Temps de lecture 10 minutesLe football dans les RSS : #55 l’Ouzbékistan – Depuis l’indépendance

À moins d’un an de la Coupe du Monde, nous avons décidé de nous replonger dans l’histoire du football soviétique des différentes (quatorze, hors Russie) Républiques socialistes soviétiques d’Union Soviétique avec quatorze semaines spéciales, toutes reprenant le même format. Nous attaquons la dernière ligne droite avec les pays d’Asie Centrale et l’Ouzbékistan, dernier épisode de cette semaine spéciale avec un retour sur le football ouzbek depuis l’indépendance du pays.


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De 1992 à 1998 : les premières années après l’indépendance

L’Ouzbékistan a obtenu son indépendance lors de la dissolution de l’Union soviétique en 1991. Très rapidement, la Fédération ouzbèke de football, qui existait déjà sous l’ère soviétique, s’organise et crée une équipe nationale d’Ouzbékistan pour la nouvelle nation en 1992. Les premiers matchs sont joués entre anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale. L’Ouzbékistan a ainsi participé à l’unique édition de la Coupe d’Asie centrale de 1992. Il y a disputé ses premiers matchs contre le Tadjikistan (2-2), le Turkménistan (2-1), le Kazakhstan (0-1) et le Kirghizstan (3-0), terminant deuxième derrière le Kazakhstan (qui rejoindra finalement l’UEFA après quelques années passées dans l’AFC) au classement final. Azamat Abduraïmov, fils de, termine meilleur buteur de la compétition avec six buts marqués.

Les rencontres restent toutefois rares. Par ailleurs, l’équipe nationale n’a pas joué le moindre match sur l’ensemble de l’année 1993. C’est en 1994 que l’Ouzbékistan est intégré à la FIFA et à l’AFC. La deuxième compétition internationale à laquelle les Italiens d’Asie (comme on les surnomme parfois) est un tournoi organisé à domicile dans la ville de Tachkent : la Coupe de l’Indépendance de l’Ouzbékistan. Battant le Turkménistan (4-0), le Kazakhstan (1-0) et le Kirghizstan (3-0) juste après un match nul contre le Tadjikistan (1-1), l’Ouzbékistan remporte le tournoi avec sept points. Shukhrat Maksudov et Abdukakhkhor Marufaliev inscrivent chacun un doublé durant cette compétition.

Les Loups blancs remportent une autre compétition la même année. Il s’agit de la compétition de football des Jeux d’Asie de 1994 organisés en octobre, à Hiroshima au Japon. L’équipe débute tambour battant la compétition en battant l’Arabie saoudite (4-1) avec des buts de Lebedev, Qosimov, Shkvyrin (x2). Ils poursuivent sur leur lancée face à la Malaisie (5-0, buts d’Abduraimov, Qosimov, Shkvyrin et Maksudov) et Hong Kong (1-0, but d’Abduraimov). Une victoire spectaculaire au dernier match de poule face à la Thaïlande permet aux Ouzbeks de terminer leaders du groupe avec un sans-faute. En phase à élimination directe, l’Ouzbékistan défait successivement le Turkménistan (3-0, doublé de Shkvyrin et penalty d’Abduraimov), la Corée du Sud (1-0, but d’Abduraimov) et la Chine (4-2, but de Skhvyrin, Lebedev, Adburaimov sur penalty et Maksudov) et s’empare du titre pour ses débuts.

L’Ouzbékistan participe à sa première compétition en 1996 à la Coupe d’Asie grâce à un scénario incroyable. En effet, en raison du forfait de Bahreïn, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan sont dans une poule de qualification à seulement deux équipes. En d’autres termes, cela revient à disputer des barrages. Le match aller est joué le 8 mai 1996 à Dunshanbe au Tadjikistan et voit Oq bo’rilar s’incliner très lourdement sur le score de 4-0. Mais au match retour, à Tachkent, joué le 19 juin 1996, seulement huit minutes suffisent pour rattraper la moitié du retard, puis le score ayant été rééquilibré dans le temps réglementaire, un but en or de Zafarjon Musabayev qualifie l’équipe des Loups blancs face aux Lions perses (surnom des Tadjiks).

