Le Dinamo Zagreb, en pleine crise politique et institutionnelle, s’en serait bien passé. Pourtant, le club doit composer avec les départs chaotiques de leurs 2 grands talents du centre de formation : Alen Halilovic et Robert Muric.
L’affaire Muric
Robert Muric est un attaquant de 17 ans particulièrement doué en dribbles et très efficace devant le but. Formé au Dinamo Zagreb, il impressionne tous les observateurs lors des matchs de jeunes, que ce soit en sélection ou au Dinamo. Son contrat expirant en juin, le jeune joueur sera très courtisé cet été. Cependant, Zdravko Mamic, président très controversé du Dinamo Zagreb, ne l’entend pas de cette oreille.
C’est dans une conférence de presse surréaliste que l’homme à tout faire du Dinamo Zagreb est venu vider son sac, accusant tour à tour l’UEFA, l’entourage du jeune homme et les grands clubs européens. Preuve à l’appui, Mamic est venu montrer la validité du contrat de 7 ans signé en 2012 par le joueur et ses parents avec le Dinamo. Problème : quelques mois auparavant, le père Muric (“un investisseur” selon Mamic) est venu contester la validité du contrat par voie légale. Comme Robert avait signé étant mineur, la plainte a aboutie, laissant le joueur libre à la fin de son contrat jeune. Ceci a eu pour effet de faire sortir Mamic de ses gonds lors de la conférence de presse “Je vous demande de m’aider à ne pas être au service des gestionnaires et des parents cupides. […] J’ai demandé plusieurs entretiens au père de Robert qui n’est jamais venu. Pourtant je suis prêt prendre le risque d’offrir 7.000€ par mois au joueur alors qu’il n’a même pas joué un match en équipe première ! […] Il est impensable que Robert Muric parte cet été”. Joignant les paroles aux actes, Zdravko Mamic s’est entouré d’une armée d’avocats pour faire reconnaître la validité du contrat signé par toutes les parties et prenant fin en 2019.
En restant contre son gré, on peut toutefois penser que la progression de Robert Muric serait stoppée. D’autant plus qu’une enquête a été ouverte contre Zdravko Mamic pour menaces de mort envers Branko Muric (le père) et 2 de ses conseillers.
Le départ mouvementé d’Halilovic
Alen Halilovic, fraîchement acheté par le FC Barcelone, n’était pas loin de connaître le même imbroglio. Le talent brut, considéré comme le meilleur joueur formé au Dinamo depuis Luka Modric, a débuté en équipe première à seulement 16 ans. Il est devenu le 2ème joueur le plus jeune de l’histoire de la Ligue des Champions en octobre 2012 (derrière Celestine Babayaro d’Anderlecht en 1994) et a connu sa première cape internationale avec la Croatie en juin 2013 lors d’un match amical contre le Portugal. Comme tous les talents précoces de cet âge, le jeune Halilovic est courtisé par tous les grands clubs européens depuis qu’il a 14 ans. Le club a ainsi dû lutter contre diverses tentatives souhaitant attirer le joueur loin de Zagreb. Une anecdote relatée par Zdravko Mamic illustre bien cela : alors que la famille se dirigeait vers Madrid, ayant accepté les conditions de l’Atlético, le patron Mamic a « personnellement arrêté le camion de la famille à la frontière croate pour les convaincre de rester. » Ou encore lorsque l’été dernier dernier, le Dinamo avait accepté une offre de 15 millions d’euros de Tottenham. Seulement, le père (un ex international bosnien), Sead Halilovic, n’ayant pas envie de s’installer à Londres, le contrat n’avait pas pu se conclure. Donc, exit aussi l’offre d’Arsenal qui avait tenté de persuader Sead en lui offrant un poste au sein de la formation.
Ces 2 dernières années, les relations se sont tendues entre le Dinamo et le père d’Alen. En effet, Sead fustigeait la direction du Dinamo qui, selon lui, poussait son fils trop dur et trop tôt en raison de leur empressement à faire de ce dernier un projet qui rapporterait de nombreux millions. Dans le même temps, Alen ne pouvait briller en équipe première, barré du 11 de départ par des « joueurs étrangers médiocres » comme il affirmait dans le quotidien national Jutarnji List. Alors que la famille réfléchissait à un moyen de contester la validité du contrat, le FC Barcelone, club préféré d’Alen, est arrivé à la charge. Même Zdravko Mamic a dû s’incliner devant cette offre, comme il l’atteste lui-même : « Barcelone est arrivé pour Halilovic et nous ne pouvons pas empêcher quoi que ce soit ». C’est ainsi qu’Andoni Zubizarreta a trouvé un accord avec la famille Halilovic quelques heures après les exploits du prodige contre Rijeka (2-2, doublé d’Halilovic). Ensuite, il ne restait plus qu’à discuter des modalités avec le Dinamo.
