En route pour la Russie #7 : les Belges au pays des Soviets

Notre dispositif spécial Coupe du Monde se met en place et cette nouvelle série d’articles va vous accompagner de manière hebdomadaire jusqu’à l’ouverture de la compétition. Chaque semaine, nous faisons le lien entre un pays qualifié pour la compétition et le pays organisateur. Ce jeudi, nous évoquons la Belgique, dont certains joueurs sont déjà venus tâter le terrain en intégrant le championnat russe, parmi lesquels Axel Witsel bien sûr, qui devrait figurer dans les 23 Diables pour cette Coupe du Monde.


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Au lendemain de l’élimination du Standard par le Zenit Saint Petersbourg en 2008, Ariel Jacob, coach de l’ennemi juré anderlechtois se gaussait de la déroute des Liégeois en qualifiant l’équipe russe, alors peu connue, de « FC Peppermint ». Le FC Pepermint remportait la coupe UEFA cette année-là… Cette anecdote illustre la méconnaissance d’un championnat victime des stéréotypes liés à la Russie et guère attrayant vu de Belgique. Deux ans plus tard, à la veille de rencontrer le même Zenit et de se faire balayer (2 x 3-1), le même Ariel Jacob se montrait moins fanfaron indiquant que le Zenit avait une équipe du niveau de la Ligue des Champions et qu’on l’avait mal compris à l’époque. Néanmoins, si sportivement le championnat est moins vu comme quantité négligeable, il peine à séduire par manque de médiatisation et les gros salaires sont toujours  l’argument principal d’un trajet à l’Est, ce qui est loin de toujours faire le bonheur.

Du pionnier Roussel à la légende Lombaerts

Le premier à faire le grand pas vers la Russie est Cédric Roussel. Trainant une  image de mercenaire dont la carrière est gâchée par des choix avant tout guidés par l’argent, son rocambolesque transfert au Rubin Kazan en est la parfaite illustration. Auteur de deux belles saisons avec le RAEC Mons, puis le Racing Genk, qui lui permettent d’obtenir deux sélections avec la Belgique, le prolifique attaquant reçoit une proposition du Rubin Kazan (qui possède déjà le Gambien Ebrima Ebou Sillah passé par le FC Bruges) via le duo de managers Neko Petrovic et Daniel Striani. Il se rend en Russie pour tâter le terrain et en revient peu convaincu déclarant à la DH, le 29 juillet 2014 :

« «Avant de partir en Russie, j’avais des a priori sur les conditions de vie dans ce pays. Mais comme je ne voulais pas me baser seulement là-dessus, j’ai accepté de me rendre à Kazan. J’ai visité la ville, les installations du club et quelques appartements. Je peux vous dire que je ne vais pas signer dans ce club et cela même si les conditions financières sont assez intéressantes. Kazan est une ville industrielle qui n’est pas très propre. Le niveau de vie n’est vraiment pas extraordinaire. Ce n’est pas comme chez nous. Je vois mal ma copine m’accompagner en Russie. Elle serait vraiment seule, isolée de tout, dans une ville pas très accueillante. Je ne pense pas qu’on puisse trouver notre bonheur ici. J’ai aussi visité quelques appartements. C’était quand même désastreux. Par respect pour les dirigeants de Kazan, je suis venu voir ce qu’ils me proposaient, mais mon choix est fait: je ne signe pas en Russie.»

C’est donc à la surprise générale qu’il signe deux jours plus tard au Rubin Kazan… déclarant, toujours à la DH, « C’est vrai qu’au départ je n’étais pas tenté par l’aventure, explique honnêtement l’intéressé, puis, j’ai discuté avec Aloisio, l’ancien joueur du PSG qui évolue au club. Celui-ci m’a dit le bien qu’il pensait du FC Rubin Kazan et m’a fait découvrir les beaux quartiers de la ville. Le club m’a alors proposé un appartement plus moderne et a fait un nouvel effort financier. J’en ai discuté avec ma copine et nous avons finalement choisi de tenter l’aventure. Sportivement c’est un beau challenge et c’est mieux que le noyau B de Genk. Si je parviens à me montrer, des grands clubs de Moscou pourraient s’intéresser à moi.»

