Temps de lecture 16 minutesSlovaquie Euro 2016 : Ján Kozák, le rebelle de Košice

Si la Slovaquie est qualifiée pour cet Euro 2016, elle le doit en grande partie à son sélectionneur, Ján Kozák. Joueur emblématique de la sélection tchécoslovaque, il est considéré en Slovaquie, et en particulier dans son fief, Košice, comme l’un des meilleurs entraîneurs du pays. De joueur charismatique à entraîneur rebelle, retour sur le parcours de Ján Kozák.


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Košice et Kozák, l’histoire d’une vie

Bienvenue à Košice. Deuxième plus grande ville slovaque avec près de 250.000 habitants et considérée comme l’une des plus belles du pays, Košice fut durant de nombreux siècles l’un des bastions de la Hongrie, que ça soit au Moyen Âge avec la dynastie Árpád, durant les Lumières avec, notamment, la Révolution hongroise de 1848 contre la domination des Habsbourg ou encore, quelques années plus tard, comme l’un des centres culturels les plus influents de l’Empire austro-hongrois. Une ville qui a notamment vu naître Sándor Márai, l’un des plus grands écrivains hongrois qui raconte notamment sa jeunesse dans la ville dans son roman Les Confessions d’un bourgeois.

En plus d’être une ville culturelle, Košice est également un grand lieu de sport, et surtout, sport national oblige, de Hockey avec le HC Košice, club historique de la scène nationale. Cette ville, qui compte de nombreux édifices religieux comme l’église de la Sainte Trinité ou celle de Saint-Antoine de Padoue, a eu l’occasion de célébrer un nouveau Saint il y a quelques années qui répondait au nom de Ján  Kozák. Véritable légende le ville, de joueur à entraîneur, il a passé presque l’intégralité de sa carrière et de sa vie ici, chez lui, à Košice.

Pourtant, tout avait commencé à Spišská Nová Ves. C’est ici, dans les Hautes Tatras, que Ján  Kozák vit le jour. Une ville essentiellement connue pour se trouver non loin du Paradis slovaque, un parc naturel qui fait figure de véritable attraction pour les touristes venant découvrir la nature slovaque: gorges, cascades et caves enchantent ces derniers tout comme la spectaculaire grotte glacée « Dobšinská ľadová jaskyňa ».

Spišská Nová Ves | © pinterest.com
Spišská Nová Ves | © pinterest.com

Au milieu de cet environnement verdoyant, le jeune Ján ne connait pas une jeunesse facile. Alors que sa mère prend soin de sa famille à la maison et travaille d’arrache-pied pour que sa famille ne manque de rien, son père, lui, est un cheminot. « Mes deux parents étaient fantastiques et ont créé les meilleures conditions. En dépit de notre pauvreté, il faisait beau, j’ai grandi entre les collines et la rivière Hornád » racontait le sélectionneur slovaque.

C’est dans ce cadre que le jeune enfant foule ses premières pelouses dans le club local. Pas forcément le plus médiatisé, ni le plus connu. Le club a vu passer dans son histoire quelques légendes locales et en premier lieu Andrej Frank, gardien du club entre 1936 à 1938 et figure marquante de la ville et du club au point d’y voir le tournoi « Andrej Frank Memorial » s’y jouer tous les ans. Une légende auquel on peut ajouter František Kunzo, médaillé d’or lors des Jeux Olympiques de 1980 à Moscou, Tibor Mičinec, Vladislav Zvara, ancien international slovaque, et enfin, le futur sélectionneur de la sélection nationale slovaque, notre cher Ján Kozák st.

Le Lokomotíva pour marquer un club

Ensuite, le jeune homme de Spišská Nová Ves se rend dans la ville voisine, Košice, pour y signer dans l’un des clubs locaux, le Lokomotíva. Créé le 30 Novembre 1945, le Lokomotíva est, comme son nom l’indique, le club des chemins de fer. Second club de la ville, le club connaîtra une rapide croissance avec une courte période d’orée durant les années 1970, au moment de la venue du jeune Ján Kozák au club.

A cette époque-là, le championnat tchécoslovaque est de plus en plus disputé avec des champions qui changent quasiment tous les ans, passant du Slovan Bratislava au Banik Ostrava, de Brno au Banik Ostrava. Le Lokomotíva, de son côté, fait son entrée dans l’élite du championnat tchécoslovaque avec de belles prestations qui lui permettent de se placer tranquillement dans une zone de confort aux alentours de la dixième place. Une place que l’on doit au club des cinq.

