Le siège de Vukovar, en 1991, restera à jamais synonyme de l’absurdité de la guerre et de ses conséquences inévitables. Derrière cela, il y a aussi des histoires sportives et footballistiques. Dont celle d’un club qui a déjà figuré dans l’élite croate et d’un joueur au talent brisé.
C’était il y a 25 ans. La ville de Vukovar tombait le 18 novembre 1991 après avoir causé la mort de plus de 1.600 personnes. Les habitants survivants sortaient des ruines, affamés, gelés, humiliés, et obligés par les forces armées de choisir son camp : le côté serbe ou le côté croate. Alors que quelques mois avant, 21 nationalités cohabitaient dans la ville, que de nombreux mariages mixtes étaient célébrés, et que 80% des citoyens se déclaraient athées dans une Yougoslavie laïque. Dans cette cité du Danube, la vie était décrite par tous comme paisible, entourée de vignes et de champs, et prospère grâce ces usines employant des dizaines de milliers de personnes. Le football n’était pas vraiment une priorité à Vukovar, qui n’a jamais été une grande ville de football. Ce qui n’empêchait pas les gens d’aimer se retrouver au stade le dimanche. Les ouvriers de Vutex soutenaient le NK Vutex, ceux de Borovo soutenaient le NK Borovo. Les autres préféraient encourager les joueurs du Sloga, club des Vukovariens de souche qu’ils soient Croates, Serbes, Hongrois, Roumains, Macédoniens ou autres. Sans aucune rivalité malsaine, la ville de Sinisa Mihajlovic n’ayant jamais connue de bagarres entre supporters avant la guerre.
Du pain et des jeux
Il fallait bien y retourner. La guerre finie, le gouvernement croate préparait la réintégration dans la ville traversée par le Danube, d’une partie des 22.000 expulsés après la prise de la ville par les forces serbes. Pour que ce rapatriement se passe de la meilleure des façons, Zagreb avait pensé à tout. Et quoi de mieux pour l’intégration que le football ? Ainsi, à l’été 1998, quelques jours après une Coupe du Monde qui avait fait du bien au moral de tous, le HNK Vukovar ’91 prenait vie. Ou plutôt reprenait vie, comme ces habitants dont l’existence s’était stoppée pendant la guerre. Il fut décidé que ce nouveau club renaîtrait des cendres du NK Sloga. Sauf que ce dernier était encouragé et financé par le gouvernement de Zagreb et aidé par le Croatia Zagreb (Dinamo). En exil à Zagreb, le but des Croates était d’installer définitivement le HNK Vukovar ’91 au stade Sloga, dont ils revendiquaient la propriété, à la place du Sloga serbe rassemblé à la fin de la guerre par les habitants de cette communauté. Le nombre faisant la force, les Croates revenus en nombre reprirent la propriété d’un club qui n’était certainement plus multiethnique. Ainsi, on rejoua dans un stade qui, durant le siège, servait aux Croates à entreposer leurs morts puis, après la chute de la ville, aux Serbes à enterrer une partie des cadavres dans l’enceinte même.
Tout le monde s’arrangea pour faire monter ce nouveau club très rapidement. Parti de deuxième division, Vukovar 91 arriva en première division un an près. C’est ainsi qu’en 1999, le stade Borovo devait accueillir un match contre le Croatia Zagreb. Devait, car le président Franjo Tudjman très lié au club, venait de décéder la veille. Finalement, Vukovar reçut le Dinamo Zagreb – qui avait changé de nom cinq jours avant – en février 2000. Alors que la Croatie était plongée dans l’incertitude, des émeutes se déroulèrent avant le match dû à l’afflux massif des Bad Blue Boys. Dans une ambiance surchauffée et à la limite de l’explosion, devant 5000 à 8000 spectateurs selon les comptes, pour un stade qui ne pouvait pas en accueillir autant, Vukovar arrêta toutes les attaques de Cvitanovic, Prosinecki, Sokota ou Mujcin. Les deux points perdus n’empêcheront pas le Dinamo d’être champion. Vukovar, de son côté, obtint la meilleure affluence de son histoire.
