Temps de lecture 16 minutesOn a discuté avec Ludovic Obraniak, milieu de terrain du Maccabi Haifa – Partie 2

Nous avons eu la chance d’interviewer le Franco-Polonais Ludovic Obraniak, ancien champion de France avec Lille et international polonais, aujourd’hui en Israël. Retour sur 1h30 d’interview passionnante. Au cours de cette seconde partie, nous évoquerons sa carrière polonaise, son aventure turque, Israël et enfin son après-carrière.


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Cette interview a été réalisée en coopération entre le site TLM S’en Foot etFootballski.


Comment se passe le football en Israël ? Est-ce qu’il y a une pression populaire ? Est-ce que le climat politique est pesant, se ressent ou au contraire tout se passe bien ?

Au niveau politique, en aucun cas je me sens oppressé par rapport à ce qu’on peut lire/voir/entendre en France. On entend beaucoup parler du conflit israélo-palestinien mais ici, on n’en parle pas des masses. Les gens ne s’étendent pas trop sur le sujet. Moi je vis à Tel-Aviv, c’est une ville hyper libérée, on ne sent pas l’oppression, les gens y vivent à 200%. Je ne sens en aucun cas cette pression politique, ni dans le football, ni dans la vie.

Après niveau football, je dirais que c’est un bon championnat, avec un bon niveau technique. Peut-être que tactiquement et dans l’intensité, il y a un peu de retard par rapport à l’Europe, surtout au delà des 3-4 premiers. Maccabi Tel-Aviv, Beer Sheva, nous (Maccabi Haifa, ndlr) et le Beitar Jerusalem, ça peut jouer l’Europe.

C’est beaucoup axé sur le un contre un, le dribble. C’est moins axé sur le collectif. Les gens sont dingues de foot ici.

L’Europa League ?

C’est pas ridicule dans le championnat de France ou la Bundesliga. Je ne dis pas que ça jouerait les premiers rôles, mais ça peut se débrouiller. Je trouve vraiment qu’il y a un très bon niveau technique. Il y a de très très bons joueurs. Je trouve parfois qu’ils sont un peu trop individualistes et pas assez collectifs cependant. C’est beaucoup axé sur le un contre un, le dribble. C’est moins axé sur le collectif. Les gens sont dingues de foot ici.

Les stades sont pleins ?

Les stades ne sont pas toujours pleins, mais il y a de belles affluences. Nous à Haifa, on ne fait pas une très belle saison, en tout cas en deçà de la stature du club mais on tourne quand même à 25-30 000 supporters à domicile à chaque fois.Il y a de très belles installations et de très beaux stades. Il y en a des tout neufs, de qualité. C’est un championnat de bon niveau, qui se développe bien. Ils ont les moyens d’attirer les joueurs au niveau salarial et les conditions sont bonnes pour jouer au foot. Pour moi, c’est une très belle découverte.

Après, je ne suis pas parti dans l’inconnu total, on avait déjà joué le Maccabi Tel Aviv avec Bordeaux, et le Maccabi Haifa est quand même un nom qu’on voit souvent en Europa League ou en Ligue des Champions. Je savais quand même un peu où je mettais les pieds.

Justement, est-ce que vous vous étiez renseignés auprès de Luis Fernandez, d’Apoula Edel ou d’autres avant de signer ?

Bien sûr. Pour moi, ceux dont on parle le plus ici c’est Jerome Leroy qui était beaucoup apprécié au Beitar Jerusalem et Luis Fernandez dont je parle beaucoup avec Yossi Benayoun qu’il a entraîné avec la sélection. A chaque fois que j’en parle avec Yossi, il me parle de Luis avec respect. Il avait un petit côté fou dont ils n’ont pas beaucoup l’habitude ici, et il a laissé une très belle image. Vincent Enyeama aussi, que j’ai connu à Lille, a laissé une très belle image au Maccabi Tel-Aviv. Je trouve que c’est vraiment un championnat qui mérite que l’on se penche dessus. Il y a des joueurs de très grande qualité, notamment offensifs.

A ce propos, est-ce qu’il y a certains joueurs à suivre pour des clubs de Ligue 1 ?

Il y a le petit Melikson, qui a joué à Valenciennes quelques temps. C’est un très bon joueur, qui joue à Beer Sheva. Il y a bien sûr Eran Zahavi du Maccabi Tel Aviv, qui a encore mis pas loin de 30 buts en championnat cette année et qui est la grande star du championnat.

