Est-il encore nécessaire de présenter Gheorghe Hagi? Reconnu par beaucoup dans et en dehors du pays comme le meilleur joueur roumain de l’histoire, quatorze ans après l’arrêt de son activité de joueur, Hagi reste dans les mémoires et continue de faire parler de lui. Revenons sur la carrière hors du commun d’un joueur ayant marqué durablement le football roumain et international.

Un début de carrière déterminant à Constanta

C’est le 5 février 1965 que naît Gheorghe Hagi dans le village de Săcele, à 35km de Constanța, troisième enfant d’une famille constituée jusqu’à lors de deux filles, Sultana et Elena. Hagi fait parti de la communauté dite « aroumaine », des populations venues de Grèce ayant immigré en Roumanie afin de vivre du commerce. Si petit à petit l’acculturation des aroumains s’est faite au point de ne plus les distinguer au sein de la population roumaine, un fort lien de communauté unit encore ses membres, dont fait aussi parti Gigi Becali, ce qui ne sera pas sans incidence sur leurs carrières respectives. Issu d’une famille modeste, Hagi se destine très jeune au football, et commence déjà à montrer un intérêt pour ce sport en jouant au football avec des vessies de porc dans son village de Săcele, ne recevant une balle en caoutchouc qu’à l’âge de ses six ans.

Atteignant les dix ans, Iosif Bukossi recrute le jeune Hagi au Farul Constanţa (« Le phare de Constanţa« ), équipe évoluant à l’époque en Divizia A, équivalent de l’actuelle Liga I. C’est donc dans un club de premier plan que Hagi va pouvoir faire ses armes en jouant pour la première fois véritablement au football. Jusqu’à ses dix-sept ans, Hagi va participer à de nombreuses compétitions de jeunes, et après une année au Luceafărul Bucureşti, il retourne à Constanţa pour y débuter ses premiers matchs en équipe première. Pendant cette première année, Hagi offre des prestations très satisfaisantes en marquant sept buts sur dix-huit confrontations disputées. Ses prestations sont telles qu’il intègre en cette première année de football professionnel l’équipe nationale, pour qui il inscrira la bagatelle de 35 buts en 125 sélections, le plaçant meilleur buteur roumain de l’histoire, rattrapé depuis quelques années par Adrian Mutu. On peut d’ailleurs s’interroger si la réticence des sélectionneurs à appeler Mutu en équipe de Roumanie ne puise pas certaines raisons dans cette possibilité de voir le joueur aux multiples frasques rattraper la légende roumaine du football…

Une carrière de joueur hors du commun

Hagi, sous les couleurs du Şteaua București.

Hagi ne joue qu’une seule saison dans son club local, avant d’être recruté par l’un des clubs de la capitale, le Sportul Studenţesc Bucureşti, auprès duquel il jouera jusqu’en 1987. Dès lors, Hagi entame ses années de carrière les plus prolifiques, durant lesquelles il inscrira 65 buts en 107 matchs. Hagi se hisse d’ores et déjà au palmarès des meilleurs joueurs roumains et attire l’attention du club le plus titré de Roumanie, le Steaua Bucureşti. Ainsi, il participe à la finale de Ligue des champions perdue du Steaua en 1989 face à l’AC Milan, étant élu second meilleur joueur du tournoi, derrière Marco Van Basten. Cette période consacre Hagi au niveau international comme l’un des meilleurs joueurs de son époque. Cette notoriété obtenue avec le Steaua en Ligue des Champions lui permettra d’aller proposer ses services au club le plus titré du monde au niveau européen, le Real Madrid.

Toutefois, les performances de Hagi au Real sont en demi-teintes, et malgré soixante-trois matchs en deux ans, l’attaquant ne trouve le chemin des filets que vingt fois. Cela n’enlève rien à la performance d’avoir pu être titulaire au Real Madrid, une fierté pour un joueur issu d’un championnat aussi modeste que le championnat roumain. Après un bref passage en Italie et en Catalogne, Hagi termine sa carrière dans le club où il est aujourd’hui encore le plus adulé, Galatasaray. Resté six ans en Turquie, il y dispute 132 matchs pour 59 buts. Véritable légende du club, les supporters de Galatasaray gardent un souvenir ému du « Maradona des Carpates », qui a mené leur équipe jusqu’en finale de la Coupe UEFA en 2000.

Des performances contrastées en équipe nationale

C’est en 1985, sous la direction du sélectionneur et légende roumaine du football Mircea Lucescu que Hagi découvre le capitanat de l’équipe nationale roumaine à seulement vingt ans face à l’Irlande du Nord dans un match capital pour la qualification pour la Coupe du Monde 1986 au Mexique. Toutefois, les performances de Hagi en équipe nationale ont tendance à s’essouffler par la suite, et son capitanat est repris par le gardien Silviu Lung, bien plus légitime de par son expérience. Mais en 1990, Lung prend sa retraite et Hagi redevient logiquement capitaine de cette équipe de Roumanie. Hagi est capitaine de l’équipe nationale roumaine sur deux Coupes du Monde (1994 en France, et 1998 aux États-Unis) ainsi que deux Euros (1996 en Angleterre et en 2000 en Belgique-Pays-Bas). Le dernier match de Hagi sous le maillot des Tricolorii est disputé en 2001 et près de 80 000 fans roumains se rendent au stade pour lui rendre hommage.

