Matches à huis clos. Ambiances de dingue. Révélations, confirmations, et déceptions. Cette saison de Superleague grecque a été, une fois de plus, riche en rebondissements, sur et en dehors du terrain. Avec, en tête, un Olympiakos bien trop fort pour le reste. Et, dans le sillage du champion, un AEK retrouvé, un Pana décevant et un PAOK plus qu’irrégulier.
L’Olympiakos au-dessus du lot
18 titres sur les 20 dernières saisons. 43 au total. Autant dire que du côté du Pirée, on commence à être habitué à cette saveur du titre. Mais, cette année, le suspens n’a pas existé. Leaders dès la 3e journée, les joueurs de Marco Silva n’ont jamais lâché la plus haute place du classement. Mieux, ils ont presque failli boucler le championnat invaincus, en étant d’abord accrochés par Platanias (1-1) après 17 victoires de suite, puis en chutant face à l’AEK (0-1). Deux petits accrocs sur un parcours presque parfait.
Une domination outrageuse qui se traduit en un chiffre, ou plutôt une date : le 28 février. Après sa victoire contre Veria (3-0), l’Olympiakos est officiellement sacré champion, à une période de l’année où la plupart des championnats européens ne sont pas encore pliés. Le signe d’un travail bien fait, certes, mais aussi d’un championnat devenu très hétérogène, où l’Olympiakos n’est soumis à aucune concurrence, ou presque. Un manque qui se voit en Europe, où le club a souvent du mal à franchir ce petit palier supplémentaire, notamment en Europa League. Le talent est là, mais le relâchement est trop facile avec une telle domination.
Il faut dire qu’avec l’effectif actuel, le titre n’était que la suite logique des choses. À tous les postes, on retrouve ce qui se fait de mieux en Grèce. Et les meilleurs talents grecs remplissent un effectif déjà bien fourni. En témoigne, notamment, la très belle saison de Kostas Fortounis, qui termine à la fois meilleur buteur (18 buts) et meilleur passeur (12 buts) d’une Superleague qu’il aura survolée. Malgré des déceptions, forcément, le recrutement estival aura été de qualité, permettant d’accroître un peu plus l’écart qui s’était déjà creusé ces dernières années. Malgré une vague de départs et d’arrivées toujours aussi énorme, le club a affiché une certaine stabilité, au contraire de certains de ses concurrents. Mais l’exode devrait arriver cet été, vu que pas mal de joueurs sont courtisés. Roberto (Espanyol) et Fuster (fin de contrat) sont déjà partis en ce qui concerne les cadres. Masuaku, Kasami, Da Costa et/ou Milivojevic pourraient suivre. De quoi engranger quelques belles rentrées d’argent, et se renforcer.
La surprise, pourtant, est venue du départ de Marco Silva au tout début de la préparation estivale. Le Portugais, officiellement parti pour « raisons personnelles », quitte le club alors que tout semblait parti pour une deuxième saison. Un événement plutôt courant en Grèce, et à l’Olympiakos, qui consomme ses entraîneurs à une vitesse impressionnante. Son remplaçant, Victor Sanchez del Amo, connaît bien le club, puisqu’il fut l’adjoint de Michel lors de la saison 2013-2014. Sa mission est simple : passer le tour préliminaire de Ligue des Champions, et disputer la phase de poules.
L’AEK revient par la grande porte
On appelle ça un retour fracassant. Revenu en Superleague à l’aube de cette saison 2015-2016, après avoir tâté la troisième division, l’historique club athénien à l’aigle à deux têtes avait décidé de bien faire les choses. En installant, d’abord, Gus Poyet sur le banc. En construisant, aussi, une équipe cohérente et séduisante, sans ces anciennes gloires venues prendre un dernier gros contrat sous le soleil athénien qu’on a pu voir ces dernières années, mais avec quelques joueurs de grand talent, et plutôt jeunes comme le Suédois Johansson, ou encore Mantalos.
Alors, forcément, cela s’est vu au niveau des résultats. Au terme d’une saison plutôt régulière, les joueurs de Poyet ont terminé à la troisième place de la saison régulière, après avoir longtemps occupé la deuxième. Un petit exploit tout de même, quand on sait par quoi à dû passer le club pour retrouver les pelouses de l’élite du football grec. Le point d’orgue du championnat restera, logiquement, cette victoire contre l’Olympiakos (1-0), au terme d’un match électrique terminé avec trois cartons rouges, et un coup franc victorieux de Ronald Vargas.
