On sait maintenant que l’Hajduk ne fera pas partie des groupes d’Europa League et je peux vous dire que la chose m’a rendu triste. Un peu pour ce club, un peu plus pour ces supporters mais surtout pour tous ceux qui n’auront pas la chance de vivre une soirée comme celle que j’ai vécue lors d’un soir de tour préliminaire d’Europa League. Une claque.

La ville de Split entièrement dédiée à son Hajduk, hormis un coiffeur…

Quand vous arrivez à Split, peu importe d’où vous venez d’ailleurs, vous êtes d’abord happés par les nombreux logos ou longs messages liés à l’Hajduk qui sont peints au bord de la route sur une cinquantaine de kilomètres en amont de la ville.

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Ce qui ne pourrait être que du folklore est encore plus présent quand vous pénétrez dans la ville. Là, aucun quartier, quasiment aucune rue sans un logo de l’Hajduk sur les murs, une fresque en hommage à la Torcida (le groupe de supporters de l’Hajduk) ou en référence à une des figures historiques du club tel Frane Matosic, trois fois champion de Yougoslavie dans les années 1950 avec l’Hajduk. Le club, créé en 1911, semble indéniablement ancré dans la ville, en faire partie et la faire vivre.

En ce qui concerne l’autre club de la ville, le RNK Split (créé en 1912), on trouve bien moins de signe de vie. Si ce n’est le salon d’un coiffeur sur l’Ulica (rue) Domovinskog rata. Le vieil homme pose fièrement entre ses quatre murs où les photos et articles de presse à la gloire des rouges de la ville trônent.

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Un bout de stade qui rappelle l’histoire de l’Hajduk

En allant au Poljud, le stade de l’Hajduk, nous passons devant celui du RNK Split et le centre d’entraînement de l’autre club de la ville où les catégories de jeunes s’entraînent alors qu’à la même heure, l’équipe première joue sa qualification en Europa League en Ukraine.

Au fur et à mesure que l’on se rapproche du Poljud, le cortège piéton se fait de plus en plus dense et les trottoirs sont de plus en plus otages de nombreuses voitures. L’ambiance est conviviale alors que certains se chauffent déjà la voix à quelques centaines de mètres du stade. Arrivé près du stade, je découvre un énorme parterre qui peut rappeller un peu celui du Stade de France mais là, l’ambiance est superbe. Partout des buvettes, des bancs, des tables et des grillades qui vous accrochent le nez. Il y a de nombreuses femmes, jeunes filles et aussi beaucoup de familles.

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Nous entrons dans le stade sans grand contrôle. Le stade est aux trois-quarts vides une heure avant le coup d’envoi alors que le soleil nous fait face. Même vide, le Poljud reste tout de même impressionnant, surtout par rapport aux autres stades que j’ai pu voir dans la région. En regardant l’espace à notre gauche, j’aperçois un demi-virage où l’énorme palmarès de l’Hajduk est rappelé – 9 titres de champion en Yougoslavie, 8 en Croatie, une quinzaine de coupes remportées – et je comprends mieux la grandeur du club à ce moment-là.

Une affaire de famille

Petit à petit, les places qui nous entourent trouvent preneurs. Chacun vient avec son petit journal pour protéger son postérieur des sièges poussiéreux. Sur un de ces journaux, je lis que deux joueurs sont en instance de départ : Susic et Vrsajevic. A la manière dont les gens se saluent, il est aisé de voir qu’on est situé au milieu d’habitués. Les salutations ne se font pas qu’entre une poignée de personnes et c’est une bonne trentaine de personnes qui semble faire partie de ce cercle d’habitués. Parmi eux, on retrouve aussi de nombreuses familles dont certaines avec de jeunes filles.

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A côté de moi, un jeune gars commence à me parler, m’entendant discuter en anglais. Il me demande ce qu’on est venu faire ici et je lui explique rapidement. Il me répond dans un sourire qu’au niveau de l’ambiance, je devrais être servi. Puis il me narre en détails la soirée précédente quand il était avec des membres de la Torcida 1950 sous les fenêtres des joueurs du Shakhter Karagandy en train de klaxonner, avec fumis, drapeaux et chants à l’appui. Je lui demande pourquoi il n’est pas avec la Torcida dans le stade. Et là il m’explique que l’Hajduk est une tradition familiale, quasiment un rite ; pointant deux rangs plus bas vers son frère, père et grand-père, tous habillés aux couleurs de l’Hajduk.

Alors que je regarde l’échauffement très acrobatique des gardiens kazakhs, je constate que, bien que l’on soit dans la tribune principale, il n’y a quasiment aucune personne sans un tee-shirt de l’Hajduk, un maillot, un polo, une casquette ou une écharpe. Et pour ceux qui n’ont pas de signe d’appartenance, les voisins trouvent un moyen de prêter une écharpe en rab. En face, une petite quinzaine de supporters kazakhs font leur apparition, déployant un grand drapeau orange représentant l’emblème de leur club.

