La Coupe du Monde U20 ouvre ses portes ce 23 mai 2019 en Pologne. Une compétition qui durera un peu moins d’un mois pour finir en apothéose le 15 juin à Łódź. Une compétition qui se déroulera dans six villes polonaises (Tychy, Łódź, Bielsko-Biała, Lublin, Gdynia, Bydgoszcz) accueillant 24 équipes prêtes à succéder à l’Angleterre, tenante du titre et grande absente de cette Coupe du Monde. La Pologne pourrait-elle espérer une belle épopée sur ses terres ?

L’histoire récente de la Pologne en tant que pays hôte d’une compétition continentale ou mondiale ne plaide pas en faveur d’un optimisme débordant. Chez elle, les déceptions de l’EURO en 2012 puis celle de l’EURO U21 en 2017 ont laissé des traces. Si dans l’organisation le pays peut se prévaloir d’avoir de beaux stades touts neufs, des infrastructures de qualité et une logistique aux petits oignons, sur le terrain le syndrome défaitiste des phases finales du football polonais semble même amplifié par le fait d’avoir des milliers de regards et d’âmes les soutenant dans les tribunes.

Un douzième homme devenu une sorte de fardeau psychologique, apportant une pression supplémentaire qu’il semble difficile de gérer pour les footballeurs polonais. Cette Coupe du Monde U20 qui commence aujourd’hui ne devrait pas déroger à la règle. Petit tour d’horizon des joueurs à suivre, des objectifs, des espoirs, des atouts et des faiblesses de la jeune sélection Biało-Czerwoni dirigée par Jacek Magiera.

Un groupe au goût de quasi déjà-vu et pour le moins compliqué

Le 23 février lors du tirage au sort des groupes, une rumeur, un murmure chuchoté s’est vite propagé dans la salle de la Gdynia Sport Arena. Le camp polonais avait le sourire aux lèvres, un sourire narquois. Pas de joie mais de la nervosité. En tant que pays hôte la Pologne héritait comme il se doit du statut de tête de série, évitant ainsi quelques grosses cylindrées mondiales. Pas sûr d’ailleurs que le pays se serait qualifié pour cette Coupe du Monde s’il ne l’avait pas organisé mais nous reviendront sur ceci plus tard. Et cet événement a été plutôt cocasse.

Le tirage commence, lumière feutrée et cramoisie ponctuée par quelques touches de vert, le bruit des boules transperce le silence studieux. Première boule. Silence. La Pologne hérite de la Colombie. Très bien, un adversaire sud-américain et le même qu’à la Coupe du Monde en Russie. Dix minutes plus tard, nouveau roulement de boule et c’est le Sénégal qui sort de sa petite sphère rouge, elle même sorti du grand saladier en plexiglas par Bebeto. Stupeur. Deux boules tirées dont sortent deux adversaires déjà présents eux aussi dans le groupe de la Pologne pendant la Coupe du Monde 2018 en Russie. La pression monte, le déjà-vu embaume la salle et encore plus lorsque l’on s’aperçoit qu’il reste parmi les possibles quatrièmes adversaires le Japon. Suspens. Mais c’est finalement la petite surprise du chef venue de Tahiti qui vient compléter ce club des quatre.

La Pologne, qui jouera ses matchs à Łódź, hérite donc d’un groupe compliqué duquel il faudra s’extirper avec force plus qu’avec talent. On peut admettre que la qualification devrait se jouer entre la Colombie, le Sénégal et les Polonais, à moins que Tahiti ne vienne en Pologne avec une belle surprise dans ses valises. Quoi qu’il en soit, le premier match face aux Cafeteros ce 23 mai à 19h30 aura une valeur de test. Face à une équipe ayant bien plus l’habitude des phases finales de cette compétition et proposant un football différent de celui pratiqué sur le continent, les Polonais devront montrer de l’ambition et s’appuyer sur leur physique et leur engagement pour réussir. Une victoire ou même un nul face aux Colombiens serait un excellent résultat dans l’optique d’une qualification et d’un deuxième match « plus facile » avec moins de pression.