Plus globalement, l’AEK et Gus Poyet pourront se targuer d’avoir battu la plupart des gros du championnat, que ce soit le PAOK, le Pana et, donc, l’ogre de l’Olympiakos. Les playoffs, eux, sont venus confirmer les belles dispositions aperçues cette saison, malgré cette 3e place qui peut être décevante, et même si le PAOK a décroché cette fameuse deuxième place qualificative pour les tours préliminaires de la Ligue des Champions. L’Uruguayen étant parti avant ces playoffs, pour un désaccord sur sa prolongation, le chantier principal de l’été était de trouver un coach capable de poursuivre cet emballant projet. Le Français Philippe Montanier fut tout proche d’endosser le rôle, mais il a décidé de refuser le poste, alors que tout semblait réglé. C’est finalement le Géorgien Temuri Ketsbaia qui sera en charge de poursuivre le bon travail de Poyet. Mais une chose est sûre : l’OAKA et les ultras de l’AEK reverront l’Europe.
L’autre grande satisfaction de la saison est venue de la Coupe de Grèce. Après un parcours plutôt tranquille, l’AEK s’est retrouvé rapidement en demi-finale, opposé à l’Atromitos voisin. Et c’est un but du revenant Rafik Djebbour, à la 88e minute, qui est venu offrir la finale à son équipe. Inespéré, vu que la rencontre se dirigeait tout droit vers les prolongations. Les retrouvailles avec l’Olympiakos pouvaient donc avoir lieu, après plusieurs semaines d’attente autour de la date exacte de cette finale, d’abord annulée, puis reportée à plusieurs reprises. Là, une fois de plus, l’histoire allait s’écrire. Mantalos, puis Djebbour trouvaient la faille dans une défense de l’Olympiakos bien fébrile, qui répliquait trop tardivement avec Chori. 2-1, et voilà la Coupe dans les mains de l’AEK. Un titre pour l’année de la remontée. Et si le vrai concurrent de l’Olympiakos pour les prochaines années était là ? À condition, bien sûr, de ne pas brûler les étapes, et de continuer à travailler intelligemment.
Pour se renforcer, l’AEK a décidé de miser sur quelques talents locaux, avec notamment l’impressionnant Bakasetas (Panionios), révélation de la Superleague l’an dernier, et le gardien de l’Atromitos, Vasilios Barkas. Deux jeunes joueurs (23 et 22 ans), qui seront amenés à jouer l’Europe et à progresser en même temps qu’un club bien décidé à redevenir ce qu’il était. Au niveau des joueurs étrangers, l’AEK a accueilli Dmytro Chygrynski, l’ancienne gloire du Barça (29 ans), censé apporter son expérience en défense centrale, ainsi que le latéral gauche uruguayen Juan Díaz. Et d’autres noms devraient suivre, histoire de continuer à se renforcer.
PAOK – Pana, le bon et le moins bon
D’un côté Mickaël Essien, de l’autre Dimitar Berbatov. Deux joueurs que l’on ne présente plus, et qui devaient apporter au Pana et au PAOK ce petit surplus de qualité pour aller titiller l’Olympiakos. Mais alors que la saison est terminée, force est de constater que ces deux signatures onéreuses (au niveau du salaire) sont loin d’avoir permis à ces clubs de réaliser une belle saison. Bien au contraire. Jamais vraiment dans le coup, ces deux équipes auront alterné le bon et le moins bon. Le passionnant et le décevant, souvent loin de leurs supporters historiques.
Malgré sa deuxième place en saison régulière, le Pana aura déçu, notamment au niveau d’un recrutement pas toujours facile à comprendre. Quelques erreurs lors de la période estivale, et une nouvelle vague d’arrivées cet hiver, même si le retour d’un Leto toujours en jambes, en janvier, a eu son effet positif. Difficile, après, de trouver un équilibre souvent synonyme de performance sportive. Mais la montée en régime de Marcus Berg, intenable depuis mi-janvier, a permis à l’ancien club de Djibril Cissé de terminer fort, et d’arracher cette deuxième place. Un minimum, après une nouvelle saison sans trophée.
Les playoffs eux, ont donc opposé ces deux équipes irrégulières pour ce ticket pour la Ligue des Champions. Et c’est dans une Toumba bouillante, après un nul serré (1-1), que le PAOK s’est emparé de ce titre de dauphin de l’Olympiakos, devançant d’un petit point les Verts de Stramaccioni. La récompense du travail initié par Vladimir Ivić après le limogeage d’Igor Tudor en cours de saison. Le Serbe, ancien joueur du club et ancien coach des équipes de jeunes, a su relancer la machine, en ne se privant pas, par exemple, de ne plus utiliser Berbatov, et en faisant confiance à quelques jeunes prometteurs (Mystakidis, Pelkas, Charisis). Prolongé pour l’an prochain, l’ancien joueur de l’AEK et de l’Aris aura la lourde tâche de mener le PAOK aux groupes de la LDC.
