Il y a quelques mois, le populaire joueur d’Osijek Petar Bockaj faisait la une de tous les journaux pour une histoire rocambolesque.
Titre de l’article de Tportal
« Ivre, revenant d’un concert folklorique, la star d’Osijek a démoli la station-service. Vous ne devinerez jamais pourquoi ! »
Une sortie à un concert du chanteur folk Saša Matić, des partages sur les réseaux sociaux… puis une incroyable séquence d’événements qui se déroule vers minuit. Le joueur du NK Osijek sort d’abord de sa voiture pour acheter une tablette de chocolat. Mais les deux employés sont occupés à compter la caisse. Refusant d’attendre pour obtenir sa tablette, le joueur retourne dans sa Mercedes et fonce dans la porte vitrée, blessant une employée au passage. Prenant la fuite, il finit par se faire rattraper par la police qui l’envoie en garde à vue.
« Un accident cauchemardesque causé par l’alcool a provoqué de nombreux dégâts matériels dans la nuit et des personnes se sont trouvées en danger de mort. Certaines ont subi des blessures corporelles », déclare le NK Osijek, dans un communiqué attendu, mettant fin par la même occasion au contrat du joueur. C’est la première fois de son histoire que le club est contraint de virer l’un des siens. Et de mémoire d’un habitué qui racontait à la télévision : « Cela fait 45 ans que je suis ce club tous les jours et je n’avais jamais vu une telle chose se produire. »
Un choc mais pas une surprise
Pero (son surnom) n’est pas trop compliqué à comprendre. Son interview pour 24 Sata donnait la couleur bien avant l’affaire. A la fois bout-en-train et excessif, il racontait son arrivée au Lokomotiv Zagreb (club où il a explosé – nous l’avions d’ailleurs placé dans nos espoirs croates à ce moment) : « Donnez-moi un maillot floqué 40 ! Pourquoi 40 ? Parce que je serai vendu pour 40 millions d’euros ! »
Il n’hésitait pas à raconter également une anecdote concernant deux jours de repos accordés par le coach. Deux jours tellement mis à profit que ce dernier l’a retrouvé avec quelques kilos en trop. Énervé, il lui demande : « Mais qu’est-ce que tu as mangé ? » Le joueur de répondre, hilare : « Le problème n’est pas ce que j’ai mangé boss, mais ce que j’ai bu ! »
« J’ai toujours été différent. Vous savez, je suis un vrai joueur de football rural, un joueur de football du dimanche dans un club de campagne. J’aime jouer avec mon instinct, faire des mouvements inattendus, aller dans tous les sens. Ça, c’est le football que j’aime », déclarait le joueur, avant de finir, lucide : « Peut-être que je devrais être plus intelligent dans certaines situations. Mais j’aime m’amuser. Je sais que ce n’est pas le plus intelligent pour un athlète, mais bon… »
On ne compte plus les manquements à la discipline et aux règles de base de
Bočkaj, bien que son comportement défaillant ait été caché de toutes les manières possibles. Il n’y a pas une personne dans le club et en ville qui ne connaissaient pas son penchant très exagéré pour l’alcool. Plusieurs fois venu à l’entraînement dans un état que nul ne pourrait décrire (ou même avant un match amical), il s’en était sorti avec des amendes et des avertissements. Officiellement, pour excès de poids ou retards, afin de cacher ces affaires et peut-être penser à une future revente.
« Ce n’était qu’une question de temps avant que cela arrive. »
Slobodnadalmacija.hr a également pu recueillir quelques mots de Samir Toplak, un formateur de Petar, qui lui non plus n’est pas surpris de cet épilogue. Après avoir parlé de son potentiel et de ses qualités, il se livre : « C’est d’une stupidité totale, je ne sais pas quoi dire d’autre. Vraiment, je n’ai pas de mot mais je ne suis pas surpris et ça me fait mal de le dire. C’est un joueur talentueux sans aucune contestation, mais ce n’était qu’une question de temps avant que cela arrive. »
Toplak ne parle pas de talent par hasard. C’est pour cette raison qu’il a
été recruté dans l’académie du Dinamo après dix années dans son petit club de Zagorac. Son formateur dit de lui a l’époque : « C’est une dynamite, avec de grandes prédispositions physiques ! » Bocky devient l’un des meilleurs éléments du centre de formation, allant jusqu’à la Coupe du Monde U17 aux Emirats. Le premier arrêt de sa carrière intervient lors de son passage dans la catégorie supérieure. Le nouveau tandem d’entraîneurs radie assez rapidement Bočkaj. La raison invoquée ? Manque de professionnalisme. Un premier avertissement…
Un bohémien du football
Cette combinaison d’attractivité sur le terrain et d’excès en dehors est généralement appréciée par les gens et fait penser que le football repose toujours sur son imperfection. Tous les joueurs ne peuvent pas être des machines, avec des journées planifiées consacrées au sport, aux partenaires et aux réseaux sociaux. Les bohémiens du football semblent plus humains et accessibles que des joueurs comme Modrić.
Petar Bočkaj est l’exemple-type du joueur de foot aimé de tous. Pour le public, car il a toujours été extrêmement simple et abordable. Un homme à contre-courant, qui raconte ce que les autres ne veulent pas entendre et dissipe les clichés habituellement attribués aux footballeurs. Le genre de joueur avec lequel on boirait bien une bière. Et qui, plus important encore, aimerait aussi probablement boire une bière avec nous. Pour le vestiaire aussi, de par sa faculté à rire avec tout le monde et à détendre l’atmosphère. Bočkaj fait partie de ces icônes vivantes personnalisées par Blaž Slišković. Un gars qui va faire la fermeture du bar et ignorer les consignes pour sortir du banc et balancer un fantastique missile dans la lucarne. Il est le type de joueur que les supporters aiment charrier, mais auquel ils aiment aussi s’identifier.
Pero le sait, alors dans les interviews, il n’hésite pas à appuyer son côté « footballeur du dimanche » et confirme avec un sourire toutes les anecdotes qui tournent sur son compte, souvent à base d’alcool et d’embonpoint. Et toujours, après une amende ou une mise à l’écart, il finit par retrouver avec brio sa place sur le terrain, renforçant son statut d’icône de joueur d’un autre temps, d’un autre football. Tant pis si ça lui ferme la porte de clubs comme le Dinamo, où ce manque de professionnalisme n’est pas toléré.
Tout le monde aimait bien chambrer Pero, et lui s’en amusait. Mais cette fois, Pero est allé trop loin. Et il n’amuse plus personne. Il n’est plus le joyeux drille qui abuse un peu de la bouteille. Il est un sociopathe qui aurait pu coûter la vie à des gens. Si le fils d’un politicien avait été au volant de cette voiture, un lynchage public aurait été de rigueur. Bockaj, lui, s’en tire.
L’alcool est devenu le cauchemar de Bočkaj et personne ne s’en rendait compte. On dit souvent que l’alcoolisme emporte progressivement tout ce qu’une personne aime. Personne ne doute qu’il aime vraiment le football comme il le dit lui-même. Mais l’alcool a pris le dessus, avec de graves conséquences. Cette fois, son club n’a pas pu le couvrir. Cette fois, les fans ne le trouvent plus drôle. Toutes les parties sont perdantes : le joueur qui avait un don pour le football et le club qui perd un joueur capable de l’aider à atteindre ses objectifs. Le futur, c’est la Justice qui le décidera. Pero va se retrouver bien seul. En attendant peut-être d’avoir une deuxième chance, un jour.
Damien F.
Image à la Une © Hanza Media / Jutarnji List