Et évidemment Yossi Benayoun qui est pour moi l’un des meilleurs joueurs d’Israël. J’ai la chance de le côtoyer tous les jours. Même à 36 ans (il les aura en mai, ndlr) je peux vous dire que ça régale encore techniquement ! Il est d’une aisance et d’une finesse technique sans comparaison.

Effectivement, on ne joue pas à Liverpool par hasard.

Et il n’a pas fait que Liverpool. Arsenal, West Ham, QPR, Chelsea. C’est un grand joueur et un gentleman, une personne sur qui on peut s’appuyer. C’est vraiment une très belle rencontre.

J’aurais pu rester dans mon confort à Lille ou à Bordeaux, par exemple, mais j’avais envie de découvrir l’étranger.

N’est-ce pas justement pour des rencontres comme ça que le métier de footballeur est aussi beau ?

Si clairement. C’est ce qui m’a poussé à découvrir l’international, et aller voir des choses. J’aurais pu rester dans mon confort à Lille ou à Bordeaux, par exemple, mais j’avais envie de découvrir l’étranger. Au plus profond de moi, j’avais besoin d’aller voir ailleurs. Et pourtant, Dieu sait que j’étais bien à Lille et Dieu sait que j’étais bien à Bordeaux. Ca m’aurait embêté de finir ma carrière en ne connaissant que la France.

Après, ça n’engage que moi, mais j’aurai trouvé ça dommage de faire ce métier là et de ne pas pouvoir découvrir autre chose. En l’occurrence j’ai été servi ! (rires)

Pour en revenir à Maor Melikson, il possède la double nationalité israélo-polonaise, vous avez eu l’occasion de discuter avec lui ?

On ne se côtoie pas trop non plus. Lui est à Be’er Sheva, moi à Tel-Aviv. On ne se connait pas et on n’a jamais vraiment eu l’occasion de discuter. Je sais que la Pologne a essayé de le sélectionner afin qu’il puisse jouer pour la sélection polonaise, mais je ne pense pas qu’Israël aurait apprécié qu’il ne joue pas pour la sélection. Ça se serait surement mal passé pour lui.

Oui, j’imagine. Après, il a été sélectionné dès 2010 avec Israël, ça s’est fait relativement tôt.

C’est un joueur très talentueux. Instinctif comme il n’y en a plus beaucoup. Même s’il n’a pas crevé l’écran à Valenciennes, on avait déjà pu apercevoir un certain potentiel et là, je dois dire qu’il le met à contribution à Be’er Sheva, qui est la grosse équipe du moment en Israël avec le Maccabi Tel-Aviv. Il est très agréable à regarder jouer.

Donc vous n’avez pas vraiment pu faire connaissance.

Non, non. On n’a pas vraiment eu l’occasion de discuter. Mais je sais qu’il a beaucoup aimé jouer au Legia (Wisla, ndlr), qu’il a passé du bon temps en Pologne. Ça, je le sais, mais sinon non on n’a pas eu l’occasion de faire connaissance.

© ODD ANDERSEN/AFP/Getty Images
© ODD ANDERSEN/AFP/Getty Images

Pour en revenir à la Pologne, on avait pu constater quelques tensions avec Waldemar Formalik, alors sélectionneur national, tandis qu’avec Adam Nawałka la porte s’est rouverte pour vous avec la sélection polonaise. Est-ce que l’on peut revenir sur ces problèmes ?

Oui, c’est juste une question d’homme. Parfois, entre les hommes, le courant ne passe pas. Ce sont des choses qui peuvent arriver. Dès sa prise de fonction, il m’a fait comprendre que je n’étais pas vraiment le bienvenu …

De par la double nationalité ?

Non, je ne sais pas. Footballistiquement, mon style de jeu ne semblait pas lui convenir et il n’était pas très enthousiaste à mon sujet. D’ailleurs, ça s’est vite confirmé avec le temps. Mais bon, il arrive parfois que le courant ne passe pas avec quelqu’un. C’est des choses qui peuvent arriver. Alors qu’avec l’arrivée de Nawałka, c’est l’inverse.

J’ai vécu des supers moments, mais en termes de communication et de gestion humaine, ce n’était pas toujours simple.

C’est-à-dire ?

C’est-à-dire qu’en Pologne, je suis quand même le binational. Bien sûr, j’ai été accepté par les gens, par le public, par les Polonais, mais dès qu’il y avait un problème, on se tournait rapidement vers moi. Il y a des problèmes de communication sachant que je ne parlais pas la langue. Il y avait des incompréhensions, ce n’était pas simple. J’ai vécu des super moments, mais en termes de communication et de gestion humaine, ce n’était pas toujours simple.

