Les éliminatoires de l’Euro 2016 vont proposer deux affiches : Suède – Russie le 9 octobre et Turquie – République tchèque le lendemain. Des matchs qui font écho aux rencontres entre ces sélections durant l’Euro 2008 et qui ont donné lieu, à trois jours d’intervalle, à deux rencontres spectaculaires, symbole d’un tournoi qui a marqué le retour en force du football de sélection offensif.
Turquie – République tchèque
Souvent, le terme de « huitième de finale » est employé pour désigner un troisième match de poule décisif (dans le cadre d’une compétition à seize équipes). Ce terme était parfaitement approprié en ce qui concernait la rencontre entre la Turquie et la République tchèque, à Genève.
Les deux équipes étaient en effet a égalité parfaite avant la rencontre : après une défaite initiale face au Portugal (0-2), la Turquie était venue à bout de la Suisse en toute fin de rencontre (2-1).
De son côté, la République tchèque avait remporté le match d’ouverture face aux Helvètes (1-0) avant de s’incliner face au Portugal (1-3). Le vainqueur de la rencontre était qualifié pour les quarts de finale et en cas de match nul, une séance de tirs au but allait avoir lieu !
Seule certitude : en raison du règlement du tournoi qui prenait prioritairement en compte les confrontations directes en cas d’égalité, aucune des deux équipes ne pouvait s’emparer de la tête du groupe car ayant été toutes deux battues par le Portugal.
La République tchèque n’est plus l’équipe qu’elle était quatre ans plus tôt. De nombreux joueurs, dont la star Pavel Nedvěd, ont pris leur retraite internationale après une Coupe du Monde 2006 ratée. Le capitaine Tomáš Rosický était quant à lui forfait en raison d’une blessure qui le tient éloigné des terrains depuis le début de l’année 2008. Quant à Milan Baroš, meilleur buteur de l’Euro 2004, il n’était plus que l’ombre de lui-même. La Reprezentace comptait toutefois quelques joueurs de haut niveau parmi lesquels Jan Koller. L’ancien joueur de Monaco, 2,02 m sous la toise, ouvrait logiquement le score peu après la demi-heure de jeu en reprenant un centre de Grygera.
Logiquement, la République tchèque mène à la pause.
Au retour des vestiaires, le sélectionneur turc Fatih Terim fait sortir son avant-centre Semih Şentürk pour faire rentrer l’arrière droit Sabri Sarıoğlu, replaçant ainsi son meilleur joueur Hamit Altıntop au milieu de terrain.
Le changement tactique ne porte pas ses fruits immédiatement et l’emprise reste tchèque. 62ème minute : Libor Sionko centre pour Jaroslav Plašil qui taclait le ballon au fond des filets gardés par Volkan Demirel. Difficile d’imaginer à ce moment là autre chose qu’une victoire (et donc une qualification) tchèque.
C’est alors qu’Altıntop entre en scène. Celui qui joue alors au Bayern Munich sert tout d’abord parfaitement Arda Turan, héros du match face à la Suisse, qui réduisait le score à un quart d’heure du terme.
Douze minutes plus tard, un centre de sa part allait être facilement capté par Petr Čech. Le portier tchèque, l’un des meilleurs au monde à son poste, se rend coupable d’une erreur inhabituelle, relâchant le ballon devant Nihat (capitaine en l’absence d’Emre) qui ne se faisait pas prier pour égaliser.
À une minute de la fin du temps réglementaire, le duo Altıntop – Nihat se mettait à nouveau en valeur : la passe en profondeur du premier trouvait le second qui battait Čech avec l’aide de la barre transversale. Incroyable : en quinze minutes, la Turquie avait renversé la vapeur et menait 3-2.
Fin de l’histoire ? Non. Dans les arrêts de jeu, le gardien Volkan Demirel perdait ses nerfs et bousculait Jan Koller, ce qui lui a valu de se faire expulser. La Turquie ayant déjà effectué ses trois changements, c’est Tuncay Şanlı, attaquant de son état, qui s’installait dans les buts avec une confiance en lui-même très relative. Un but tchèque aurait signifié une séance de tirs au but avec d’un côté l’un des meilleurs gardiens au monde et de l’autre un attaquant qui ne s’attendait sûrement pas à jouer ce rôle.
