Temps de lecture 8 minutesSaison 2015-2016 : Un an de football en Ukraine

Ou plutôt un an dans ce qu’il reste du football en Ukraine. Vu de l’extérieur, la situation ne semble pas des plus alarmantes pour le football bleu et jaune. Une légende (le Dynamo) qui revit sur ses terres et en Ligue des Champions, un club en demi-finale de l’Europa League (le Shakhtar) après la finale de l’an dernier (Dnipro) plus la qualification de la Sbirna nationale pour l’Euro.

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Le Shakthar aux portes du bonheur: demi-finaliste européen, deuxième en championnat, et vainqueur de la Coupe? © SERGEI SUPINSKY/AFP/Getty Images

La froide réalité de la saison qui s’achève est tout autre : faillites de clubs en pagaille, bagarres générales entre joueurs majeurs de l’équipe nationale, baisse de la compétitivité du championnat… L’avenir est loin d’être rose en Ukraine. Plongée dans douze mois infernaux.

Y aura-t-il douze clubs pour organiser le championnat national l’an prochain ?

Depuis le début des troubles à l’Est, le championnat ukrainien ne cesse de réduire son nombre de participants. De 16 à 14 d’abord (depuis 2014) puis 12 à partir de l’an prochain. Déjà signe d’énormes problèmes organisationnels, ce nombre a également pris l’habitude de se réduire en cours de route. La faillite de clubs est devenu une récurrence malheureuse d’une Premier Liga aux abois. Des noms ? Le Kryvbass Kryvyi Rih en fin de saison 2013, l’Arsenal Kiev et ses ultras anti-fascistes la saison suivante, le Metalurh Donetsk en mai dernier et une hécatombe à venir ?


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Souvenez-vous, en octobre 2015, nous vous reportions la situation critique du Metallurh Zaporizhya. Le club n’aura pas passé l’hiver même s’il aura finalement fallu attendre mars 2016 pour que toutes les équipes du club soient exclues des compétitions officielles. Le club devrait renaître l’an prochain en seconde division grâce à ses ultras et une équipe amateur nommée « Rosso Nero » Zaporizhya. Le collectif « Metalurg Forever », formé en grande partie par les supporters du défunt, a poussé pour faire fusionner l’équipe amateur fondée par le tenant d’une pizzeria du même nom avec les restes de leur club chéri. Comprendre: Rosso Nero repartira en seconde division avec le nom et les couleurs du Metallurh.

Si le Mettalurh est une institution vieille de 85 ans, il reste un club peu important en Ukraine. Ce qui est loin d’être le cas de deux institutions d’un tout autre standing elles aussi en très grand danger : le Metalist Kharkiv et le FC Dnipro. Le premier est même plus qu’en danger puisqu’il s’est tout bonnement vu refusé, ce lundi en appel, la licence en première division pour l’an prochain. Une décision irrévocable désormais. La seconde ville du pays et ancienne capitale n’aura donc pas d’équipe en première division l’an prochain. Le cas de Kharkiv est dramatique car bien que situé à l’Est du pays, la ville maintient un semblant d’unité et un relatif calme. Les ultras du Metalist ne sont d’ailleurs pas étrangers à cette unité, leur révolte face au petit mouvement séparatiste qui émergeait dans leur ville il y a deux-trois ans y est même pour beaucoup.

Ces fans vont, comme à Zaporizhya, tenter de sauver leur club. Ils ont déjà pris le contrôle physique du camp d’entraînement ultra-moderne construit pour l’Euro 2012 qui a été saisi administrativement au club. Un beau bordel que l’on doit beaucoup à ce bon vieux Kurchenko dont on vous vantait les mérites et qui laisse finalement le club en faillite financière.

Exit Kharkiv donc, exit Uzhgorod aussi. Le club « dotchki » du Dynamo qui comptait dans ses rangs pas moins de douze joueurs du club de la capitale a également été éjecté de la première division pour problèmes financiers, ce lundi. Trois de chute. On pourrait encore vous parler du Volyn Lutsk qui avait prévu de changer de nom pour pouvoir contourner les sanctions de la FIFA et la FFU (Fédération de Football Ukrainienne), mais qui aurait trouvé un nouveau sponsor pour éponger ses dettes et donc s’accroche à l’espoir d’un maintien d’ici au 31 mai. Concentrons-nous plutôt de ce qu’il reste du FC Dnipro.

