Dans une saison malheureusement rythmée par les remises à feu du front, le Qarabağ poursuit son numéro en Azerbaïdjan, véritablement au-dessus du lot cette saison. Derrière, un petit nouveau est en train de faire son nid tandis qu’au fond de la ligue, un club mythique ne fait que trébucher. Retour sur cette saison 2015-2016 en Terre de Feu.

Qarabağ valide le doublé

Et de trois! Le Qarabağ FK décroche une troisième timbale d’affilée, la quatrième au total. Il n’y avait pas vraiment de concurrence cette année, il faut bien l’avouer : le Qarabag bat d’ailleurs les records du nombre de points glanés en une saison (84) et de la plus grande avance d’un champion sur son dauphin (24 points), tous les deux établis lors de la saison 1998-1999 par le Kapaz. Un véritable triomphe pour le génial Gurban Gurbanov et les siens. Qäbälä semblait tenir le rythme en début de saison mais s’est effondré à l’automne, tandis que les promus du Zira n’ont qu’un tant soit peu retardé la célébration officielle du titre : le Qarabağ s’est d’ailleurs fait un malin plaisir à le fêter chez son dauphin, le 1er mai.

Champion frère! | © qol.az
Champion frère! | © qol.az

Cette saison, c’est Dani Quintana qui s’est mué en serial buteur, surtout dans le sprint final avec sept buts lors des neuf dernières rencontres.  L’ancien du Jagiellonia Bialystok termine ainsi meilleur buteur de la compétition, juste devant Nelson Bonilla (Zira). Malgré ses sept buts en 23 rencontres, Samuel Armenteros a participé ici à son dernier titre avec le Qarabağ, puisqu’il n’a pas été renouvelé et qu’il sera libre de tout contrat dès le mois de juillet – avis aux amateurs !

Reynaldo, quant à lui, n’a pas vraiment brillé la faute à une blessure au ménisque au mois d’octobre qui a eu du mal a guérir, mais est revenu au top dans le money-time avec quatre buts depuis avril, dont un dans le match du titre sur le terrain du Zira. Par contre, son compatriote Richard Almeida a encore une fois démontré toute sa classe au long de cette saison, autant en Azerbaïdjan qu’en Europe. Indispensable dans le système de Gurbanov, il est adulé à Bakou. Et la première arrivée est en tout cas déjà actée : Qarabağ va faire venir Arif Dashdamirov, défenseur international en provenance de Qäbälä.

Qui plus est, Qarabağ s’est même permis de réaliser son second doublé consécutif en venant à bout du Neftchi Bakou dans une finale de Coupe d’Azerbaïdjan très indécise. Sur un centre de l’excellent Ansi Agolli, qu’on reverra sans doute à l’Euro sous le maillot albanais, c’est Michel Marcos Madera qui délivre l’arène Tofiq Bahramov à la 120e minute d’une tête rageuse. Le match s’est ensuite emballé avec les cartons rouges de Ramos puis Reynaldo, mais rien n’y changera : le Qarabag reste une nouvelle fois intouchable cette année et on se demande qui pourrait l’arrêter. Peut-être le Zira ?

Zira Bakou, dream bigger

Ils l’ont fait ! Le promu Zira jouera donc la Coupe d’Europe la saison prochaine – s’ils parviennent à régler leur problème de licence. Bien plus régulier que ses trois poursuivants, mais un peu moins que le Qarabağ, le petit nouveau du football azerbaïdjanais a squatté la seconde place pendant toute la seconde partie de saison.

Une performance remarquable qui en amènera sans doute d’autres, puisque le club a désormais atteint son premier objectif : rester en Premyer Liqa et ainsi assurer sa pérennité financière. Celle-ci sera bien aidée par les retombées attendues de la C3, puisque le Zira fera sans doute stade comble pour la première rencontre européenne de son histoire.

Nelson Bonilla, atout numéro 1 du Zira | © qol.az
Nelson Bonilla, atout numéro 1 du Zira | © qol.az

L’heure est déjà à la consolidation de l’effectif voire aux transferts. On prolonge, on laisse partir, on renouvelle les prêts, on recrute. La bonne nouvelle est tombée en début de semaine : le génie Salvadorien arrivé du FC Viitorul (Roumanie), Nelson Bonilla, auteur de 14 pions cette saison, prolonge d’une saison. Nul doute qu’on reparlera de lui d’ici quelques semaines si le club parvient à évoluer en Ligue Europa. Les deux clubs étant dans la capitale le 20 mai, lors de la dernière journée du championnat, ils ont donc fêté ensemble leurs deux réussites : un titre et une seconde place, traditionnellement désignés par médaille d’or et médaille d’argent à Bakou.

Qäbälä européen de justesse

Après une deuxième partie de saison en dents de scie qui a vu les Rouge et Noir se faire rejoindre, dans la lutte pour la troisième place, par l’Inter et Kapaz, le suspense restait entier lors de la dernière journée puisque les trois équipes étaient à égalité à son entame. Et avec un déplacement au Kapaz, la tâche semblait très compliquée pour les hommes de Grigorchuk.

Au final, la délivrance était à la hauteur du match fourni par Qäbälä, qui a outrageusement dominé le Kapaz jusqu’à ce que Gai concrétise tout cela dans le dernier quart d’heure. Qäbälä termine donc troisième, à égalité avec l’Inter Bakou, mais avec une meilleure différence de buts. On le retrouvera donc en Europe dès le mois de juillet ! Mais toujours sans Javid Hüseynov, dont le procès est en cours – aux dernières nouvelles, une peine de quatre ans de prison est requis à son encontre, dont l’issue devrait être connue le 31 mai.

