On a discuté avec Mickaël Poté, attaquant de l’APOEL Nicosie – Partie 2

Formé à Grenoble après avoir été repéré dans la région lyonnaise, le Franco-Béninois Mickaël Poté a débuté à Clermont, puis à Nice, avant de quitter l’Hexagone pour signer en Allemagne, au Dynamo Dresde. Après trois saisons sur les terrains allemands, il découvre Chypre et plus particulièrement l’Omonia et la Turquie avec l’Adana Demirspor où il terminera à chaque fois meilleur buteur de son championnat. En juin dernier, il décide de revenir à Chypre, mais du côté de l’APOEL où il a découvert la saveur de la Ligue des Champions. Passionné du ballon rond, Mickaël Poté nous a livré un long entretien dans lequel il nous plonge dans les différents moments de sa carrière.

Au menu de cette seconde partie, Mickael Poté nous évoque son arrivée à l’APOEL, ses impressions sur la Ligue des Champions et sur le championnat chypriote avant de conclure sur son académie de football créée au Bénin.

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En 2017, tu retournes à Chypre, mais à l’APOEL. Pourquoi avoir choisi ce club ?

Tout simplement la Ligue des Champions. Je connaissais le pays, je connaissais le championnat. Mais ce qui est le plus attractif chez l’APOEL c’est que le club puisse jouer la Ligue des Champions. L’APOEL est un grand club dans un petit pays. Quand j’étais à l’Omonia, je les enviais un petit peu par rapport à ça. Le fait qu’ils jouent de grosses équipes comme le Barça.

J’avais fini mes deux années en Turquie, et j’avais des clubs de première division turque qui me voulaient et dès que j’ai entendu que l’APOEL s’était intéressé à moi, je ne te cache pas que je n’ai pas hésité. Je suis une personne qui aime les défis, venir pour au moins goûter la plus haute des compétitions. C’est pour cela que j’ai opté pour l’APOEL et j’en suis très content aujourd’hui.

Cela n’a pas été compliqué d’aller dans le club rival de l’Omonia ?

Oui, bien sûr. Tu sais très bien que ça ne va pas être facile au début quand tu vas dans le club rival. Quand j’étais à l’Omonia, je me rappelle qu’ils me parlaient de l’APOEL comme le grand rival. Moi, je suis footballeur avant tout, je respecte l’Omonia tout comme je respecte l’APOEL. Je joue en tant que joueur. Quand j’étais à l’Omonia, je me donnais à 100% dans tous les matchs ; aujourd’hui, à l’APOEL, je me donne aussi à 100% à chaque match.

Je peux comprendre les hostilités et les rivalités, mais je suis avant tout un sportif. Je suis de Lyon et j’ai grandi là-bas, forcément si tu me demandes d’aller signer à Saint-Étienne, je ne vais pas vraiment l’accepter. C’est toujours plus compliqué de signer dans un club rival quand on vient du pays. Après, quand tu es à l’étranger, que tu es un joueur étranger dans un pays, tu vois un peu plus sur le côté financier et sportif en respectant tout de même cette rivalité entre deux clubs.

Comment te sens-tu à l’APOEL ?

Bien. Au début, disons que c’était un peu compliqué parce que je ne jouais pas trop. Le niveau était très haut, il y a des joueurs qui sont habitués à jouer les compétitions européennes. J’ai attendu le bon moment. Il faut savoir que c’était le président du club qui me voulait, le coach qui m’avait vu (Thomas Christiansen, NDLR) n’est pas resté au club. Donc forcément quand c’est un nouveau coach (Mario Been, NDLR) qui  arrive, qui ne te connaît pas, c’est toujours un peu plus compliqué.

Mario Been t’a-t-il fait confiance à son arrivée ?

Oui et non. En fait, il ne me connaissait pas. Au début, il me découvrait et c’est à ce moment-là que je me blesse. Quand il est parti et que Giorgos Donis, le nouveau coach est arrivé, je revenais de blessure puis je me suis rattrapé.

Quels sont tes projets avec le club ?

