On a discuté avec Ludovic Obraniak, milieu de terrain du Maccabi Haifa – Partie 1

Nous avons eu la chance d’interviewer le Franco-Polonais Ludovic Obraniak, ancien champion de France avec Lille et international polonais notamment, aujourd’hui en Israël. Retour sur 1h30 d’interview passionnante.

Au cours de cette première partie, nous évoquerons sa carrière en France, son aventure allemande et la rumeur Varsovie.


Cette interview a été réalisée en coopération entre le site TLM S’en Foot et Footballski.


Avant de rentrer dans les détails des questions, je voudrais vous informer que cette interview a été réalisée en partenariat avec Footballski, les spécialistes du football de l’Est. On a également proposé aux gens de vous poser des questions via un hashtag participatif sur Twitter (#AskLudo). Cela vous convient-il ?

Oui bien sûr, cool. Je vais essayer de vous répondre du mieux possible. C’est parti.

Cette interview a été organisée de manière chronologique et géographique, nous allons commencé par évoquer votre carrière en France, puis l’Allemagne, la Pologne, Israël puis nous allons revenir sur la Turquie et évoquer vos projets pour l’après carrière.

C’est le guide du routard du football.

C’est mon club de cœur donc les portes sont forcément ouvertes

Il a souvent été demandé sur le #AskLudo si un retour à Metz été envisageable ?

A Metz je ne sais pas, on n’est jamais sûr de rien. C’est là que tout a commencé pour moi, je dois beaucoup à ce club. J’aimerai pouvoir rendre à ce club tout ce qu’il m’a apporté, chose que j’essayais déjà de faire lorsque j’y étais évidemment. Après, sur une fin de carrière, on ne sait pas vraiment ce qu’il peut arriver. Ca dépend de la situation sportive, de mon niveau, de ma situation familiale.

© FRANK PERRY/AFP/Getty Images
© FRANK PERRY/AFP/Getty Images

Ce n’est pas forcément évident de retourner dans un endroit d’où l’on vient : les gens attendent beaucoup de moi là bas mais le Ludo qu’ils ont connu quand j’avais 20 ans n’est logiquement plus le même que le Ludo d’aujourd’hui donc il peut y avoir un décalage. C’est une vraie réflexion, car je ne voudrais absolument pas décevoir les gens là bas. Il faudrait aussi qu’il y ait une opportunité, mais pourquoi pas, en fin de carrière ou dans une vie après le football, car je compte rester dans le milieu. C’est mon club de cœur donc les portes sont forcément ouvertes, et si une proposition arrive un jour, je promets d’y réfléchir sérieusement.

En restant sur la France et la Ligue 1, quel a été votre meilleur souvenir en France ?

Il y a un but qui est forcément marquant, c’est celui en finale de la Coupe de France en 2011. C’est un but important dans l’historique d’un club qui n’avait plus gagné la Coupe de France depuis longtemps (Lille, depuis 1955, ndlr). C’est également un but important pour moi pour rester dans les mémoires. C’est vrai que ce but m’a procuré des sensations tellement intenses que si je ne devais en retenir qu’un, ce serait celui-là. C’est l’aboutissement d’un groupe qui vivait très bien ensemble et a su tirer la quintessence de chacun. Le doublé avec le championnat arrivera d’ailleurs quelques semaines après. Et puis, personnellement c’est mon premier titre donc il a forcément une saveur particulière.

Il faut dire aussi que ce n’est pas un but « normal » : ce coup-franc là je peux le tirer 1000x je ne suis pas sûr de le remettre de la même manière. Ce moment a été touché par la Grâce. Au moment parfait, à la 89e.

Pour l’anecdote, on rate un penalty dans l’action qui a suivi, ce qui nous a valu 3 dernières minutes en asphyxie (rires). Dans ma tête c’est comme si c’était hier, j’ai encore toutes les émotions qui me viennent quand j’en parle.

Ce qui est difficile pour un entraîneur aujourd’hui, c’est d’allier l’aspect physique et l’attrait du jeu : pour garder les joueurs motivés et en haleine, il faut apporter un petit côté ludique.

Après votre aventure française, vous partez en Allemagne. Beaucoup de joueurs français partis en Allemagne nous ont dit que les entraînements y sont beaucoup plus professionnels qu’en France. Est-ce également votre opinion ? Et si oui, qu’est-ce qui y est si différent ?

