Temps de lecture 10 minutesConference League : le PAOK, un aigle bicéphale sur la route de l’OM

Pour sa première édition, la Conference League proposera une affiche franco-grecque en quart de finale, avec un duel entre l’OM et le PAOK. L’occasion de présenter un peu plus ce club grec en pleine renaissance, mais toujours un peu méconnu par rapport à ses concurrents.

La forme du moment

Pour ceux qui ne connaissent pas la Superleague, ou même pour ceux qui ne la connaissent que vaguement, le PAOK n’est pas forcément le premier nom qui vient en tête. D’un point de vue français, on pense d’abord à l’Olympiakos et sa colonie francophone, personnifiée par Valbuena, El Arabi, M’Vila, ou encore Modesto et Karembeu dans l’organigramme, pour ne citer qu’eux. On pense aussi au Panathinaïkos, fort d’une histoire européenne de prestige et qui avait attiré l’attention hexagonale lors du passage très remarqué de Djibril Cissé il y a quelques années de cela. Enfin, on pense aussi à l’AEK, dont les liens avec l’OM sont solides – via les ultras des deux clubs – ou encore à l’Aris Salonique, où Koke, l’ancien Marseillais, est devenu une icône après un passage assez moyen dans la cité phocéenne.

Au tour précédent, le PAOK a sorti le club belge de La Gantoise

Pourtant, le PAOK est sans nul doute la deuxième force en présence du côté de la Grèce. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis la saison 2015-2016, le club a fini quatre fois deuxième, a remporté son troisième titre lors de la saison 2018-2019 (en finissant invaincu), et a garni son palmarès de quatre coupes de Grèce, dont trois de suite. Bref, la dynamique du club est sans doute l’un des meilleurs atouts du PAOK, qui a parfaitement su profiter de l’irrégularité de clubs comme l’AEK, le Panathinaïkos ou l’Aris pour aller occuper ce rôle de principal concurrent de l’Olympiakos (et parfois un peu plus), qui truste les titres depuis de longues années malgré un trou d’air récent.

La saison en cours ne déroge pas à la règle, puisque le PAOK, avant cette confrontation face à Marseille, doit encore disputer les demi-finales de Coupe de Grèce (face à l’Olympiakos, en match aller-retour), et sera au minimum deuxième du classement, sauf énorme retournement de situation. Si la saison de l’OM est un peu plus irrégulière – la Ligue 1 étant d’un autre acabit, bien entendu – le PAOK, de son côté, arrivera dans une forme presque étincelante : depuis le 5 décembre, le club était invaincu en Grèce, avec dix victoires et quatre matchs nuls, avant de chuter dimanche 3 avril face au Panathinaïkos (2-1). Sur la scène européenne, une seule défaite (face à Midtjylland en février) est venue obscurcir le tableau, mais le PAOK s’est ensuite qualifié au retour aux tirs au but, avant de battre la Gantoise à l’aller et au retour.

