À moins d’un an de la Coupe du Monde, nous avons décidé de nous replonger dans l’histoire du football soviétique des différentes (quatorze, hors Russie) Républiques socialistes soviétiques d’Union Soviétique avec quatorze semaines spéciales, toutes reprenant le même format. Nous attaquons la dernière ligne droite avec les pays d’Asie Centrale et le Tadjikistan. Dernier épisode de cette semaine spéciale avec un retour sur l’évolution du football tadjik depuis l’indépendance du pays.
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Reconstruire un championnat sans l’URSS
On l’a vu cette semaine le Pamir Douchanbé a débarqué un peu tard dans l’élite soviétique pour vraiment profiter de ses années au plus haut niveau. Résultat, 3 saisons (1989, 1990, 1991) bouclées aux 13e, 10e et 10e place pour le seul club tadjik ayant joué au plus haut niveau soviétique. Lors de la dernière saison, les joueurs d’Asie Centrale profiteront d’ailleurs du délitement de l’URSS pour atteindre les demi-finales de la coupe, les clubs ukrainiens que le Pamir devait affronter en 8e puis en quart de finale s’étant retirés de la compétition. Cette même saison 1991, ils profitent également de la réception du Spartak Moscou, alors ultra-dominateur pour infliger un 5-1 mémorable aux joueurs de la capitale.
Mais tel un fêtard qui voudrait continuer à danser jusqu’au bout de la nuit et sortir de sa transe par les lumières de la boite de nuit qui se rallument alors subitement, les Tadjiks doivent finalement se résoudre à former un championnat indépendant dans leur nouveau pays, loin des matchs de gala à Moscou ou Saint-Pétersbourg. Comme dans la plupart des anciennes républiques d’URSS, l’ancien club phare des années soviétiques, à savoir ici le Pamir Douchanbé, remporte le premier championnat en 1992, devançant le Regar Tusunzoda et le Vakhsh Qurgonteppa, deux clubs qui évoluaient jusqu’ici dans les divisions inférieures soviétiques.
Pour la société tadjike, l’année 1992 marque également le début de 5 années de guerre civile qui mettent aux prises le nouveau gouvernement et plusieurs milices, sur fond de tensions ethniques avec les populations arméniennes, réfugiées au Tadjikistan suite au conflit qui se déroule alors entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. D’ailleurs, deux clubs, le Khosilot Farkhor et le Ravshan Khulob, se retirent de cette première édition du championnat pour des raisons politiques.
Le temps des étoiles filantes
Les années suivantes voient la montée en puissance de clubs qui s’éteindront quelques années plus tard. Le Sitora Douchanbé remporte ainsi le championnat en 1993 et 1994 avant d’être dissout 3 ans plus tard. Au tournant des années 2000? c’est le Varzob Douchanbé, créé en 1996, qui remporte 3 championnats d’affilée en 1998, 1999 et 2000 sous les ordres du grand Sharif Nazarov, avant de disparaître des radars en 2004. Alors que ces étoiles filantes animent le championnat tadjik, le glorieux Pamir Douchanbé est lui au bord de la faillite en 1997, avant d’être repris en main par l’armée, qui lui donne son nom actuel, CSKA Pamir Douchanbé, à ne pas confondre avec le CSKA Douchanbé, qui existe lui aussi et est également détenu par l’État. Ils n’ont plus remporté aucun titre depuis.
Pour illustrer la faiblesse du championnat tadjik des années 1990, un coup d’œil aux résultats de ces clubs dans les compétitions internationales est éloquent. En tant qu’ancienne république soviétique, le Tadjikistan engageait ainsi son champion dans la coupe de la CEI (Communauté des États indépendants), une compétition disputée entre les équipes des anciennes républiques d’URSS. Il faudra attendre 3 ans avant qu’un club tadjik remporte le moindre point dans cette compétition…C’est finalement le Pamir Douchanbé qui remporte la première victoire en 1996, en ayant tout de même subi une défaite-fleuve de 9-0 face au Dinamo Tbilissi cette même année. Le Tadjikistan détient d’ailleurs le record de la plus large défaite d’un club dans cette compétition lorsque le Vakhsh Qurgonteppa se fait démolir 19-0 (!) par le Spartak Moscou en 1998.