Ce n’est pas mon ressenti. Je n’ai pas vu une énorme différence entre ce que j’ai pu faire à Lille, à Bordeaux ou à Brême. Pour moi ça ne dépend pas du pays, ça dépend surtout de l’entraineur et de sa vision. Je ne pense pas que chaque pays, que ce soit l’Allemagne ou la France, ait un type d’entraînement spécifique. Peut-être en Italie où il y a une culture de l’entrainement et en Angleterre où c’est plus basé sur le physique.

Pour moi c’est le coach qui apporte une vraie différence au niveau de l’entraînement. Je ne peux pas dire avoir plus bossé à Brême qu’en France. Je peux dire que j’ai fait des pré-saisons en France, avec Fernandez ou Claude Puel où j’en ai bavé. C’est dur, très dur. Je ne suis d’accord avec l’idée selon laquelle les entraînements en France sont faiblards ou laxistes.

Ce qui est difficile pour un entraîneur aujourd’hui, c’est d’allier l’aspect physique et l’attrait du jeu : pour garder les joueurs motivés et en haleine, il faut apporter un petit côté ludique. C’est un peu ce qu’il manque aujourd’hui à mon avis, ce petit côté ludique.

Cette question faisait notamment échos aux déclarations récentes de joueurs venant de l’étranger, que ce soit Lavezzi ou Abou Diaby.

Oui mais on ne peut pas prendre l’exemple de Lavezzi, il joue au Paris Saint Germain. Peut-être que pour un joueur du PSG, le niveau du championnat devient ennuyeux à un moment donné, car ils sont tellement au-dessus qu’on peut comprendre ce ressenti.

Je ne comprends pas qu’on ne compartimente pas plus les côtés spécifiques pour les différents postes.

Mais il y a l’inverse Abou Diaby, qui dit que les entrainements avec Arsenal étaient beaucoup plus rythmés, plus intenses que ce qu’il connaît avec Marseille.

Je pense que c’est une question de coach. Prenons l’exemple Bielsa : c’est une méthode. Peu importe le pays ou le championnat dans lequel il est, il utilisera sa propre méthode.

Après, la beauté du football c’est qu’il n’y a pas de logique implacable : il y a des saisons où on a fait des pré-saisons hyper dures, basées sur le physique et ça ne nous a pas empêchés de descendre en Ligue 2. Et y’a des années où on a été plus axé sur le jeu avec ballon, la possession, un peu plus cool et on a fini par faire le doublé Coupe-Championnat. Ce n’est pas vraiment relié.

Par contre, je ne comprends pas qu’on ne compartimente pas plus les côtés spécifiques pour les différents postes. Du travail spécifique pour les latéraux, les défenseurs centraux, la liaison avec le 6. Débordement, centre, replacement, prendre la ligne, aider sur le plan offensif. Pour les attaquants : pivot, travail devant le but, alignement. Je trouve dommage qu’on soit toujours dans le moule du collectif et que ce ne soit pas davantage compartimenté.

Vous ne craignez pas qu’en compartimentant les entraînements cela amène moins de liant dans l’effectif ?

Non, l’idée est de faire la moitié de l’entrainement en spécifique, la moitié en collectif. Faire un entrainement en deux parties, mixer un peu les deux. Travailler sur son poste, puis rejoindre le collectif et le mettre en application.

C’est en tout cas la vision que j’ai et je n’ai pas eu l’occasion de travailler de cette manière-là dans ma carrière. Mais je me doute que ça doit exister dans certains clubs.

Pour revenir à Brême, ça ne s’est pas trop bien passé pour vous là-bas. Quelles en sont les raisons selon vous ?

Je n’ai toujours pas l’explication aujourd’hui. J’ai du mal à comprendre qu’on fasse venir un joueur acheté 2M€, fin janvier, et qu’on ne lui laisse que 6 matchs et qu’on le mette au placard.

Je ne comprends pas qu’un club comme le Werder Brême, qui a dû me superviser une trentaine de fois, me sorte de l’effectif après 6 matchs seulement, alors que j’avais marqué un but et fait 2 passes décisives, on avait gagné 3 matchs, 2 nuls et une défaite. Honnêtement je n’ai pas compris pourquoi. Après je me suis un peu fermé, il y a eu une rupture de la communication avec l’entraîneur, jusqu’à ce qu’il soit viré.

© Stuart Franklin/Bongarts/Getty Images
© Stuart Franklin/Bongarts/Getty Images

Le nouvel entraîneur qui a pris sa place, m’a dit qu’il comptait sur moi, m’a sorti du trou et m’a réintégré à l’équipe. J’ai joué 20 minutes en Coupe, j’ai joué une heure pour son premier match de championnat, on a gagné à l’extérieur. Mais le weekend d’après je n’étais de nouveau plus dans les 18. Honnêtement je ne comprends pas le management. Et je n’ai pas pour habitude d’aller pleurer ou demander des explications.