En phase finale, l’Ouzbékistan est tiré au sort dans le groupe du tenant du titre japonais ainsi que de la Syrie et de la Chine. Il fête de la meilleure des manières son premier match dans une grande compétition internationale en battant la Chine avec des buts de Shkvyrin et de Shatskikh (2-0). Il figure à ce moment-là en tête de la poule devant le Japon, vainqueur très difficile de la Syrie. Cependant, le match suivant vire à la correction pour les Loups blancs avec une défaite sèche 4-0 face au Japon. C’est à cause de ce match combiné à la bonne résistance des concurrents face aux Japonais que l’Ouzbékistan est éliminé. En effet, malgré la défaite contre la Syrie (1-2, but de Lebedev sur penalty), la différence de but générale élimine la sélection d’Asie centrale face à ses deux concurrents, tous à trois points.

Les premiers éliminatoires de Coupe du Monde auxquels l’Ouzbékistan participe sont ceux de France 1998. Un premier tour remporté très facilement face à l’Indonésie, le Yémen et le Cambodge (seize points sur dix-huit possibles) est suivi d’un second tour assez inégal. Les Loups blancs perdent 50 % des rencontres dans le groupe de la Corée du Sud (1-5 ; 1-2), du Japon (1-1; 3-6), des Émirats arabes unis (2-3 ; 0-0) et du Kazakhstan (4-0 ; 1-1), remportent une victoire et terminent avant-derniers.

De 1998 à 2010 : une décennie entre progression et stagnation

Les années 2000 sont marquées par le franchissement de certains paliers par l’équipe d’Asie centrale, mais celle-ci reste plutôt discrète hors de la scène continentale. Même à l’échelle du continent asiatique, certaines compétitions ne sont pas de vraies réussites.

Si l’Ouzbékistan réussit à se qualifier sans encombre pour l’édition 2000 de l’autre CAN en faisant le sans-faute même avec les Émirats arabes unis (qui plus est organisateurs) dans le groupe, il rate sa compétition, décrochant juste un point contre le Qatar (1-1) avant d’essuyer deux revers cinglants contre le Japon (1-8) et l’Arabie saoudite (0-5).

La sélection ouzbèke rebondit lors des éliminatoires de la Coupe du Monde 2002 organisée en Corée du Sud et au Japon qui ne disputent donc pas les éliminatoires. Profitant de l’absence de deux des plus grands ténors de la zone Asie, l’Ouzbékistan ne passe qu’à un seul point de s’offrir un barrage. Après avoir disposé du Turkménistan, de la Jordanie et de Taïwan au premier tour, le pays remporte trois de ses quatre matchs à domicile face à la Chine (1-0), Oman (5-0) et le Qatar (2-1), mais paye ses résultats calamiteux à l’extérieur. Ce sont les Émirats arabes unis qui se payent le luxe d’y participer… et de les perdre.

L’Ouzbékistan doit attendre 2004 pour s’illustrer réellement. Emmené par un Marjalol Qosimov en fin de carrière, un très jeune Server Djeparov en ascension et un Aleksandr Geynrikh (qui n’a pris sa retraite internationale que tout récemment en 2017) en pleine ébullition et sacré champion de Russie avec le CSKA Moscou, le pays obtient facilement sa qualification pour la compétition dans le groupe de la Thaïlande, du Tadjikistan et de Hong Kong et passe pour la première fois la phase de poules. En Chine, il réalise le carton plein avec trois victoires binaires face à l’Irak (1-0, but de Qosimov), l’Arabie saoudite (1-0, but de Geynrikh) et le Turkménistan (1-0, but de Qosimov). Il est malheureusement éjecté de la compétition en quarts par Bahreïn. Malgré les buts de Geynrikh et de Shishelov ainsi que les penaltys réussis de Fyodorov, Djeparov et Geynrikh, la sélection d’Asie centrale voit les échecs de Bikmoev et Koshelev faire perdre la partie aux tirs au but.

Les éliminatoires du Mondial 2006 sont les premiers à voir l’Ouzbékistan participer aux barrages. Après un premier tour facilement remporté en éliminant l’Irak, la sélection termine derrière l’Arabie saoudite et la Corée du Sud, gagnant le droit de tout de même jouer les barrages face au troisième de l’autre groupe. Celui-ci n’est autre que le tombeur des Ouzbeks à la dernière Coupe d’Asie, le Bahreïn. De façon assez cruelle, l’Ouzbékistan est éliminé aux buts à l’extérieur (1-1 ; 0-0).

