On aurait pu titrer cet article « La neige, la rivalité et le titre ». Car ce n’est pas un Tallinna Derbi comme les autres que nous avons suivi voila quelques jours. En ce glacial mois de décembre, c’est tout simplement pour le titre que le Flora Tallinn et le FCI Levadia se sont affrontés, dans un derby encore plus chaud que d’habitude.

Sous la glace, le feu

Tallinn. 5 décembre 2021. Il fait -18°C, la ville se couvre de son plus beau manteau blanc. Chacun trouve un moyen de se réchauffer comme il peut : sauna, bon repas chaud ou encore… fumigènes ! De notre côté, nous avons choisi la dernière option en allant suivre à l’épique match entre le Tallinna FC Flora et le Tallinna FCI Levadia (en VO).

Cet affrontement au sommet est le dernier match de championnat de la saison. L’enjeu est très simple : le titre de champion d’Estonie. Le Flora Tallinn, double champion en titre, « reçoit » le voisin du FCI Levadia, sacré pour la dernière fois en 2014. Ultime confrontation d’une saison palpitante qui aura vu les deux équipes survoler le championnat. Le contexte est on ne peut plus chaud entre les deux rivaux. Ce dernier match est un match en retard et se déroule quelques jours après la cinglante victoire (5-1) du Flora face au… FCI Levadia ! Un succès impressionnant qui place le Flora en grand favori face au club des russophones de Tallinn. Mais avec un point d’avance au championnat, le FCI Levadia peut se contenter d’un match nul pour être champion. Voilà qui annonce donc un match sous HAUTE tension – toute proportion gardée, l’Estonie étant un pays très calme par nature.


A lire : Histoire de derbys – Flora Tallinn vs. Levadia Tallinn


Cette tension s’est ressentie tout d’abord dans l’affluence ! Alors qu’il est assez rare de voir les stades estoniens accueillir plus de 400 personnes, la rencontre s’est déroulée devant plus de 1 200 spectateurs. Détail important pour l’expérience stade : du fait de la forte neige, la rencontre a eu lieu à la Sportland Arena, le terrain annexe du grand stade de Tallinn (A. Le Coq Arena). Un terrain que se partagent les différentes équipes de Tallinn en raison de son accessibilité. En effet, plusieurs parkings sont situés directement à côté du stade et sont parfaitement gratuits. Encore faut-il aimer conduire sur des routes enneigées…

Difficile de se garer (plus près du stade) © Yann P.

Bon enfant en tribunes…

Si le stade est plein à craquer (le club a même vendu davantage de place qu’il n’y en avait de disponibles en tribunes !), c’est aussi du fait de la facilité pour acheter un billet. Au pays du tout numérique, une adresse e-mail suffisait pour acheter un billet, au prix de 5,90 €. Également possible de prendre un billet sur place le jour du match, à 7 €. Avec toutefois une contrainte majeure : pass vaccinal obligatoire (et non sanitaire, ce qui signifie que les tests PCR ne permettent pas d’accéder au stade). Cette contrainte n’est pas anodine lorsque l’on sait que la communauté russophone, historiquement soutien du FCI Levadia (le club a été créé à l’origine à Maardu, ville périphérique de Tallinn où existe une importante communauté russophone), est très peu vaccinée. C’est d’ailleurs pour cela que le groupe de supporters du FCI Levadia a fait le choix d’assister au match derrière les grilles du stade.

De manière générale, le public est derrière le Flora et donne de la voix. A noter que nous avons là un public très jeune et paritaire. Surtout, comme à travers toute l’Estonie, le sentiment de sécurité est présent : tout le monde se moque de savoir quelle est ta nationalité ou quelle langue tu parles. Anecdote parfaite pour le prouver : un ultra du Flora, que je ne connaissais ni d’Adam ni d’Eve, est venu me demander si je voulais allumer un fumigène avec eux.

Qui dit grand match dit grands moyens. Avec le concours de la sécurité du stade, dans une très bonne ambiance. © Yann P.

Si l’ambiance est très bon enfant en tribunes, y compris entre supporters adverses, la réalité du terrain est toute autre. Le FCI Levadia est venu pour défendre le point du nul et n’hésite pas à casser le jeu dès l’entame de match, donnant lieu à un festival de mauvais gestes. Les deux bancs de touchepassent 90 minutes à s’invectiver, sans que cela ne termine en bagarre générale. Malgré tout, la première période est ponctuée de quelques belles séquences de jeu pour chaque équipe.

… tendu sur le terrain !

C’est le FCI Levadia qui ouvre la marque, à la faveur d’un ballon mal négocié par la défense du Flora. 1-0 à la 34e minute de jeu, et (déjà) des feux d’artifices tirés par les supporters du FCI Levadia. Ce premier but, signé Robert Kirss, a malheureusement sonné le glas du jeu : le FCI Levadia ferme définitivement la boutique et limite son plan de jeu au découpage systématique des joueurs adverses. La meilleure illustration de cette stratégie reste l’action de l’égalisation du Flora, sur laquelle pas moins de quatre fautes sont à signaler. Heureusement pour les locaux, l’arbitre laisse l’avantage sur l’intégralité de l’action et Henrik Ojamaa peut ramener les équipes à égalité juste avant la pause (45e+1). Mi-temps, l’occasion de se réchauffer avec un café et un match de jeunes dans l’extraordinaire terrain indoor situé juste derrière le terrain.

Un cadre agréable pour former les jeunes. En plus, il fait chaud et il y a une tribune (derrière le but) © Yann P.