Cette saison, tout comme lors de la dernière journée, c’est Olexiy Gai qui s’est transformé en homme providentiel pour Qäbälä puisque le milieu récupérateur s’est offert neuf buts (dont quatre penalties), soit deux de plus que ses compères d’attaque Ermin Zec et Aleksey Antonov. Le parcours irrégulier de cette année devra être corrigé l’an prochain si Qäbälä veut continuer à progresser et à titiller Qarabağ au sommet du football azerbaïdjanais. En coulisses en tout cas, le projet tient plus que bien la route : les Réserves ont remporté leur championnat, tout comme les U19, les U16 et les U15. De bon augure pour le futur.

Une saison pas totalement pourrie pour le Neftchi

On se dirigeait tout droit vers une saison complètement ratée pour le Neftchi Bakou, après une élimination précoce en C3 et une saison entière passée dans le ventre mou. Seul motif de consolation jusqu’alors : les victoires face au Khazar Lankaran dans le Böyuk Okun et le fait que ce dernier ait vécu une saison bien pire encore. Et la seule défaite contre les Verts s’en est suivie d’une victoire : c’était en mars, lors des quarts de finale aller-retour de la Coupe (3-2, 2-0), seule compétition qui valait encore son pesant de cacahuètes pour les Noir et Blanc.

Finale Neftchi-Qarabag en Coupe, Jairo et Madatov © qol.az
Finale Neftchi-Qarabag en Coupe, Jairo et Madatov © qol.az

Ainsi, sans trop mot dire, le Neftchi éliminait Qäbälä en demi-finales, aux tirs au but, pour aller affronter Qarabağ en finale. Le doublé pour l’un, l’Europe pour l’autre : au final, chacun repart gagnant. Même si ce but dans les derniers instants de la finale de Madera a laissé un goût amer au plus grand club d’Azerbaïdjan.

Le club retrouvera donc l’Europe et c’est sur cette base qu’il faudra repartir de l’avant. L’attaque a donné satisfaction grâce à Ruslan Qurbanov qui termine avec 13 buts au compteur, et Araz Abdullayev, souvent présent dans les moments décisifs.

Au revoir Khazar

C’est la fin d’une triste descente aux enfers pour le stade le plus bruyant d’Azerbaïdjan. Les champions 2007 luttaient encore pour le titre il y a quelques années, lorsqu’ils étaient dauphins du Neftchi en 2011 et 2012. Depuis, les saisons dans le ventre mou se sont concrétisés par un sombre exercice cette année : lanterne rouge, le Khazar Lankaran n’a jamais semblé en mesure de distancer son concurrent direct à la descente, le bien faible Rävän.

Le Khazar a bien failli jouer un sale tour à son meilleur ennemi en Coupe, au mois de mars, en enlevant la manche aller 3-2 face au Neftchi. Mais un 2-0 au retour a définitivement plongé les Verts vers une fin de saison moisie. Pire attaque et deuxième pire défense, tout est à reconstruire pour le club de Lankaran en deuxième division, alors que le mercato hivernal n’a apporté aucune réelle satisfaction.

Les résultats ne sont que le reflet d’une mauvaise gestion en coulisses puisqu’on parle de dettes approchant le million d’euro pour les Verts, dont la licence pour jouer au plus haut échelon avait de toute façon été suspendue par la fédération. A moins d’un revirement de situation – le jeu des licences reste toujours aléatoire – le Khazar devra donc reconstruire à l’étage du dessous pour retrouver au plus vite l’élite.

Le conflit du Haut-Karabakh dans le football

Début avril, le monde du football a bien ressenti les nouveaux affrontements provenant du front. Plus de 100 personnes ont perdu la vie dans un revival de la guerre du Haut-Karabakh entre forces arméniennes et forces azerbaïdjanaises, les plus meurtriers depuis le cessez-le-feu établi en 1994. Dans un pays où l’exaltation patriotique liée au conflit se fait sentir au quotidien, ces quelques jours d’effroi ont rassemblé les voix de tout un peuple dans les capitales – à Bakou comme à Erevan.


Voir aussi : Qarabağ Ağdam ou le club qui ne joue plus à domicile


 

Khazar_instagram
© Khazar Lankaran Instagram

Et souvent lorsque des événements du genre apparaissent, les ultras des différents clubs du pays mettent à bas leurs rivalités pour ne faire qu’un : c’est ce qu’il s’est passé avec cette marche de soutien organisée le 6 avril. La fédération, les clubs et les joueurs ont également réagi aux secousses du front. Ainsi, les joueurs du Khazar Lankaran n’ont pas hésité à arborer cape et casquette militaires lors du coup d’envoi et de la minute de silence de leur match face à Qarabag, le 3 avril dernier. Ce week-end et le suivant d’ailleurs, tout était bon pour célébrer le pays : un bon nombre des buts ont été fêtés d’un salut voire au pas militaire tandis que Qarabağ a par exemple accueilli Kapaz dans un stade où il y avait plus de drapeaux que de supporters. A l’issue de la finale de la Coupe d’Azerbaïdjan, le président du Qarabağ a d’ailleurs indiqué qu’il a le souhait de rencontrer les soldats au front, aux alentours d’Agdam, en compagnie des deux trophées, même si rien n’est encore décidé et que l’équipe doit donner son aval.

Bref, l’ambiance était assez électrique dans les stades, reflétant a minima ce qu’il se passait sur la ligne de front où missiles grad, hélicoptères, drones, tanks et soldats ont une nouvelle fois embrasé la région et laissé cours aux pires atrocités. Le football ne semble pas grand-chose dans ces moments-là – la bagatelle la plus sérieuse du monde reste une bagatelle malgré tout.

Par Thomas Ghislain


Image à la une: © Facebook  FK Qabala.

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