Ján Kozák tout en bas à droite | © peterkblogger.blogspot
Ján Kozák tout en bas à droite sous le maillot du Lokomotiva. | © peterkblogger.blogspot

De ce club des cinq, on retrouve en première ligne une doublette de gardiens composée d’Anton Flešár et de Stanislav Seman. En seconde ligne, on pouvait retrouver Jozef Móder, milieu de terrain légendaire, connu pour sa pugnacité, sa frappe lourde et sa grande intelligence de jeu. Devant, on retrouvait l’un des meilleurs buteurs de l’époque et spécialiste des coups-francs, Józsa Ladislav. Enfin, vous l’aurez certainement deviné, le cinquième était Ján Kozák. Milieu de terrain offensif, Ján Kozák était le meneur de jeu de la plus belle génération du club. Véritable créateur et imprévisible, il fut rapidement l’un des hommes forts du championnat et du club avec qui il remportera les premiers trophées de sa carrière avec deux coupes de Tchécoslovaquie en 1977 et 1979. Des performances qui attirent naturellement les recruteurs… et les femmes.

Car si Ján Kozák a découvert le football professionnel à 20 ans au Lokomotíva Stadium, c’est aussi ici, dans ces gradins, qu’il y fit la connaissance d’Iveta. Cette même Iveta qui, quelques années plus tard, portera Kozáková comme nom. Cette même Iveta avec qui il a décidé de fonder une famille, avec notamment un fils footballeur. Cette même Iveta avec qui il eut l’occasion de fêter ses 40 ans de mariage, le même jour qu’un match de football qu’il remporta face à Trenčín et où, par la même occasion, il n’hésita pas à inviter toute l’équipe et les arbitres pour fêter ces noces d’émeraude. Symbole d’un homme qui voue sa vie au football.

Si durant cet anniversaire, il était assis tranquillement sur un banc de touche, c’est aussi le signe que les 40 ans passés en compagnie de madame furent en partie remplies de nombreuse heures à avaler les kilomètres sur les terrains de football de Tchécoslovaquie.  Après avoir fièrement porté le maillot blanc et bleu du Loky de 1974 à 1980, en s’imposant par la même occasion comme l’un des meilleurs milieux du pays, le joueur se voit dans l’obligation de rejoindre le Dukla Praha.

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Service militaire oblige, le Dukla Praha, comme d’autres clubs militaires, est un passage obligé pour tous les footballeurs tchécoslovaques. Comme l’expliquait Radovan Jelinek, auteur et historien du football tchécoslovaque, « Les meilleurs joueurs devaient aller jouer au Dukla, quand bien même ils étaient déjà liés à un club. Normalement, chaque équipe devait se qualifier pour jouer en première division; ce ne fut pas le cas du Dukla Praha. Une nouvelle règle fut mise en place, la « Ad Duklam », qui obligeait les clubs à donner au moins un de leurs joueurs au club de l’armée. Ce fut le début de l’histoire du Dukla. »


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© fkdukla.cz
© fkdukla.cz

Grâce à ce traitement de faveur, le club gravit les échelons de manière peu orthodoxe et domine logiquement le football national. C’est ici, dans cette dream team, que Ján Kozák était dans l’obligation de réaliser ses 28 mois de service militaire – mais ce fut par la même occasion une aubaine pour remplir un peu plus son armoire à trophées. Ogre du football tchécoslovaque, le joueur a ainsi remporté une nouvelle coupe de Tchécoslovaquie en 1981 ainsi que le dernier championnat tchécoslovaque remporté par le club de l’armée l’année suivante. En compagnie des meilleurs joueurs du pays, le futur sélectionneur slovaque a l’occasion de montrer tout son talent et son génie, au point d’être nommé joueur de l’année en 1981.

Durant cette même période, le joueur enchaîne également les bonnes prestations en sélection nationale, s’y imposant comme un pilier, capitaine et meneur de jeu durant des années. Merveilleux durant le championnat d’Europe de 1980 en Italie où il y remporta une médaille de bronze pour la troisième place de la Tchécoslovaquie, le joueur est malheureusement victime d’une grave blessure face au Sparta, deux ans plus tard, au printemps 1982. Cette blessure le coupa dans son élan et il rencontra alors de grosses difficultés pour revenir à son meilleur niveau par la suite. Il a ainsi pu continuer sa rééducation après son service militaire, chez lui, à Košice, avec son premier amour, le Lokomotíva Košice. C’est là qu’il termina sa carrière de joueur en 1990, après quelques courts passages en Belgique et en France, presque quinze ans après ses débuts dans le club des cheminots.