Un deuxième match, se jouant le dimanche 26 mai, sera contre l’inattendu Tahiti, épouvantail du groupe. Il faudra ici, poussés par le public, essayer de soigner la différence de buts face à une équipe considérée comme la moins forte du club des quatre, mais surtout l’emporter pour se donner le droit d’espérer au second tour. Enfin, le dernier match face au Sénégal est certainement le plus compliqué sur le papier, mais tout dépendra des résultats précédents pour les deux pays. Il n’y aura donc aucun match facile dans ce groupe dont la Pologne n’est pas favorite. Malgré sa troisième place en 1983, l’histoire récente du Sénégal et de la Colombie dans la compétition joue en sa faveur. La plus grosse inconnue restant Tahiti et ses possibilités à ce niveau.

Jacek Magiera, son parcours, sa liste et ses choix

Nous allons nous intéresser au groupe des 21 Polonais sélectionnés pour cette compétition, car le sélectionneur a révélé une liste plutôt étonnante, qui pose quelques questions. Mais ayons d’abord quelques mots sur celui qui a été choisi par la fédération pour emmener le pays lors de sa Coupe du Monde U20. Jacek Magiera est connu de ceux qui suivent le football polonais. Ex-joueur du Legia Warszawa, il est devenu en 2018 (nommé par Zbigniew Boniek) sélectionneur des U20 après avoir coaché la réserve du Legia, le Zaglebie Sosnowiec puis l’équipe première des Legionisci.

Si son passage sur le banc de l’ogre polonais n’a pas été aussi long qu’espéré, c’est en partie à cause du manque de temps et de patience de sa direction (same old) après des résultats européens décevants lors du début de saison 2017/18. La saison précédente, il avait pourtant emmené le Legia au titre et participé à la belle campagne européenne du club en Champions League avec notamment une victoire face au Sporting CP en phase de groupe, ouvrant la porte des 1/16e d’Europa League face à l’Ajax d’Amsterdam, et offrant durant cette même phase de groupe un superbe match nul resté gravé dans les mémoires face au Real Madrid.

Jacek Magiera est un adepte du 4-2-3-1 offrant selon lui plus d’opportunités pour un jeu basé sur le contre, où les ailiers deviennent alors créateurs et détonateurs et dont les deux milieux défensifs ne sont que des serveurs de plats et des ratisseurs efficaces aidant à la projection rapide et à la verticalité. S’il n’est pas dogmatique il n’est pas un expérimentateur tactique et fait passer le collectif et sa machine au-dessus de l’individualité. C’est un point important qui nous permettra d’expliquer quelques choix de joueurs dans sa liste et le possible jeu de la Pologne durant cette CDM.

Magiera, sur ses neufs matchs à la tête des U20, a appelé beaucoup de joueurs depuis sa prise de fonction. Une bonne trentaine, voire un peu plus. Mais quelques joueurs dont on pensait la présence certaine ont finalement été écartés au dernier moment. Tout d’abord chez les gardiens. Le talentueux Marcin Bulka, en partance pour le PSG, paye sa mise au banc par Chelsea, du fait de la non reconduction de son contrat. En défense c’est Adam Chrzanowski, prêté par le Lechia au Wigry Suwalki, qui fait lui les frais des choix de son sélectionneur. Il était pourtant des derniers amicaux face au Japon et à l’Allemagne.

La demi-surprise, au milieu de terrain, est la non présence de Jakub Moder. Réalisant une saison pleine avec l’Odra Opole, le sélectionneur lui préfére certainement la polyvalence défensive du milieu défensif de Leverkusen U19, Adrian Stalinewicz. On pourrait aussi regretter la non sélection du jeune ailier du Lech Poznan Tymoteusz Klups ou celle plus logique mais tout de même dommageable de Filip Marchwinski, qui malgré ses 17 ans aurait pu suppléer Mateusz Bogusz ou Adrian Lyszczarz dans leur rôle de meneur de jeu.