Ce but face à la Colombie lors de la Coupe du Monde 1994 reste dans toutes les mémoires :

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Le « Roi du football roumain » tire sa révérence, mais ne quitte pas pour autant la vie footballistique du pays. Une longue carrière d’entraîneur, encore en cours, suit la carrière de joueur de Gheorghe Hagi.

Une carrière d’entraineur mouvementée

Les premiers pas de Hagi en tant qu’entraîneur interviennent sous les couleurs de l’équipe nationale en 2001, où il officie cinq mois avec des résultats très mitigés. Par la suite, après un passage rapide en Turquie, à Bursaspor, Hagi retourne à son club de coeur, Galatasaray qu’il entraîne une année en 2004 avant de démissionner. Sous sa direction, le club s’offre la Coupe de Turquie, premier (et pour l’instant seul) trophée du Roumain en tant qu’entraîneur. En 2005, il passe un an entraîneur du Politehnica Timişoara, fraîchement revenu en première division. Cette décision d’entraîner le Poli est d’ailleurs très mal perçue du coté du Farul Constanţa, qui avait nommé son stade Gheorghe Hagi et le débaptise à l’annonce de sa prise de fonctions à Timişoara.

C’est en 2007 que Hagi prend les rênes du Steaua. Son passage sera bref, et surtout une façon de remercier Hagi pour Gigi Becali, propriétaire du Steaua. En effet, Hagi a prêté de l’argent à Becali lorsque celui-ci s’est lancé dans les affaires, et les deux hommes sont très liés par leurs origines aroumaines. Ainsi, lorsque Hagi tient des propos très critiques envers Mirel Rădoi, véritable légende du Steaua, tous les supporters s’en offusquent et veulent le voir démis de ses fonctions. Becali choisit pourtant de le maintenir. Toutefois, l’élimination en Ligue des Champions par le Sparta Prague et des résultats médiocres en Liga I pousseront Hagi à la démission.

Après trois années d’absence, Hagi revient à Galatasaray en signant un contrat d’un an et demi avec son ancien club en tant que joueur. Il y signera des prestations correctes, mais ne renouvellera pas son contrat.

Le Viitorul Constanta, « Hagi Football Club »?

Le dernier pari de Hagi a été de fonder son propre club. Tombé en disgrâce dans son premier club du Farul Constanţa, Hagi créé en 2009 un autre club dans la ville, le Viitorul Constanţa (littéralement « L’Avenir de Constanţa« ). De part l’influence de Hagi dans le football roumain, le club commence directement en troisième division. Après deux saisons en Liga II, le Viitorul, promu en 2012, offre des performances en demi-teinte en Liga I, allant jusqu’à se sauver à la dernière journée en gagnant face au Dinamo pour sa première saison au plus haut niveau roumain.

Hagi Viitorul Constanta
Hagi, entraîneur du Viitorul Constanța.

Ayant quitté la ville de Constanţa voilà quelques années après une nouvelle brouille de son président avec les autorités locales, le club, renommé FC Viitorul, s’illustre bien plus par son académie que par son équipe première. L’Academia de Fotbal Gheorghe Hagi forme chaque année de jeunes joueurs qui d’intègrent aujourd’hui les meilleurs clubs roumains, à l’image de Şerban. De plus, Ianis Hagi est très médiatisé en ce moment avec son transfert vers la Fiorentina à seulement seize ans. Néanmoins, ce club du Viitorul ne semble vivre que sur la notoriété de l’ancien joueur, et servir sa médiatisation et son égo. Cette montée rapide en Liga I du club du Viitorul seulement 6 ans après sa création n’a pas manqué de soulever quelques interrogations.

Néanmoins, l’académie fait son travail comme le prouve ce but du jeune Teo Tala qui a fait le tour du monde :

[youtube uw5h77IOT-U]

Joueur de génie reconnu dans le monde entier (le jeu vidéo FIFA l’intègre d’ailleurs dans son « XI de légende« ), Gheorghe Hagi a œuvré pour le football international mais surtout roumain, et continue au sein du FC Viitorul à former ce qui doit constituer l’avenir du football roumain. Si sa carrière ne fut pas sans encombres, il est impossible de nier l’importance qu’a eu ce personnage dans le paysage footballistique de son époque, notamment auprès du public stambouliote. Aujourd’hui, Hagi ne semble pas près de laisser le FC Viitorul de côté, surtout avec les rumeurs de l’arrivée possible à sa tête de son grand ami Gigi Becali…

Hadrian Stoian

4 Comments

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