Ce 23 septembre 2017 est à marquer d’une pierre blanche pour le Stumbras Kaunas. En s’imposant contre l’ogre Zalgiris Vilnius, le club de Kaunas remportait la coupe de Lituanie et le droit de participer à la Ligue Europa 2018-2019. L’unique but de cette victoire historique était inscrit à la 84e par Nasro Bouchareb, un Français qui venait de remplacer Alexandre Kore, autre tricolore, quelques minutes auparavant. Rencontre avec le duo de colocataires.

Tout d’abord, comment des Français se retrouvent-ils à Kaunas ?

Nasro Bouchareb : J’ai été formé au Nîmes Olympique, puis je suis passé en DHR au CO Soleil Levant Nîmes, et ensuite au Toulouse Rodéo FC. Par la suite, via Abderaouf Zarrabi qui a été pro en Algérie et connaissait le coach, je suis arrivé à Kaunas. Je passe de la CFA 2 à une première division à 23 ans. Plutôt pas mal !

Alexandre Kore : J’ai commencé à l’Athlétic Club de Boulogne-Billancourt, puis en Allemagne au SSV Ulm, où je n’ai pas été sérieux et je rebondis en CFA2, à Saint-Geneviève des Bois. En 2014-2015, je passe en Arménie (Ulisses Erevan) où la situation n’était vraiment pas bonne et, depuis l’année passée, je suis à Kaunas. J’avais passé un test infructueux à Portimonense et via une connaissance du coach, je me suis retrouvé à Stumbras.

L’arrivée d’un autre Français a dû te faire plaisir?

A. K : Oui, franchement, ça me fait beaucoup de bien. On dort dans la même chambre d’hôtel. Tous les joueurs étrangers sont dans le même hôtel, en fait. Je me sentais des fois un peu seul, il y a la barrière de la langue. Le lituanien, c’est vraiment très compliqué.

N. B : Moi, je ne parle que français, donc avoir un compatriote pour m’accueillir et m’aider, ce fut top. C’est vraiment très différent de la France, et la langue, impossible pour moi. En plus, on s’entend bien sur le terrain, donc je suis très content.

Tu as d’ailleurs failli ne pas rester, Alexandre ?

A.K : Oui, j’ai eu l’opportunité de passer un test au Lokomotiv Moscou. Ça se passe hyper bien, je joue un match contre le Werder Brême, je marque deux buts. L’entraîneur me voulait, le directeur sportif pas du tout. Cela ne s’est pas fait. C’est le football.

Vous venez de remporter la coupe mais en championnat, ça ne va pas du tout (Stumbras joue un barrage de promotion/relégation contre Banga et a remporté 1-2 le premier round en déplacement). Pourquoi ?

A.K : Pour la coupe, il y avait une très grosse motivation. On pensait à l’Europa League.  On a des capacités qui ne se reflètent pas en championnat. Ce n’est pas toujours facile de jouer quand la situation financière est difficile. Ça influe sur la motivation. Et puis bon, l’équipe n’arrête pas de changer, il y a beaucoup de transferts, donc c’est un peu compliqué.

N.B : Alexandre a bien résumé la situation. Pour la coupe, on était à 100%. En championnat, ce n’est pas toujours ça.

Vous avez fêté un peu cette victoire en coupe?

N. B : Un peu. On a été au restaurant  avec l’équipe et puis Alexandre et moi, on a été en boîte. On s’est bien marré, donc après, on y est retourné avec toute l’équipe, c’était sympa.

A. K : Calmement. La sortie en boîte, ça aide à créer le groupe. Avec tous les nouveaux, qui vont et viennent, c’est un peu compliqué.

C’est votre meilleur souvenir footballistique ?

N .B : Pour moi oui, je rentre et je marque le but victorieux. Le top.

A.K : Pour moi, non. Mon meilleur souvenir, c’est quand j’ai qualifié l’ACBB contre le Red Star en coupe de Paris. Inoubliable !

© facebook

Comment a été l’accueil au club ?

