Avant une double rencontre européenne face à l’OGC Nice dans le cadre de cette merveilleuse compétition qu’est la Ligue Europa, nous vous proposons une semaine spéciale sur le Lokomotiv Moscou. Second numéro avec le portrait de Viktor Sokolov, l’aigle du Lokomotiv.


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26 octobre 1957, 103 000 spectateurs se sont retrouvés au stade Central Lénine (sa capacité maximale) pour assister à la finale de la Coupe d’URSS entre le Lokomotiv Moscou et le Spartak Moscou. Un derby au sommet qui confronte deux des meilleures équipes du Championnat soviétique du moment et dans lesquelles évoluent la crème des joueurs d’URSS. Composé de Maslachenko dans les cages et d’une ligne offensive de talent avec Bubukin, Voroshilov, Abramov et Sokolov, le Lokomotiv se trouve face à une équipe du Spartak redoutable, composée en majorité de la plupart des futurs champions d’Europe 1960 tels que Netto, Isaev, Simonian, Ilyin, Ogonkov ou encore Tishenko. Mais le Lokomotiv va pouvoir compter sur son attaque de feu pour faire tomber les rouges et blancs. Viktor Sokolov est d’ailleurs celui qui fera la passe décisive à Bubukin pour le but victorieux ! Le Lokomotiv remporte ainsi sa deuxième Coupe d’URSS après celle de 1936, première édition de la compétition.

Le jour suivant, le journal « Gudok » résume en ces termes la performance des cheminots :

« Durant cette compétition, les cheminots ont joué avec enthousiasme. Ils ont joué comme un ensemble plein de maturité, démontrant une grande qualité technique et tactique. Il est difficile de ressortir quelqu’un de l’équipe en particulier, tant ils se sont tous ensemble battus pour la victoire. »

Cette équipe du Lokomotiv a marqué l’histoire du club et notamment Victor Sokolov. L’attaquant, né à Moscou le 28 septembre 1932, est entré au Lokomotiv à l’âge de 23 ans et est vite devenu un des footballeurs les plus importants de l’équipe. Fidèle aux cheminots, il y passera la majorité de sa carrière de 1955 à 1963 avant de finir sa carrière au Dniepr Dniepropetrovsk en 1964.

Le roi des matchs amicaux

Durant ces neuf années passées au Lokomotiv, il jouera 160 matchs et marquera 91 buts. C’est à cette époque, dans les années 50, que le Lokomotiv est constamment dans le haut de tableau du Championnat soviétique mais la première place reste disputée en majorité par le Spartak Moscou (quatre titres) et le Dinamo Moscou (quatre titres). La meilleure performance en Championnat d’URSS aura lieu deux ans après avoir remporté la Coupe d’URSS. Lors du Championnat 1959, le Lokomotiv Moscou termine second du Championnat à seulement deux points du Dinamo Moscou, vainqueur de la compétition. Cette année-là, Viktor Sokolov marqua 14 buts en 22 matchs, un de ses meilleurs ratios de toute sa carrière.

Mais c’est surtout dans les matchs amicaux que Viktor Sokolov explose les compteurs ! Le Lokomotiv, dès 1955, devient ambassadeur du football soviétique à l’étranger et participe ainsi à de nombreuses rencontres avec des sélections nationales ou des clubs étrangers en Europe, en Asie, en Afrique ou en Amérique du Nord. Face à des équipes comme l’Inde, l’Indonésie, le Liban, la Chine ou l’Islande, globalement inférieures d’un point de vue footballistique au Lokomotiv, Viktor Sokolov a pu doper ses statistiques. Malgré tout, Sokolov a aussi pu montrer ses talents face à des clubs tels que Galatasaray, Besiktas, Fenerbahçe, le Werder Brême ou le Rapid Vienne. Si l’on se remet dans le contexte de l’époque, ces matchs d’exhibition avaient une grande importance pour les dirigeants soviétiques qui souhaitaient montrer, malgré la non-participation des clubs soviétiques aux compétitions européennes, l’excellent niveau de leur football. A ne pas comparer avec nos matchs amicaux modernes sans intérêt.

Article de presse lors de la tournée en 1956 fclm.ru

Et les dirigeants soviétiques ne pouvaient que continuer dans cette voix, étant donnés les résultats positifs des équipes soviétiques qui infligeaient des roustes à la limite de l’humiliation. Durant l’été 1956, le Lokomotiv effectua une tournée dans le Nord de l’Europe. Le 23 Juillet, face à une équipe de Reykjavik, Viktor Sokolov plante un triplé portant le score final à 4-0. Les jours suivants face à un club de la capitale islandaise, le Lokomotiv en mettra treize… Au Canada, face à des clubs québécois, les scores fleuves se succèdent : 9-0 face aux « Etoiles du Québec » ou encore un 10-0 contre l’équipe représentant la Province de Manitoba… Rien de mieux pour Viktor Sokolov et ses coéquipiers pour soigner ses stats !

L’aigle un peu fou

En termes de jeu, Viktor Sokolov avait la particularité de faire des gestes compliqués là où les choses simples auraient été préférables. « Dans l’un des matchs contre le Zenit, nous menions au score, jouions la défense et procédions en contre-attaque, raconte Voroshilov. Vers la fin du match, la défense du Zenit, emportée par l’offensive, laissa des espaces et Orel (surnom donné par le grand entraineur Boris Arkadyev, entraineur du Lokomotiv de 1953 à 1957, qui signifie Aigle en français) s’élança avec le ballon sur le flanc gauche des buts adverses. Avec Bubukin, nous nous précipitâmes dans la même direction. Viktor s’écarta sur la gauche et se retrouva dans un angle impossible. Ivanov, comme n’importe quel gardien normal, jugea la situation et s’écarta de ses buts puisque la seule issue de Sokolov était de faire la passe à moi ou à Bubukin. Mais Orel, quasiment sur la ligne d’en-but, frappa au but et marqua ! Ivanov se prenait la tête des deux mains et nous avons rejoint Viktor avec l’envie de le frapper. »

« T’es devenu fou ou quoi ? Et si tu n’avais pas marqué ? » Il sourit et déclara « mais j’ai marqué ! » puis retourna au centre du terrain en trottinant. »

Viktor Sokolov en action | football99.ru

C’était donc un vrai buteur, réputé pour ses boulets de canon et ses buts étonnants. Il reste le meilleur buteur soviétique du Lokomotiv et fut dépassé par la suite par Dmitri Sytchev (92 buts) et Dmitri Loskov (128 buts). Sa carrière internationale fut quasi-inexistante avec un seul match joué avec la Sélection Olympique soviétique contre la Bulgarie en septembre 1959. Il est vrai qu’à cette époque, les grands attaquants soviétiques comme Ilyin, Simonian ou Streltsov laissaient peu de place en Sélection nationale.

Il resta après la fin de sa carrière très proche du Lokomotiv et eut quelques expériences comme entraineur avec le Shakhtar Karaganda (Kazakhstan) ou avec la Sélection tchadienne de 1967 à 1968 et de 1970 à 1971. Décédé à 80 ans le 23 Novembre 2012, il reste depuis une personnalité incontournable du Lokomotiv de la période soviétique et sa figure trône depuis 2007 dans l’allée d’honneur du club.

Vincent Tanguy


Photo de couverture : fclm.ru

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