Affaibli par la guerre, le Shakhtar Donetsk n’est plus roi d’Ukraine. Dans un contexte difficile, le club du Donbass, futur adversaire du Paris Saint-Germain en Ligue des Champions, parvient tant bien que mal à tenir son rang.
Un club en route pour l’histoire
C’était il y a six ans, presque jour pour jour. Le 29 août 2009 était inaugurée à Donetsk la Donbass Arena, stade ultra-moderne de 52 000 places, et pour l’occasion Beyoncé s’était produite en concert. Le Shakhtar Donetsk, résident de cette nouvelle enceinte, était alors au faîte de sa gloire, lui qui venait de remporter à Istanbul la dernière édition de la Coupe de l’UEFA. Soutenu financièrement par le richissime oligarque Rinat Akhmetov, le Shakhtar et son armée de Brésiliens semblaient en passe de devenir l’une des meilleures équipes européennes.
Le Shakhtar s’est distingué par la suite avec quelques coups d’éclats sur la scène européenne. Lors de la saison 2010/2011, il atteindra les quarts de finale de la Ligue des Champions en terminant devant Arsenal au premier tour avant de surclasser la Roma en huitièmes de finale (3-2, 3-0) pour finalement buter sur un FC Barcelone bien trop fort (1-5, 0-1). Deux saisons plus tard, il s’offrira dans la même compétition une victoire de prestige face à Chelsea, alors champion d’Europe en titre (2-1). La même année, il réalisera une saison quasi-parfaite sur le plan domestique : 79 points sur 90 possibles, une victoire en coupe et une seule défaite face à une équipe ukrainienne sur l’ensemble de la saison.
Dans le même temps, nombre de joueurs se sont révélés sous le maillot orange et noir et certains d’entre eux ont été revendus (souvent cher) à de grosses cylindrées européennes : Willian (Chelsea), Fernandinho (Manchester City), Mkhitaryan (Borussia Dortmund) ou plus récemment Luiz Adriano (Milan AC) et Douglas Costa (Bayern Munich) ont joué pour le Shakhtar.
La tourmente dans le Donbass
Au printemps 2014, le Donbass est au cœur des tensions que traverse l’Ukraine. La guerre civile fait rage et le Shakhtar Donetsk est obligé de fuir sa région d’origine pour s’installer à Lviv, 1 200 kilomètres plus à l’ouest. L’Arena Lviv, construite pour l’Euro 2012, deviendra son nouveau foyer : le stade n’avait pas de club résident, le Karpaty Lviv n’ayant pas les moyens de s’acquitter du loyer. De loin, le Shakhtar verra son stade et son centre d’entraînement de Kircha (qui avait accueilli l’équipe de France lors de l’Euro 2012) être endommagés par les bombardements. Le club perd, quant à lui, de son attractivité, en témoigne la polémique sur les joueurs restés à Genève après un match de préparation face à l’Olympique Lyonnais et désireux de ne pas retourner en Ukraine.
Champion en 2014, le Shakhtar perdra sa couronne la saison suivante après cinq sacres consécutifs. Il voit le Dynamo Kiev, son grand rival de toujours, être sacré champion après un championnat conclu sans la moindre défaite. Malgré les contrariétés, le club de Donetsk ne s’est pas effondré. Rinat Akhmetov, le propriétaire du club, continue à aider financièrement l’équipe. Lui qui était réputé russophile a su opportunément retourner sa veste et a fini par soutenir le nationalisme ukrainien, agissant à l’inverse de Serhiy Kurchenko, le propriétaire du Metalist Kharkiv, qui s’est enfui en Russie et qui n’a plus donné signe de vie depuis plus d’un an et demi, laissant son équipe couler. Deuxième la saison dernière, le Shakhtar Donetsk a également atteint les huitièmes de finale de la Ligue des Champions sans aller plus loin après avoir été balayé par le Bayern Munich (0-0, 0-7). Il retrouvera la plus prestigieuse des compétitions européennes cette saison après avoir éliminé Fenerbahçe (0-0, 3-0) au troisième tour préliminaire et le Rapid Vienne (1-0, 2-2) en barrages.
Et aujourd’hui ?