A.K : Pour moi, au début, compliqué. Les Lituaniens ne sont pas habitués à voir des noirs. Donc, j’ai  senti un peu de racisme au début. Et puis au final, ils ont appris à me connaître et tout se passe très bien. Surtout que cela a beaucoup changé avec  les nouveaux investisseurs : il y a des Portugais, des Brésiliens, l’effectif est très international. Et puis, avec Nasro qui parle français, ça me change la vie !

N. B : Plus facile pour moi, vu qu’il y avait déjà Alexandre. Après, c’est un nouveau pays, un autre mode de vie, ce n’est pas facile quand même. En plus, j’ai eu une petite blessure, le club m’a envoyé me faire soigner en France, donc je suis retourné au pays de mai à août.

C’est quoi le projet de Stumbras ?

A. K : C’est un club jeune. Il n’y a pas beaucoup de public, 200 personnes environ. Le club a été racheté par des investisseurs étrangers, dont le coach Mariano Barreto. Donc le projet, c’est de mettre des joueurs en valeur et de faire un bénéfice sur les transferts.  Il y a Abdul Basit, un Ghanéen qui est parti avec le gardien brésilien (Rafael Broetto) à Maritimo au Portugal. Je serais peut-être le prochain, qui sait (rires).

N. B : Oui voilà, le but est de se mettre en valeur, pour ensuite faire un transfert dans un plus gros club. Donc, on bosse !

Il y a aussi un jeune lituanien qui est parti au LOSC, Nauris Petkevicius ?

A. K : Oui, je le connais, on est toujours en contact par internet. Il a une très bonne technique mais il est encore un peu léger physiquement. Si il bosse bien ça, il a des possibilités.

Une relégation serait donc une catastrophe ?

A. K : Oh oui ! Je pense que pour le club, ce serait fini.

N. B : On ne peut même pas l’imaginer. Avec la qualification pour l’Euroae League, se retrouver en D2…

Il y a une rivalité avec l’autre club de Kaunas, le Zalgiris ?

A. K : Oui, c’est un derby évidemment. Après, ils ont encore moins de public que nous (rires), donc ce n’est pas une ambiance de fou.

N. B : Kaunas n’est pas une ville de foot, c’est clair. Le gros truc ici, c’est le club de basket, le Zalgiris Kaunas. Des coéquipiers ont déjà été voir des matchs. Là, il y a une grosse ambiance.

Comment ça se passe niveau football en général ?

A. K : Franchement, c’est difficile. Ce n’est pas terrible au niveau tactique. Il y a trois équipes qui jouent bien : Zalgiris, Suduva et Trakai. Le reste, c’est de l’engagement physique et rien que ça… Zalgiris, je dirais que c’est un niveau de Ligue 2.

N. B : Exactement, les trois premiers c’est super fort et puis il y a le reste. Zalgiris c’est le top.

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Et avec le coach Mariano Barreto ?

A. K : Il est hyper fort pour te motiver. Il te rentre dedans pour que tu donnes le meilleur de toi-même. On s’entend bien.

N. B : C’est un meneur d’hommes, il peut être très dur avec toi mais c’est pour ton bien. Il est très exigeant mentalement.

Vous jouez soit au petit stade de la fédération, soit au grand stade de Kaunas (S. Dariaus ir S. Girėno stadionas). Vous avez une préférence ?

A. K : Le stade Darius. Le synthétique du petit stade de la fédération, je n’aime pas du tout. C’est mauvais pour les articulations, tu risques de te blesser. Sur le grand stade, c’est une pelouse et tu as de l’espace pour jouer. Bon, après ça sonne un peu vide…

N.B : Idem, synthétique et pelouse, il n’y a pas photo.

Il y a des joueurs qui vous ont impressionnés en A Lyga ?

A. K : Oscar, de Trakai ! Manzorro, le Français de Suduva et le Serbe de Zalgiris (NDRL : Matija Ljujic). Hyper technique !

N. B : Les mêmes et Alexandre Kore !

Maksimov et Panyukov, vous connaissez ?

A. K : Maksimov c’est un buteur, très bon devant le goal, après dans le jeu, je ne l’ai pas trouvé impressionnant. Panyukov, il est hyper rapide. Je sais qu’il vient de partir au Zenit St-Pétersbourg. C’est vraiment bien pour lui !