C’est vrai que de ne pas parler la langue n’aide pas.

J’ai essayé de faire un maximum d’effort. À chaque fois que j’y allais, je me mettais dans le polonais à fond. J’apprenais, je prenais des cours avec un prof, mais le problème c’est que dès que tu reviens en France, c’est compliqué. Quand tu ne vis pas dans le pays, tu as tendance à laisser filer les choses. C’est vrai que je n’ai pas été assidu, mais c’était tellement difficile de l’être en même temps. C’est une langue qui est loin d’être facile à apprendre quand tu n’as aucune notion.

Avec Nawałka il s’est passé un truc, il est venu, il a essayé de me persuader. Parce que moi, après Formalik, je me suis dit « bon, la sélection … ». Je lui souhaitais le meilleur, mais je sentais qu’à chaque fois que je venais, la presse s’en donnait à cœur joie, y avait toujours des polémiques, des choses et moi, je commençais à être fatigué de tout ça. Vraiment fatigué. Et je voyais que ça fatiguait aussi les gens autour de moi.

Alors bon, pour le bien de tout le monde, je me suis dit qu’il valait mieux que je reste chez moi. Et puis là, le coach Nawałka a fait la démarche de venir à Bordeaux, de me parler de son projet, de sa vision du football, et puis j’ai accroché tout de suite avec l’homme. Old school, rigoureux, passionné, il a mis tellement de passion dans son discours qu’il n’a même pas eu besoin de me convaincre, je lui ai dit oui de suite.

Puis, après, il a fait ce qu’il a pu pour essayer de me réintégrer, de me laisser ma chance. Il a essayé de me redonner ma chance en sélection alors que je ne jouais plus à Brême. Malheureusement, c’était il y a deux ans dans un amical face à l’Allemagne, qui n’est jamais vraiment un amical face à cette sélection pour nous les Polonais avec les précédents historiques. J’étais à court de forme et il avait eu l’amitié, disons, de vouloir me donner quelque chose, de vouloir me donner du temps de jeu. Enfin, de me faire passer un message, « ok, tu n’as pas joué, mais on est là pour toi ». Mais au final ça s’est mal passé et ça lui est retombé dessus.

Enfin, c’est-à-dire que moi j’étais à court de forme, je suis passé à travers ce match et derrière ça lui est retombé dessus en disant qu’il prenait des joueurs qui ne jouaient pas en club, qui n’étaient pas en forme. En plus c’était moi, donc ça a pris des proportions plus importantes qu’un autre. Puis il a dû se passer de moi étant donné que ma situation n’évoluait pas à Brême, et après il a tenté un coup en prenant plus de jeunes joueurs polonais. Donc voilà, il a réussi son pari. Il a mis Robert Lewandowski comme leader de cette équipe, ce qui est une bonne idée. Et apparemment tout le monde adhère à son discours et tout le monde suit quand on voit le parcours dans les qualifications pour l’Euro.

Personnellement, n’ayant pas participé à ces qualifications, je me vois mal revendiquer quoi que ce soit à deux mois de l’Euro. Nawałka a toute mon amitié et quand je suis revenu, j’ai déclaré que je ne me permettrai plus de déclarer une nouvelle fois de façon un peu volage que « la sélection, c’est terminé pour moi ». Là, en l’occurrence, elle l’a été, car je ne jouais plus. Aujourd’hui, il y une nouvelle génération qui fonctionne bien, qui va aller à l’Euro où ils vont surement faire de grandes choses dans cette compétition.

Mais en tout cas, il sait que pendant son mandat, quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise, s’il a besoin de moi à n’importe quel niveau, je répondrai présent. Il m’a redonné la foi. Il m’a fait prendre conscience de ce que c’était de jouer pour la sélection nationale. Parfois, tu as tendance à oublier et la discussion qu’on a pu avoir tous les deux à Bordeaux a été salvatrice pour moi. Rien que par rapport à ça, il a touché quelque chose de sensible chez moi. J’ai beaucoup de respect, d’admiration et d’amitié pour lui donc si un jour il a besoin de moi, il n’a qu’à téléphoner et je répondrai présent. L’équipe nationale, ça me manque aussi. C’est quelque chose qu’il est difficile d’oublier et de raccrocher. Mais je ne me fais pas d’illusion non plus, je ne vais pas faire l’opportuniste de service alors qu’aujourd’hui, il y a un groupe déjà établi, mais s’il faut quelqu’un pour compléter, je serai toujours là.