Sur ces bonnes bases, l’aventure tourne évidemment à la catastrophe complète. Le joueur ne s’intègre pas du tout à la vie en Russie, le club connait de son côté une saison sportive compliquée et Roussel est prêté au Standard à peine quatre mois après son arrivée en  Russie. Il reviendra plus tard sur cette aventure indiquant que ses coéquipiers le moquaient… car il mettait du gel ; que les Russes n’étaient pas sympathiques, fermés et parlaient de sujets très différents de ceux auxquels il était habitué, comme l’armée ou le communisme, combiné à un froid polaire et des stades vides

Très différente est l’aventure du défenseur international Nicolas Lombaerts. Formé au FC Bruges, il se révèle à La Gantoise et, après un Euro 2007 Espoirs où la Belgique atteint les demi-finales, il signe au Zenit. Ses débuts sont difficiles, car minés par les blessures, mais il revient dans le coup et obtient un statut d’indispensable. Il est même nommé « meilleur joueur étranger » du Championnat de Russie de football 2011-2012. Il passera au total dix années à Saint-Pétersbourg (286 matchs, 11 buts), menant en parallèle une belle carrière en équipe nationale (39 sélections, 3 buts).

Son intégration est totalement réussie, au point de le voir se mêler aux ultras du club lors de matchs où il est absent des terrains. Il ne cache pas son amour de la Russie et imprudemment tient des propos polémiques sur Bruxelles à Match TV, un média russe cité par Proximus 11. Cette polémique fera cependant peu de bruit en Belgique.

« Ma femme se sent plus en sécurité à Saint-Pétersbourg que là-bas. Si elle veut se promener seule à Molenbeek ou à Anderlecht, elle risque fortement de se faire harceler ou violer, ce n’est pas normal. Les gens arrivent dans un pays étranger et vivent d’allocations du chômage. On leur paie des milliers d’euros. D’après moi, c’est plus que ce que touchent en moyenne les travailleurs en Russie. Moi, ça m’inquiète. Pour prendre une décision dans l’UE, il faut l’accord des 28 pays. Mais voyez ce qui se passe dans le monde: Poutine, Trump, Erdogan et les Chinois prennent des décisions sur le Moyen-Orient et la Syrie. L’Europe ne décide rien, mais c’est elle qui prend sur elle la vague d’immigrés ». 

Vieillissant et perdant sur la fin son statut de titulaire,  il a droit à une entrée lors des arrêts de jeu d’un match contre Krasnodar pour lui permettre de recevoir une ovation du public avant son retour au pays pour le KV Ostende – où malheureusement cela ne se passe pas très bien.

Legear en Tchétchénie ? Han ouais

Legear est sans doute un des joueurs les plus folkloriques de ces dernières années en Belgique, attirant malheureusement un peu trop l’attention par ses frasques en dehors du terrain. Formé au Standard, il rejoint très jeune Anderlecht, ce qui lui vaut une haine féroce et les moqueries des supporters liégeois. Devenant une des pièces maîtresses de l’équipe d’Anderlecht, l’ailier vivace commence à être appelé en équipe nationale et est transféré en août 2011 au Terek Grozny, dans le scepticisme le plus complet, à la demande de Ruud Gullit. Il va sans dire que l’idée de voir Legear côtoyer Kadyrov amusait à l’avance la presse belge, cependant, Gullit partit, tant sous Stanislav Cherchesov  que Yuri Krasnozhan, Jonathan se trouve être un second choix derrière le polonais Maciej Rybus. Cela se passe d’autant plus mal qu’il accumule les blessures et ne s’adapte pas à la vie en Russie. Pourtant, il est rejoint en 2013 par un ancien d’Anderlecht, Kanu (25), un joueur de Zulte Waregem, Jeremy Bokila, et l’ex-Standardman, Georgh Grosav (22), mais rien n’y fait. De plus, le club de Grozny ne parvient pas à s’imposer en championnat et Kadyrov semble moins disposé à jeter l’argent par les fenêtres. Le joueur avait de toute façon brûlé ce qui lui restait de crédit en octobre 2012 où, au volant de sa Porsche Panamera, explose une station-service, à Tongres, en état d’ébriété. Le joueur est la risée de toute la Belgique et provoque la fureur de ses dirigeants.