Le Pana, lui, devra passer deux tours préliminaires s’il veut goûter à l’Europa League. Stramaccioni, arrivé en cours de saison, tentera bien d’apporter quelques ajustements à un effectif de qualité, mais qui s’est cherché toute l’année, sans parvenir à trouver un vrai rythme de croisière. Les recrues de janvier (Villafanez, Boumale, Moledo, entre autres) continueront de prendre leurs marques, et postuleront sans doute à une place de titulaire. Délesté d’Essien, le club peut dépenser un peu plus, histoire de combler les manques du groupe. Et cela s’est vu. Nicklas Hult, Nuno Reis, Ivan Ivanov, Mubarak Wakaos et Victor Ibarbo ont déjà rejoint le club de la capitale, qui se construit un effectif qualitativement et quantitativement assez intéressant.
Le PAOK a, de son côté, décidé de jouer les choses différemment, en se basant sur des joueurs libres. Deux anciens du Dnipro (Shakov, Leo Matos), deux anciens du championnat de Turquie (Djalma, Diego Biseswar), et d’autres joueurs expérimentés (José Angel Crespo, Cañas, Brkic) ont rejoint le navire, engagé pour une qualification pour la Ligue des Champions qui requiert une efficacité presque immédiate dès le retour à l’entraînement. Sous peine de vivre une déception assez grande.
Enfin, ces deux équipes n’auront pas su jouer la gagne en Coupe. La faute, côté PAOK, à des incidents en tribunes qui sont venus plomber cette demi-finale contre l’Olympiakos. Côté Pana, c’est l’Atromitos d’Anthony Le Tallec qui est venu mettre fin aux espoirs de trophées dès les quarts de finale. Une année à oublier pour l’ancien club de Djibril Cissé, plus que jamais dans l’ombre de son éternel rival du Pirée. Une autre année blanche, sans Europe, sera un fiasco retentissant, et pourrait bien entraîner le club vers des problèmes difficiles à surmonter. Mais le Pana a su démontrer qu’il savait se relever, même dos au mur.
L’éclaircie Panionios
Imaginez un effectif de Superleague avec uniquement deux étrangers (l’Argentin Villalba et l’Iranien Ansarifard). Trois, si l’on inclut le gréco-brésilien Bruno Chalkiadakis. Déjà, sur ce point, le Panionios fait exception, tant les clubs grecs aiment recourir aux services de joueurs étrangers, souvent à outrance. Ajoutez-y ensuite un fond de jeu plaisant, quelques (très) bons joueurs de ballon, Anastasios Bakasetas en tête, et vous obtenez LA surprise de l’année lors de cette saison 2015-2016.
À l’image de l’Asteras l’an dernier, le Panionios s’est mêlé jusqu’au bout à la course pour l’Europe. On a d’abord cru que l’équipe coachée par Marinos Ouzounidis, l’ancien Havrais, allait être privée de cette récompense pour cause de soucis financiers. Finalement autorisée à y participer, l’équipe athénienne s’est mesurée à ce qui se fait de mieux au pays. Alors, forcément, les choses ont été difficiles, avec une victoire et un nul en 6 matches, pour une 4e place synonyme de tours préliminaires d’Europa League. Qu’importe, l’essentiel n’est pas là. Le message adressé par le club est clair : avec peu de moyens, mais des idées, il est encore possible de survivre et d’exister dans un championnat que l’on dit très hétérogène. Forcément, des joueurs vont partir. Boumale a rejoint le Pana cet hiver, et Bakasetas est parti à l’AEK.
Mais le Panionios a déjà montré qu’il savait recruter intelligemment, et pour presque rien. En témoigne, par exemple, l’arrivée de l’Iranien Karim Ansarifard en provenance d’Osasuna, qui a terminé la saison avec 10 buts au compteur toutes compétitions confondues. Le club a pourtant été rattrapé par ses soucis financiers, puisqu’il n’a pas été autorisé à participer aux tours préliminaires d’Europa League. Le PAS Giannina, 6e de la saison régulière, profite donc de cette place qui se libère pour aller goûter à cette joie européenne pour la première fois de son histoire. Cruel. Cette année riche en rebondissements aura moins servi à mettre en lumière un club qui le mérite amplement, et qui vient un peu redorer le blason d’un football grec pas au mieux. En espérant que la prochaine fois, la gestion financière suivra.
L’Atromitos y a cru
On aurait pu tenir l’incroyable histoire de l’année. Déception de la première partie de saison, après une élimination face à Fenerbahçe en Europa League, l’Atromitos était parti pour lutter jusqu’au bout pour le maintien. À l’image, par exemple, d’un Anthony Le Tallec très décevant lors de ses premiers mois en Grèce. Mais ça, c’était avant. Avant une remontée fantastique au classement, cumulée à un parcours prometteur en Coupe de Grèce.
