Notre dispositif Coupe du Monde est bien en place et comme chaque jeudi jusqu’à l’ouverture de la compétition, nous vous proposons un article qui fait le lien entre un pays qualifié pour la compétition et le pays organisateur. Ce jeudi, c’est l’Angleterre qui est à l’honneur avec David Bentley, seul représentant de cette nation à avoir évolué dans le championnat russe.


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En football, sans doute plus que dans n’importe quel autre sport, il n’est pas rare de voir un joueur passer, en un rien de temps, de l’ombre à la lumière. Un but incroyable, un geste de génie, et c’est tout un stade qui s’enflamme, alors que les médias se laissent aller à des comparaisons plus élogieuses les unes que les autres. Ainsi, combien de « nouveaux Zidane » ont émergé ces dernières années ? Camel Meriem, Mourad Meghni, Yoann Gourcuff ou encore Marvin Martin ont, à un moment donné, été vus comme étant les dignes héritiers de l’emblématique meneur de jeu des Bleus. Aucun d’entre eux n’a cependant confirmé dans la durée et tous sont, à des degrés divers, revenus dans le sillage d’une carrière bien moins éclatante que celle qui leur était promise.

« David Bentley est l’héritier naturel de David Beckham »

David Bentley fait partie de cette catégorie de joueurs, dotés d’un talent indéniable mais assimilés de manière excessive à des légendes du ballon rond. Lui n’a pas été comparé au double buteur de la finale du Mondial 1998, mais à David Beckham. Même prénom, même nationalité, même faculté à attirer l’attention de la gent féminine… et, surtout, mêmes débuts prometteurs. Formé à Arsenal, Bentley signe son premier contrat pro chez les Gunners en septembre 2001, à l’âge de dix-sept ans. Ce n’est cependant pas sous les ordres d’Arsène Wenger que le jeune ailier parvient à réellement s’épanouir, ni à Norwich, où il est prêté lors de la saison 2004-2005, mais à Blackburn. Le natif de Peterborough s’engage avec les Rovers en janvier 2006, son prêt ayant été jugé concluant par les dirigeants du club du Lancashire. Pour fêter cette signature, il inscrit un retentissant triplé face à Manchester United (4-3) lors du match qui suit.

David Bentley joue un rôle loin d’être négligeable dans le probant exercice des Bleu et Blanc, qui terminent sixièmes de Premier League. Positionné à droite la plupart du temps, l’ailier anglais continue de monter en puissance en 2006-2007 (sept buts, treize passes décisives). En parallèle, il se fait remarquer chez les Espoirs, devenant notamment le premier Anglais à marquer dans le nouveau Wembley, le 24 mars 2007 face à l’Italie (3-3). Des bonnes prestations qui n’échappent pas au sélectionneur national de l’époque, Steve McClaren, qui l’aligne pour la première fois au sein d’une équipe d’Angleterre « B » en mai 2007, contre l’Albanie (3-1). Les comparaisons avec Beckham sont récurrentes cette année-là, « David Bentley est l’héritier naturel de David Beckham », écrit même un journaliste du Telegraph, et l’entraîneur des Three Lions ne les trouve pas illogiques. « Son pied droit est assez similaire à celui de David, révèle ainsi McClaren au Lancashire Telegraph. Il a un toucher de balle formidable et peut délivrer de superbes passes. »

En échec à Tottenham, en Russie pour se relancer

C’est avec ce statut de jeune néo-international bourré de talent que Bentley débarque à Tottenham, à l’été 2008. Sa cote est alors au plus haut. Mais elle ne va plus cesser, par la suite, de chuter. Auteur d’un petit but seulement en championnat lors de sa première saison chez les Spurs, l’ancien Gunner est trop inconstant dans ses performances. Il subit en outre une rude concurrence et prend régulièrement place sur le banc des remplaçants. Il faut dire que Harry Redknapp ne compte pas vraiment sur l’international anglais, dont les prêts à Birmingham puis à West Ham (où il se blesse gravement à un genou) s’avèrent décevants. Il n’entre pas non plus dans les plans d’André Villas-Boas, qui s’asseoit sur le banc du club londonien à l’été 2012. Sollicité par plusieurs clubs de Premier League, l’intéressé prend tout le monde à contre-pied en décidant de rejoindre… une formation russe. Ce qu’aucun footballeur anglais n’avait fait jusqu’alors.