Il déclare ensuite à Sport/Foot Magazine« J’irai jusqu’au bout de mon bail et j’aurai un nouvel employeur en juin », expliquant avoir deux offres d’équipes qualifiées pour les huitièmes de finale de la Ligue des Champions pour le mercato arrivant, mais préférer rester, car « je serai gratuit et il sera donc plus simple pour les clubs de m’embaucher ». Le joueur affiche finalement une courbe rentrante face à la presse russe, affirmant à Sport-Express que ses propos avaient été déformés et qu’il allait s’en expliquer avec le journaliste concerné  « les yeux dans les yeux ».

Mais ces propos n’ont visiblement pas été appréciés par son président Magomed Daudov qui fustige le joueur sur le site du Terek Grozny « Ce n’est pas la première fois qu’il dégrade ainsi l’image de notre club. Il n’en a pas le droit. Nous n’attendons qu’une chose : la fin de son contrat. Nous aimerions bien nous débarrasser de lui. Mais même avec sa réputation, le club n’a reçu aucune offre pour ce joueur. Personne dans le monde du football n’a oublié son accident dans une pompe à essence alors qu’il était sous l’emprise de l’alcool. Il devrait jouer au football et s’entraîner dur, comme ses équipiers. Ce sont surtout les cafés belges qui lui manquent ».

C’est donc sans surprise que le Terek et le joueur résilient le contrat les liant en janvier 2014. Il signe ensuite à l’Olympiakos qui le prête au FC Malines, il rejoint ensuite Blackpool où il ne joue pas puis le Standard où, curieusement, le public lui pardonne et parvient même à s’attirer une certaine sympathie, mais après deux saisons où il n’arrive pas à faire son trou, il part un cran plus bas à Saint-Trond. Un énorme gâchis sportif.

Tant que nous sommes dans le Caucase, évoquons le cas de l’Anzhi Makhatchkala qui a eu un impact important sur la compétition nationale belge. Sous la direction du milliardaire Suleyman Kerimov, qui racheta le club en 2011, le club du Daghestan prend une dimension planétaire en attirant Samuel Eto’o ou encore Roberto Carlos. L’Anzhi vient également piocher dans le championnat belge en recrutant intelligemment le très bon défenseur brésilien Joao Carlos de Genk, le Néerlando-marocain Mbark Boussoufa d’Anderlecht et Mehdi Carcela-Gonzalez, pur produit du Standard de Liège qui possède la triple nationalité marocaine/belge/espagnole et grand espoir du football belge qui finira par opter pour la sélection du Maroc. Sportivement, tout se passe bien jusqu’à la décision de Kerimov, en 2013, de cesser d’investir massivement dans le club. Joao Carlos part au Spartak Moscou, Boussoufa au Lokomotiv et Carcela rentre au Standard pour ensuite connaitre une carrière en dent-de-scie malgré un talent évident et être désormais inclus dans la liste des joueurs dont voudrait se débarrasser cet hiver l’Olympiakos.

Witsel, déjà bien à l’Est

Le plus talentueux des joueurs belges à rejoindre la Russie est sans contestation Axel Witsel. Après s’être révélé au Standard, il part à Benfica et, en 2012, vient rejoindre Nicolas Lombaerts à Saint-Pétersbourg, en compagnie d’Hulk. Très populaire en Belgique, et plus particulièrement auprès des supporters du Standard pour lesquels il a le statut d’idole, son choix suscite la déception. Beaucoup espéraient le voir rejoindre une des grosses écuries du football européen et les critiques sont nombreuses sur un choix considéré comme économique.

Le diable passe cinq années au Zenit où il est une des stars de l’équipe, mais son choix ne convaincra jamais en Belgique qui considère qu’il ne progresse plus et qu’il gâche sa carrière même s’il continue à prester à un haut niveau avec la Belgique. À chaque mercato, on annonce son départ pour un nom plus prestigieux (la Juventus principalement), mais il quitte le club après cinq saisons pour la Chine et le Tianjin Quanjian au désespoir de ses supporters les plus ardents.

Samara prend un coup de belgitude

L’amateur de football belge aura peut-être découvert l’existence du Krylia Sovetov Samara à l’occasion du passage de l’ancienne star d’Anderlecht et du Borussia Dortmund Jan Koller, qui avait fait une brève apparition à Samara en 2008-2009, le géant tchèque, en fin de carrière, y avait planté 16 buts en 46 apparitions.

En 2013, Réginald Goreux, quittait le Standard, son club de cœur, pour tenter l’expérience russe. S’il défend les couleurs de la sélection haïtienne, Réginald a grandi à Liège et a été appelé en  sélection belge U21. Actif deux saisons à Samara où il tire son épingle du jeu, il part en 2014 au FC Rostov où l’expérience est moins heureuse puis rentre en province de Liège en 2015.