N. B : Non, je ne connais pas encore bien le championnat, avec ma blessure je n’ai, au final, pas été longtemps en Lituanie.

Et dans l’équipe de Stumbras ?

A. K : Agostinho ! Il est passé par Barcelone et était en équipe de jeunes du Portugal.

N. B : Oui Agostinho, il est vraiment bon, et Alexandre Kore bien entendu (rires) !

Il y a de plus en plus de Français en A Lyga, vous êtes en contact ?

N. B : Non, chacun vit sa vie. Il n’y a pas de contact entre nous.

A. K : Moi, juste Serge Nyuiadzi, du Zalgiris, qui vient de partir en Roumanie (Astra Giurgiu). Via internet. Sinon, non.


A lire: On a discuté avec Serge Nyuiadzi, attaquant du Zalgiris Vilnius


Quel est le meilleur déplacement en Lituanie ?

A. K : Zalgiris Vilnius sans contestation. Il y a du monde, des ultras qui mettent de l’ambiance. Ils donnent de la voix. Tu sens qu’ils poussent leur équipe.

N. B : Oui Zalgiris, les supportes chantent, tu as envie de te donner. C’est vraiment le top en Lituanie.

Le pire ?

N. B : Jonava ! Ils faisaient des cris de singe sans arrêt. C’était agressif

A. K : Oui, Jonava sans contestation. Le public est proche du terrain, c’était vraiment hostile. À Atlantas aussi, il y a eu des cris de singe mais pas comme à Jonava. C’est le pire.

Vous le ressentez aussi dans la vie de tous les jours ?

A. K : Non, ça va. Les gens ne sont pas habitués, mais ils ne vont pas venir t’embêter.

N. B : Kaunas c’est déjà une plus grande ville. C’est surtout les vieux dans les coins les plus reculés.

Kaunas, ca vous plait ?

N. B : Bof. C’est petit. Moi je viens de Nîmes, pas trop loin tu peux aller à Montpellier ou Marseille. Ici, il n’y a pas de grandes villes. Le centre commercial… mais bon, on ne peut pas aller au cinéma.  Il y a des boîtes sympas.

A. K : C’est une belle ville. Mais il n’y a pas tellement de choses à faire. On va un peu au centre commercial. On garde contact avec la famille par internet, on se repose. Là, maintenant que Nasro est là, c’est vraiment plus sympa pour moi.

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Vous vous voyez encore en Lituanie l’année prochaine ?

N. B : J’ai encore un an de contrat, donc il faudra voir. Mais l’Europe de l’Est, ce n’est pas pour moi. Je ne parle que le français, c’est très compliqué. Je préférerais retourner dans un pays de l’ouest, francophone de préférence. Et puis, la Lituanie n’est pas un pays de foot, ici c’est le basket. Mais vraiment mon plus gros problème, c’est la langue.

A. K : On va voir, tout est possible, mais également je préférerais retourner à l’Ouest ou alors un plus gros championnat à l’Est. On va voir en fin de saison avec  la direction. On va discuter.

Quel est le point le plus négatif de votre expérience en Lituanie ?

N. B : La nourriture. Je mange hallal et c’est impossible à trouver, j’ai fait plein de magasins, mais rien. Il y a une mosquée, Alexandre y est déjà allé, mais ici, les musulmans ce sont des Ouzbeks, des Pakistanais. Ce n’est pas facile de communiquer avec eux.

A. K : L’hôtel dans lequel on loge est en train de tomber en ruine. Ça appartiendrait à un proprio du club, je ne sais pas vraiment, mais là, il tombe en morceaux, ça ne va pas du tout. Après, on est à dix minutes du stade, donc on peut aller  à pieds aux entraînements.

Le point le plus positif ?

N. B : Les filles sont incroyablement belles. Je suis dragué, mais le problème est toujours la langue. Je ne parle pas anglais donc discuter, ce n’est pas facile. D’ailleurs, Alexandre a un secret !

A. K : Je ne peux pas en parler !

N. B : Il a une copine lituanienne, une entraîneuse de foot, mais il n’assume pas !

A. K : Je n’ai rien à dire (rires).

 

Par Viktor Lukovic


Image à la une : © facebook.com/FCStumbras

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