Les éliminatoires de la Coupe d’Asie sont, eux, compliqués pour l’équipe d’Asie centrale qui n’est que la dernière équipe du continent à décrocher sa qualification. Devancée par le Qatar, elle doit défaire une équipe déjà qualifiée pour s’assurer la qualification malgré la victoire de Hong Kong sur le Bangladesh. La phase finale voit un déroulement plus heureux. Battu de justesse par l’Iran (1-2, but en CSC), l’Ouzbékistan rebondit en écrasant la Malaisie (5-0, doublé de Shatskikh et buts de Kapadze, Bakayev et Ibrahimov) et une Chine (3-0, buts de Shatskikh, Kapadze et Geynrikh). L’équipe est éliminée en quarts de finale par l’Arabie saoudite (1-2, but de Solomin).

L’Ouzbékistan ne profite pas de ce parcours pour réellement se redynamiser et les tours préliminaires du Mondial sud-africain sont assez médiocres. Deux victoires faciles contre Taïwan et une double-rencontre inhomogène contre l’Arabie saoudite (3-0 ; 0-4) permettent aux Loups blancs d’accéder au tour final dont ils sont désormais considérés comme des habitués. Cependant, l’Ouzbékistan termine dernier de sa poule (Australie, Japon, Bahreïn et Qatar) malgré un match nul obtenu en terre japonaise et une large victoire face au Qatar.

De 2010 à 2018 : génération dorée, Coupes d’Asie gérées, Coupes du Monde frôlées

Les années fastes de la sélection ouzbèke commencent en même temps que se jouent les éliminatoires du Mondial 2010. De début 2009 à début 2010, l’Ouzbékistan dispute les éliminatoires de la Coupe d’Asie 2011. Tirés contre les Émirats arabes unis, la Malaisie et l’Inde, les Ouzbeks savaient avant le début des matchs qu’ils n’affronteraient pas le troisième cité. En effet, l’Inde ayant remporté l’AFC Challenge Cup 2008, se qualifie pour la compétition et laisse sa place vacante dans le groupe. L’Ouzbékistan réalise le presque sans-faute (une seule défaite) à défaut d’avoir été brillant. L’équipe qui se présente en 2011 est constituée d’un mélange d’expérimentés de référence comme Shatskikh ou Kapadze et de jeunes arrivés à maturité comme le gardien Ignatiy Nesterov, le meneur Odil Akhmedov ou le capitaine Server Djeparov. En phase finale, l’équipe commence brillamment avec un but spectaculaire d’Odil Akhmedov en ouverture de la compétition face au pays hôte (2-0).

L’Ouzbékistan enchaîne avec une victoire contre le Koweït (2-1, buts de Shatskikh et Djeparov) et un nul contre la Chine (2-2, buts d’Akhmedov et Geynrikh), suffisant pour les faire terminer premiers du groupe. En quarts de finale, l’Ouzbékistan sort la Jordanie avec un doublé de Bakayev (2-1) et accède à la première demi-finale de Coupe d’Asie de son histoire. Malheureusement, les joueurs sont balayés en demi-finales par l’Australie (0-6) avant de perdre aussi la petite finale face à une Corée du Sud sans Park Ji-sung (2-3, doublé de Geynrikh).

Fort de ce parcours historique, la confirmation est attendue pour les éliminatoires de la Coupe du Monde 2014 et l’Ouzbékistan passe tout près de l’atteindre avec une fin particulièrement cruelle. Au premier round, il crée la sensation en surclassant le Japon, s’imposant notamment à Tokyo, ainsi que la Corée du Nord. Au tour décisif, les Loups blancs sont versés dans le groupe de la Corée du Sud et de l’Iran. Ils débutent mal l’affaire en s’inclinant à domicile contre l’Iran en toute fin de match (0-1) avant de partager les points contre le Liban (1-1) et la Corée du Sud (2-2). Après une victoire au Qatar (1-0, but de Tursunov), l’Ouzbékistan provoque un exploit retentissant en allant battre l’Iran de Carlos Queiroz à Téhéran grâce à un but de Bakayev (1-0). Par la suite, une nouvelle victoire incrémente le compteur face au Liban (1-0, but de Djeparov). L’Ouzbékistan étant en tête de la poule devant la Corée du Sud. Il ne restait alors deux matchs : un premier très délicat en Corée, puis un autre à domicile contre le Qatar. Hélas, l’Ouzbékistan perd la rencontre en Corée du Sud à cause d’un CSC de Shorakhmedov tandis que l’Iran bat le Liban. En conséquence, le pays dégringole en troisième place, qualificative uniquement pour les barrages.