Et qui mieux que Le Tallec peut illustrer ce redressement ? L’ancien de Liverpool et Valenciennes a su prendre la mesure du championnat, pour montrer ses qualités. Pour justifier, aussi, les attentes placées en lui. Ses 5 buts lors des 7 dernières journées ont contribué de manière assez évidente aux 5 victoires de rang de son club pour terminer la saison. Mais la belle histoire s’arrête là. Parce que cette remontée sera intervenue un poil trop tard. Huitième, le club échouera à 5 petits points des playoffs. Rageant, mais à la fois encourageant pour la saison prochaine. À condition de ne pas rater l’entame de saison, qui ne sera pas, cette fois, « perturbée » par une reprise anticipée sur la scène européenne. Le Français, lui, n’est pas sûr de rester, le club souhaitant baisser son salaire. Mais il a été rejoint par un autre joueur hexagonal : Nicolas Diguiny, qui sort de deux saisons avec Panthrakikos.
Le PAS Giannina écrit son histoire
Un club fondé en 1966, et dont le stade fait 7.000 places. Un surnom – l’Ajax d’Épire – plus que classe. Sur le papier, le PAS Giannina avait tous les ingrédients pour être la belle histoire de la saison qui vient de s’écouler. Ça n’a pas manqué. Au terme d’une saison plutôt exceptionnelle pour le club, les coéquipiers de Noé Acosta sont allés arracher une 6e place presque inespérée, trois petits points derrière le PAOK. Rien que ça.
Et, alors qu’on pensait que l’équipe avait échoué aux portes du rêve, à savoir les playoffs, le destin s’est chargé de rajouter un petit côté légendaire à l’histoire, avec cette exclusion du Panionios de l’Europa League pour cause de soucis financiers. L’équipe coachée par Giannis Petrakis avait légèrement senti le coup, puisque les problèmes du Panionios avaient fait surface peu avant la fin de saison.
Le chantier de l’été sera donc de bâtir une équipe capable de rapidement performer sur la scène européenne, et de franchir les premiers tours souvent abordables, mais non sans risques. D’autant plus que Michalis Manias, auteur de 10 buts en championnat l’an dernier, s’en est allé (librement) en Belgique. Tsoukalas, lui, a signé avec l’Asteras, alors que Vellidis, le gardien, était parti au PAOK lors du mercato hivernal. Pour renforcer l’effectif, le PAS a déjà enregistré, pour l’instant, l’arrivée de Christopher Maboulou, l’ancien Bastiais, celle de l’Espagnol Pedro Conde et le prêt de Donis (Panathinaïkos). Suffisant pour écrire un peu plus l’histoire du club ?
Les tribunes en berne
S’il y a bien un point sur lequel les clubs grecs ont été sur la même longueur d’onde, ce fut les tribunes, et les sanctions qui vont avec. Gate 7 (Olympiakos), Gate 4 (PAOK), Gate 13 (Pana), Gate 21 (AEK), et même Atromitos : tous ces endroits auront connu le huis clos cette année, certains plus que d’autres. Le Pana et le PAOK, dans le viseur du ministre Kontonis, ont payé cher le moindre écart comportemental de leurs supporters, devant jouer une bonne partie de la saison sans ceux qui font l’âme de ces clubs.
Une fracture réelle et énorme s’est créée entre les ultras grecs et les instances gouvernementales. La demi-finale de Coupe de Grèce entre le PAOK et l’Olympiakos en est une belle illustration. Alors que le match devait être une belle fête dans les tribunes, avec une ambiance chaude comme la Toumba sait très bien en produire, le résultat fut tout autre. Suite à une décision arbitrale contestée avec véhémence par Robert Mak, le Slovaque, les supporters décideront d’envahir la pelouse pour protester, et d’affronter les forces de l’ordre.
La sanction sera salée : amendes et retrait de points. Mais cela ira même plus loin, avec l’annulation pure et simple de la Coupe de Grèce, alors même qu’il ne restait que le match retour des demies et la finale à disputer. Menacée de sanction, d’exclusion de ses clubs de la scène européenne, la fédération décidera finalement après des semaines de flou de relancer la compétition. Le PAOK, lui, décidera de ne pas envoyer d’équipe à Athènes pour le retour face à l’Olympiakos. Retrait de points à nouveau, et fermeture de la Gate 4 jusqu’au mois de novembre 2016.
La finale fut une belle mascarade. Programmée, décalée, reportée, puis reprogrammée avant d’avoir lieu, finalement, dans un stade OAKA à huis clos. Une bien mauvaise image pour un foot qui souffre, en plus des soucis financiers, de problèmes de violence et de remplissage de stade. Le résultat (victoire de l’AEK 2-1) est, au fond, anecdotique, tant les soucis qui frappent le football grec sont graves et bien implantés. Ainsi pourrait-on conclure cette année de football hellène.
Martial Debeaux
Image à la une : © LOUISA GOULIAMAKI/AFP/Getty Images