Ils étaient plus de 60 000 environ à vouloir être présents pour cette finale inédite de l’Europa League. Espagnols, Ukrainiens,Polonais et même Italiens se sont massés pour supporter leur équipe ou juste profiter d’une belle soirée de foot. Entre le surprenant parcours du Dnipro Dnipropetrovsk et le FC Séville prêt à réaliser un retentissant back-to-back, la capitale polonaise s’est parée de rouge et bleu le temps d’une journée, où l’on a pu se rendre compte de l’engouement pour la petite sœur de la Ligue des champions.
« Cette équipe a su fédérer les Ukrainiens quelque part surtout avec les matchs délocalisés à Kiev. Une victoire ce soir serait un symbole fort. »
À l’imagine de l’engouement qu’apporte cette finale chez Footballski, le Dnipro a su fédérer les Ukrainiens autour de son parcours historique. Une victoire ce soir serait un symbole fort. « Putain que c’est bon d’être là » s’exclame Pylyp avec enthousiasme. Cet étudiant de Dnipropetrovsk n’a pas hésité une seule seconde à parcourir les 1230 km qui sépare sa ville natale de Varsovie. Comme dix mille de ses compatriotes, la ferveur pour les bleus & blancs se vérifie dans les heures qui précèdent la finale. On devine en se baladant le long de l’avenue Jean-Paul II, des maillots de Lviv, du Dynamo Kiev, d’Odessa et même du Metalist Kharkiv, l’ennemi historique. « Cette équipe a su fédérer les ukrainiens quelque part, insiste Pylyp, surtout avec les matchs délocalisés à Kiev. Une victoire ce soir serait un symbole fort. »
Cependant les supporters aux nombreuses couleurs jaunes & bleues n’ont pas de lieu de rassemblement officiel, contrairement aux Sévillans qui se regroupent le long du boulevard Francuska, à seulement 250 mètres du stade. Dans ce périmètre où les bars à tapas ont remplacé les bars traditionnels polonais, les supporters andalous s’en donnent à cœur joie. Ça fume, ça boit, ça se bouscule, ça chante; on se croirait presque dans une féria estivale, totalement ivres à 3 heures du mat’. Aucun débordement particulier à signaler. Quand les rares Ukrainiens osent s’aventurer dans cette marée rouge, tout le monde veut prendre une photo avec eux. Même les policiers polonais se prennent au jeu et tapent la pose.
Les clubs doivent construire sur cette ferveur patriotique. Sebastian vient de Dos Hermanas, la banlieue de Séville. Il est très surpris de voir le Dnipro arriver en finale « D’habitude on a toujours des reversés de la Ligue des champions qui vont au bout. Là on a découvert une équipe qui a commencé cette compétition en août, c’est prodigieux. » Concernant la guerre face aux russes et aux séparatistes, Sebastian se veut plus prudent : « Ce n’est que mon avis mais le parcours du Dnipro ne fera pas fléchir les pro-russes, ça reste du football. Par contre la nation ukrainienne peut être fière de cette équipe. Les clubs doivent construire sur cette ferveur patriotique. » Ce sympathique supporter andalou a pu le constater, tous les Ukrainiens venus à Varsovie sont vêtus de jaune et bleu, très souvent avec un drapeau de l’Ukraine ou le symbole de Maidan à la main. Ils sont tous unanimes quant à l’issue de cette finale : vaincre pour montrer à Poutine que l’Ukraine peut être compétitive sur le plan continental.
On se dirige lentement vers l’arène de Varsovie. Aux abords du stade, les premiers « Tickets ! Tickets ! » se font entendre. Le filon du marché noir marche toujours autant, certaines places en VIP se vendent jusqu’à 450 euros, tout ça pour voir Mbia prouver une nouvelle fois qu’il est le meilleur milieu défensif d’Europe. Vous n’êtes pas sans savoir que le Dnipro a acheté plusieurs centaines de tickets pour ses supporters, même s’il a enlevé plus de 500 places destinées aux ultras. De nombreux jeunes ont ainsi pu venir assister à cette rencontre. On passe sans difficulté les portiques de sécurité où l’on insiste à peine quelques secondes pour avoir notre carte d’identité. Il était aussi facile de pénétrer dans le stade national de Warsaw que Frodon dans le Mordor …
Les boutiques sponsorisées par Adidas attirent les derniers hérétiques à ne pas avoir pris de casquette, d’écharpe ou de tee-shirt à l’effigie de leur équipe. Tout le monde est enfin prêt à pénétrer dans ce bijou architectural, construit spécifiquement pour l’Euro 2012 … et la surprise est de taille. La conception de ce stade, courbée dans les tribunes du bas mais très peu inclinée en hauteur donne l’impression, comme au Bernabeu ou au Parc des Princes, d’être très proche des joueurs.
