Guingamp rend visite à un Dinamo Minsk meurtri après deux défaites plutôt cinglantes lors des deux premiers matchs. Mais les Biélorusses vont jouer sans pression, eux qui retrouvent les sommets après les avoir déjà côtoyés il y a quelques décennies.
Vendredi 19 novembre 1982. 20 heures 47. Au terme d’une saison couronnée par une victoire sur le Spartak Moscou dans la capitale russe, le Dinamo Minsk est sacré champion d’URSS, un tout petit point devant le grand Dynamo Kiev de Valeriy Lobanovskiy. Le seul titre de champion du club sous l’ère soviétique, un des trois qui a échappé aux deux puissances russes et ukrainiennes. Le Dinamo Minsk est le seul club biélorusse à avoir joué dans la première division soviétique. De ce fait, le club de la capitale, mené par le milieu de terrain aussi génial qu’alcoolique Aleksandr Prokopenko, était le seul que les gens pouvaient soutenir. On trouve là les origines de la popularité du club. Aujourd’hui encore, le Dinamo Minsk reste, malgré l’émergence grandissante du BATE Borisov, le club le plus supporté du pays. Celui qui a une Histoire à raconter, celui qui, à travers le temps, a perduré. Quand beaucoup de clubs biélorusses se sont créés dans les années 60, le Dinamo Minsk jouait déjà chez les grands.
Un oligarque à la manœuvre
Jusqu’à la fin des années 90, le Dinamo Minsk était également le club qui gagnait le plus en Biélorussie, étant largement en avance sur ses concurrents après la chute de l’URSS. Depuis, une sorte de crise perpétuelle gangrène l’institution. Aujourd’hui, le club est propriété de Yuri Chizh, qui est aussi son président. Un personnage haut en couleurs et qui fait partie de la poignée d’oligarques qui dirige le côté économique de la nation. Grand ami d’Aleksandr Loukachenko, président (ou dictateur, c’est selon) de sa personne, il est la deuxième fortune du pays – il était premier il y a peu – et est interdit de séjour en Union Européenne. Il est le PDG de « Triple » qui est une entreprise qui s’occupe de toute une variété d’activités. Tourisme interne, commerce de pétrole, industrie du bâtiment, cafés et restaurants, grande distribution et même des boissons non alcoolisées… bref, tout un attirail de secteurs diversifiés. « Triple » s’affiche d’ailleurs sur les maillots du Dinamo Minsk, un juste remboursement au centre d’entraînement ultra moderne que l’oligarque a offert à son club alors qu’il ne commence que maintenant à sortir le chéquier pour attirer des joueurs (à l’échelle biélorusse). Il se dit que lors de la photo officielle du club, chaque année, les joueurs doivent dire « Chiiiiizh » au moment où le photographe dégaine…
28 entraîneurs en 15 ans
Mais l’homme est, d’un point de vue sportif, un petit fou. Il ne supporte pas de ne pas gagner. Pourtant, le Dinamo Minsk n’a été champion qu’une seule fois depuis que Chizh a repris le club, en 1999. C’était en 2004, après quelques places d’honneur. Que faire, donc, pour soulager ses pulsions ? Chizh a trouvé la solution et licencie des entraîneurs. A la pelle. En 15 ans, le Dinamo Minsk a connu… attention, tenez-vous bien… 28 entraîneurs ! Pour la seule année de 2010, le joli score de quatre coachs se sont succédé sur le banc du club. Heureusement, aujourd’hui, le Dinamo semble avoir – enfin – trouvé le bon. Vladimir Zhuravel, 43 ans, est un ancien joueur de la maison. Avec le club de la capitale, il a remporté de nombreux championnats de Biélorussie quand celui-ci est né. Gagner, il sait ce que c’est. Par chance, c’est aussi un excellent entraîneur qui est parvenu à faire progresser le Shakhter Soligorsk en quatre saisons à sa tête. Cette année, avec son style de jeu hybride entre la possession de balle et la solidité défensive, il tient la dragée haute au BATE Borisov pour la première fois depuis belle lurette et il a réussi à qualifier le Dinamo Minsk pour les phases de poules de l’Europa League en dominant ses adversaires, du 2e au 4e tour préliminaires.
Hermétique en championnat, portes ouvertes en Europa
Face au MyPa, Cluj et au Nacional, les Biélorusses ont impressionné en gagnant cinq de leurs six matchs et en ne prenant que deux buts, tous lors du dernier match au Portugal. Une solidité défensive qui se voit également en championnat puisque le Dinamo n’a pris que 13 buts en 27 matchs, dont quatre lors d’un match (face à Soligorsk…) il y a un mois. Pourtant, après deux matchs, la colonne des buts encaissés montre 9 en Europa League. Fort juste. Le plan ne s’est pas déroulé comme prévu jusque-là. Entre grossières erreurs et différence de niveau sensible, le Dinamo Minsk s’est pris de plein fouet le mur des poules. Si, face au PAOK, le Dinamo a été en-dessous de tout et a littéralement explosé en vol comme les Biélorusses aiment le faire cette année en Europe, le match face à la Fiorentina a été beaucoup plus disputé que le résultat ne le prétend. Le Dinamo est parvenu à mettre en difficultés les joueurs de la Viola à de nombreuses reprises en touchant notamment la barre par Figueredo.
Privé de Bangura, pilier de sa défense centrale, et d’Udoji, son meilleur joueur cette saison, Vladimir Zhuravel devrait aligner son traditionnel 4-2-3-1 avec les deux travailleurs, Voronkov et Nikolic (très bonne frappe de balle), dans le coeur du jeu avec l’espoir, cette fois, de voir les attaquants concrétiser les occasions franches qu’ils avaient eues face aux Italiens. Si le génial Stasevich, Adamovic et Figueredo semblent indéboulonnables, la place de buteur entre Diomandé et Dja Djédjé reste incertaine. Zhuravel pourrait même faire appel au tout jeune Rassadkin. Des buts rendraient fort heureux les quelques milliers de supporters (5.000 face à la Fiorentina, sur 13.000 places) qui feront le déplacement de 80 kilomètres de Minsk à Borisov. Leur stade n’étant pas aux normes UEFA et le stade européen en reconstruction, le club doit s’exporter et jouer à la Borisov Arena, qui a vu les visiteurs marquer sept buts il y a 48 heures. On ne peut qu’espérer un scénario différent et que le Dinamo Minsk pourra profiter de la tendance des clubs français à prendre les clubs « inférieurs » et « inconnus » à la légère.
Quentin Guéguen