Le mercredi 6 septembre 2017 était une journée spéciale pour les amateurs de football à Koper. A Bonifika, le doux parfum du haut niveau a pu être à nouveau respiré le temps de quelques heures, le temps de la confrontation entre le FC Koper et Triglav lors des huitièmes de finale de la coupe slovène. Un géant Triglav contre le Petit Poucet Koper alors que le rapport de force était inversé il y a quelques mois à peine. Mais au printemps dernier, une décision de la fédération a tout changé. Alors que la saison venait de se terminer, Koper, tranquillement classé à la sixième place, était annoncé comme étant le seul club de l’élite ne remplissant pas les conditions d’obtention d’une licence pour jouer en Prva Liga.

En cette fin d’été 2017, nous retrouvons une équipe de Koper très jeune pour affronter Triglav, le groupe étant composé de l’équipe espoirs de l’an dernier agrémenté d’autres talents locaux. Avec le brassard de capitaine, nous retrouvons tout de même une vieille connaissance des terrains de Prva Liga : Igor Nenezic, passé à Triglav, Primorje, Koper (avec qui il a gagné le seul titre de champion de l’histoire du club) et l’Iran. Après la naissance de son troisième enfant, le gardien de but de 33 ans a décidé de retourner dans sa maison familiale de Koper. Pour l’accompagner, le deuxième élément d’expérience est le Croate Zeljko Tomic. Le reste des joueurs est une équation d’inconnues, surtout de jeunes joueurs du coin.

« Notre ambition n’est pas de répéter l’histoire lorsque Koper était un club sans identité, et jouait surtout avec des étrangers dans l’équipe. Maintenant, il y a beaucoup de garçons de Koper avec nous » déclarait à la presse le gardien de but, comme pour signifier un retour à la source des plus sains. Si on peut avoir beaucoup d’étrangers dans son équipe et être parfaitement sain, ce n’était effectivement pas du tout le cas ici, où des relations troubles au plus haut niveau du club ne faisaient pas bon ménage.

Luka se retire, la Commission tranche

La dégringolade du club prit un tournant crucial lors de l’hiver dernier lorsque le sponsor historique, Luka Koper (le port de la ville, luka signifiant port en VF) décidait de rompre un contrat de parrainage de cinq ans avec le club. Le port expliqua ce coup de massue porté au club, à qui il avait donné son nom en 2008, par une redirection de l’argent du parrainage vers le développement du football à Koper. D’après les explications officielle, le but est d’améliorer la réputation du port plutôt que de payer les dettes du FC Koper à ses créanciers. Et de sortir des histoires malsaines entourant le club.

Après l’hiver, vient le printemps. C’est à ce moment que la commission des licences de la NZS, la fédération nationale slovène, porta l’estocade. Malgré la plainte des membres du club, des créanciers et de la mairie, la commission décida d’être intransigeante et refusa net la licence au club de l’Adriatique. L’appel, appuyé avec l’insistance du maire de Koper Boris Popovic, ne donna rien. Pire, il fut qualifié de non fondé. La décision, définitive, entraîna immédiatement la chute du club en quatrième division.

Si loin du désespoir de Koper, le petit voisin de l’Ankaran Hrvatini (distant de six kilomètres) saisissait cette opportunité pour accéder à la Prva Liga pour la première fois de son histoire, sans même passer par le barrage qui devait l’opposer à Aluminij, l’autre gagnant de l’histoire. Après la décision irrévocable de la NZS, la plupart des joueurs de Koper partirent monnayer leur talent à Ankaran, petite station balnéaire de 3 000 habitants de la baie de Koper. Les meilleurs joueurs, comme les stars Danijel Pranjic et Senijad Ibricic, s’éloignèrent eux sous d’autres cieux.

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Les derniers moments de joie avant la descente aux enfers

Des créanciers intéressés

Cela faisait un moment que l’on sentait Koper dans une spirale négative. Les salaires impayés ou avec beaucoup de retard étaient trop souvent la norme, tout comme les transferts impayés. Le club avait cumulé un montant total de 3,7 millions d’euros de créances ordinaires, passant dans le rouge foncé.

Dans ce cas, au moment de payer les dettes à se créanciers, on essaie de s’en tirer comme on peut. Le club, via le maire Boris Popovic, le comprit bien. Rusé, Popovic proposa un règlement simplifié obligatoire pour rembourser l’emprunt de 997 000 euros contracté à Milan Mandaric, propriétaire de l’Olimpija Ljubljana. Cette manœuvre habile visant à annuler la dette n’a pas plu à Mandaric qui a assujetti le club à un règlement obligatoire régulier. Mais le plus grand créancier du club de Koper était la Swiss Sport Agency, basé aux îles Marshall, qui avait déposé une demande l’été dernier pour que le FC Koper lui règle un montant de 2,12 millions d’euros pour les transferts des joueurs dont la compagnie est l’agent.