Les points forts du PAOK

  • Revenu au PAOK l’été dernier après un premier mandat couronné de succès, puis un départ inattendu en Arabie Saoudite à l’été 2019, juste après le titre, Razvan Lucescu incarne la stabilité d’un club qui, depuis la prise de pouvoir d’Ivan Savvidis en 2012, a mis derrière lui l’instabilité liée aux dettes financières et aux banqueroutes. Le coach roumain connaît parfaitement le club et ses joueurs (la réciproque étant vraie) avec un effectif qui a assez peu bougé, finalement, depuis le titre.
  • Le PAOK s’appuie sur une base de joueurs d’expérience : l’emblématique capitaine Vieirinha (36 ans), l’Espagnol José Crespo en défense (35 ans), Diego Biseswar (34 ans) dans le cœur du jeu, Jasmin Kurtic (33 ans) ou encore Omar El Kaddouri (31 ans) au milieu de terrain ; sans oublier Alexandros Paschalakis (32 ans) dans les buts. La plupart, à l’exception de Kurtic arrivé cet été, sont au club depuis plusieurs saisons, et connaissent parfaitement l’environnement, mais aussi le style de jeu de Razvan Lucescu.
  • Globalement, le gros point fort du PAOK réside dans son collectif. À l’inverse de certains clubs qui font de bons parcours européens, l’aventure de cette année en Conference League ne repose pas sur le talent d’un joueur largement au-dessus du lot, mais plutôt sur la capacité du groupe à hisser son niveau de jeu après une phase de poules pas forcément très emballante (2e place derrière Copenhague, et devant le Slovan Bratislava et Lincoln Red Imps). En outre, le PAOK est une équipe « pénible à jouer », bien regroupée et qui ne laisse que peu d’espaces à l’adversaire.
  • Actuellement deuxième de Superleague, après trois journées de play-offs disputées sur dix, le PAOK connaît à 80-90% son classement final, à savoir la deuxième place. De quoi libérer un peu l’esprit avant d’aborder cette double confrontation historique face à l’OM qui, de son côté, devra jongler avec l’objectif de la 2e place en Ligue 1, mais aussi un calendrier très relevé et un classement très serré. En outre, la rencontre PAOK-Olympiakos, prévue initialement entre les deux affiches de Conference League, a été reportée sur demande du PAOK. Autrement dit : l’horizon est totalement dégagé de toute interférence et de tout risque de blessure avant le match retour, sauf catastrophe à l’entraînement.
  • Avec 15 pénaltys obtenus en Superleague cette saison, le PAOK est l’une des équipes qui en obtient le plus en Europe (en sachant que la plupart de ces pénaltys ont été convertis, sans oublier une séance remportée face à Midtjylland). Si certains peuvent être jugés sévères (notamment sur les mains), ce chiffre traduit une capacité à obtenir quelque chose dans la surface adverse. Plus globalement, le PAOK est une équipe redoutable sur coup de pied arrêté, que ce soit sur des tentatives directes à l’entrée de la surface, mais aussi sur des coups francs indirects ou des corners, de la tête ou à la retombée du ballon. Méfiance donc du côté de Marseille, car le moindre relâchement sur le marquage ou sur une éventuelle faute se paiera très cher.
  • Si la balance de l’expérience penche du côté de l’OM, celle des titres gagnés sur les dernières années penche très nettement en faveur du PAOK : un titre de champion et quatre coupes de Grèce. Même si cela est à mettre en perspective avec le niveau du football grec par rapport à la France, c’est une expérience qui, au final, peut s’avérer très utile pour aborder ces deux matchs couperets face à l’OM. Surtout en sachant que la colonne vertébrale du PAOK (Paschalakis, Crespo, Vieirinha, El Kaddouri, Biseswar) était déjà présente durant ces titres, et a pu donc transmettre une certaine culture de la gagne aux nouveaux joueurs.
  • Du côté du douzième homme, le PAOK peut compter sur un public de haut niveau, qui sera présent en nombre à Marseille, mais surtout au match retour en Grèce – en sachant que les jauges sanitaires ont été levées. Dans le cas d’un match aller serré et d’un retour ouvert, l’ambiance est une composante qui peut très clairement pencher du côté des joueurs grecs. Même si les Marseillais ne seront pas forcément impressionnés ou tétanisés, puisque déjà habitués des grosses ambiances, les joueurs du PAOK, eux, seront clairement galvanisés, avec un petit supplément d’âme qui peut tout changer.
Jasmin Kurtic est un maître dans l’exercice des coups de pied arrêtés, penaltys inclus.

Les points faibles du PAOK

  • Toute saison réussie se fait, dans la grande majorité des cas, avec une colonne vertébrale inébranlable. De ce côté, le PAOK est un peu en souffrance sur deux postes-clés : celui du gardien, et celui du buteur. International grec, Alexandros Paschalakis est loin d’être l’assurance tous risques dans les buts. Capable d’arrêts réflexes incroyables sur sa ligne, avec un style pour le moins excentrique (ou peu conventionnel, c’est selon), le portier international est aussi coutumier des sorties hasardeuses, que ce soit dans les airs ou au sol, mais aussi loin de ses buts. En pointe, personne ne se détache vraiment. Si Karol Swiderski est parti cet hiver en MLS, Chuba Akpom ne totalise que 10 buts toutes compétitions cette saison (en 40 apparitions), tandis qu’Antonio Colak, revenu de prêt de Malmö cet hiver, peine à trouver son rythme.
  • L’axe central sera à surveiller, après la grosse blessure du jeune Giannis Michailidis (22 ans), qui sera absent pendant de longs mois après s’être fait les croisés alors qu’il avait gagné sa place et était en pleine progression. Du coup, c’est José Crespo qui l’a remplacé, mais l’Espagnol s’est blessé sur le retour face à La Gantoise, avec un retour espéré pour affronter l’OM. À 35 ans, la question du rythme se posera forcément, surtout que Fernando Varela, longtemps écarté pour des raisons extra-sportives, est réapparu fin mars face à l’AEK pour la première fois depuis début décembre. Le Cap-Verdien, âgé de 34 ans, doit aussi retrouver du rythme et de la confiance… L’effectif grec est beaucoup moins large et fourni que celui de l’OM, chaque pépin (ou suspension) peut donc potentiellement avoir des conséquences bien plus grandes.
  • Si le PAOK s’appuie sur des joueurs expérimentés, peu le sont réellement en termes de matchs européens à fort enjeu. En effet, Vieirinha, qui totalise 9 apparitions en Ligue des Champions avec Wolfsburg, est le joueur le plus capé en LDC de l’effectif du PAOK, devant Zivkovic (8 rencontres) et Colak (6 rencontres). Bien loin des 47 matchs de Steve Mandanda, ou des 21 de Dimitri Payet. Plus globalement, la grosse majorité des rencontres européennes des joueurs du PAOK a été effectuée en Ligue Europa, mais surtout lors des tours préliminaires (LDC, Ligue Europa, Conference League) qu’il faut disputer tous les étés. En outre, le club n’a disputé qu’un seul quart de finale européen dans son histoire, en Coupe des Coupes lors de la saison 1973-1974, ce qui tranche avec les parcours de l’OM dans les diverses coupes d’Europe.