Le Shakhtar Donetsk version 2015/2016 ne ressemble plus vraiment à ses prédécesseurs. Les Brésiliens sont toujours nombreux dans l’effectif (neuf joueurs) mais les derniers arrivés dans l’effectif (Marlos et Márcio Azevedo) évoluaient déjà en Ukraine, en l’occurrence au Metalist Kharkiv. Ce dernier comptait lui aussi une forte communauté sud-américaine jusqu’à ses déboires récents qui l’ont forcé à solder tous ses joueurs bankable. La continuité, elle, est incarnée par l’entraîneur, le sorcier roumain Mircea Lucescu, qui a re-signé après avoir pourtant annoncé son départ ; ce coach représente le plus gros signe d’espoir pour le club et nous ne manqueront pas de vous le présenter.
Pour retrouver la trace de joueurs arrivés du championnat brésilien, il faut remonter à l’été 2013 avec les venues de Fernando (parti depuis à la Sampdoria), Wellington Nem, Fred (devenu international) et surtout Bernard, arraché à Arsenal avec la promesse de pouvoir manger de la feijoada quand il le voudrait. Sur les deux derniers mercatos, le Shakhtar a davantage recruté sur le marché domestique à l’image d’Oleksandr Hladkyy, de retour à l’été 2014 dans un club qu’il a fréquenté de 2007 à 2010. Il a également fait revenir certains jeunes joueurs de prêt, tels Ivan Ordets ou Maksym Malyshev, plus chanceux que les 36 (!) joueurs sous contrat avec le Shakhtar prêtés ailleurs cette saison.
Le club du Donbass semble également désireux de donner sa chance aux jeunes, aidé en cela par le remarquable parcours des U19 lors de la dernière Youth League. Les jeunes du Shakhtar ont atteint la finale de la compétition, battus par Chelsea (1-3). Parmi ces joueurs, le gardien Bohdan Sarnavskyi est devenu la doublure d’Andriy Pyatov tandis que le milieu de terrain Viktor Kovalenko est intégré petit à petit dans la rotation. Ce joueur de 19 ans a crevé l’écran lors de la Coupe du monde des moins de 20 ans, disputée en juin dernier en Nouvelle-Zélande, au cours de laquelle il a inscrit cinq buts. Convoité par la Juventus lors du dernier mercato, Kovalenko a même été convoqué en sélection par Mykhaylo Fomenko pour les prochains matchs éliminatoires de l’Euro 2016.
Concernant l’équipe qui devrait affronter le PSG en Ligue des Champions, elle devrait ressembler à celle-ci :
Pyatov, Kucher, Rakytskyy, Shevchuk et Stepanenko sont tous membres de la sélection ukrainienne et souvent en tant que titulaires. Fred est international brésilien et a participé à la dernière Copa America… durant laquelle il a été reconnu coupable de s’être dopé. Le Shakhtar continue à l’aligner malgré tout. Eduardo, ancien d’Arsenal, est de son côté revenu au Shakhtar après un an au Brésil, à Flamengo. Deux joueurs méritent que l’on s’attarde sur eux. Dans un premier temps, Darijo Srna. Présent au club depuis 2003, il est l’emblématique capitaine du Shakhtar en plus d’être celui de la sélection croate. L’arrière droit au pied de velours est également très lié à la ville : il s’est ainsi distingué en expédiant 20 tonnes de clémentines de Metković (sa ville natale, en Croatie) aux écoliers de Donetsk en novembre dernier. Alex Teixeira pourrait quant à lui être le prochain joueur brésilien à quitter Donetsk pour un grand d’Europe. Meilleur buteur du championnat en 2014/2015 (17 buts, à égalité avec le Roumain Eric Bicfalvi du Volyn Lutsk), le milieu offensif de 25 ans est parti sur des bases très élevées cette saison puisqu’il a déjà marqué 7 fois en 6 matchs de championnat.
Moins impressionnant que ses prédécesseurs, le Shakhtar Donetsk version 2015/2016 reste malgré tout une équipe solide. Cela suffira t-il pour franchir le premier tour de la Ligue des Champions dans un groupe où figurent le PSG et le Real Madrid ? C’est peu probable. Le Paris Saint-Germain, qui affrontera le Shakhtar le 30 septembre (à Lviv) et le 8 décembre (à Paris) sera en tout cas largement favori.
Pour mieux connaître l’histoire du club, ou certains de ses éléments clés, nous vous invitons donc à suivre les publications sur notre site tout au long du mois de septembre.
Karim Hameg
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