Une surprise romaine, deux valeurs sûres et quelques joueurs à suivre

Si nous avons parlé des quelques surprises concernant certains joueurs non retenus, il y en a une de taille dans les joueurs appelés. En effet, Jacek Magiera a décidé de sélectionner pour cette compétition le jeune italo-polonais de 17 ans Nicola Zalewski. Né en Italie de parents polonais, le jeune ailier de poche de l’AS Roma U17 auteur d’une bonne saison (19 matchs, 8 buts, 7 passes décisives) avec les jeunes du club de la Louve n’est pas un inconnu mais faisait seulement partie de la sélection U17 polonaise il y a encore six mois.

Un choix qui peut paraître étonnant mais qui ne devrait pas avoir de grosses incidences. Zalewski devrait en effet passer une bonne partie des matchs sur le banc. Il sera tout de même intéressant de voir si sa vivacité sera utilisée en sortie de banc en fin de match par le coach polonais.

Concernant les joueurs à suivre du côté polonais deux noms se détachent avec insistance : Radoslaw Majecki et Sebastian Walukiewicz. Le premier, à 19 ans, est devenu le gardien titulaire du Legia Warszawa cette saison, en mettant Czerniak et Malarz sur le banc. Suivi de très près par Arsenal et quelques autres grosses cylindrées européennes il est un rempart solide, pur produit de l’école polonaise des gardiens. Impérial sur sa ligne, longiligne, possédant de très bons réflexes, habile dans les sorties aériennes, son seul point d’amélioration significatif est son jeu au pied, parfois défaillant et atout principal d’un gardien dans le football contemporain.

Pour le second, il a cette saison avec le Pogon démontré et confirmé toute l’étendu de son talent, et malgré son jeune âge est devenu le patron de la défense à Szczecin. Lui aussi passé par le centre de formation du Legia, il a dû quitter le club de la capitale pour avoir sa chance. Il sera sans aucun doute la première rampe de lancement des attaques polonaises mais aussi l’un de ses plus solides atouts défensifs. Sa capacité de projection, sa technique au-dessus de la normale pour un défenseur polonais et son intelligence dans la lecture du jeu en font un jeune défenseur moderne à l’avenir prometteur. Un talent brut accompagné d’une forte marge de progression qui a d’ailleurs tapé dans l’œil des recruteurs de Cagliari. Acheté cet hiver pour 4M€, il rejoindra le club sarde cet été augmentant ainsi encore un plus le contingent de polonais évoluant en Serie A.

Quelques autres joueurs polonais seront à suivre de près par les observateurs et les quelques happy few présents en Pologne pour cet événement. Le duo Bartosz Slisz – Tomasz Makowski devant la défense devra confirmer son excellente saison, respectivement avec le Zaglebie Lubin et le Lechia Gdansk. Dans un rôle de passe-plats, les deux jeunes polonais auront pour tâche ingrate la récupération époumonante et la fluidification du jeu, en évitant les touches de balles excessives. Si ces deux joueurs ne sont pas les plus connus du grand public, ils pourraient être de belles révélations dans l’entre-jeu aux yeux des observateurs et des suiveurs de tout poil.

Devant eux c’est le talentueux Mateusz Bogusz qui pourrait, dans un rôle inhabituel de meneur de jeu, distribuer sur les ailes, créer les décalages et construire rapidement. Le titulaire du poste pour le premier match devrait néanmoins être le capitaine désigné, Adrian Lyszczarz. Le jeune Bogusz loué par Marcelo Bielsa, très en vu avec les U23 du Leeds United, récent vainqueur de la Professional Development League et qui a rejoint le groupe professionnel du club pourrait devenir la pierre angulaire du futur jeu offensif polonais. Ses qualités techniques et sa vision du jeu aiguisée devraient lui permettre de se distinguer dans une équipe principalement prête au combat physique et peu imaginative.

Mateusz Bogusz est jeune (17 ans) mais déjà très talentueux. C’est un joueur spécial, il peut déjà apporter énormément à Leeds.