Mais l’histoire dans l’élite ne dura pas longtemps. En fait, une seule saison. En dépit des efforts fournis, Vukovar n’avait pas assez de qualité pour rester en première division et échoua à 3 points de la première place de non relégable. Une défaite cruelle en fin de match contre Osijek à l’avant-dernière journée sonna le glas des espoirs de toute la ville. Le club ne remontera plus jamais dans l’élite, bien qu’il ne soit pas tombé plus bas que la deuxième division jusqu’en 2008. Dès sa première saison à ce niveau, le club marqua les esprits. Alors au bord de la relégation, pour la dernière journée, Borovo accueillait un match couperet contre Sesvete. Une rencontre cruciale que Sesvete a bien tenté d’acheter en promettant de l’argent contre une défaite 1-0. Mais Vukovar sauva sa peau en gagnant 2-0 grâce notamment à un superbe but de Danijel Popovic, considéré comme le meilleur joueur de l’histoire du club. Le stade plein rugit de plaisir, fier d’acclamer une équipe qui n’a pas vendu sa peau.
Danijel Popovic, des étoiles au crash
On aurait pu penser l’histoire de Danijel Popovic, né à Vukovar et formé au club, heureuse. Ce serbe de Croatie a vu sa maison détruite à 9 ans pendant le conflit. Avec ses parents, il la reconstruisit tout en essayant de jouer au football à côté. Rapide et talentueux, il jouait déjà avec les séniors du NK Dunava (Danube en VF) à 15 ans avant de finir de se former à Vukovar. Rapidement, il arriva à se faire une place dans l’équipe première, devenant le premier joueur d’origine ethnique serbe à jouer dans cette institution très croate. Pour l’occasion, la communauté serbe lui trouva un surnom, Tudjman, à une époque où les écoles de Vukovar séparaient les Croates et les Serbes. Peu importe les quolibets, Popovic marqua 11 buts en 14 matchs pour sa première saison en pro. Il gagna même 4 sélections en U21, lors desquelles il inscrivit 4 buts.
Une demi-saison plus tard, auréolé de 22 buts en 15 matchs, celui qui était l’un des plus grands espoirs de sa génération devint une icône à Vukovar. D’autant plus qu’il montra aussi sa force de caractère dans les moments difficiles. Un jour après le décès de sa mère, il appela son entraîneur, bien ennuyé de jouer sans son meilleur élément, pour lui dire qu’il allait disputer le match de coupe contre Rijeka. Un match au cours duquel il marqua deux buts. Bastia, flairant le bon coup, décida de se faire prêter le joueur, mais ne lui donna que l’occasion de briller en CFA. Popovic partit à Osijek, non loin de Vukovar, et il fut à nouveau performant. À tel point qu’il se fit remarquer et signa un pré-contrat avec le Borussia Dortmund. Un pré-contrat qui ne deviendra jamais un contrat. Le destin voulut que Popovic mourût lors d’un accident de voiture à Borovo, quatre jours après avoir inscrit ce qui allait être le dernier tir au fond des filets de sa vie. Une vie commencée à Vukovar, finie 20 ans plus tard à Borovo, tout un symbole !
Au cours de la saison où Popovic étincela, marquant ses 22 buts, Vukovar termina premier de sa poule nord. Une finale contre Sibenik, vainqueur de la poule Sud, devait décider de l’accession en première division. Mais sans sa pépite, Vukovar ne passa pas l’obstacle, perdant 4-3 après un 0-0 à l’aller. « C’était un vol, un braquage horrible, une des choses les plus laides à laquelle j’ai pu assister dans ma carrière. Quand j’y réfléchis, je me dis qu’ils ne voulaient pas avoir trois clubs de première division sur un si petit espace (Osijek et Cibalia étaient alors en prva liga, NDLR), et que rien n’a été laissé au hasard», évoque plus de dix ans plus tard l’entraîneur de l’époque. De telles opportunités ne se présenteront plus jamais. Et en 2008, miné par des problèmes financiers, le HNK Vukovar ‘91 descendit jusqu’à la faillite en février 2012.