Il y en a beaucoup. Il y a d’abord eu la Ligue des Champions où on a pu gratter deux points (l’APOEL a terminé quatrième du groupe H de la LDC avec deux points, NDLR). J’ai eu la chance de marquer deux buts dans cette compétition, je pense qu’il ne peut pas m’arriver mieux. Et là, maintenant, c’est être champion de Chypre. Comme j’ai dit auparavant dans d’autres interviews, je possède déjà des titres individuels, mais je n’ai jamais eu un titre collectif dans ma carrière. Finir champion voire faire le doublé en remportant la coupe nationale, cela serait magnifique.

Quel regard portes-tu sur la suite du championnat ?

Il n’y a rien d’autre choix que d’être champion. Maintenant, il reste encore beaucoup de matchs. On va essayer de gagner le maximum de points, gagner les matchs contre les concurrents directs. C’est sur les matchs des play-offs que ça va se jouer. Ça va être de beaux matchs où il ne faudra surtout pas perdre.

En août dernier, lors des tirages de la Ligue des Champions, l’APOEL hérite du groupe de la mort avec le Real Madrid, Tottenham et Dortmund. Comment as-tu réagi face à ce tirage ?

Je me souviens, j’étais chez moi, sur le canapé, en train de regarder les tirages. Je crois qu’on était dans les dernières équipes à sortir. En voyant les tirages, j’étais très content. Je voulais bien une équipe française comme le PSG, mais j’étais quand même content de me retrouver dans ce groupe. On savait que si on allait tomber dans un autre groupe ça aurait été quand même compliqué de passer. Alors si c’est pour se faire éliminer, autant l’être face à de grosses équipes. On peut dire ce qu’on veut, mais franchement la Ligue des Champions c’est le top. Tout est parfait dans cette compétition, que ce soit dans la préparation ou les matchs.

Toi qui as découvert pour la première fois la LDC, comment as-tu vécu ces grands matchs, surtout ceux à l’extérieur, notamment à Santiago Bernabeu ou à Wembley ?

Bernabeu, impressionnant. C’est le stade qui m’a impressionné. J’étais sur le banc, et de là tu as une vue incroyable sur le terrain et sur le stade. Je n’ai pas de mot pour le décrire. Juste que c’était terrible. Vers la fin de la rencontre contre le Real Madriad, le coach vient me voir et me fait signe de me préparer et d’entrer en jeu. Là, tu penses à plein de choses dans ta tête.

Comment t’es-tu adapté au fait de jouer contre des joueurs internationaux ?

Je pense que pour tout joueur dans cette compétition, dès qu’on a les pieds sur les terrains, on est concentré à 100%. Il n’y a plus de Ronaldo, plus de Zidane… Quand t’es sur le banc, tu arrives à te rendre compte, mais quand tu entres sur le terrain, tu es concentré. Je me souviens que je m’étais approché de Ronaldo sur le terrain, mais je ne me suis pas rendu compte sur le moment que c’était lui. C’est pour dire que,quand tu entres en jeu, tu es concentré. C’est par la suite que tu réalises vraiment qui tu as en face de toi.

Vous étiez à deux doigts d’une troisième place synonyme d’une qualification en Ligue Europa, mais vous finissez derrière Dortmund, avec le même nombre de points, qui vous dépasse seulement par la différence de buts…

C’est clair. Mais après voilà, tu as vu ce que Tottenham a fait au Real Madrid et ce que le Real Madrid a fait contre le PSG cette année. Forcément on pouvait y croire, mais après ça restait compliqué. Juste d’avoir deux points en étant dans un groupe pareil, c’est magnifique et ça reste un exploit. On aurait pu prétendre à une petite qualification en Ligue Europa. On y a cru en faisant match nul deux fois face à Dortmund, mais après le Real et Tottenham restent quand même cinq crans au-dessus de nous (rires).

Tu arrives à marquer deux buts en phase de groupe. Deux buts sur les deux matchs face au Borussia Dortmund à l’aller et au retour. Qu’est-ce que ça fait de marquer en Ligue des Champions ?