Carlos Corberan – Leeds U23 Coach

Sur l’aile gauche, Tymoteusz Puchacz pourra pleinement utiliser ses capacités de dribbles, de provocation balle au pied et de centre notamment entrevus cette saison à Katowice où il était prêté par le Lech Poznan. Latéral de formation, ses capacités physiques et tactiques l’amenant petit à petit vers un rôle plus offensif que défensif. Pour le reste il ne faudra pas attendre monts et merveilles des Polonais.

Quels atouts, quelles faiblesses, quelle formation ?

Si l’on suit l’évolution proposée par Jacek Magiera et ses troupes, et notamment lors des deux derniers matchs amicaux face à l’Allemagne (défaite 2-0) et le Japon (victoire 4-1) il faut s’attendre à une Pologne évoluant principalement en contre, profitant des ailes, de la vitesse de Zylla et Puchac, utilisant le grand Steczyk comme point d’appui ou comme tour de contrôle à la réception des centres. Il faut ajouter à cela, c’est aussi la petite patte Magiera, une appétence pour les frappes à mi-distance lorsque la situation le permet.

Face à la Colombie et au Sénégal, les Polonais ne devraient donc pas faire le jeu. Il faudra être solide et espérer que Slisz et Makowski pourront aussi couvrir Gryszkiewicz et Szota dans leurs couloirs. Car si Walukiewicz est déjà un patron, le reste de la défense n’est pas vraiment du même calibre. Côté offensif, si les attaquant polonais ont acquis une belle réputation à travers l’Europe grâce à Lewandowski, Piatek ou Milik, cette génération U20 n’est pas dotée de la même force de frappe. Bien sûr Dominik Steczyk sort d’une belle saison mais en … Regionalliga, et sa doublure, Adrian Benedyczak, est encore beaucoup beaucoup trop tendre.

Nous serons prêts. Nous avons nos objectifs. Bien sûr nous allons avoir un peu plus de pression que les autres car nous sommes les hôtes de la compétition. Mais nous y allons avec un esprit positif, on travaille pour ce genre de moment et pour avoir la chance de participer à ce genre de tournoi.

Jacek Magiera – Sélectionneur de la Pologne U20

Alors que la majorité des grosses nations arrivent avec des armadas de joueurs déjà rompus à l’exercice du haut niveau, la Pologne ne possède aucun joueur évoluant régulièrement dans un club de première division du top 10 européen. Finalement, l’autre principal souci pour les espérances de la Pologne lors de son mondial – au delà d’une équipe somme toute moyenne à la force de frappe limitée – est la faiblesse de son banc et le peu de solutions qu’il propose. En être à espérer voir rentrer un David Kopacz (ou Zylla selon le titulaire) ou un Nicola Zalewski pour changer un potentiel match mal engagé montre l’étendue et la taille du problème.

Alors bien sûr Jacek Magiera alignera « sa machine », son 4-2-3-1 tournant lorsque les automatismes sont acquis et les consignes respectées. Une machine à attraper des ballons en les emmenant le plus vite possible devant le but adverse. Une machine loin d’être infernale qui pourrait ressembler à peu de choses près à cela :

Le prono engagé …

Ne faisons pas la même erreur que lors de la CDM 2018. Si cet effectif possède quelques joueurs intéressants, ses faiblesses et son inexpérience dépassent largement ses atouts. Cette Pologne n’est pas taillée pour aller loin dans sa compétition. Si l’on ajoute à ça la formidable pression populaire faisant souvent trembler les guibolles polonaises on peut affirmer sans détour que si les Biało-Czerwoni sortent de leur groupe, cela pourra déjà être considéré comme une compétition réussie.

Tout dépendra du premier match, le plus difficile, face à la Colombie. Car même la place de meilleur troisième (quatre troisièmes des six groupes iront en phase éliminatoire) n’est pas acquise. Il faudra absolument gagner et marquer le plus possible face à Tahiti. Sortir de son groupe et espérer pour le reste semble donc l’objectif principal que l’on peut accorder à cette équipe.

Mathieu Pecquenard

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