Le finaliste 2015 n’est toujours pas sûr de participer à la Premier Liga l’an prochain. Les raisons ? Des impayés vieux de trois ans à Juande Ramos et son staff alors en place sur les rives du Dnipro ainsi qu’un défaut de paiement général de tous les salaires au club (joueurs compris) depuis septembre 2015. La commission de la FFU attend des garanties de résolutions de ces problèmes avant de délivrer la licence pour l’année prochaine. Quant à l’Europe, l’UEFA les en a déjà exclus pour la saison prochaine. Ajoutez à cela une vente en gros des titulaires ayant amené le club si proche du sacre continental et il ne vous reste plus grand-chose. Ou Chygrinskyi, ce qui est peut être pire.

Bon, parlons foot désormais !

Dynamo champion, Shakhtar amer et Zozulya superstar

Darijo Srna a récemment donné son avis sur le titre de champion du Dynamo :

« La première place du Dynamo ? Mon opinion est qu’elle n’est pas réelle. »

Encore une fois le capitaine des miniers aura parfaitement résumé le sentiment de tout son club. Cette saison laisse un goût amer aux gars de Donetsk. Il faut bien dire que dans les confrontations directes, le Shakhtar aura marché sur le Dynamo. 3-0 par deux fois. Remballez, y’a rien à voir.

Le dauphin du champion aura marqué 22 buts de plus que le premier et aura baladé ce fameux futur premier sur les deux manches de leur affrontement. De quoi avoir des regrets. Oui mais voilà, il aura aussi encaissé 14 buts de plus que le Dynamo et perdu stupidement de nombreux points en route. Car si le Shakhtar a encore régalé sur le plan du jeu pour la dernière année de Lucescu à sa tête, le Dynamo a lui définitivement officialisé le style Rebrov : propre et pragmatique !

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Lucescu et son sourire s’en iront de Donetsk. © SERGEI SUPINSKY/AFP/Getty Images

Les joueurs de Donetsk ont tout au long de l’année cherché à aller vite et vers l’avant en nombre pour dézinguer les lignes de défenses adverses quand le Dynamo, lui, a toujours patiemment relancé de l’arrière pour trouver une solution moins tranchante mais moins déséquilibrante. Les supporters des Orange et Noir ne manqueront pas non plus de vous parler des motivations financières promises par le Dynamo aux adversaires du Shakhtar. Mais bon, c’est un peu comme si le PSG se plaignait de l’origine géographique des fonds de Manchester City.

Ailleurs dans le pays, il faut souligner le vaillant parcours du petit poucet Oleksandriïa (6ème) et la bonne tenue confirmée du Vorskla Poltava (5ème) mais surtout s’attarder sur les deux guest-stars de la saison : le Zorya Luhansk et le FC Dnipro.

Le club de l’autre région séparatiste (Luhansk) a surtout brillé en première partie de saison avec son escouade prêtée par le Shakhtar (Totovytskyi, Budkivskyi, Karavaev…) et son très convoité ailier Petryak qui… rejoindra le Shakhtar l’an prochain !

De manière un peu incompréhensible (surtout après le départ du génial Malinovskyi), les résultats se sont délités en seconde partie de saison alors même que le Dnipro commençait enfin son championnat. Les hommes de Markevytch auront en effet réalisé une seconde partie de saison éblouissante lors de laquelle ils se hissent sur le podium du Championnat.

Si le départ de Malinovskyi à Genk pourrait avoir déréglé le Zorya, le retour de blessure de Roman Zozulya au Dnipro a produit l’effet inverse. Mal embarqué en première partie de saison et encore délestés de leur gardien, Boyko, et de leur avant-centre, Seleznyov, au mercato hivernal, les joueurs du Dnipro ont tout cassé en seconde partie de saison. Sur les neuf matches qu’il leur restaient à jouer, ils en ont gagné sept, perdu un seul (contre le Dynamo) pour un match nul.

© Paolo Bruno/Getty Images
Les copains de Roman © Paolo Bruno/Getty Images

Zozulya, vous vous souvenez de lui ? Le mec à la calvitie mal déguisée qui s’était arraché à Kiev pour marquer le premier but ukrainien à Lloris en barrage aller de la Coupe du Monde, avant d’aller boxer le poteau de corner ? Cette action mémorable illustre bien le gaillard : combatif à souhait, énergique à plus soif et capable de bien placer sa tête le cas échéant. Pas un Konoplyanka ou un Yarmolenko mais une entité précieuse dans une équipe.

Grand patriote devant l’éternel (il a par exemple revendu sa médaille de finaliste de l’EL et reversé l’argent à l’armée ukrainienne), Roman jouit d’une côte d’amour énorme en Ukraine. Le Rakistkiy inversé en quelque sorte. Éloigné des terrains pendant six mois, redevenu indispensable en six mois et… déjà suspendu six mois pour la prochaine saison !