Milan Mandaric, bien avant de reprendre l’Olimpija Ljubljana, était impliqué dans l’histoire, en tant que bienfaiteur plutôt que liquidateur. Dans les années 1990, déjà, le club a déjà connu des problèmes financiers et a été forcé de mettre la clé sous la porte. C’est le FC Koper qui a émergé des cendres pour au final rencontrer des problèmes semblables au milieu des années 2000 lorsque le propriétaire Georg Suban décida de reprendre le NK Mura, emportant tous les meilleurs joueurs de Koper avec lui. Après cet affront, les fans reprirent le club mais ne pouvaient pas avoir de licence en raison des dettes. C’est alors que le businessman Serbo-Américain passa par là et les épongea, permettant au club de continuer à exister, et à gagner. En 2010, pour la première fois, Koper devint champion de Slovénie alors que son stade Bonfika construit en 1947 venait d’être complètement refait à neuf. Le tirage des qualifications en Champions’ League offrit le Dinamo Zagreb. Malgré une victoire 3-0 à domicile, le rêve fut coupé court à Maksimir où le Dinamo s’imposa 5-1.

La suite se compose de mauvaise gestion et de conflits d’intérêts. La Swiss Sport Agency, dirigé par Andy Bar, commença à apporter beaucoup de joueurs au club. Et Bar coopérait avec la direction du club, influençant aussi les décisions sur la composition et la gestion de l’équipe pour que ses protégés aient une visibilité assurée. L’hiver dernier, l’homme d’affaires croate Bosko Zupranovic arriva dans l’obscur nuage entourant le club. Il venait de racheter les dettes de Milan Mandaric et devenait créancier du club en visant une place importante alors que Luka Koper (le port) menaçait sérieusement de se retirer. Pendant ce temps, l’un des plus célèbres joueurs étrangers à avoir jamais joué en 1.SNL est arrivé en la personne de Danijel Pranjic. En juin, alors ennemis, le maire Popovic et le créancier Zupranovic se mettaient d’accord pour que le second devienne directeur sportif du club. Mais l’homme condamné en 1998 pour falsification de documents et fraude, connu pour avoir été le président du NK Karlovac, l’ami intime de Zdravko Mamic et l’agent de Vedran Corluka, n’a jamais pu accéder au poste qu’il convoitait en raison de la non obtention de la licence pour jouer en Prva Liga. Et depuis, ses coups de fil sonnent dans le vide.

bonfika, koper
Le stade Bonfika va rester vide pendant quelques années

Une nouvelle histoire pour Koper

Et voila un club historique du championnat slovène, fondé en 1920 alors que la partie Ouest de la Slovénie était sous le joug Italien, parti végéter en quatrième division. Le port, en décidant de ne plus maintenir le club sous perfusion, a fait disparaître ce que des ouvriers de ce même port et des pêcheurs avaient fondé 97 ans auparavant sous le nom de Circolo Sportivo Capodistriano. Produit de la classe ouvrière, le club disputait ses matchs sur le sable, près de la mer contre des opposants principalement italiens (Trieste, Vicenza, Mestre). Koper vécut aussi le fascisme italien des années 30 comme en témoigne son changement de nom en Unione Sportiva Capodistriana et Unione Liberi Calciatori. Puis, la guerre détruisit en partie la ville. Le football à Koper reprit lentement avec la fondation de petits clubs jusqu’à la décision de fusionner l’Aurora Koper et le Koper Medusa en 1955. Histoire de reprendre le flambeau de 1920, qui ne brille presque plus depuis ce mois de juin 2017.

Il faut désormais repartir de zéro pour Koper qui jouait depuis 17 années en Prva Liga. Comme l’Olimpija et Mura, deux autres clubs slovènes historiques ayant fait faillite par le passé, il faudra commencer par le bas-fond, puis, progressivement, relever la tête. C’est dans cette optique que le club a fait venir des jeunes qui auraient pu tenter leur chance dans des équipes rivalisant aux étages supérieurs. Le rôle de grand favori en quatrième division incombe bien à Koper. A priori, l’ambition du maire Popovic (qui reste impliqué au club) et des nouveaux gestionnaires est de revenir en Prva Liga en passant toutes les étapes. Il n’y aura donc pas de fusion avec l’Ankaran Hrvatini ni avec Dekani, club de seconde division issu d’une banlieue de Koper. Puis au moins, le club a eu une bonne nouvelle cet été : ses catégories de jeunes conservent leur position en catégorie nationale, la plus haute.

« Nous sommes tristes parce que nous ne pouvons pas jouer en première ligue. Tout le monde serait ravi de jouer à Bonifika, nous avons un beau stade, un beau climat, des fans. Mais maintenant nous construisons une histoire plus proche de la communauté locale » a expliqué Nenezic qui célébrait il y a sept ans le titre de champion avec Koper et se retrouve désormais en quatrième ligue avec lui.

Nenezic est convaincu que l’équipe possède nombreux jeunes joueurs de qualité, dirigés par l’ancienne gloire de l’équipe nationale croate, Damir Milinovic. Koper jouera la première place du championnat pour une promotion en troisième ligue. La victoire 3-0 en ouverture du championnat en est un bon indicateur. La ville phare du sud du pays pourrait bien connaître une ascension aussi rapide que sa chute. On l’espère pour Koper et pour l’ensemble du football slovène.

Damien F.


Image à la une : Urban Urbanc/Sportida

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