Peu de personnes en dehors des frères Mamic et de Sead Halilovic savent exactement comment cette situation très tendue a été résolue. Mais l’hypothèse retenue par les journalistes croates est qu’Alen ne voulait pas quitter le Dinamo sans une compensation financière adéquate, puis la famille a décidé de quand et où. Le cas similaire de Robert Muric avait déjà envoyé un avertissement à la direction et un dénouement dramatique pour le club croate a été évité lui permettant d’empocher 5,2 millions d’euros, somme qui pourrait doubler avec les bonus.
A qui la faute ?
- L’UEFA ? Zdravko Mamic pense qu’il devrait y avoir des règlements pour mettre fin à l’exode des jeunes. Comme il le résume : « A 16 ans, les joueurs peuvent signer un contrat et partir le lendemain pour une bouchée de pain. Par la suite, 80 % de ces jeunes périront.». En mettant en lumière l’échec des jeunes qui veulent aller trop vite, il suggère à l’UEFA de mettre en place des règlements pour protéger les pauvres face aux riches. Cependant, derrière ces déclarations compatissantes, on peut légitimement se demander si Mamic n’est pas d’une cynique mauvaise foi. On peut se rappeler qu’il y a quelques mois, il se réjouissait d’avoir vendu Tin Jedvaj pour 5 millions d’euros à la Roma à un âge plus jeune que Muric et Halilovic. Kovacic,lui, n’avait que quelques mois de plus qu’Halilovic lorsqu’il s’en est allé pour près de 10 millions d’euros à l’Inter Milan. Cette fois-ci, la différence se chiffre en millions d’euros par rapport aux anciens joueurs et Zdravko Mamic en est bien conscient.
- Nous pouvons déplorer une stratification sociale de + en + importante dans le football européen avec des supers riches et des pauvres de plus en plus impuissants. Le fait est que la ligue croate ne peut pas se permettre de garder ses talents pour ne serait-ce qu’1 an ou 2 de plus qu’actuellement et gagner in fine plus d’argent – comme au Portugal ou aux Pays-Bas –. Bien entendu, Zdravko Mamic a aussi son opinion sur le sujet : “Les pauvres travaillent pour les riches dans une logique de non-retour. Nous vendrons bientôt nos meilleurs joueurs à des équipes de Série C”. Ne nous faisons pas d’illusions, le temps où les joueurs partaient à 23 ans (Modric) ou 24 ans (Eduardo) est révolu. Cette période débutée après l’arrêt Bosman a été brêve et les géants européens cherchent désormais des adolescents qui seront les génies de demain pour les ravir aux concurrents et les payer moins cher.Pour les clubs croates qui ont de faibles revenus, la vente des meilleurs joueurs, pour qui du temps, de l’argent et de l’expertise ont été dépensés, représente une bouffée d’air frais. Les ventes d’Ante Rebic (RNK Split, 4.5M), Matej Delac (Inter Zapresic, 3M), Stipe Perica (Zadar, 2.5M) et Frane Milnar (Slaven Belupo, 0.5M) ont permis à leurs clubs de réaliser des transferts records, égalant ou dépassant leur budget annuel ! Et tant pis si aucun d’entre eux ne joue régulièrement dans son nouveau club en raison d’une concurrence trop forte.
- Malgré un budget quasiment aussi important que les 9 autres clubs réunis, le Dinamo gagne rarement avec de grosses marges et réalise ordinairement un football mièvre en championnat quand il n’enchaîne pas avec les humiliations en coupe d’Europe. Avec l’instabilité politique et les nombreux changements de coach (3 rien que cette saison), il n’est pas simple pour des jeunes comme Halilovic ou Muric de développer leur potentiel.Dans le domaine extra sportif, est-ce un problème du Dinamo ou des joueurs (et de leur entourage) ? En leur faisant comprendre qu’ils ne sont que des marchandises, le club envoie dans tous les cas un message négatif. La réalité est que Mamic et sa bande ne cherchent à calculer que le moment propice au gain maximal sans scrupules concernant le développement de leurs jeunes joueurs.
Le grand Dinamo Zagreb est décidément loin d’être sorti d’affaire.
Damien Goulagovitch
Photo à la une : © jutarnji.hr
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