De joueur à entraîneur, la reconversion réussie

En tant que joueur légendaire, Kozák mettra rapidement son expérience au profit du Lokomotíva en y devenant, en 1993, trois ans après sa retraite de joueur, entraîneur orincipal. Une première expérience qui ressemble à un tour de chauffe pour l’ancien milieu de terrain international. Si le club est bien installé en première division, les ambitions ne sont que très peu importantes et le Lokomotíva ne peut rivaliser face au club qui domine les débuts du championnat slovaque, le Slovan Bratislava.

Pourtant, à Kosice, le sport est dans tous ses états. Pendant que le HC Kosice remporte coup sur coup les championnats de 94-95 et 95-96 en Hockey, en football, de son côté, le Lokomotiva est relégué au second plan au niveau local au profit de son rival historique, le 1. FC Košice. Fondé 10 ans après le club des cheminots par la fusion de plusieurs club de la ville, l’autre club de Košice était un club stable du championnat tchécoslovaque qui n’a jamais connu de grand éclat, si ce n’est des participations à la coupe d’Europe au débuts des années 1970. Plus connu pour avoir eu dans ses rangs Dušan Galis et Jaroslav Pollák, deux champions d’Europe de 1976, le club connaîtra avec la naissance du championnat slovaque indépendant un véritable boom en s’introduisant rapidement comme l’un des outsiders du Slovan Bratislava, au point de lui chiper quelques lignes de palmarès.

© czechsoccernet.cz
© czechsoccernet.cz

Si Ján Kozák a été un joueur légendaire au Lokomotíva, il deviendra un entraîneur tout aussi important en signant chez le club rival en 1995. Dauphin du club de Bratislava lors de sa première année, le désormais coach slovaque remporta le titre de championnat de Slovaquie dès sa seconde saison sur le banc du FC Košice, grâce entre autres au meilleur buteur du championnat, Robert Semeník, l’expérimenté Vladimír Janočko, ou encore à Vladislav Zvara, lui, l’enfant de Spišská Nová Ves, comme un certain Ján Kozák.

On est en 1996-97, et alors que le Spartak Trnava domine largement le championnat, le seul club qui arrive à lui tenir tête reste 1. FC Košice. Après une victoire 4-0 face au Slovan Bratislava lors de l’avant-dernière journée, on se dit que le Spartak Trnava ne laissera pas échapper ce titre alors que le club n’avait plus qu’à assurer face au modeste Tauris Rimavska Sobota lors du dernier match de la saison. Mais celui-ci se solda par une défaite 2-1 et offrit ainsi à Košice le titre de champion de Slovaquie. Vous pouvez notamment voir cette situation dans la vidéo ci-dessous qui montre à la fois la détresse du Spartak et la joie du FC Košice de Ján Kozák.

L’année suivante, rebelote. Alors que les deux clubs se retrouvent une nouvelle fois au coude à coude jusqu’en fin de saison, c’est encore et toujours Ján Kozák qui sort vainqueur du duel face à Trnava et ajoute par la même occasion un nouveau titre de champion à un club bien décidé à changer la hiérarchie en place – bien aidé par un Slovan Bratislava en chute libre durant ces deux dernières années.

Symbole de cette nouvelle envergure, le club décide lors d’un match à domicile face au Spartak Trnava en juin 1996, pour la toute première journée de championnat, de faire atterrir un hélicoptère en plein match devant 22 000 spectateurs. Le but ? Présenter aux supporters le nouvel hymne du club chanté par Pavol Habera, chanteur très populaire au pays et dont le « My sme tigri, bieli tigri, FC Košice » (Nous sommes les tigres, les tigres blancs, le FC Košice) deviendra mythique, en partie grâce à cette mise en scène un peu folle pour l’époque.

La fin prématurée d’une époque dorée

En trois ans, Ján Kozák a réussi à bâtir un club nouveau, jouant les compétitions européennes et qui compte dans ses rangs des joueurs qui deviendront légendaires au pays comme le gardien Laco Molnár, le meilleur arrière-droit slovaque Ivan Kozák – qui ne possède aucun lien familial avec Ján, le défenseur Peter Dzúrik ou encore Albert Rusnák, père de, l’inoubliable Szilárd Németh et l’Ukrainien Ruslan Ljubarskyj, sans oublier le petit bijou Robo Semeník. Capable de motiver ses troupes, psychologue, tacticien et meneur d’hommes, la reconversion de Ján Kozák au poste d’entraîneur est dès ses premières années une franche réussite.