Regar Tursunzoda et Istiqlol, de nouveaux leaders pour le championnat tadjik
Les années 2000 au Tadjikistan coïncident avec la domination outrancière du Regar Tursunzoda, 7 fois champion, et 6 fois deuxième entre 2000 et 2012. Une domination qui s’explique par l’origine du club, originellement appelé Metalurg à sa fondation en 1976. Chapeautée par l’entreprise tadjike TALCO (Tadjik Aluminium Company), une des plus grandes compagnies du pays, le club bénéficiait donc de financements conséquents jusqu’en 2013, année où TALCO connut de sévères problèmes financiers qui ont presque conduit le club à la banqueroute. C’est d’ailleurs le club de Tursunzoda qui redonne un peu d’éclat au football tadjik en remportant 3 éditions de l’AFC President’s Cup (2005, 2008, 2009), sorte de Ligue Europa (ou plutôt Intertoto) du continent asiatique.
Par la suite, les aluminiers passent le flambeau à Istiqlol, club fondé en 2007 à Douchanbé, dont le nom est inspiré du club iranien d’Esteghlal. Champion en 2010, 2011, ils laissent le Ravshan Kulob s’adjuger le titre en 2012 et 2013 avant de reprendre leur bien pour les quatre années suivantes, sans compter 6 coupes du Tadjikistan remportées. Vainqueurs de l’AFC President’s Cup en 2012, ils ont d’ailleurs passé un cap depuis quelques années en atteignant la finale de l’AFC Cup en 2015 et 2017.
Une équipe nationale sans couronne
Etant donné le niveau du championnat local, les performances de l’équipe nationale, surnommée « la couronne », restent relativement anonymes. Après un premier match en tant que pays indépendant face à l’Ouzbékistan le 17 juin 1992, la sélection tadjike est admise au sein de la FIFA, en 1994 seulement, et dispute ses premiers éliminatoires pour une Coupe du Monde pour l’édition 1998. Malgré 4 victoires, les Tadjiks butent sur la Chine et n’accèdent donc pas au groupe qualificatif. Malgré des performances loin d’être honteuses en comparaison de ses voisins comme le Kyrgyzstan, le Turkménistan ou encore l’Ouzbékistan, les joueurs de la couronne n’ont jamais réussi à se qualifier pour une Coupe d’Asie de l’AFC, ce qui aurait marqué un vrai progrès. Comme seul fait d’armes, les Tadjiks remportent en 2006 l’AFC Challenge Cup, en battant notamment le Bangladesh, le Kyrgyzstan, pour finir par corriger, 4-0, le Sri Lanka. Une victoire acquise bien entendu avec le grand entraîneur Sharif Nazarov aux commandes.
Au final, on peut surtout regretter la faible propension des joueurs tadjiks à s’exporter à l’étranger. La grande majorité de l’effectif actuel est constitué de joueurs formés, élevés et ayant effectué toute leur carrière au Tadjikistan. Si certains ont vécu quelques expériences à l’étranger, elles se résument le plus souvent à quelques saisons dans des clubs mineurs d’Ouzbékistan ou du Kazakhstan. Citons tout de même Iskandar Dzhalilov, défenseur central formé au CSKA Moscou et au Rubin Kazan, actuellement au Baltika Kaliningard après un passage au Volga Nizhni Novgorod. Un petit espoir cependant, le Tadjikistan connait actuellement une de ses meilleures performances au classement FIFA en étant classé 118e, après une 106e place en 2013.
Antoine Gautier
Image à la une : STR / AFP