© Martin Rose/Bongarts/Getty Images
© Martin Rose/Bongarts/Getty Images

On sent toute votre admiration pour Nawałka en tout cas

C’est un super coach. J’aime beaucoup sa manière de voir le football. J’aime les hommes droits, et lui l’est.

Sachant la tension qu’il y a autour de moi à chaque fois, je comprends aussi qu’ils ne veulent pas rajouter des problèmes avant l’Euro.

D’ailleurs, vous avez toujours des contacts avec des personnes de la sélection ?

Non non. Après ma longue période de disette à Brême, ça fait un moment que je n’ai pas eu de nouvelles. J’espérais en avoir quand j’étais en Turquie où j’ai eu des bons résultats, mais non. On sent que le train est passé. Alors certes, j’étais en forme quand j’étais en Turquie, mais on sent qu’il y a une nouvelle génération aujourd’hui. Sachant la tension qu’il y a autour de moi à chaque fois, je comprends aussi qu’ils ne veulent pas rajouter des problèmes avant l’Euro.

Mais par contre si je ne suis pas sur les terrains à l’Euro, j’ai l’espoir de pouvoir les commenter ! Je pense qu’il n’y a pas mieux que moi pour connaitre ce groupe-là.

Si BeIn nous lit !

Je suis tombé amoureux des gens là-bas, ça a été une expérience incroyable. Incroyable.

On va laisser la Pologne pour passer à la Turquie, est-ce que tu en gardes un bon souvenir ?

C’est une histoire commune. Je n’ai pas passé beaucoup de temps là-bas, mais c’était tellement intense pendant quatre ou cinq mois. Je suis arrivé, l’équipe était quasi relégable. On a bataillé pendant quatre mois pour se sortir de la zone rouge et on s’est sauvé à deux ou trois journées de la fin. Ça a été une expérience incroyable, avec un coach incroyable. Un personnage vraiment à part. Comme on a pu le voir à Marseille avec Bielsa, quelqu’un qui a une aura, un charisme, qui croit en ses idées, qui est d’une rigueur à toute épreuve. Je suis tombé aussi avec des joueurs français, quelques Africains qui parlaient français.

La ville n’était pas simple pour y vivre en famille, j’y ai vécu seul d’ailleurs. Elle était loin de tout, moins de 100 000 habitants qui ne parlaient pas du tout anglais. Pas simple au premier abord, mais je suis tombé amoureux des gens là-bas, ça a été une expérience incroyable. Incroyable.

Des personnes se sont permis de dire que j’avais eu une attaque cardiaque pendant un match sans rien vérifier alors que ce n’était qu’une grosse bronchite mal soignée.

Le seul bémol je dirais, c’est cette histoire qui m’a mis des bâtons dans les roues pendant l’été. Des personnes se sont permis de dire que j’avais eu une attaque cardiaque pendant un match sans rien vérifier alors que ce n’était qu’une grosse bronchite mal soignée. Les rumeurs sont parties à une vitesse … On m’a vu à l’hôpital, car je n’étais vraiment pas bien, en sorte d’hypo, comme un malaise vagal. La première réaction qu’a eue le staff, c’était de me faire passer une prise de sang, c’est normal.

Mais quand on m’a vu à l’hôpital, tu ne peux pas empêcher les gens de lancer des choses sur les réseaux sociaux. Mais le problème, c’est que ce sont des choses graves quoi … Moi je n’avais pas mon téléphone sur moi à l’hôpital, des journalistes se sont permis de dire que j’avais eu une attaque cardiaque alors que je n’avais même pas eu l’occasion de prévenir ma famille. Je ne sais pas si vous pouvez vous imaginer l’état de ma famille, de ma femme et de mes enfants quand ils ont vu ça … Je trouve qu’il y a d’autres moyens de faire du journalisme que de récupérer et balancer des informations comme ça sans les vérifier. Sachant que ça m’a fait du tort par la suite, il y a eu une suspicion. Derrière, moi, je revenais à Brême et cette histoire m’a beaucoup desservie pour le mercato. Beaucoup de clubs ont posé des questions par rapport à ça.

