSKA.

Shatov trouva une place de choix au Daguestan et y passa quasiment deux ans avant que l’oligarque local décide de remanier le projet suite aux résultats décevants. Exit donc toutes les stars, Chelsea mais surtout le Lokomotiv et le Dinamo seront les points de chute de tout l’effectif de cette Anzhi milliardaire. Tout l’effectif sauf Oleg, qui décida de rejoindre la capitale impériale et devenir l’incontournable numéro 17 des « Sino-belo-golubie » du Zenit.

C’est d’ailleurs à ce moment que Fabio Capello l’appela en équipe de Russie. Dans le bon timing, il disputa sa première coupe du monde et fit partie des rares satisfactions d’un mondial raté de bout en bout. Il croise désormais la route de Leonid Slutsky arrivé en sélection à la place de l’Italien et qui continue à lui faire confiance. Il est évident qu’Oleg sera avec Dzagoev et Akinfeev un joueur-clé pour l’Euro et surtout la Coupe du Monde à la maison dans trois ans. Cela sera peut-être l’occasion d’ailleurs pour le grand public de le découvrir car bien qu’indispensable au Zenit, il reste totalement méconnu en Europe et absolument (et injustement) jamais dans les forces du Zenit Saint-Pétersbourg lorsqu’ils se produisent sur la scène européenne.

Oleg aime croquer
Oleg aime croquer | © championat.com

Dribbleur, provocateur et doté d’une bonne frappe de balle, il a tout de l’attaquant moderne. Y compris une énervante manie à tomber et réclamer. Mais ce sont bien les qualités citées précédemment qui nous ont conduits à le désigner meilleur Russe lors des tous premiers trophées Footballski Russki (meilleur joueur Russe de RPL en juillet/août). Mais avant d’aspirer aux grands d’Europe, il lui faudra corriger sa tendance à ne pas défendre une fois le ballon perdu, ce qu’on peut lui reprocher trop souvent encore… Sa réalisation, elle, s’est améliorée et il bute de moins en moins sur le gardien en situation de un contre un. Ajoutons également qu’il est capable de jouer dans l’axe derrière un attaquant.

Oleg Aleksandrovich a quitté Nizhniy Tagil, ville « la plus méprisée » de Russie avec ses usines métallurgiques pour rejoindre la ville « des gens cultivés » où tous les Russes rêvent d’habiter. Le destin du gamin qui arpentait les rues polluées et sombres dans sa jeunesse semble tout tracé. C’est tout ce qu’on lui souhaite, ainsi qu’à la Sbornaïa qui aura besoin de sa lumière pour monter sur le toit du monde.

Adrien Laëthier


Photo à la une : © Vyacheslav Evdokimov / fc-zenit.ru

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