Les joueurs à suivre

  • Sverrir Ingi Ingason (défenseur central, 28 ans) : Élément indispensable de la défense du PAOK, l’Islandais est un défenseur qui dispose d’une belle expérience internationale avec son pays (39 sélections, un Euro, une Coupe du Monde), et d’une carrière intéressante (Rostov, Granada, Lokeren). Surtout, au-delà de ses qualités de défenseur qui sont très intéressantes (lecture du jeu, duel aérien, relance), l’Islandais a un très gros sens du but pour un défenseur. Habile de la tête, il est aussi toujours bien placé sur les coups de pied arrêtés, notamment à la retombée d’un ballon repoussé par le gardien ou un défenseur. Méfiance, puisqu’il a marqué 12 fois en 100 matchs avec le PAOK.
Jeu de tête de qualité, sens du but : un vrai défenseur central-buteur !
  • Jasmin Kurtic (milieu de terrain, 33 ans) : Arrivé de Parme cet été, le Slovène marche sur l’eau depuis qu’il a enfilé la tunique du PAOK. Buteur à 18 reprises cette saison toutes compétitions confondues, celui qui compte 289 matchs de Série A excelle dans l’art des tirs au but, mais possède surtout une très belle qualité de frappe, notamment à l’entrée de la surface ou sur les centres en retrait. Principale arme du PAOK, il est aussi un milieu de terrain très complet et dominant au duel, quoiqu’un poil lent. L’OM est prévenu : chaque espace laissé à Kurtic aux abords du but peut s’avérer fatal.
  • Andrija Zivkovic (25 ans, milieu offensif) : Ancienne pépite FM, le Serbe s’est totalement relancé en Grèce après un passage délicat à Benfica. Depuis l’été 2020, il a régalé par une technique fine, une qualité de passe redoutable (notamment sur contre-attaque) et une vision de jeu très au-dessus de la moyenne. Petit gabarit (1,69 m), il a la capacité de rendre fou son vis-à-vis et de créer le danger de manière incessante. Surtout, avec 20 buts et 18 passes décisives depuis son arrivée, il sait être décisif dans les moments importants. Nul doute qu’un quart de finale européen est l’occasion rêvée pour briller.

Le style Razvan Lucescu

Impossible de présenter le PAOK sans parler de la « patte » Razvan Lucescu. Biberonné au football italien, où son père Mircea a passé plusieurs années en tant que coach, le Roumain est un tacticien minutieux qui ne laisse rien au hasard. Et qui exige de ses joueurs de rester dans le cadre tactique défini, par exemple sur le travail défensif à fournir, pour s’assurer que le collectif fonctionne. En près de 150 matchs avec le PAOK, il a essentiellement utilisé un système tactique, à savoir le 4-2-3-1. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne change pas son organisation, comme face à La Gantoise, où il avait renforcé son milieu à l’aller – avec Tsingaras devant la défense puis Kurtic-Augusto un peu plus haut, ou au retour, avec Schwab associé à Tsingaras et Augusto en l’absence de Kurtic. Face à l’OM de Jorge Sampaoli, Razvan Lucescu propose un style beaucoup plus « conventionnel » ou « classique » : les joueurs de couloir, que ce soit Zivkovic ou Mitrita, sont de véritables ailiers de formation. Sur les côtés de la défense, Lyratzis (à droite) et Vierinha (à gauche) sont des latéraux de métier, même si le Portugais a été replacé à ce poste il y a quelques années, lors de son retour au PAOK et en prenant de l’âge. De manière plus globale, le Roumain n’est pas adepte d’un schéma où des joueurs n’évolueraient pas à leur position préférentielle.

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Concernant le style du PAOK, il est difficile de proposer une analyse détaillée, puisqu’en Superleague, beaucoup de rencontres opposent le club à un adversaire assez nettement inférieur, et qui évolue souvent de manière très regroupée en défense, pensant tenir le score le plus longtemps possible. Ce qui fait que la qualité individuelle des joueurs du PAOK s’exprime davantage que la « force » du schéma tactique, au contraire de ce que l’on peut voir en Ligue 1, championnat bien plus homogène et relevé. Ceci dit, le PAOK dispute beaucoup de derbys (Olympiakos, AEK, Panathinaïkos, Aris), ce qui laisse parfois apercevoir ce que Lucescu met en pratique : laisser la possession à l’adversaire pour mieux le contrer, comme lors de la dernière victoire face à l’AEK. Reste à savoir quel style le technicien roumain adoptera face à l’OM : prendre l’OM à la gorge pour profiter des faibles olympiennes, ou miser sur des contre-attaques pour tenir le score à l’aller et s’offrir un retour bouillant ? Impossible à dire. Mais une chose est sûre : Jorge Sampaoli et l’OM vont croiser sur leur route une équipe drivée par un tacticien pointu, qui a sans doute déjà un plan bien précis en tête.

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