Après une première mi-temps finalement assez divertissante sur le plan footballistique, place à un nouveau concept : l’attaque-défense option sales tacles et billard. Il faut dire que Robert Kirss a rapidement redonné l’avantage au FCI Levadia sur un très bel exploit individuel (53e), condamnant le Flora à marquer deux fois en 40 minutes face à un adversaire défendant coûte que coûte. Succession de fautes volontaires, tacles dangereux… mais pas de réaction des joueurs. De manière assez fascinante, aucune bousculade ou bagarre : simplement des fautes grossières. Un seul carton rouge dans la rencontre, pour Rasmus Peetson, défenseur du FCI Levadia, suite à deux fautes d’anti-jeu (71e). Notons tout de même la scène lunaire qui voit un membre du staff du FCI Levadia entrer sur le terrain pour invectiver l’arbitre – et être logiquement exclu à son tour.

Rare image des bancs sagement assis © Yann P.

Malgré ce scénario, il faut souligner la constance du public qui n’a jamais hué ou arrêté de soutenir Flora. Les multiples coup-francs ne permettent pas aux locaux de trouver la faille avant le temps additionnel, probablement pénalisés par l’absence de leur meilleur joueur, le buteur Rauno Sappinen, légèrement blessé lors du derby précédent. Il faut également souligner la très belle prestation de Karl Andre Vallner, le jeune portier du FCI Levadia omniprésent dans sa surface et très rassurant. Il ne parvient toutefois pas à s’imposer dans un (énième) coup de billard dans la surface à la 94e minute, conclu par Ken Kallaste. Peu importe : une petite minute plus tard, l’arbitre siffle la fin du match. Match nul 2-2, le FCI Levadia a tenu miraculeusement et est champion d’Estonie !

Dans la foulée, la coupe est remise aux vainqueurs. Une cérémonie avec des moyens plutôt importants puisqu’un long feu d’artifice, des confettis et des flammes se sont invités. On regrettera malgré tout l’absence de supporters de Levadia pour cette célébration, qui a finalement sonné assez creux – malgré les applaudissements respectueux des supporters du Flora restés assister au sacre.

Plus de pyros que de supporters © Yann P.

L’heure du bilan

Expatrié depuis peu à Tallinn, c’était assurément le match le plus divertissant que j’ai pu voir cette saison. Tout d’abord, il faut bien saisir à quel point 1 200 spectateurs est une affluence surréaliste pour un match de championnat. Sur cette année 2021, la moyenne de spectateurs du Flora ou de Pärnu, les meilleures de Premium Liiga, ne dépassent pas les 500 spectateurs par match. L’Estonie n’est pas un pays de football et ne vibre globalement que pour son équipe nationale, qui ne joue néanmoins que rarement dans une A. Le Coq Arena pleine à craquer. Mais la situation pourrait évoluer, avec un public très jeune et très investi, qui veut s’inspirer des exemples européens. Il faut souligner l’harmonie entre les supporters et les autorités (sécurité, billetterie, membre de la ligue) qui va permettre de faire avancer les choses.

Toutefois, il ne faut pas se leurrer : l’expérience d’un derby entre Flora et FCI Levadia laisserait de marbre la plupart des habitués de grandes affiches. Ici, c’est davantage l’enjeu et les conditions dantesques qui ont fait du match une expérience à ne pas manquer.

Les notes

Standing du stade (1/5) : Sportland Arena reste avant tout un terrain d’entraînement. Le synthétique permet de jouer malgré la neige, mais celui-ci n’est pas en très bon état. Il en est de même pour la tribune. Toutefois, le complexe est très sympathique et la A. Le Coq Arena est une très belle enceinte. Si vous pouvez assister à un match dans ce grand stade (c’est-à-dire lorsqu’il ne neige pas), ce sera une belle expérience.

Disponibilité des billets (5/5) : Possibilité d’obtenir son billet facilement sur le site internet et très certainement sur place.

Tarifs (5/5) : Les prix variaient de 7 à 10 €. Un prix raisonnable pour un match européen, et avec un emplacement à proximité de la ligne médiane juste au-dessus du banc des joueurs.

Ambiance (3,5/5) : Difficile de noter l’atmosphère avec aussi peu de spectateurs. Si l’esprit « derby » ne ressortait pas réellement, il faut souligner les efforts et la bonne ambiance. Une très belle expérience pour un public familial, peut-être moins pour les groundhoppers les plus acharnés.

Risques (5/5) : Aucun sentiment d’insécurité au stade, comme dans l’ensemble de la ville.

Accessibilité et transports (4,5/5) : Stade proche du centre-ville, avec des arrêts de train et de bus à proximité. Possibilité de venir également en voiture, avec des parkings gratuits situés juste devant le stade. De même, Tallinn est une ville très petite : il est très simple de rejoindre le stade à pied. Seule limite : les 20 centimètres de neige qui s’étaient invités.

Buvette (4/5) : Deux points de vente : un juste derrière la tribune, un autre dans le complexe indoor qui est situé juste derrière le terrain. Possibilité de payer par carte ou en espèce sans souci. Dispositif largement suffisant pour 800 spectateurs, peut-être un peu juste pour 1 200. Large choix de nourriture, choix un peu plus réduit pour les boissons (bière, coca et boissons chaudes).

Quartier environnant (3/5) : Le complexe est extrêmement beau et complet. En revanche, le quartier est un peu vide : hormis un sentier de promenade, il n’y a rien de remarquable à proximité. Soulignons tout de même le grand centre commercial Kristiine, situé à cinq minutes à pied. Idéal pour l’après-match avec des amis !

Yann P. (que vous pouvez retrouver et suivre ici)

Toutes images par Yann P. pour Footballski

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