Mais c’est le seul point noir que je peux mettre sur mon expérience en Turquie. Car sinon, quelle expérience super. J’ai rencontré des gens incroyables, j’ai joué avec des joueurs superbes. On avait une équipe incroyable. J’avais un peu la tête dans le seau quand je suis parti à Rize. Ils ont fait le pari de me prendre pour essayer de se sauver. Moi je suis à Brême alors que je n’ai pas joué depuis 10 mois, il y a un double pari. Eux, c’est de prendre un joueur qui n’a plus joué depuis des mois, moi, c’est de me relancer dans un club qui n’est pas forcément une tête d’affiche en Turquie, qui n’est pas le club le plus connu, sans aucune assurance de quoi que ce soit et en me disant « mon gars, t’as quatre mois pour rattraper le temps perdu. » Et ça a été super. J’ai trouvé cette expérience enrichissante, que ça soit du point de vue humain ou sportif. Ça a été court, mais très intense. Le championnat turc est un championnat très intéressant.

C’est effectivement ce qu’il en ressort quand on parle du football turc

Ouais, c’est ultra intéressant. Notamment la ferveur populaire qui est incroyable. Incroyable ! Avec des équipes de haut niveau, au-delà des Fenerbahce ou Galatasaray. Des Istanbul BB, Bursaspor, ce genre d’équipe, c’est des équipes de haut niveau. Le championnat turc est loin d’être simple, à part les Fener, Galatasaray ou Besiktas, le reste du championnat est très homogène. Tout le monde peut battre tout le monde, ce qui permet de mettre du piquant dans ce championnat. Ça a été un bol d’air frais pour moi ce championnat-là. Je me suis amusé, j’ai pris du plaisir, humainement et sportivement, c’était super.

Qu’est-ce qui a fait que l’aventure ne s’est pas prolongée ?

C’était un deal qu’on avait fait ensemble, pour eux c’était un pari de quatre mois afin de se sauver.

Car en l’occurrence, le pari s’est révélé gagnant.

Oui, oui. Le pari s’est révélé gagnant, mais derrière, on n’avait pas envisagé ça sur la durée. Pour moi la réflexion tournait autour de la famille. Je ne pouvais pas y vivre avec ma famille, mes enfants, dont c’était compliqué. Puis il y avait aussi les négociations avec Brême, voilà. Ça ne coule pas toujours de source, ce n’est pas parce que tu as réussi un prêt de quatre mois que tu vas signer derrière, puis eux avaient envie de construire avec les jeunes. Il avait fait un pari financier de quelques mois sur moi, comme pour Kyle Lafferty, mais je ne pense pas que c’était sur du long terme pour eux. C’était plus un one shot, le temps d’une mission maintien.

Courte, mais super expérience, donc.

Génial, j’y ai passé un super moment. Vraiment. Rize est un très beau club, respecté au pays et qui mérite d’avoir un peu plus de reconnaissance en Europe. De très belles installations, un très bon coach, un projet. Une vraie structure pro pour pouvoir évoluer dans les meilleures conditions. En tout cas, ils m’ont mis dans les meilleures conditions pour retrouver mon niveau.

Je me suis régalé tous les week-ends dans ce championnat. Que ça soit au niveau de l’ambiance, du football, des stades.

On va donc regarder ça plus dans le détail.

Ouais, vraiment, je le conseille ! Je me suis régalé tous les week-ends dans ce championnat. Que ça soit au niveau de l’ambiance, du football, des stades. Tout le monde va avoir des stades tout neufs. Si le championnat avait encore du retard il y a quelques années, ils sont en train de le combler très rapidement. Allez dans le nouveau stade de Galatasaray, de Fenerbahce ou encore à Bursaspor … Ils ont fait un nouveau stade incroyable. Tout le tour du stade fait un crocodile, c’est incroyable. J’ai aussi beaucoup aimé les Turcs. À Rize, ils se sont occupés de moi, ils m’ont choyé, mis à l’aise.

Je pense qu’il faut s’ouvrir sur le football mondial. Gignac, il doit surtout prendre un kiff monumental.

L’un de mes rêves étant de voir un Galatasaray – Fenerbahce, je comprends ce que vous voulez dire.

Ah ouais là, c’est un niveau spécial. C’est du très haut niveau, ce n’est même plus supporter. C’est de la haine, de la passion, c’est dingue. Après River – Boca aussi ça doit être dingue, ou même le Mexique. On en parle beaucoup avec Gignac, j’ai regardé des matchs des Tigres, ça joue quand même! Et il doit y avoir des ambiances dingues, j’ai un faible pour tous les championnats d’Amérique du Sud.