La Turquie tiendra bon et finira par s’imposer (3-2) au terme d’une partie incroyable, se qualifiant ainsi pour les quarts de finale.
Quel meilleur symbole que cette rencontre pour qualifier le parcours turc durant cet Euro 2008 ? Au courage, avec une force mentale incroyable, cette équipe se sera glissé jusqu’aux demi-finales en renversant souvent des situations compromises et en terminant avec une équipe exsangue, entre blessures et suspensions.
La Turquie aura ainsi utilisé tous ses joueurs de champs et deux de ses gardiens durant le tournoi. Lors de la demi-finale, perdue face à l’Allemagne (2-3), la sélection turque n’avait plus que quatorze joueurs à sa disposition et le sélectionneur Fatih Terim avait même suggéré avant la rencontre, sur le ton de la plaisanterie, la possibilité de faire entrer son troisième gardien comme joueur de champ.
Turquie 3-2 (0-1) République tchèque
15 juin 2008 – Stade de Genève (Suisse)
Buts : Turquie : Arda (75′), Nihat (87′, 89′) ; République tchèque : Koller (34′), Plašil (62′)
Avertissements : Turquie : M. Topal (6′), M. Aurélio (10′), Arda (62′), E. Aşık (73′) ; République tchèque : Galásek (80′), Ujfaluši (90’+4′), Baroš (90’+5′)
Expulsion : Turquie : Volkan (90’+2′)
Turquie : (23) Volkan Demirel/(22) Hamit Altıntop – (13) Emre Güngör (63′ (15) Emre Aşık) – (2) Servet Çetin – (3) Hakan Balta/(17) Tuncay Şanlı – (6) Mehmet Topal (57′ (18) Colin Kâzım-Richards) – (7) Mehmet Aurélio – (14) Arda Turan/(8) Nihat Kahveci© – (9) Semih Şentürk (46′ (20) Sabri Sarıoğlu)
Sélectionneur : Fatih Terim
République tchèque : (1) Petr Čech/(2) Zdeněk Grygera – (21) Tomáš Ujfaluši© – (22) David Rozehnal – (6) Marek Jankulovski/(4) Tomáš Galásek/(7) Libor Sionko (84′ (11) Stanislav Vlček) – (3) Jan Polák – (17) Marek Matějovský (39′ (14) David Jarolím) – (20) Jaroslav Plašil (80′ (13) Michal Kadlec)/(9) Jan Koller
Sélectionneur : Karel Brückner
Homme du match : Nihat Kahveci (Turquie)
Russie – Suède
La Russie était une sorte de survivante, elle qui n’avait du sa qualification pour l’Euro 2008 qu’à la victoire inattendue de la Croatie en Angleterre lors de la dernière journée des éliminatoires. Survivante aussi car toujours en vie après une entame de tournoi catastrophique : une large défaite (1-4) face à l’Espagne. Sa victoire obtenue face à la Grèce, tenante du titre (1-0) lui offrait un sursis et l’occasion d’aller chercher sa place en quarts de finale face à la Suède.
Les Suédois avaient de leur côté également battu la Grèce (2-0) avant de céder en toute fin de rencontre face à l’Espagne (1-2). La Suède possédait un léger avantage avant de défier la Russie à Innsbruck pour le troisième match du groupe : elle pouvait se contenter d’un match nul pour se qualifier grâce à une meilleure différence de buts alors que la Russie était contrainte de s’imposer.
Aucune des deux équipes ne pouvait terminer en tête du groupe car battues par l’Espagne précédemment.
La sélection emmenée par Guus Hiddink pouvait toutefois compter sur le retour d’Andrei Arshavin. Le numéro 10 russe avait manqué les deux premiers matchs en raison d’une suspension après s’être bêtement fait expulser lors du dernier match éliminatoire en Andorre. Star en Russie, Arshavin s’est révélé aux yeux de l’Europe lors de la campagne victorieuse du Zenit Saint-Pétersbourg en Coupe de l’UEFA quelques semaines plus tôt.