L’entraîneur n’est pas obligé, même si c’est souhaitable, de se justifier. Je n’ai jamais cherché à savoir pourquoi. Je voulais être irréprochable dans mon attitude et à l’entrainement. Si aujourd’hui vous allez à Brême et que vous demandez aux supporters (les entrainements sont ouverts au public), tout le monde vous dira que j’ai toujours donné le maximum. Je pense que j’aurai pu jouer dans cette équipe, autant que les autres. J’aurai pu avoir ma chance. Je n’étais ni meilleur ni moins bon que les autres. Je ne comprends pas. Les deux parties ont perdu à la fin.

Mais tant pis pour moi, ça fait partie de la loi du football. Il y a beaucoup de mystère, qui te veut ? Qui ne te veut pas ? Est-ce que c’est le directeur sportif ? Est-ce que le coach est au courant ? Il y a plein de choses qu’on ne sait pas.

J’ai mis du temps à m’en remettre. Même quand je suis revenu de mon prêt en Turquie cet été, on m’a mis avec les jeunes et pas avec le groupe pro. Ça m’a fait perdre un temps énorme puisque j’ai signé au Maccabi (Haïfa, ndlr) à la fin de l’été, j’ai attaqué la saison sans avoir pu faire de présaison. Et quand tu ne fais pas de présaison tu sais que tu vas le payer dans la saison.

Je n’ai pas de regret, ça sert à rien. Je n’ai pas de rancoeur, ce sont des énergies négatives qui ne font pas avancer mais c’est vrai que j’aurai aimé avoir les tenants et les aboutissants. Aujourd’hui c’est de l’histoire ancienne. Il n’empêche que le Werder Breme reste un club extraordinaire avec des fans extraordinaires.

Heureusement pour vous, cet été il y a eu l’opportunité Maccabi, nous y reviendrons, mais il y a également eu l’opportunité Legia Varsovie. Apparemment, vous avez été pas mal annoncé du côté du Legia. Est-ce qu’il y a eu des contacts avancés ?

Non ce n’est pas la vérité.

J’ai été contacté par quelqu’un qui ne faisait vraisemblablement pas partie du Legia Varsovie, sûrement un agent, qui m’a contacté pour tâter le terrain concernant le Legia Varsovie. Mais je n’ai aucune certitude que ce soit une démarche du Legia Varsovie. En tout cas je n’ai pas eu de contact direct avec eux. Il m’a demandé mon intérêt et ce que j’attendais en termes de rémunération salariale. Mais après cette discussion-là, je n’ai plus eu cette personne au téléphone, ni personne du Legia Varsovie. Donc non, ce n’était pas quelque chose de concret.


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Ah oui, effectivement, c’est différent de ce que l’on a pu entendre en France. Mais est-ce que c’est quelque chose qui pourrait vous tenter dans le futur ?

Ben écoutez, je suis allé jouer à Rizet (Turquie), au Maccabi (Israël) donc aller jouer au Legia Varsovie ça ne me fait pas peur ! Je n’ai plus peur de rien ! (rires).

Ce n’est pas parce que j’ai des origines polonaises que je dois absolument aller signer au Legia Varsovie

Est-ce un objectif, par rapport à vos racines polonaises ?

C’est comme pour Metz, ça va dépendre de l’offre et des opportunités. Au début du mercato y’a toujours 50 discussions avec untel ou un autre, mais au final on reçoit seulement 1 ou 2 offres concrètes grand maximum. Beaucoup de blabla pour pas grand chose. L’avenir dépend toujours de l’offre.

Mais si demain le Legia Varsovie me contacte, j’y réfléchirai et je prendrais le temps de la réflexion, savoir si c’est bon pour ma famille, bon pour moi, si ça rentre dans mes plans de fin de carrière. Ce n’est pas parce que j’ai des origines polonaises que je dois absolument aller signer au Legia Varsovie, ce n’est pas comme ça que fonctionne ma carrière. Je ne fonctionne pas qu’aux émotions, il faut savoir ce qui est bon pour moi et pour les miens, car aujourd’hui j’ai une femme et deux enfants. Ils ont beaucoup sacrifié pour moi, leur bien-être rentre en ligne de compte.

Dans la suite de l’interview, nous évoquerons le foot en Israël, en Turquie, la sélection polonaise et les projets pour l’après carrière.

Tous propos recueillis par Bastien Michel


Image à la une : © JANEK SKARZYNSKI/AFP/GettyImages

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