Un nouveau projet pour Vukovar
À l’été 2012, la ville reforma un nouveau club sous le nom de HNK Vukovar 1991. Désormais, la municipalité lui verse un peu plus de 100.000€ par an dont une partie sert à financer l’école de football Mali Vukovar, rassemblant 170 enfants qui peuvent jouer au football tout en recevant une bonne éducation. Pour l’équipe première, un plan sur quatre ans a été mis en place pour revenir en deuxième division et aider le club à se stabiliser. Avant de penser, pourquoi pas, à revenir en première division. Dans cette ville où le taux d’activité plafonne à 16 %, où la séparation communautaire est aussi présente que les ruines glaciales et les murs désertés criblés de balles, le football fait figure de seul espoir. Loin du simple passe-temps qu’il était autrefois pour les familles de la paisible et prospère Vukovar.
Damien Goulagovitch
Image à la une : © nogometplus.net
Français d’origine croate, je passe parfois sur ce site en espérant lire des articles intéressants. Malheureusement, la majorité des articles sont rédigés par Damien dont je ne peux que déplorer le parti pris, i.e. un yougo-nostalgisme assumé (voir l’introduction de cet article) et une tendance à dénigrer tout ce qui se rapporte de près ou de loin au patriotisme croate. Tout cela est malheureux car cette approche ne rend pas justice à la nation croate. et ne reflète en rien la complexité du passé et du présent…
Personnellement je ne vois pas ou il dénigre la Croatie ?
Je suis tout à fait d’accord avec ce commentaire. J’aimerai lire d’autres auteurs sur des articles concernant la Croatie.
Donc pour vous si ont critique cette guerre ont est yougonostalgique?
Il faut voir la vérité en face,la majorité des supporters croate sont des fachos pro-Ustashi,auparavant croates & serbes vivait bien et puis voilà!qui critique le patriotisme?
« Il faut voir la vérité en face,la majorité des supporters croate sont des fachos pro-Ustashi »
Il n’y a pas de modération sur ce site?
Les »Za Dom Spremni » durant les matchs contre Israel & la Hongrie ça ne s’invente pas! et la Swastika dessiné sur la pelouse?
Pourquoi devrait il y avoir modération sur mon commentaire?
Les fans croates qui ne se sentent pas visé n’aurait rien a dire sur mon commentaire
Donc si on n’est pas Ustashi on fait parti de la minorité de supporters Croates si j’en suis ta logique?
T’es souvent allé suivre les matchs en tribune? Ou bien tu te contente de suivre les débordements (honteux, je te l’accorde) via internet? J’ai eu la chance de supporter la Croatie lors de nombreux matchs (officiels comme amicaux), ce n’est pas pour autant que je suis ustashi…
Bref, il est manifestement très facile de faire des raccourcis sur ce site, c’est bien dommage car je me réjouissais de me voir proposer sur la Croatie.
J’estime que l’on peut être patriotique sans pour autant tomber dans les clichés de supporter néo nazi.
Mais comme tu le résumes si bien :
« Il faut voir la vérité en face,la majorité des supporters croate sont des fachos pro-Ustashi,auparavant croates & serbes vivait bien et puis voilà! »
On est des fachos et puis voilà…
Ne caricature pas mes propos,j’ai assisté a tout les match de la Croatie lors du dernier Euro et tout c’est bien passé (excepté contre les tchèque mais ça c’est pas du simple hooliganisme) mais si un Simunic ou un autre joueur prenait le micro et venait a crier »Za Dom » tout le stade répondrait »Spremni »! après ce n’est pas forcement une question de Ustashi mais simplement de personnes qui confondent nationalisme et patriotisme