Franchement, il n’y a pas de mots. Un but reste un but, mais quand tu marques en Ligue des Champions, c’est une saveur différente. C’est exceptionnel. Jamais tu ne te dis dans tes plus grands rêves que tu vas marquer un jour en Ligue des Champions. Encore moins deux fois. Même il y a trois en arrière, juste le fait qu’un jour je puisse jouer dans cette compétition, ça aurait été impossible pour moi d’y croire. J’aime la Ligue des Champions, je la regarde à la télévision et là, me voir là-bas, dans cette compétition, et marquer… c’est énorme.

Ces buts, je ne les ai pas réalisés sur le moment. C’est après, quand ta famille t’appelle, que la presse te contacte, c’est là où tu réalises ce que tu as fait. Une partie de mon quartier était réunie pour voir les matchs. Pareil au Bénin. Ça m’a fait plaisir. C’est là aussi où je vois l’ampleur de la chose. Sur le moment du but, je reste concentré. Lorsque je marque le 1-0, je ne le célèbre pas tellement, parce que je devais me replacer rapidement pour tenir au maximum le score. Pareil lors du match retour en Allemagne lorsque j’égalise. Il fallait se replacer pour défendre et contenir les attaques adverses, mais surtout tenir le score.

Ton premier but, c’est lors du match aller à domicile devant 20 000 supporters de l’APOEL en délire…

Ouais, franchement, les supporters de l’APOEL sont bons. Il y a un côté familial quand on part avec eux lors des matchs à l’extérieur. On fait le voyage avec eux, tu les vois au stade, dès que tu entres en jeu, ils t’acclament… c’est kiffant. J’aime aussi cette pression positive, de devoir se donner devant ses supporters. C’est un peu la même chose en Afrique ou en Allemagne. Je me souviens qu’à Dortmund lors d’un match, on jouait devant 80 000 supporters, tu as l’impression que le stade allait tomber. J’aime ça.

Et le plus surprenant lors de ton premier but en Ligue des Champions face à Dortmund en seconde période, c’est que ton coach à la mi-temps t’avait dit que tu allais marquer…

Exactement. En fait, en première période, j’ai remplacé Igor De Camargo sur blessure. Au fil des minutes, je m’étais bien mis à l’aise dans ce match. À la mi-temps, on retourne au vestiaire et l’entraîneur fait le discours traditionnel devant les joueurs. Il y avait 0-0 à la mi-temps. À la fin de son discours, il me prend dans un coin et il me dit « Je sens que tu vas marquer. Tu vas entrer, tu vas marquer ». Au fond de moi, je sentais que j’étais bien. Finalement il avait raison.

Comment définirais-tu le championnat chypriote ?

Je trouve le niveau un peu plus élevé par rapport à il y a trois ans, lorsque j’évoluais à l’Omonia. Avant il y avait pratiquement que l’APOEL qui se détachait du classement, mais aujourd’hui il y a beaucoup plus d’équipes qui jouent et se battent. On a joué il y a quelques jours le club de Pafos, il y avait 2-2 jusqu’à la 80e minute, on s’était relâché et on galérait, mais on a fini par gagner le match. Même Pafos, qui vient de monter cette année en première division, joue bien. Il y a beaucoup d’anciens joueurs de Ligue 1 qui viennent ici, comme Kevin Bérigaud, Mehdi Mostefa… Il y a de bons petits joueurs. Et surtout beaucoup d’Espagnols et de Portugais qui jouent à Chypre et qui ont cette culture du ballon. Franchement, c’est un bon niveau.

C’est aussi le fait que certains clubs chypriotes jouent de plus en plus les compétitions européennes, non ?

Oui. Juste le fait de jouer des matchs de qualification ou de phases de groupes, ça te fait progresser.

Hors Football, comment est la vie à Chypre ?

C’est agréable. Là, il fait 18°C, il y a un grand soleil, par rapport à la France c’est autre chose (rires). Le cadre de vie est super, il y a la plage pas loin et toutes les conditions sont réunies pour être à l’aise, que ce soit en famille ou seul.