Malheureusement, une histoire d’amour rencontre souvent des hauts et des bas et passe par quelques moments tumultueux. Cette situation, Ján Kozák la connaît bien. Amoureux du football et de sa ville, il connut des moments difficiles qui l’ont éloigné de son premier amour, pour mieux revenir ensuite. Mais avant ça, il y avait le rêve.

© David Rogers/Getty Images
© David Rogers/Getty Images

Premier club slovaque à avoir pu accéder à la phase de groupes de la Ligue des Champions, lors de la saison 1997-98, le club connaîtra à ce moment-là une grande effervescence et animera la ville de soirées européennes mémorables. Tombeur du Spartak Moscou lors du tour préliminaire, le club et ses supporters eurent la chance de pouvoir affronter l’élite du football européen avec un groupe composé de Manchester United, la Juventus et enfin de Feyenoord. Malheureusement, ce moment de rêve tourna au cauchemar, puisque le 1. FC Košice devient alors le premier club à terminer une phase de groupe avec 0 points.

A cette période, il faut bien l’avouer, l’équipe avait la tête à tout sauf au football. Le milieu de terrain Milan Čvirik, enfant du club, tout juste âgé de 21 ans, perd la vie dans un accident de voiture. Un drame terrible, qui rappelle à tous que le football que nous chérissons tant n’a que très peu d’importance dans une telle situation. Des déculottées en Ligue des Champions qui poussent Ján à démissionner de son poste, alors que le club n’arrive plus à rivaliser pour le titre dès 1998. Durant cette saison, le club est donc à la recherche d’un nouvel entraîneur après l’intérim de Karol Pecze suite au départ de Kozák. Le candidat retenu ? Ján Kozák. Quelques mois seulement après son départ, le voilà déjà de retour dans sa ville chérie. Un premier retour qui ne durera pas, la faute à des préoccupations qui sont bien loin des simples terrains de football.

Cette année 1998 voit le climat politique et social changer en Slovaquie. Alexander Rezeš, propriétaire du club, homme d’affaires, considéré à l’époque comme la seconde plus grande fortune du pays et ancien ministre, veut profiter des bonnes prestations du club afin de pouvoir le vendre à des investisseurs étrangers. Malheureusement pour lui, les prestations européennes du club ne sont pas forcément une très belle publicité, encore moins une saison loupée où le club termine à la quatrième place. En novembre 1998, quelques mois seulement après le retour de Kozák, le club décide de se séparer une nouvelle fois de son entraîneur. Une dégringolade qui continua jusqu’au milieu des années 2000 jusqu’à l’arrivée de… Ján Kozák sur le banc de touche. Ce n’est pas comme si on ne vous avait pas prévenu qu’il aimait vraiment la ville.

2005, le renouveau

Grande ville de sport, Košice connaîtra un énorme trou d’air au début et au milieu des années 2000. Que ce soit en football avec le Lokomotíva et le 1. FC ou en hockey avec le HC Košice, la ville connut une période sombre durant laquelle son sport avait un coup dans l’aile. Pire encore, le FC Košice eut un mal fou à rebondir après le départ de Ján Kozák, au point d’être officiellement relégué en seconde division durant la saison 2002-03. De la Ligue des Championnats, ce club devenu important sur la scène nationale doit alors passer ses week-end sur les terrains plus ou moins champêtres de seconde division slovaque.

Sous assistance respiratoire depuis de longues années, devant faire face à la perte de ses sponsors, le club voit également des changements successifs de propriétaires jusqu’à l’arrivée du businessman Blažej Podolák en 2005. Alors que ce dernier possède le modeste club du FC Steel Trans Ličartovce, il décida de le fusionner avec le 1. FC Košice afin de créer une nouvelle entité, le MFK Košice. On est alors en 2005 et pour insuffler ce renouveau dans l’équipe, un homme est choisi pour se mettre sur le banc et donner ses consignes, notre héros du jour: Ján Kozák.