À la dernière journée, l’Ouzbékistan doit battre le Qatar et espérer que la Corée du Sud ne perde pas à domicile contre l’Iran pour être sûr de devancer ce dernier. Si tel est le cas, il lui faut rattraper son retard à la différence de buts afin de devancer les Coréens. Non sans frayeur, l’Ouzbékistan bat largement le Qatar (5-1), mais la tragédie arrive dans l’autre rencontre. Sur une erreur de son arrière-gauche, la Corée du Sud encaisse un but digne des pires sketchs ce qui permet à l’Iran de s’imposer et de se qualifier à la place de l’Ouzbékistan. Les coéquipiers de Server Djeparov auraient aussi pu se qualifier en devançant les Sud-Coréens, mais il leur manquait pour cela un retard de deux buts d’écart supplémentaire à combler. Difficile également de ne pas avoir de regret pour ce but fatal encaissé à la toute dernière minute du premier match contre l’Iran.

L’Ouzbékistan passe par les barrages et est opposé à la Jordanie, mais celle-ci pose le bus et maintient un score de parité par deux fois (1-1 ; 1-1). C’est à l’issue d’une interminable séance de tirs au but que l’Ouzbékistan voit la route du Brésil et de la Coupe du Monde se refermer après l’avoir frôlée (tab 9-8). Une fin de parcours très cruelle qui rappelle que le football peut basculer pour très peu et que les fautes stupides peuvent ne pas pardonner.

Les Ouzbeks ont néanmoins obtenu leur qualification pour la Coupe d’Asie 2015 en Australie malgré un parcours compliqué face aux Émirats arabes unis (futur demi-finaliste). Têtes de série, ils doivent jouer la Chine, l’Arabie saoudite et la Corée du Nord. Difficiles vainqueurs des Moustiques rouges nord-coréens (1-0), les Loups blancs sont battus au deuxième match par la Chine, une première en Coupe d’Asie (1-2). Un « huitième de finale » remporté face à l’Arabie saoudite les qualifie en seconde place du groupe (3-1). En quarts de finale, ils rencontrent la Corée du Sud contre qui, malgré une bonne prestation de l’équipe et du gardien Nesterov, ils finissent par céder en prolongations (0-2). Une compétition correcte malgré un faux-départ qui révéle des joueurs comme Sardor Rashidov ou Igor Sergeev.

Le tirage des éliminatoires de la Coupe du Monde 2018, organisée chez le proche russe et qui constituerait une formidable opportunité pour une première participation, a lieu quelques instants plus tard. Pour le second tour préliminaire, les Ouzbeks écopent d’un des tirages les plus relevés et doivent en découdre avec la Corée du Nord, Bahreïn, les Philippines. Ils décrochent leur qualification après une défaite à Pyongyang suivie d’un sans-faute. Au troisième tour, l’Ouzbékistan retrouve l’Iran et la Corée du Sud. Malgré un début parfait avec deux victoires, les Ouzbeks commettent un nombre astronomique de faux-pas à l’extérieur (défaites contre l’Iran, la Corée du Sud, la Syrie et la Chine). Seuls les déboires de la Corée du Sud maintiennent l’Ouzbékistan en course. La toute dernière rencontre face à la Corée du Sud peut qualifier l’Ouzbékistan en cas de victoire, mais les Loups blancs ne décrochent qu’un match nul vierge et n’ont au final même pas vu les barrages à cause d’un but de dernière minute marqué par la Syrie contre l’Iran. Un parcours où l’Ouzbékistan n’a pas saisi une qualification chez le voisin qui semblait offerte vu les problèmes internes des principaux concurrents.

La Coupe du Monde au Qatar devrait constituer la dernière occasion pour l’Ouzbékistan de vivre un Mondial à 32 équipes. L’élargissement à 48 nations devrait au passage favoriser les Ouzbeks. Ce n’est probablement qu’une question de temps avant que la sélection d’Asie centrale ne participe à la compétition reine. De plus, on peut noter que l’équipe espoir a remporté la Coupe d’Asie des moins de 23 ans 2018 en remportant des victoires sensationnelles contre le Japon (4-0) et la Corée du Sud (4-1 ap), montrant qu’il y a de la relève.

Philippe Ray

 

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