Est-ce que tu sens que Chypre est un pays de football ?

Oui, ils aiment le foot. C’est le sport numéro un ici, mais il faut savoir que tous les stades ne sont pas toujours remplis lors des matchs de championnat. Les Chypriotes aiment le ballon, je n’irai pas dire qu’ils sont des passionnés, mais ils aiment le ballon rond.

Si tu devais garder deux moments magiques dans ta carrière, lesquelles seraient-ils ?

Le premier serait mes deux buts en Ligue des Champions cette année. Et mon deuxième moment magique, ça serait au niveau international, lorsque je me suis qualifié avec l’équipe nationale du Bénin à la Coupe d’Afrique des Nations en 2010.

Comment vois-tu la suite de ta carrière ?

J’aime le ballon. Je suis passionné, donc je ne me vois pas m’arrêter là. Je continuerai le football si mon corps me le permet. Je fais attention à mon hygiène de vie, ça me permet de me sentir encore bien à mon âge. Je n’ai pas de limites. Mon objectif est de jouer le plus longtemps possible en prenant du plaisir. Pour ne pas te mentir, il y a également le côté financier qui entre en jeu, je dois mettre ma famille à l’abri.

J’’ai toujours été sportif dans ma carrière. J’ai goûté ce que pouvait être le summum du football avec ces matchs de Ligue des Champions. Tout passe par des sacrifices, mais j’ai la chance de vivre de ma passion.

Enfin, avant de terminer, peux-tu nous parler de ton académie, « Academi Pote Joseph », pour nos lecteurs ?

C’est une académie créée en 2012, au Bénin. En fait, je me souviens que, quand je jouais à Pro Evolution Soccer, on pouvait se créer une équipe et y mettre n’importe quel joueur, de jeunes joueurs, etc. J’aimais cette idée et je me disais qu’un jour, j’essayerais de faire cette équipe dans la réalité. En Afrique … disons que c’est plus facile de le faire, en comparaison avec l’Europe. Ici, il y a un manque d’infrastructures et de moyens, donc j’ai trouvé intéressant de créer cette académie.

Je voulais aider les jeunes qui viennent de quartiers difficiles en leur donnant la chance de jouer au ballon et en créant des écoles. Lorsque l’académie a vu le jour, il s’avère que j’ai moi-même été dépassé par les événements, elle a rapidement marché et on a eu une demande importante. On a aujourd’hui la meilleure académie du pays, on a de très bons jeunes de 12 à 18 ans. Certains de nos premiers jeunes, qui avaient 12 ans à l’époque, ont maintenant grandi et jouent dans des équipes professionnelles du Bénin. Franchement, ça se passe bien et j’espère que ça va durer le plus longtemps possible. On a des enfants qui sont orphelins, c’est important de leur donner une chance de faire quelque chose de leur vie. De redonner de l’espoir. On a même un joueur qui a signé en Turquie.

C’est un moyen de faire entrer beaucoup plus de jeunes dans le monde du foot professionnel ?

Exactement. C’est pour ça que j’ai fait ça. Il y a des talents en Côte d’Ivoire, en Sénégal, mais au Bénin personne ne les connait. Quand je suis allé sur place, j’ai vu qu’il y avait beaucoup de talents sur place. Il y a des talents partout, dans chaque pays, mais il faut prendre le temps d’aller les chercher. C’est ce que j’ai fait, et j’ai été bien entouré.

En Afrique, ce qui manque, c’est juste le cadre, les structures et le professionnalisme. On essaie aussi avec l’académie de mettre en place des stages qui sont bénéfiques pour nos jeunes, mais également pour travailler les tactiques et les encadrer. On a même eu la visite de Samuel Eto’o qui possède lui aussi un centre de formation.

 

Vous pouvez retrouver l’académie de Mickaël Poté sur le site : academipotejoseph.com ainsi que sur leur page Facebook.

Stéphane MEYER


Image à la une : Florian CHOBLET / AFP

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