La montée en puissance avant le match finit sur le mythique « Dalmatico », un chant repris en chœur par tout le stade. Et quand je dis « tout le stade », ce n’est pas une exagération; tout le monde chante debout, écharpe au poing et en tapant des mains. Je m’aperçois que je souris comme un niais, je prends tout simplement mon pied et le match n’a pas encore commencé…

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Un première mi-temps parfaite…

Au match aller, l’Hajduk avait perdu 4-2 au Kazakhstan. Dès le début, on voit qu’on aura droit à un attaque-défense avec des Kazakhs qui défendent à 10 contre une équipe de l’Hajduk qui attaque à 7 avec seulement deux défenseurs centraux qui restent en place et un milieu défensif.

L’Hajduk débute très bien. Les Croates s’offrent un corner puis un coup-franc dangereux dans les dix premières minutes. Dans les tribunes, c’est une folie douce. Au contraire des autres stades où il n’y a généralement qu’un groupe de supporters qui chante en continu; au Poljud, tout le monde chante à vive voix. A la 12è minute, Andjelkovic sert Susic, dos au but à 20m. Le neveu de Safet contrôle de la semelle, utilise son corps pour contourner son adversaire direct et se retourner. Le reste est fabuleux, il envoie une frappe de son pied gauche majestueux en lucarne. 1-0, l’exploit est en route.

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Bien entendu, les supporters redoublent d’intensité. Le stade vibre littéralement. Une gamine, d’environ 7 ans, juste devant nous n’arrête pas de se mettre debout et d’haranguer les joueurs ; sa mère lui demande gentiment de se calmer alors que son père semble être pour la liberté d’expression ! Cela fait déjà vingt minutes de jeu et le stade continue de se remplir, notre partie de tribunes est bondée et les gens se retrouvent debout dans les escaliers.

L’Hajduk domine largement mais reste toujours sous la menace d’un contre, jouant réellement sans arrières-pensées défensives. Heureusement le bon Andjelkovic réussit à couper beaucoup de contre-attaques de sa position de n°6. Devant, la qualité technique et la vitesse des Susic, Vlasic, Maglica et Gotal font très mal aux visiteurs. Sur une belle action menée côté droit, l’hyperactif Vrsajevic trouve Maglica au premier poteau qui coupe et marque. 2-0 !

Une deuxième mi-temps très tendue

A la mi-temps, le résultat du RNK Split est connu. Avec un 0-0 en Ukraine, l’autre club de la ville est qualifié et cela semble remplir de joie les supporters de l’Hajduk. Apparemment aucune rivalité n’existe entre ces deux clubs.

A la reprise, les Kazakhs changent finalement leur fusil d’épaule et optent pour une tactique moins défensive. Dès lors le match s’équilibre un peu. Les deux équipes se construisent de réelles occasions et les Kazakhs par deux fois sont tous près de reprendre l’avantage sur les deux matchs.

Le dernier quart d’heure est irrespirable. Dans la tribune, les supporters continuent de chanter mais on sent bien que les visages sont plus tendus et les regards moins confiants. Un but encaissé et ce serait fini. A la 87è, le stade est à deux doigts de la crise cardiaque : un attaquant kazakh envoie une frappe, qu’un défenseur croate dévie ; le gardien Kalinic semble battu mais réussit finalement à changer d’appui et dévie le ballon sur le poteau ! Les Kazakhs ont laissé passer leur chance. Sur un dernier contre, les Croates se retrouvent à 4 contre 1 puis 2 contre 1. Gotal la joue tout seul et marque. 94è minute, 3-0. L’affaire est réglée. Les joueurs explosent sur le terrain.

Dans les tribunes, la joie est superbe à voir et à vivre. Les gens se sautent dessus et sont fous de joie. Les chants reprennent de plus belle et continuent de longues minutes après le match. Le gamin torse nu sur la rembarde, sur la photo-ci-dessous, qui fait tourner son tee-shirt en criant avec son père à côté de lui est pour moi une image emblématique de ce stade et cette ambiance.

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Une énorme claque

Honnêtement, il m’est bien dur de retranscrire en mots ce que j’ai pu ressentir pendant ce match vécu au Poljud. Bien entendu, le scénario du match fut parfait pour vivre une belle soirée mais c’est allé bien au-delà de ces circonstances positives. En allant au Poljud, on sent le poids de l’Hajduk dans la vie de tous ces gens qui viennent au stade, l’amour réel porté au club, aux couleurs et la volonté exprimée haut et fort de supporter ce club. Même un derby de Belgrade ne m’avait pas laissé aussi forte impression une fois le match passé. L’Hajduk est plus qu’un club, c’est un élément très important de la culture et de l’identité locale. Le Poljud, un soir de match, reste le meilleur endroit pour comprendre cela et le ressentir soi-même. C’est une expérience à recommander à tous les amoureux du ballon rond, un souvenir impérissable.

Tristan Trasca

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