La violence sur les terrains

Le copain Roman a complètement pété les plombs le 11 mai dernier à l’occasion d’une demi-finale de Coupe face au Zorya Luhansk… qu’il ne jouait pas ! Installé en tribunes avec les ultras, il assiste incrédule au but sur coup-franc de Totovystkyi dans les dernières minutes de la partie qui offre la victoire aux joueurs de Zorya. Problème, le coup-franc a été accordé un peu généreusement.

Zozulya sort donc de la tribune et au coup de sifflet final se jette sur l’arbitre, l’engueulant de façon virulente puis lui assénant un violent coup de pied par derrière. Une attitude impardonnable qui ne lui a valu « que » six mois de suspension.

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Pire encore, cet incident ne s’est produit que dix jours après une autre effusion de violence de la part de joueurs stars ukrainiens. En ce 1er Mai, alors que le titre est déjà dans la poche pour le Dynamo, les Kiéviens se déplaçaient à Lviv pour ce qui aurait pu être le match décisif pour le titre face au Shakhtar. Mais qui ne l’était pas.

Sur la pelouse, l’équipe B de Lucescu prend l’avantage et creuse même l’écart. A 3-0, Stepanenko, milieu de terrain du Shakhtar et de l’équipe nationale se permet d’aller chambrer les supporters du Dynamo. Une attitude que n’apprécie guère Yarmolenko qui le foudroie d’une méchante balayette. Kucher, défenseur remplaçant ce jour là mais aussi international se jette alors sur la star du Dynamo et le tout tourne en bataille rangée.

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Quelques matches de suspensions (trois pour Yarmo et Kucher) par-ci, des excuses par là et une réconciliation officielle entre Yarmolenko et Stepanenko sont censés avoir éteint l’incendie. Nombreux sont pourtant ceux au pays qui craignent que ces événements ternissent l’ambiance cet été à l’Euro au sein de l’équipe nationale…

L’équipe de l’année

 

Oleksandr Shovkovskyi

Le quarantenaire a sorti une grosse saison. La défense de fer du Dynamo lui doit beaucoup, sans oublier de mettre en valeur son leadership et la confiance qu’il inspire aux autres. Légende.

Mykyta Kamenyuka

C’est l’histoire d’un vieux briscard de la Premier Liga qui a enfin atteint sa plénitude. Solide derrière, pas fou devant mais loin d’être ridicule, la valeur sûre a passé la seconde en devenant international cette année à 30 ans !

Domogoj Vida

Dans une équipe, il vous faut forcément un Vida. Le Croate joue partout en défense et assure toujours. Très bon dans les duels avec une relance pas dégueu, il aura encore plus qu’apporter sa pierre au titre kiévien.

Aleksandr Dragovic

Le défenseur Serbo-autrichien est un roc. 1m85 de muscles qui prennent rarement de RTT. Un pilier depuis son arrivée.

Darijo Srna

Evidemment. Même si Opanasenko (Zorya) a fait une grande saison, le grand Darijo est encore au dessus. On en rajoute ou bien ?

Sergiy Rybalka

Le Dragovic du milieu de terrain pour Rebrov au Dynamo. Le râtisseur qui perd peu de ballons et met de l’impact au milieu.

Denys Harmash

Le facteur X. Ultra talentueux mais souvent blessé, la saison 2015/16 pourrait enfin être celle de l’envol pour Harmash. Précieux dans le titre du Dynamo avec quelques matches monstres où il était à la récupération et à la passe dé’.

Viktor Kovalenko

Le futur du football ukrainien a saisi l’opportunité offerte par le départ au mercato hivernal de Teixeira. Meneur de jeu pendant la seconde partie de saison de l’équipe la plus attractive offensivement. Crochets, passes lasers et contrôles soyeux.

Marlos

Marlos aura été le Brésilien qui colle le mieux à la saison du Shakhtar. Indispensable par ses percées balle au pied et ses buts, ses absences (notamment pour le préserver) auront été extrêmement pénalisantes pour le club minier. L’anti-Taison.

Andriy Yarmolenko

L’atout offensif numéro 1 du champion. Celui qui risquerait de laisser un vide immense devant en cas de départ. Encore 13 buts et 12 passes décisives en championnat. Sans parler de son rôle prépondérant en barrages avec la Sbirna (1 but à chaque match). Définitivement arrivé à maturité.

Roman Zozulya

C’est un scandale de ne pas voir Teixeira dans cette équipe, c’est vrai. Mais parce qu’il a métamorphosé le Dnipro presqu’à lui tout seul, Zozulya se devait d’occuper la pointe.

© OLI SCARFF/AFP/Getty Images
© OLI SCARFF/AFP/Getty Images

Par Mourad Aerts


© Image à la une: Michael Steele/Getty Images

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