Son retour permettait à Guus Hiddink d’opérer un changement tactique. La Russie abandonnait son 4-1-4-1 des deux premiers matchs pour un 4-4-2. Du côté suédois, Johan Elmander évoluait au poste de milieu droit, Larsson et Ibrahimović étant associés en attaque.
Déterminée, la Russie ouvrait logiquement le score à la 24ème minute. L’avant-centre Roman Pavlyuchenko se trouvait à la conclusion d’une action collective de toute beauté au terme de laquelle l’arrière droit Anyukov se retrouvait dans la surface de réparation suédoise pour servir son attaquant.
La domination russe était totale, symbolisée par un nouveau tir de Pavlyuchenko qui finissait sur la transversale, mais il fallait se méfier. Le vétéran Larsson se jouait notamment d’une défense russe friable pour placer une tête qui achevait sa course sur la transversale.
C’est néanmoins en toute logique que la Russie mène à la pause.
La deuxième période démarre sur les mêmes bases que la première et cinq minutes après le coup d’envoi, Andrei Arshavin fêtait dignement son retour en inscrivant le deuxième but russe. Le passeur décisif ? Yuri Zhirkov, le très offensif arrière gauche qui évoluait généralement comme milieu gauche en club. La qualification était en vue et la Russie, loin d’être rassasiée, continuait sur sa lancée face à une vieillissante arrière-garde suédoise. Le gardien Andreas Isaksson devait s’employer pour éviter à sa sélection une humiliation mais il pouvait aussi remercier son poteau qui a renvoyé une frappe de Zyryanov déviée par Hansson.
La Russie l’emporte finalement 2-0 et se qualifie pour les quarts de finale de l’Euro 2008. C’est la première (et pour l’instant unique) fois de son histoire que la Russie indépendante franchissait le premier tour d’une compétition internationale.
Ce dernier match du premier tour ne constituait qu’une mise en bouche avant le chef-d’œuvre. En quarts de finale, la Russie était opposée aux Pays-Bas, une équipe qui avait mis à genoux l’Italie puis la France lors du premier tour. Sans complexe, la sélection russe l’a emporté après prolongations (3-1) au terme d’un véritable récital.
Bombardée favorite du tournoi, la Russie a eu du mal a digérer son nouveau statut en demi-finales. Épuisée par les efforts fournis lors de ses deux rencontres précédentes, elle s’effondrera face à l’Espagne, futur vainqueur (0-3), mais elle aura marqué les esprits.
Russie 2-0 (1-0) Suède
18 juin 2008 – Tivoli-Neu – Innsbruck (Autriche)
Buts : Pavlyuchenko (24′), Arshavin (50′)
Avertissements : Russie : Semak (57′), Arshavin(65′), Kolodin (76′) ; Suède : Isaksson (10′), Elmander (49′)
Russie : (1) Igor Akinfeev/(22) Aleksandr Anyukov – (4) Sergei Ignashevich – (8) Denis Kolodin – (18) Yuri Zhirkov/(11) Sergei Semak©/(17) Konstantin Zyryanov – (20) Igor Semshov – (15) Diniyar Biliyaletdinov (66′ (9) Ivan Saenko)/(19) Roman Pavlyuchenko (90′ (23) Vladimir Bystrov) – (10) Andrei Arshavin
Sélectionneur : Guus Hiddink
Suède : (1) Andreas Isaksson/(5) Fredrik Stoor – (3) Olof Mellberg – (4) Petter Hansson – (2) Mikael Nilsson (79′ (20) Markus Allbäck)/(11) Johan Elmander – (19) Daniel Andersson (56′ (16) Kim Källström) – (8) Anders Svensson – (9) Fredrik Ljungberg©/(17) Henrik Larsson – (10) Zlatan Ibrahimović
Sélectionneur : Lars Lagerbäck
Homme du match : Andrei Arshavin (Russie)
Article publié sur Moy Futbal
Merci à Karim Hameg, vous pouvez le retrouver sur Twitter et sur son site personnel
J’ai découvert votre site via les cahiers du foot, et ça fait plaisir de pouvoir lire du foot concernant les pays d’Europe centrale et de l’est !
Bien heureux que tu sois arrivé jusqu’à nous, encore plus en provenance des Cahiers !