Ce qui est bien, c’est que les gens commencent à regarder ailleurs grâce à des joueurs comme Gignac. Je trouve ça bien. Des gens diront que c’est l’aspect financier, mais je pense qu’il faut s’ouvrir sur le football mondial. Gignac, il doit surtout prendre un kiff monumental. Les États-Unis aussi, ça devient très intéressant. À un degré moindre que la Turquie ou autre, Israël en fait aussi partie.

© NICOLAS TUCAT/AFP/Getty Images
© NICOLAS TUCAT/AFP/Getty Images

Vous avez déjà une idée de votre après carrière ? Entraîneur, dans un rôle à la Silvestre à Rennes, autre chose ?

Alors je dois vous dire, ça change beaucoup dans ma tête. Ma vision a évolué d’année en année. À une époque, je n’avais aucune envie de devenir entraîneur, ce genre de chose. Aujourd’hui, je commence à y penser sérieusement. Mais j’aimerai être formé très rapidement avant ou après la fin de ma carrière. Connaitre toutes les composantes du football. Passer tous les diplômes pour être entraîneur, savoir un peu ce qui se passe de l’autre côté de la scène.

Nous, les joueurs, on a été sur le devant de la scène, mais derrière il y a des gens qui sont tout aussi importants que les gens sur le terrain. J’aimerais connaitre le maximum de choses de ce qu’il se passe derrière le rideau. J’ai aussi une vraie envie d’avoir un pied dans les médias, que ça soit de la radio, de la télévision. L’analyse de match, le débat, ça me passionne. Je vois que le monde du football commence à se muter, on voit beaucoup d’anciens joueurs ou des coachs aujourd’hui dans les médias. Je trouve ça bien, qui est mieux placé que des personnes ayant baigné dans le milieu pour en parler ? La génération 98 a montré l’exemple, la mienne, dix ans après, a moyen d’emboîter le pas. Les personnes en place aujourd’hui ont de la qualité …

Je vais juste émettre un petit bémol. De mon point de vue en tant que consommateur de football, par exemple un Jean-Pierre Papin, je ne pense pas qu’il apporte beaucoup au journalisme sportif …

Ouais, mais il n’est pas de la génération 98. Je pense qu’il fait ça plutôt par défaut qu’autre chose, il a envie d’entraîner. Il a été ballon d’or quand même, peut être qu’il est plus doué pour être au contact des joueurs. Même si je trouve qu’il est plutôt pertinent.

Après un joueur comme Habib Beye, on voit qu’il apporte de la qualité.

Oui, voilà. Je trouve que ce n’est pas dérangeant, que ça apporte une qualité dans l’analyse. J’ai une vraie envie d’emboîter le pas, c’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup. Notamment la radio, ça me plait plutôt bien. Après, pour en revenir à la question de l’après-carrière, je suis aussi dans l’art. Il y aura peut-être des débouchés. À voir.

J’ai une vraie passion pour l’art en général, que ça soit peinture, dessin, sculpture. Ça me passionne vraiment, ça peut paraître surprenant, mais c’est une vraie passion.

Vous êtres dans la peinture ? La musique ?

Non non. Je suis plus doué de mes pieds que de mes mains. Je suis dans l’art contemporain, j’achète et je vends. J’ai une vraie passion pour l’art en général, que ça soit peinture, dessin, sculpture. Ça me passionne vraiment, ça peut paraître surprenant, mais c’est une vraie passion. Et donc, il y a quelques années, j’en ai fait un business avec un ami rencontré à Lille. Alors évidemment ce n’est pas quelque chose d’énorme pour le moment, mais pourquoi pas dans le futur pousser un peu l’aventure. On verra bien en fonction des opportunités. Après, je suis partisan de ce que l’on sait faire de mieux. Ma qualité première c’est le football, donc si je dois gagner ma vie dans le futur, je pense que ça sera là-dedans. On ne s’improvise pas comme ça restaurateur. Ou alors il faut connaitre quelqu’un dont c’est le métier pour en faire un partenariat. Donc moi, ce que je sais faire le mieux, c’est le football. Je pense qu’après mon expérience de joueur, je pense pouvoir être crédible pour en parler. Après je n’ai pas envie de me fermer des portes, le fait d’avoir plusieurs choses en ligne de mire, ça me motive, ça me laisse en éveil.

Tous propos recueillis par Bastien Michel / Retranscription écrite par Pierre Vuillemot

Remerciements à Ludovic Obraniak pour sa disponibilité


Image à la une : © MEHDI FEDOUACH/AFP/Getty Images

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