Bentley
David Bentley sous le maillot de West Ham, en septembre 2011 – Wikimedia Commons / Ben Sutherland

En septembre 2012, David Bentley se rend en effet en Russie, et plus précisément à Rostov, où il est prêté pour quelques mois. Un choix pour le moins surprenant mais qui n’a pas du tout été fait à contrecœur par le joueur de 28 ans. Ce dernier a beaucoup voyagé durant sa jeunesse, son père ayant été pilote au sein de la Royal Air Force. Par conséquent, tenter sa chance à l’étranger était une possibilité qu’il gardait en tête. Et le challenge en lui-même ne l’a pas laissé insensible. « Je me souviens d’un coup de fil reçu un mercredi pour me demander si j’avais envie d’aller là-bas, raconte-t-il au Mirror. Être le premier Anglais à jouer dans ce pays… Je me suis dit : ‘’Pourquoi pas ?’’, et le vendredi j’étais en route pour Rostov. Des discussions avec des joueurs ont chassé mes doutes. J’en ai parlé avec d’anciens coéquipiers de Tottenham, Stipe Pletikosa, Vedran Ćorluka et Roman Pavlyuchenko. Ils m’ont affirmé que je n’avais absolument rien à craindre. Et ils m’ont assuré que le niveau de la RPL était très élevé. »

A Rostov, huit petits matchs et puis s’en va

Le niveau du FK Rostov, lui, est incontestablement un cran au-dessous de celui des cadors de la RPL. Maintenus de justesse en 2011-2012, les Selmashi viennent de réaliser une entame de championnat encore très délicate (une victoire en sept rencontres) quand Bentley pose ses valises sur les bords du Don, au même moment d’ailleurs qu’un certain Florent Sinama-Pongolle. De retour à la compétition pour la première fois depuis octobre 2011 et sa blessure à un genou, le Britannique dispute l’intégralité de la rencontre remportée par son équipe face au Dynamo Moscou (1-0). Régulièrement titularisé, l’international anglais est en charge de tirer les coups de pied arrêtés et devenir un leader de son équipe dans l’entrejeu. Les résultats ne suivent cependant pas, Rostov reste englué en bas de classement et Bentley, qui n’est pas dans une forme optimale, peine à faire la différence. Peu en phase avec l’entraîneur Miodrag Bozovic, le joueur originaire du Lancashire n’est pas conservé et retourne donc à Tottenham à l’issue de son prêt, en janvier 2013. Son bilan avec les Muzhiki est loin d’être inoubliable : en huit matchs toutes compétitions confondues, il n’a pas inscrit le moindre but ni délivré de passe décisive.

Forcément décevante sur le plan sportif, cette expérience a néanmoins eu le mérite d’être personnellement enrichissante. Marqué par son déplacement en Tchétchénie pour y défier le Terek Grozny – « C’était assez étrange de voir des soldats armés de mitraillettes, de snipers et avec des chars à quasiment toutes les intersections, » a-t-il avoué au Mirror –, David Bentley a effectivement affirmé avoir apprécié son bref séjour passé en Russie. Et ses contre-performances traduisaient peut-être un problème plus latent. En juin 2014, après plus d’un an sans jouer, l’ex-ailier des Spurs annonce prendre sa retraite, à 29 ans seulement. « J’ai perdu l’amour du jeu, » révèle-t-il à Sky Sports, regrettant que le football, gangrené par l’omniprésence de l’argent et des réseaux sociaux, soit devenu « ennuyeux ». Le voilà désormais capable de consacrer davantage de temps à sa famille et à d’autres activités. Depuis qu’il a raccroché les crampons, Bentley a investi dans différents types de commerce, tels que des bars, des restaurants, une compagnie de nettoyage et une boîte de comptabilité. Le temps passe, mais l’Histoire est formelle : celui qui fut jadis considéré comme étant le « nouveau Beckham » reste encore, à l’heure actuelle, le seul Anglais à avoir porté les couleurs d’un club russe.

Raphaël Brosse


Image à la Une : Wikimedia Commons / Алексей Старостин

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