Malgré une place en seconde division et la présence de quelques clubs pas des plus glorieux, cette saison 2005-06 de 1. Liga était une édition incroyable composée de clubs historiques comme le Tatran Prešov, le DAC 1904 Dunajská Streda et surtout, comme principal rival, le grand Slovan Bratislava. Il n’aura fallu qu’une petite année à Ján Kozák pour stabiliser son club et, en prime, remporter un titre de champion de seconde division slovaque. En plus de maîtriser son sujet sur le terrain, le futur sélectionneur slovaque se permet de le luxe de mettre en place une structure réfléchie avec un recrutement intelligent malgré des moyens légers.

© MIGUEL RIOPA/AFP/Getty Images
© MIGUEL RIOPA/AFP/Getty Images

Le club entre alors dans une nouvelle ère dont le plus fort symbole est le recrutement d’un jeune milieu de terrain serbe venant du modeste FK Kolubara. Son nom ? Nemanja Matic. L’une des plus belles pioches du football slovaque. Façonné en personne par les mains de l’entraineur slovaque, Matic incarne la future génération qui permit au club de retrouver les sommets du championnat slovaque en quelques années seulement, avec, comme coéquipiers, un autre serbe, le délicieux Marko Milinkovic ou encore Jan Novák, l’un des grands buteurs du club durant cette période. Avec cet effectif, Ján Kozák construit un groupe sur lequel il peut s’appuyer et surtout duquel il arrive à tirer le maximum. Au point de convertir quelques serbes à la Slovaquie.

« En Serbie, il n’a pas été accepté. Mais dès sa première séance d’entrainement, il a attiré mon attention. Il avait alors dix-huit ans. » déclarait l’entraîneur slovaque au sujet de son protégé serbe aujourd’hui à Chelsea.

C’est ainsi que Marko Milinkovic et surtout Nemanja Matic prirent la nationalité slovaque, en grande partie grâce au travail de Ján Kozák. C’est comme ça que ce dernier intégra parfaitement le joueur dans la société slovaque, au point de le découvrir bilingue en l’espace d’une petite année et de lui donner la nationalité slovaque en août 2008. Un pays pour lequel il jura d’être toujours fidèle, jusqu’à vouloir représenter la sélection slovaque avec qui il aurait pu former un grand milieu de terrain, mais « les Serbes étaient plus intelligents, nous avons hésité et eux ont contacté le joueur plus vite. Dommage, on aurait eu aujourd’hui un milieu avec côte à côte Hamsik, Matic et Kucka. Ce serait l’un des meilleurs trios en Europe« , explique Kozák.

Et puis, il y a ce match face à la Roma. De seconde division, le club eut l’occasion de se qualifier pour l’Europe après une belle saison 2008-09 avec une quatrième place et surtout une victoire en finale de coupe. On est alors en août 2009, Košice reçoit l’AS Roma de Spalletti composé de Mexès, De Rossi, Pizarro, Menez ou encore Totti. Et si Francesco Totti et l’ancien joueur du PSG ont eu l’occasion de marquer respectivement deux et un buts, les hommes de Kozák étaient prêt à vivre l’une des plus belles soirées européennes que la ville ait connu. Dans une ambiance de folie, Novák répond à Totti en inscrivant lui aussi un doublé tandis que le serbe Milinkovič fut le premier à scorer dans ce match dès la cinquième minute. Un résultat obtenu grâce à cette belle génération et surtout grâce à l’esprit conquérant qu’arrive à insuffler le sélectionneur slovaque à ses équipes. Une mentalité qui peut parfois le pousser un peu trop loin.

Le rebelle en sélection

Si Ján Kozák est aujourd’hui un homme respecté en Slovaquie, il traîne et traînera toujours une réputation de rebelle au pays. La raison ? Comme nous l’expliquait Alexander Vencel dans une de nos interviews « Il était toujours différent, dans son comportement avec les médias, avec les arbitres, avec tout le monde. C’était un vrai rebelle, à sa manière. Je pense que beaucoup ont été sceptiques au moment où il a pris les clés de la sélection, mais il a réussi à convaincre les joueurs d’aller dans sa direction. » Une réputation qu’il continue d’entretenir par la suite sur le banc de touche.


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Ainsi, si l’homme a eu de nombreux succès sportifs, il est aussi connu pour ses réactions violentes pendant ou après les matchs. Dès 1995, Ján Kozák, alors tout jeune entraîneur, se fait remarquer lors d’une défaite 3-2 de Košice en attaquant l’arbitre Anton Stredák. Résultat des courses, il reçoit une interdiction annuelle et une amende de 40.000 couronnes. La première d’une longue série.