Frankie Vercauteren signe le 10 juin 2014 un contrat avec le Krylia Sovetov Samara. Le club s’adjoint les services d’une légende du football belge avec deux Coupes du Monde à son actif et l’introduction dans la légende du football belge du « centre banane ». Après une carrière de joueur fructueuse à Anderlecht et en équipe nationale, c’est tout naturellement qu’il devient entraîneur au FC Malines, à Anderlecht, avec la Belgique comme adjoint et un court intérim peu concluant comme entraîneur principal à Genk avant de connaître un séjour exotique à l’Al Jazira Abu Dhabi, une expérience ratée au Sporting Portugal et en 2014, le Kryia Sovetov Samara qui vient d’être relégué en seconde division. Le succès est directement au rendez-vous puisque sous sa houlette Samara remporte directement le titre, passe une saison 2015 dans le ventre mou du classement, mais l’aventure prend fin avec un début de saison 2016 catastrophique. Le club ne parviendra pas à redresser la barre et sera relégué, alors que son stade accueillera des matches de la Coupe du Monde 2018. Vercauteren est aujourd’hui actif en seconde division au Cercle de Bruges.

Il amène dans ses bagages un défenseur routinier de la première division belge, Jeroen Simaeys qui a passé la majeure partie de sa carrière au FC Bruges et au Racing Genk. Il suit le parcours de Vercauteren et quitte le club à la relégation pour revenir à Leuven en seconde division. En 2015, il fait venir le Trindalien de Malines, Sheldon Bateau, qui quittera le club lors de la relégation pour partir encore plus à l’est, au Kairat Almaty.

Et enfin, il attire Gianni Bruno, un Liégeois qui quitte très jeune le Standard pour le LOSC et est appelé dans toutes les catégories de jeunes belges. Malheureusement, sa carrière au plus haut niveau tarde à décoller et après des passages par Bastia, Evian et Lorient, il rejoint en 2016 Samara (16 matchs/4 buts), mais ne convainc pas vraiment et rejoint cette saison Vercauteren au Cercle de Bruges.

Terminons d’abord notre état des lieux avec Danilo. Fils d’un ancien joueur du Standard et de l’Ajax, le joueur est peu connu en Belgique, la faute à un parcours passé quasi complètement à l’étranger. Passant sans succès des jeunes de l’Ajax au Standard, il file  en 2012 en Ukraine, au Metalurh Donetsk, puis effectue un bref passage au Mordovia Saransk (16 matchs/1 buts) puis retourne au Dnipro et atterrit, en 2016, en Turquie à Antalyaspor.

Enfin, Maxime Lestienne s’est révélé très jeune à l’Excelsior Mouscron, le talentueux ailier rejoint rapidement le FC Bruges où il se montre très convaincant. De grosses prestations lui ouvrent les portes de l’équipe nationale et attisent l’appétit des recruteurs. Une offre du CSKA Moscou aurait été refusée en 2013 par le joueur qui se plaisait à Bruges, mais à la surprise générale, Lestienne signe en 2014 au club qatari d’Al-Arabi qui le prête directement au Genoa puis au PSV. L’année 2016 est très compliquée pour Lestienne qui perd ses deux parents en peu de temps et est ensuite arrêté après une bagarre en compagnie de son équipier Jeroen Zoet.

Perdant progressivement sa place dans l’équipe du PSV, son départ devient donc inéductable et, en juillet 2016, le PSV annonce son transfert au Rubin Kazan. Destination surprenante le faisant disparaitre des radars belges. Pour Championnat.com, il indique venir en Russie pour repartir du bon pied, soulignant sa jeunesse difficile, son manque de sérieux et que c’était l’occasion pour lui de redémarrer à zéro dans un endroit où il n’était pas connu pour ses frasques.

Malheureusement ses bonnes intentions ne seront pas suivies d’effets et la discipline posera à nouveau problème. Même si depuis son récent mariage il se serait assagi, il semble que son crédit à Kazan soit épuisé. Malgré quelques fulgurances, il joue peu et devrait quitter le club au plus vite.

Viktor Lukovic


Image à la une :© VIRGINIE LEFOUR / BELGA MAG / BELGA via AFP Photos

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