Entre les deux tribunes, un gigantesque espace pédestre nous permet de circuler dans notre virage, de nous restaurer et de fumer une dernière clope avant le début des hostilités. Malheureusement notre place attribuée par Viagogo nous a mis dans le kop des Sévillans, celui du Dnipro étant en face. Pourtant, on aperçoit bon nombre d’ukrainiens qui sont venus assister à cette rencontre indépendamment de l’organisation du club. On retrouve même des supporters napolitains qui avaient acheté leurs places dès le mois d’avril.
« Pour nous Dnipropetrovsk c‘était un obstacle sans crainte, soupire Marco. On les a bien sous-estimés, on n’a pas voulu vendre nos places, ça nous permet de visiter l’Europe de l’Est … et de repérer de futurs joueurs pour le Napoli (rires). »
Après l’échauffement des joueurs et l’annonce des compos, place au traditionnel spectacle d’avant-match organisé par la bande à Platoche. Des dizaines de jeunes polonais courent avec des drapeaux ou font des chorégraphies avec des plaques rouges, on se croirait presque dans un film des frères Cohen. Jerzy Dudek, la légende, présente le trophée au public qui commence tout doucement à se chauffer.
La première mi-temps est un véritable régal, avec une intensité comme rarement on en a vu. Le premier but ukrainien inscrit par Kalinic provoque une flambée de décibels qui nous bercent les tympans aux doux rythmes de « DNIPRO DNIPRO DNIPRO ».
Au quart d’heure de jeu, tous les Ukrainiens se lèvent pour chanter l’hymne national à l’unisson, ce qui laissent sans voix les Sévillans, sans doute perturbés par leur taux d’alcoolémie en chute libre. Leurs répliques ne se font pas attendre, avec les deux buts de Krychowiak et de Bacca. On peut cependant regretter que l’UEFA balance son horrible POPOLOPOPOPO après chaque but, ce qui gâche le plaisir d’entendre les supporters célébrer.
Ce qui nous mène à la 42ème minute, celle où Ruslan Rotan a prouvé que sa patte droite n’a rien à envier à celle de David Silva. Le capitaine du Dnipro vient déposer une merveille de feuille-morte qui fait chavirer le kop bleu & jaune. Certains Ukrainiens, proches de nous, laissent même échapper quelques larmes tellement l’émotion est à son comble. L’enjeu de cette finale dépasse réellement les limites du genre humain.
Au retour des vestiaires, le jeu se tend beaucoup plus. Les équipes prennent moins de risques devant et l’arbitre, monsieur Atkinson, distribue les cartons comme des tracts UNEF à la fac. Cependant en tribune l’ambiance est toujours de mise. Liés par les épaules ou écharpes brandies, les supporters donnent tout dans la bataille. À ce petit jeu, on peut gratifier le kop du Dnipro pour son magnifique « Poutine Huylooo » (pas la peine de vous le traduire je pense).
Malheureusement pour nos compagnons ukrainiens, Carlos Bacca sonne le glas de leurs espoirs, dans un vacarme assourdissant. Qu’importe cette issue tragique, ils brandissent fièrement leurs drapeaux jaunes & bleus, chantant à la gloire de leur pays. Les Sévillans redoublent d’intensité et célèbrent leur quatrième coupe d’Europe, toutes remportées en dix années seulement. Une prouesse qui mérite le respect tout comme le chemin parcouru par le Dnipro.
Tous les supporters interrogés à la sortie du stade sont fiers des hommes de Markevych, même dans la défaite. S’ils restent sceptiques sur l’apport diplomatique de cette équipe dans le conflit russo-ukrainien, ils sont convaincus que d’autres exploits de ce type peuvent les fédérer. À l’heure où les ultras du pays se sont liés et ne se battent plus, la nation ukrainienne semble être à l’aube d’une unité indissociable. C’est le sentiment qui prédominait en tout cas, à 23h42 quand nous avons franchi le portail de sortie du stade de Varsovie.
Adrien Mathieu.
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