En 2000, Kozák est envoyé au tribunal du district de Banská Bystrica où il doit répondre de ses attaques physiques et verbales sur un cameraman de STV, qui, d’après Kozák, était trop proche du banc de touche, lors d’un tournoi de football en décembre 1996. Il écope une nouvelle fois d’une amende de 40.000 couronnes.

En 2005, pendant un match de préparation contre Petržalka, il attaque verbalement un l’arbitre Vnuk en lui disant qu’il allait lui tirer les oreilles. Quand l’entraîneur passe professeur d’école. Nouveau délit, nouvelle amende. La même année, alors opposé à Ružomberok dans un match de championnat, il pique une colère noire auprès des arbitres suite aux nombreuses fautes de l’équipe adverse et se lâche en conférence d’après-match avec notamment un « Ružomberok je jedna dedina« , que l’on peut traduire littéralement par « Ružomberok n’est qu’un petit village » mais qui, dans ce cas, est plutôt considéré comme une insulte envers le club. 

Un an plus tard, en 2006, l’entraîneur continue d’animer le championnat. Lors d’un autre match de préparation face à Michalovce,  il accoste le coach Jan Kačala qui était en train de protester. Kozák lui demande alors « Pourquoi tu cries, minable » et, quand l’intéressé lui répondit « Nous ne nous connaissons pas« , le sélectionneur slovaque lui asséna un coup de poing. Simple et efficace.

Durant cette même année, l’entraîneur slovaque s’en prend également verbalement au futur sélectionneur tchèque, Pavel Vrba, alors entraîneur à Žilina, en lui disant qu’il n’a rien accompli et qu’on devrait le renvoyer chez lui, en République Tchèque. Un incident de plus qui passe assez mal et est considéré à l’époque comme une aversion contre les Tchèques. Loin d’être le dernier puisqu’en 2007, Kozák continue d’exprimer sa colère avec les mots et s’en prend verbalement à Přemysl Bičovský, alors entraîneur d’un MFK Ružomberok qui vient de battre Košice, avec un cinglant : « Ne souriez pas comme un idiot quand je dis quelque chose. » Ambiance.

En 2008, après une défaite face à Zlaté Moravce, Kozák attrape une personne dans les couloirs du stade. Cette dernière avait alors déclaré que l’entraîneur slovaque l’avait « attrapé par la gorge tandis que mes joues ont commencé à couler du sang. J’ai pensé à déposer une plainte pour agression, mais finalement, je me suis abstenu de le faire. » Dans le même match, une autre altercation eut lieu entre Karol Karlík (Zlaté Moravce) et Kozák. Résultat ? Une amende de 20.000 couronnes. Une de plus.

« Je suis prêt à me battre avec vous. Je vais vous frapper, vous allez avoir peur de venir au football.« 

Et ce n’est pas terminé… Nous sommes en 2009. Lors d’une conférence de presse, l’entraîneur slovaque menace les journalistes en déclarant : « Je suis prêt à me battre avec vous. Je vais vous frapper, vous allez avoir peur de venir au football. » Il s’excusera une semaine plus tard. La même année, une autre affaire éclate. Durant un match entre le MFK Košice et Nitra, Igor Mesároš, entraîneur des gardiens du club de Nitra, reçoit des coups de la part de l’actuel sélectionneur slovaque. Une plainte fut déposée contre Kozák dès le lundi, après la sortie d’hôpital d’Igor Mesároš qui dut rester en observation durant une nuit. Vous comprenez maintenant le surnom de rebelle ?

« Il vieillit comme le vin. Plus c’est ancien, mieux c’est. Je fus agréablement surpris par son travail et ses résultats avec l’équipe nationale. Quand il est devenu sélectionneur, je lui ai demandé s’il était prêt et il me l’a assuré, cela se confirme. » – Jozef Móder, ancien coéquipier et grand ami de Kozák

Malgré tout, Ján Kozák est bien l’homme qui a été choisi en 2013 pour prendre le contrôle de la sélection slovaque et la remettre sur le droit chemin. Un choix qui s’avère aujourd’hui payant. Et si beaucoup ont pu être sceptiques lors de sa nomination, personne ne peut aujourd’hui remettre en cause ses performances et sa mentalité.

Pierre Vuillemot


Image à la une : © SAMUEL KUBANI/AFP/Getty Images

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